Meknes-Portrait d'une communaute juive marocaine- Joseph Toledano-Rabbi Raphael Berdugo (1747 -1822)

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RABBI RAPHAËL BERDUGO (1747 -1822)

Signataire en premier et le plus souvent initiateur de ces taqanot spécifiques à la communauté de Meknès, il fut sans conteste la figure la plus marquante de tout ce demi -siècle et sans doute la plus grande sommité rabbinique de l'histoire de la communauté. Surnommé l'ange Raphaël, il est le fils de rabbi Mordekhay dit Hamartbitz, et petit fils par sa mère de rabbi Moshé Berdugo, surnommé Roch Masbir. Président du tribunal et chef charismatique de la communauté, il lui laissa pour message l'importance suprême des études sacrées. Alors qu'il était à l'agonie, entouré de tous les rabbins et notables de la ville, il délia de son serment de secret un de ses compagnons d'études, rabbi Yossef Maimran et lui demanda de raconter ce qu'il avait vu telle nuit. Rabbi Yossef raconta alors comment une nuit, n'arrivant pas à résoudre une question de Halakha particulièrement ardue, il avait osé malgré l'heure très tardive, se rendre chez rabbi Raphaël pour solliciter ses lumières. Il le trouva plongé dans l'étude, une ficelle enserrant ses cheveux reliée à un clou dans le mur. Il lui expliqua que de cette manière s'il venait à s'endormir involon­tairement, la ficelle lui tirerait les cheveux et le réveillerait. Pour plus de pré­cautions, il avait disposé à ses pieds un bac plein d'eau afin que s'il venait à s'assoupir, son pied plonge dans l'eau et le réveille. Il lui avait interdit de raconter ce qu'il avait vu, de crainte que cela ne soit interprété comme une manière de se mettre en valeur, mais maintenant qu'il était à l'article de la mort et ne pouvait plus en tirer aucune gloire, il avait voulu donner cela en exemple pour que "vous adonniez toujours nuit et jour à l'étude de la Torah sans jamais vous décourager, car elle est la source de notre vie… ".

Loin de se cantonner dans sa fonction du président du tribunal, il intervint avec énergie dans tous les domaines de la vie communautaire – des questions proprement religieuses aux problèmes sociaux et économiques. Dans son sou­ci d'un code de conduite de la vie communautaire, il entreprit la mise à jour de la compilation des Taqanot des Sages de Castille adoptées à Fès entre 1493 et 1753, compilation qui devait servir de base à leur impression pour la première fois par rabbi Abraham Encaoua de Salé dan son livre Kérem Hémer (Livourne, 1871). Cette source de réglementation tarie, il donna une impulsion décisive à l'autonomie de la communauté en inaugurant le Livre des Taqanot de Meknès, qui devait regrouper les taqanot adoptés dans la ville de 1750 à 1820, dont au moins un tiers prises à son initiative. Ce recueil a servi de base à la publication par le docteur Maury Amar de Paris des deux volumineux tomes des Taqanot hakhmé Meknès (Jérusalem 1999 – 2010) qui nous ont servi de précieuse source dans ce livre. Dans ces taqanot, et ses livres, rabbi Raphaël puisait son audace exceptionnelle dans sa forte personnalité, son extrême érudition reconnue de tous, bien au -delà de Meknès, et dans son souci du bien public.

C'est ainsi par exemple que mettre fin aux dommages causés par les bêtes errantes dans les rues du mellah, il avait fait adopter en 1796 une taqana qui, pour pouvoir poursuivre plus efficacement les propriétaires négligents, fai­sait une entorse aux règles traditionnelles en matière de témoignage 🙂

" On ne connaît que trop les désagréments causés par les bêtes errantes qui pénètrent dans les maisons et les cours causant toutes sortes de dommages, délits qui restent le plus souvent impunis, faute de témoins autres que les femmes. Aussi, avons -nous décrété que l'auteur du dommage pourra être condamné à réparer, même sur la base d'un seul témoin (alors que la loi en exige ordinairement deux), ou celui d'une femme (dont le témoignage n'est pas valable au tribunal rabbinique) ou même d'un enfant (dont normalement le témoignage ne peut être retenu), s'il est suffisamment éveillé. Même si leur témoignage n'est pas clair et sans équivoque, le juge sera habilité à prononcer la réparation s'il est convaincu qu'il y a eu effectivement dommage. Jusqu'au paiement de la réparation, la bête responsable restera saisie et en cas de refus de réparation, il sera possible de se payer sur elle en la vendant au plus offrant. Car il n'est que justice que ceux qui négligent de surveiller leurs bêtes, en supportent les conséquences..

Autre taqana à caractère éminemment social, celle adoptée suivante, en 1797 et qui allait devenir la norme, protégeant les locataires. Pour être plus facile­ment compréhensible, elle fut rédigée en judéo -arabe. Adaptée au calendrier hébraïque, elle tenait compte du fait que dans la société juive traditionnelle l'année économique commençait au printemps, au lendemain de Pessah :

"A dater de ce jour, le propriétaire d'une maison ne peut en expulser le locataire avant la fin de l'année (qui commence au début du mois de Iyar (avril -mai) et se termine au mois de Iyar de l'année suivante); que ce soit pour la louer à un autre, soit même pour y habiter lui -même. Il sera de même interdit d'augmenter le loyer au cours de cette période. Même si le contrat stipule une location pour six mois, il ne pourra l'expulser avant le premier jour du mois de Iyar… "

Pour rendre plus compréhen­sibles les actes de divorce, il y introduisit une traduction en ju­déo -arabe. Dans le même sou­ci pédagogique, il mit à jour la traduction en arabe des textes sacrés, en premier lieu le Pentateuque, qui avait subi au fil des siècles de graves altéra­tions. Cette version écrite devait prendre le relais de la traduction orale, shrh connue, "afin de cor­riger les erreurs transmises par les maîtres.

Ce livre permettra au mélamed d'éviter la transmis sion d'interprétations erronées au mélamed d'éviter la transmis

ou tordues. " Effectivement le livre Lashon limoudim, bien que non imprimé, fut désormais entre les mains de tous les enseignants de la ville, recopié à la main à toutes les générations. Ce n'est qu'en 2001 que le livre, avec un grand appareil critique scientifique, a été publié par le président de l'Académie de la Langue Hébraïque, Moshé Bar Asher.

Paradoxalement la communauté en tant qu'organisme, bien qu'elle n'ait d'autre idéal que la perpétuation de la tradition, ne prenait pas en charge l'éducation religieuse primaire des enfants mâles – les femmes en étant exemp­tées – sachant pouvoir compter sur la vigilance des parents qui trouvaient toujours un mélamed pour préparer leurs fils à la vie religieuse. N'ayant pas de responsabilité directe dans l'éducation, il fallait toutefois lever les éventuels obstacles à son développement. Dans l'extrême promiscuité du mellah, le bruit des élèves récitant à haute voix les versets pouvait être une gêne certaine pour les voisins – mais il fallait qu'ils la supportent. C'est le sens de taqana qu'il édicta en 1798 :: " Les voisins ne peuvent interdire aux maîtres de donner des cours aux jeunes enfants dans leur domicile. Toutefois, pour ne pas leur donner des causes de plaintes; ces derniers devront surveiller en permanence leurs élèves. Ils doivent également s'engager à rembourser tous les dégâts éventuels que leurs pupilles pourraient causer dans la cour commune…"

 

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