Bahloul-Bahtit


Bahloul-Bahtit

BAHLOUL

Nom patronymique arabo-berbère porté aussi bien chez les Juifs que chez les Musulmans. Le sens littéral en arabe est, niais, candide, un peu fou. Ce surnom aurait été donné par dérision à une tribu berbère judaïsée de la grande confrérie des Zenatta qui, contrairement aux autres, aurait persévéré dans son judaïsme jusqu'au VlIIème siècle, et la grande campagne menée contre les derniers infidèles vivant encore librement au Maroc par le fondateur du premier empire musulman au Maroc, Moulay Idriss Ier. Comme l'écrit le grand historien arabe Iben Khaldoun: "une partie des Berbères professait le judaïsme… Parmi les Berbères juifs, on distingue les Djeraoua, tribu qui habitait le massif des Aurès et à laquelle appartenait la Kahéna, femme qui fut tuée par les Arabes à l'époque des premières invasions. Les autres tribus juives étaient les Nefouça, Berbères de lifrikia, les Fendelaoua, les Médiouna, les Bahloula, les Ghiata et les Faza, Berbères du Maghreb El- Aqsa..". Sur la route Fès-Sefrou, existe jusqu'à nos jours un village fortifié juché sur un nid d'aigle et qui porte le nom de Bahloul. Selon la tradition locale, ses habitants juifs (ou chrétiens) se seraient réfugiés sur ce rocher imprenable pour fuir l'islamisation et auraient résisté à tous les assauts jusqu'au XlVème siècle. Une autre tradition rapporte que la tribu berbère des Bahloula aurait fait partie du corps expéditionnaire arabe qui conquit l'Espa­gne, sous la conduite d'un autre chef juif berbère converti à l'islam, le général Tariq, qui a donné son nom au Djebel Tariq, Gibraltar. On peut y trouver un début de confirmation dans l'existence d'une famille Bahloul en Espagne dès le XIIIème siècle. La famille Bah­loul de Meknès est certainement d'ascendance espagnole et s'est réfugiée au Maroc en 1492. On a confirmation de l'origine espagnole de la famille dans le fait que ce patronyme était également porté à Salonique par des descendants de Mégourachim, encore au XVIIIème siècle. Soulignons par ailleurs que c'est chez les Musulmans un prénom mas­culin ayant un sens totalement différent: le rieur, l'homme qui réunit toutes les qualités. Autre orthographe: Balloul. Au XXème siècle, nom très peu répandu, porté au Maroc (Meknès, Casablanca) et par émigration, en Egypte et à Tibériade, et en Algérie (Oran, Alger, Mascara).

  1. SEMAH: Fils de rabbi Yossef. Chef de la Yéchiba de Kairouan, en Tunisie, au Xème siècle, alors que cette première ville, fondée par l’islam au Maghreb, était le centre de Torah par excellence de toute la région, en contact permanent avec les grandes Yéchibot de Babylone. SALOMON. Grand banquier dans plusieurs villes d'Espagne entre 1180 et 1230.
  2. DANIEL: Fils de Yéhouda, rabbin, notaire et kabbaliste à Meknès au XVlIème siècle. 11 fut l'un des plus fervents et des plus conséquents partisans du faux messie Shabtaï Zvi et 1' idéologue du renouveau messianique en 1674 avec l'apparition du nouveau prophète Yossef Abensour (voir Abensour). Dans son ouvrage, "Pirush Flakabala leYossef Abensour", il explique, à l'aide de calculs extrêmement complexes de gématria, que la date de la délivrance devait survenir 1607 ans après la destruc­tion du Temple, soit effectivement en 1675 (1607+68) et non en 1666, comme l'avait prophétisé Shabtaï Zvi. Il justifiait égale­ment la conversion de Shabtaï' Zvi en expliquant que, de même que le Juif naît impur, et ce n'est qu’au huitième jour qu'on le circoncit, de même le Messie devait rester dans son impureté avant de revenir purifié au terme de sa huitième année de conversion. Et pourquoi avait-t-il choisi l'Islam plutôt que le Christianisme ? Parce que toutes les étincelles de pureté qui sont enfouies dans le Christianisme le sont également dans l'Islam et que Shabtaï Zvi devait les regrouper et les reconcentrer avant sa réapparition. De plus, pour qu'arrive l'heure de la Rédemption, il faut que fusionnent le ״hessed״, la bonté et la ״émet״, la vérité. Or, si l'Islam est la religion de la bonté, le judaïsme est celui de la vérité. Leur rencontre marquera l'heure de la délivrance, comme il est écrit: ״elle ouvre sa bouche avec sa sagesse et des leçons empreintes de bonté sont sur ses lèvres״ (Les Proverbes 31,26). Le plus étonnant est que, malgré cet engagement ouvert et total dans le camp du messia­nisme, rabbi Daniel devait conserver (comme le fait justement remarquer Elie Moyal dans son livre sur la crise messianique de Shabtaï Zvi au Maroc) tout son prestige dans la communauté, même après le lamentable échec du mouvement messianique et la conversion du messie à l'Islam. Ce prestige, il l'a même transmis à ses trois fils: Shémouel, Eliezer et Yossef, qui furent également d'éminents rabbins à Meknès. La raison est que, tout en croyant avec ferveur à la mission messianique de Shabtaï Zvi, il n'avait jamais dérogé à l'application stricte de la Halakha et avait catégoriquement rejeté les invitations à porter atteinte à l'orthodoxie en expliquant que, ce qui était permis au Messie (comme par exemple, sa conversion à l’Islam et son refus de jeûner le jour de Ticha Béab), ne l'était pas au commun du peuple.
  3. ELIEZER: Le plus connu des trois fils de rabbi Daniel. Il fut rabbin à Meknès et à Fès. Auteur d'un recueil des sermons et de commentaires des grands rabbins de son époque et des émissaires d'Eretz Israël qu'il avait eu le privilège de rencontrer: ״Maré ,enayim", écrit en 1712, et qui était bien connu sans jamais pourtant avoir été imprimé, de même que son autre ouvrage, un traité sur les plantes médicinales et leurs vertus, recopié à la main de génération en génération. Il épousa une des filles du plus grand rabbin de l'époque, Yavetz, rabbi Yaacob Abensour ,de Fès.
  4. SHEMOUEL: Rabbin à Meknès, première moitié du XIXème siècle. On lui doit, entre autres, la relation du miracle survenu à sa communauté en 1840 et qui donna lieu à l’institution d'un petit Pourim – vite oublié ״ ־Pourim del Ma'gaz״. Les tribus berbères en révolte contre le sultan Moulay Abdelrahman, avaient en effet planifié l'attaque surprise du quartier juif et le lieu de réunion des combattants avait été fixé à deux heures de marche de la ville. Mais à l'heure du grand rassemblement, un orage d'une violence exceptionnelle s'abat­tit sur la région, dispersant aux quatre coins les cavaliers rebelles, ce qui pennit aux troupes royales de les tailler en pièces, et d'assiéger leurs complices qui s'étaient infiltrés dans la tour de garde de la ville, qui s'écroula sur eux. La communauté, qui ne se doutait de rien, n'apprit que le lendemain le miracle qui l'avait sauvée, et en souvenir duquel elle institua un petit Pourim.
  5. MOCHE: Rabbin, né à Meknès en 1809, il ouvrit en 1854 une nouvelle page dans l'histoire de la famille en montant à Tibériade avec toute sa famille. Il fut envoyé comme émissaire de la ville sainte de Galilée en Egypte en 1875.
  6. ELIEZER: Fils de rabbi Moché, né à Meknès en 1849, il monta enfant avec ses parents à Tibériade. Après de brillantes études à la Yéchiva sépharade de la ville, il fut envoyé comme émissaire en 1877 en Syrie, Irak, Kurdistan et Perse. Le succès de cette première mission lui en valut une seconde en 1903, cette fois au Maroc. Mort à Tibériade en 1918.

JOELLE: Professeur d’ethnologie à 1'Université de Bloomington aux Etats- Unis, née à Alger en 1951. Auteur de nombreuses études sur le judaïsme algérien. Elle a publié un traité sur les habitudes et traditions culinaires, leur signification, leur symbolisme et leur importance sociologique chez les Juifs algériens: "Le culte de la Table dressée – rites et traditions de la table juive algérienne" (Paris, 1983) et "La maison de la mémoire. Ethnologie d'une demeure judéo-arabe en Algérie" (1937-1961), sur la maison de ses grands-parents maternels, la famille Séroussi, de Sétif .

BAHTIT

Nom d'origine berbère, porté par la tribu Baha de la confrérie des Berghouta, les premiers habitants de la riche plaine de la Chaouïa au Maroc, qui fut largement judaïsée avant l'islamisation du pays. Encore au VIIIIème siècle, avant l'arrivée de Moulay Idriss Ier d'Arabie, le chef de la tribu portait un nom juif typique: Tarif  Bensimhon, Ben Yaacob, Ben Itshak. Après sa conversion, un de ses fils, Abou Salah, devait même se proclamer prophète et dépositaire d'un nouveau Coran révélé, syncrétisme entre l'Islam et le Judaïsme. Le royaume juif des Bahtit aurait survécu jusqu'à son écrasement définitif en 1029 par l'émir Temon, l'Ifrénide. Une partie de la tribu semble avoir suivi Tariq dans la conquête de l'Espagne, où le nom est attesté dès le XHIème siècle. Le nom est attesté au Maroc dès le XVIème siècle, figurant sur la liste Tolédano des patronymes usuels dans le pays de l'époque. Au XXème siècle, nom extrêmement rare, porté uniquement au Maroc, à Meknès, et par émigration à Tibériade.

  1. YOSSEF: Fils de Yeshaya, descendant d'une famille d'expulsés d’Espagne, mort à Meknès en 1711. Un des plus grands rabbins de sa génération, dont la réputation dépassait largement le cadre de sa commu­nauté. Il fut un des plus parfaits ensei­gnants de son temps et, parmi ses disciples, le premier grand rabbin connu de la famille Berdugo, rabbi Moche, dit Harav Hamashbir, qui avait pour lui la plus grande admiration et le plus grand respect, comme le montre l'anecdote rapportée dans la préface à son livre "Rosh Mashbir". Lorque rabbi Moché maria son fils, il invita en premier lieu son maître vénéré, qui revêtit ses plus beaux atours pour honorer son disciple préféré. Mais en route pour la noce, il fut attaqué par un Musulman qui, depuis des mois, semait la terreur au mellah – impunément, son appartenance à la famille des chérifs, descendants du prophète Mahommed, le rendant intouchable et le mettant à l'abri de toute plainte et de toute poursuite. En entendant cela, rabbi Moché, n'écoutant que son courage, abandonna la noce pour courir venger l'honneur de son maître. Il retrouva l'agresseur, le rossa de coups, le désarma de son épée et lui fit rendre le livre de prières volé au saint homme, il n'accepta de le laisser quitter le mellah que sur la promesse de ne plus remettre les pieds au quartier juif. Malgré les sollici­tations, rabbi Yossef refusa toujours d'abandonner l'enseignement pour se joindre au tribunal rabbinique, et resta près de 70 ans à la tête de sa Yéchiba, dans la synagogue qui portait son nom et qui lui avait été construite par son père, rabbi Yéshaya. A sa mort, il fut enterré, comme les plus grands rabbins, près de la muraille du cimetière, comme pour protéger le mellah. Son tombeau est devenu un lieu de pèlerinage vénéré jusqu'à ce jour. Un figuier ayant poussé sur sa tombe, il n'était plus connu et invoqué – surtout par les femmes – que comme "Moul Elkrma"- ",homme au figuier" – alors que le souvenir de son nom de famille s'était estompé dans la mémoire populaire. Son fils, rabbi Yaacob, poursuivit la tradition d'enseignement. Ses petits-enfants vendirent la synagogue familiale en 1840 avant de monter à Tibériade où la famille s'illustra par une dynastie de rabbins.

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