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La vie juive a Mogador-Salomon Haii Knafo-Presente et annote par Asher Knafo

ברית-brit

Aussi nombre de Juifs préféraient changer d’air à Mogador, car c’était le passage vers les autres régions. Comme le climat y était doux et l’atmosphère politique plus saine, ils s’y installaient pour de bon. Ces Juifs amenaient avec eux d’autres mœurs et d’autres idéaux. Même l’Arabe parlé par eux était mitigé de Berbère. Ceux qui avaient quelque argent s’arrangeaient dans le commerce et y faisaient fortune. Ils étaient destinés à devenir les nouveaux riches et à prendre la place des riches qui avaient perdu leur fortune pour diverses raisons. Ceux qui n'apportaient rien avec eux, se mettaient à faire des petits métiers, domestiques, portefaix, etc.

La plupart, démunis de tout, s’adressaient au comité de la communauté qui les ajoutait à la liste déjà longue des nécessiteux.

Cela étant, la vie menée au Mellah n’était pas sans charme. Seulement, au lieu de cheminer vers le modernisme à grands pas, on y allait tout doucement. La vie n’y était pas moins spirituelle qu’à la Casba, avec cette différence qu’à la Casba l’éducation se faisait en langues étrangères tandis qu'au Mellah, on continuait à enseigner et à parler l'Hébreu et le Judéo- arabe.

C’est pour cela que tous les grands Rabbins étaient presque uniquement issus du Mellah. Toutes les autres fonctions religieuses, les Hazanim – officiants, les Paytanim – chanteurs, les Chohatim – égorgeurs de volailles et de bétail, les écrivains publics et les comptables étaient également remplies par les ressortissants du Mellah.

La Hevra Kadicha était exclusivement composée de Mellahiin – habitants du Mellah. Le Cheikh juif de la ville était choisi parmi les habitants du Mellah. Le Cheikh était un personnage très important. C’'était le chef de la population juive reconnu par les autorités locales. C’'était lui qui intervenait auprès du Pacha pour toutes les démarches concernant cette population. Toutes les instructions adressées aux Juifs passaient par lui. Tous les différends entre Juifs lui étaient soumis en premier lieu. C’est quand il ne parvenait pas à mettre d’accord les protagonistes qu’il soumettait le cas à qui de droit.

L’artisanat était venu du Mellah, tandis que les gens de la Casba se dédiaient au commerce sauf certains qui étaient fonctionnaires.

Coutumes particulières

Pour commencer il y a des coutumes qui leur ont été imposées par les Arabes.

D’abord, pourquoi appelait-on le quartier juif 'Mellah' ? Il y a divergence de points de vue sur l’explication de ce mot. Certains disent que ce nom loue les Juifs. Les principales raisons sont celles qui se basent sur le mot lui- même.

Le mot Mellah vient du mot Melh qui veut dire sel. Quand on veut dire de quelqu’un qu'il est sympathique, on dit qu'il est Melh de même que lorsqu'un aliment n’a pas bon goût, on dit de lui qu’il manque de sel. Pour donner du goût au pain ou à un plat on y ajoute du sel. La population juive sert de sel à la population musulmane. Une ville sans un Mellah peuplé de Juifs manquerait de goût.

Une autre explication dit que lorsque le Sultan faisait couper la tête aux condamnés à mort, il envoyait faire saler leurs têtes pour les pendre à la porte de la ville. On dit que l'acte de salaison des têtes était fait par les Juifs, d'où le nom de Mellah donné au quartier où habitaient ces Juifs. Heureusement, cette coutume n’a pas été suivie jusqu’à nos jours, et probablement, n’a-t-elle existé que dans l’imagination de ceux qui se plaisaient à en parler.

Les costumes

Il semblerait que l’habillement des Juifs était le même partout. Pour les hommes, la Zlabiya – djellaba, en drap pour les riches, en coutil noir pour les pauvres, le Cftane – caftan, blanc bleuté de préférence, ou de couleurs claires. La Bdiîya – gilet avec des boutons ronds en tissu comme chez les Arabes. Le Sroual – saroual qui arrivait aux genoux.

Pour les cérémonies, Bar-mitsva ou mariage, la djellaba est remplacée par la Zoukha – sorte de caftan en drap noir dont les pans flottaient librement devant. Les manches doublées en couleur étaient en partie retournées sur l'avant-bras. Une large ceinture -Hzam complétait le costume. Cette ceinture faisait plusieurs fois le tour de la taille sur le caftan. Elle était filée d’argent ou d’or et était utilisée par les hommes ainsi que par les femmes. En principe un homme ne se faisait faire ce type de costume que deux fois dans sa vie.

Pour les femmes, le costume de gala était ainsi fait : une pièce de drap ou de velours rouge ou vert rectangulaire, drapée autour de la taille qui descendait

jusqu’aux chevilles, bordée sur les côtés au-devant et tout autour en bas par une bande tressée de fils d’or ou d’argent.

Sur la poitrine, un plastron brodé entièrement couvert d’or ou d’argent, retenu par un boléro de velours rouge ou vert dont les pans et l’encolure étaient brodés de même. Les manches très amples étaient en tulle couvrant les épaules et descendant jusqu’aux poignets.

La tête était couverte par une espèce de foulard en tissus de soie légère et brodée d’or, descendant derrière la tête jusque dans le dos.

Une bande blanche brodée de perles véritables ceignait le front et s’attachait derrière la tête. Le tout était surmonté d'une mitre tissée d’or et sertie de pierres précieuses

Les boucles d’oreilles s’adaptaient à la couleur du velours : rubis avec le velours rouge, émeraudes avec le velours vert.

Pour sortir dans la rue, tout le corps est couvert par un drap de laine blanche, à la façon arabe et on ne voyait plus de la femme qu’un seul œil, même en écartant un peu le drap de la figure, on ne voyait rien, car la figure elle- même était couverte par un mouchoir de soie, comme chez les Arabes.

Une vieille coutume pour les hommes consistait à se couvrir la tête par­dessus la Sassia – chéchia noire avec un foulard bleu foncé à pois blancs. Ce foulard était attaché sous le menton. De nos jours très peu de vieillards ajoutent le foulard au port de la chéchia.

On suppose que la méchanceté des Arabes envers les Juifs était l’origine de cette mode. Pour se moquer d’eux, les arabes se permettaient d'arracher leur chéchia aux Juifs. Afin d'éviter ce genre d'aventure et surtout par piété – car un Juif ne doit jamais rester nu-tête – ils ont instauré le port de ce foulard qu’ils nouaient sous la barbe et qui tenait leur chéchia solidement fixée sur leur tête.

Il y avait un autre costume, d’origine algérienne me semble-t-il, en drap brodé pour les hommes, qui comprenait un gilet, un boléro et un saroual bouffant. Les jours de fête on portait par-dessus un burnous très ample.

Les Rabbins se distinguaient par la chéchia rouge qui était bordée d'une bande de soie noire. Ils portaient un châle en couleur, rouge, marron, ou ocre sur les épaules. Une canne complétait le costume rabbinique.

Les marchands qui se déplaçaient en dehors de la ville pour affaires, ainsi que les artisans et les ouvriers portefaix, portaient sur le côté une espèce de cartable en cuir Chkara ou Aquerab suspendu par une courroie ou par un gros cordon sur l’épaule gauche et qui pendait sur le côté droit. On y enfouissait tous les objets de valeur ainsi que les papiers et l’argent. Les papiers étaient enroulés et gardés dans des tubes en fer blanc, l'argent était posé au centre d'un mouchoir dont on réunissait les quatre coins pour les attacher solidement.

Les autres costumes seront décrits dans l’article sur la vie familiale. Cette vie familiale consistait en un ensemble de coutumes qui caractérisaient aussi bien les Juifs de Mogador que ceux des autres villes du Maroc.

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