Les Zaouïas de Sefrou
Les Zaouïas de Sefrou
Image à la une : cette carte postale de 1913/1914 représente le marabout de Sidi Bousserghine, appelé ici Marabout du Fort Prioux (du nom du lieutenant Prioux tué en 1911). L’expéditeur de cette carte, écrite le 26 octobre 1914, commente ainsi la photo : « ceci représente une sorte d’église comme il y en a beaucoup chez nous. Là, les arabes et les marocains vont faire leurs dévotions. Tel que tu le vois c’est tout à fait sur le haut d’une montagne ».
L’article que je vous propose ici est extrait de « Historique de Sefrou », thème d’une conférence des « Amis de Fès », prononcée par S.E. Si Mbarek BEKKAÏ, pacha de Sefrou, le 30 avril 1950 à Riad Caïd Omar à Sefrou. ( Si Bekkaï, pacha de Sefrou depuis 1944, démissionne de son poste en 1953 lorsque que le Sultan Sidi Mohammed ben Youssef est « éloigné », à Madagascar, avec sa famille. Si Bekkaï sera en décembre 1955, premier ministre du premier gouvernement formé par S.M. Mohammed V, après l’indépendance).
Les Zaouias à Sefrou
Au Maroc, d’une façon générale, quelle est la cause de l’existence des confréries religieuses ? Le Coran, qui est une révélation de Dieu et qui constitue un pur chef d’œuvre au point de vue spirituel et temporel, est parfois trop subtil pour la compréhension d’une masse, surtout lorsque celle-ci est illettrée. Même entre les plus grands savants de l’islam, il y eut des divergences d’interprétations sur certaines phrases du Coran, divergences très petites certes, mais elles n’en existaient pas moins puisqu’il y a quatre sectes musulmanes. Nous les citons :
– Hanbalite
– Chaféite
– Hanafite
– MalékiteLe Maroc est entièrement Malékite. Si la constatation que nous venons de faire vaut pour les fins lettrés, elle vaut encore davantage pour le peuple ignorant. Il a donc fallu des initiateurs et des interprètes à une contrée bien imprégnée de l’Islamisme, mais souvent inapte à saisir toutes les nuances et à pratiquer parfaitement les cinq commandements de Dieu.
À Sefrou, il y a un assez bon nombre de sièges de Zaouïas, mais leur rôle original semble nettement en régression, tant et si bien, que dans leur majeure partie, elles ne vivent plus qu’en tant que Mçides, en enseignant purement et simplement le Coran. Je les cite :
1- Zaouïa de Sidi Lahssen ben Ahmed – surnommée Bouqabreïne, parce qu’enterré à Azaba ce saint fut exhumé secrètement par les Ahel Sefrou, pour être inhumé chez eux. Quand les gens d’Azaba apprirent la nouvelle, ils vérifièrent et s’étonnèrent de ce que le corps du Saint homme était toujours en place. C’est ainsi que la légende veut que Sidi Lahssen soit enterré à la fois à Azaba et à Sefrou.
2- Zaouïa de Sidi Mohamed ben Aïssa – Le chef de la Zaouïa est un descendant de Sidi Mohamed ben Aïssa de Meknès.
3- Zaouïa de Sidi El-Khatri – originaire des Angad.
4- Zaouïa de Sidi Mohamed ben Larbi – originaire de Medghra (Tafilalet)
5- Zaouïa de Sidi Abdelkader Jilali – cette zaouïa a été créée par le Caïd Mohamed ou Saïd Barbara, des Aït Youssi.
6- Zaouïa de Sidi El Ghazi – cette zaouïa sert de cimetière à des notables qui achètent des terrains pour enterrer leurs morts.
7- Zaouïa Tijania – Fondée en 1895 par le puissant Caïd Omar El-Youssi.
8- Zaouïa Kittania – zaouïa fondée par les Chorfas Adlounyne de Sefrou, il y a environ 20 ans. Ses adeptes sont les disciples de Si Abdelhaï El-Kettani.
9- Zaouîa des Kenadsa – originaire des Kenadsa de Colomb Béchar.
10- Zaouïa Sadqla – cette zaouïa dont les origines sont totalement ignorées se trouve à El-Kelaa.
11- Zaouïa de Moulay Ali Chérif – cette zaouïa porte le nom de l’ancêtre de la dynastie Alaouïte. Elle fut créée par le Sultan Moulay Abdellah, en vue d’héberger les savants et les notables venant du Tafilalet et appelés à séjourner à Sefrou.
12- et enfin le Marabout de Sidi Bousserghine – sans comparaison aucune avec Sidi Lahssen El-Youssi, qui fait encore autorité dans le monde des lettres arabes et de la philosophie musulmane, et qui fut célèbre à la cour du Sultan Moulay Ismaïl, Sidi Ali Bousserghine, dont les origines n’ apparaissent pas d’une façon très précise, est incontestablement le sanctuaire le plus visité de Sefrou.
Carte de 1920 environ intitulée Marabout Ali Bousserghin.
D’une hauteur voisine de 900 mètres environ, Sidi Ali Bousserghine, domine toute l’oasis qui est tapie à ses pieds. Dans ses alentours immédiats, il existe une source miraculeuse qui a la renommée de guérir la stérilité chez les femmes. Ce Marabout aux tuiles vertes, se situe dans un cadre unique. Il est certain qu’en plus de la foi qui anime les pèlerins qui s’y rendent, venant souvent d’assez loin, il faut ajouter l’attrait du panorama de la ville qui les attire. Sidi Ali Bousserghine est également le rendez-vous de peintres de talent. Il est l’objet d’assez fines toiles.
Ses descendants au nombre de 80, que l’on trouve tous à El-Kelaa, entretiennent et gèrent le sanctuaire de leur ancêtre avec soin. La municipalité vient de placer l’eau courante dans le Marabout et s’apprête à le doter de lumière. Un café-restaurant est prévu dans le voisinage du Marabout, mais sans en altérer la beauté ni en profaner la mémoire. Il y attirera, au contraire, plus de pèlerins qui y trouveront sur place toutes commodités qui les retiendront.
Le marabout qui domine la ville de Sefrou, aperçue à droite
Sidi Bousserghine il y a une dizaine d’années