La fête de Tou-Bichbat-Joseph DADIA

 

« … Un pays qui produit  le froment et l’orge,

   le raisin, la figue et la grenade,

l’olive huileuse et le miel… »

(Deutéronome VIII, 8)

  

La fête de Tou-Bichbat trouve son fondement dans la Michna Roch Hachana, chapitre 1er michna 1 : « Il y a quatre Nouvels Ans… le premier chébat est le nouvel an pour les arbres, selon l’école de Chammaï, le quinze chébat selon l’école de Hillel  ».

Au 16ème siècle, Isaac Louria (1534-1572)  et ses disciples donnèrent une signification ésotérique à Tou-Bichbat, en mettant l’accent sur les rapports étroits entre l’homme et la nature. Ils instituèrent un rituel selon lequel, en cette journée, il faut consommer le plus grand nombre possible de fruits et de céréales, car même par sa nourriture, et à l’aide d’une sélection des aliments consommables, l’homme réalise, pas à pas, la fin des Temps.

Ce rituel de la fête occupe une place de choix dans le livre « Hémdat yamim », publié en 1732, et attribué à Nathan de Gaza (1644-1680). De cet ouvrage, il a été extrait les passages relatifs à Tou-Bichbat, et compilés dans un recueil intitulé « Péri-etz-hadar ».

 L’œuvre de Nathan de Gaza eut beaucoup de résonance et de succès au Maroc, malgré une opposition farouche ourdie par quelques rabbins influents, qui le suspectaient d’hérésie kabbalistique, en tant que propagandiste de la « prophétie » de Shabbatai Zvi (1626-1676), sous couvert d’une soi-disant orthodoxie.

La coutume de consommation de fruits, d’abord de tradition sépharade, devint par la suite une règle commune à tous les juifs de par le monde.

La coutume veut qu’il faudrait consommer au moins douze fruits, comprenant autant que possible les sept espèces qui évoquent par excellence la Terre Promise, et qui sont cités en exergue, étant précisé que le miel en question n’est autre que le palmier-dattier ce, pour affermir le lien indélébile entre la Diaspora et la Mère-Patrie, de même que tous autres fruits qui poussent en Eretz-Israël, en particulier des fruits nouveaux qui n’ont pas été consommés durant l’année.

Les Ashkénazes ont pris l’habitude de consommer en ce jour quinze espèces de fruits, rappelant les quinze premiers jours du mois de Chébat.

Les juifs des Balkans consommaient la veille de Tou-Bichbat  trente espèces, selon une cérémonie, rappelant celle du Séder de Pessah, suivant le rituel de « Péri-etz-hadar ».

Les trente espèces sont réparties en trois catégories :

 

  • Première catégorie : Il s’agit de dix fruits qui se consomment tels quels, et rien n’est à jeter. Ces dix fruits relèvent du «  Monde de la Création, Olam habériah  »:
  • anabim : les raisins;
  • téénim: les figues ; 
  • tapouhim : les pommes ;
  • étroguim : les cédrats ;
  • limonim : les citrons ;
  • agassim : les poires ;
  • habouchim : les coings ;
  • toutim : les mûres ;
  • sorbache : terme d’origine étrangère, drupes d’une certaine variété de sorbier, mangeables une fois blettes ;                           
  • haroubin : les caroubes 
  • Deuxième catégorie : Il s’agit de dix fruits ayant un Seule l’enveloppe est comestible. Ces dix fruits relèvent du « Monde de la Formation, ‘Olam hayétsira » :
  • zétim: les olives ;
  • témarim: les dattes ;
  • goudguédanyiot: les bigarreaux ou les cerises d’hiver ;
  • soufayafasse :terme d’origine étrangère, c’est

                                      « Habb al-mulûk » en langue arabe.

       Dans l’Occident musulman, les cerises.

Cela fait double emploi avec ce fruit déjà cité.

Pour moi, « habb al-mulûk » est un petit fruit à

        noyau, ressemblant à une petite olive noire.

Chair ferme et sucrée, du palmier éventail dit

« Washingtonia filifera » ;

  • fisqous: terme d’origine étrangère : les pêches ;
  • zirgouïlas: terme d’origine étrangère : les prunes ;
  • masmissim: en hébreu michméchim : les abricots ;
  • visnas: je n’ai pas réussi à trouver la signification de ce terme   d’origine étrangère ;
  • aqaranis: j’ignore le sens de ce terme d’origine étrangère ;
  • nispoulas: terme d’origine étrangère : en arabe za’rour,  en hébreu ouzrar, dans le talmud ‘uzrado.

Cela peut être soit l’aubépine monogyne,   soit la cenelle, baie rouge      comestible,    soit l’azerole, de saveur agréable.

  • Troisième catégorie : Il s’agit de dix fruits, où seul l’intérieur est comestible, et l’enveloppe se jette. Ces dix fruits relèvent du « Monde du Façonnement, ‘Olam ha’assiya » :
  • rimonim : les grenades ;
  • égozim : les noix ;
  • chéqédim : les amandes ; l’amandier est le

   Premier arbre à fleurir

  • périssin : (mot d’origine étrangère) : pastèques ou nèfles ;
  • ‘armonim : les châtaignes et les marrons ;
  • louzim : les noisettes ;
  • ‘allonim : les bellottes, glands doux comestibles     

                           d’un chêne connu par les botanistes

 sous le nom de Quercus Ilex L. var. ballotta (Desf.) 

                           fruit apporté sur les souks de Marrakec  vallées de l’Ourika, de la Reraya, etc.;

  • pastouqim : j’ignore le sens de ce terme d’origine étrangère ;
  • phinionis : cacahuètes, arachides, pistaches  
  • maouzisse : les pignons comestibles du pin parasol. 

Ces listes de fruits ne sont pas limitatives. De nos jours, primeurs et fruits exotiques arrivent de partout en toutes saisons de l’année.

Il y a aussi les fruits surgelés, secs et grillés, séchés, conservés et confits, les salades de fruits, les compotes, les gelées et les confitures.

A tout cela, chacun peut ajouter à sa convenance des pains de froment et d’orge, des galettes de maïs, des gâteaux, du vin rouge et du vin blanc, des liqueurs et des eaux-de-vie, des poirés et du cidre.

Celui qui préside la cérémonie prononce une prière spéciale :

 « Que ce soit Ta volonté, Eternel notre Dieu et Dieu de nos ancêtres, que par la vertu de ces fruits que nous avons consommés et sur lesquels nous avons prononcé la bénédiction, les arbres se chargent d’une profusion de fruits, qu’ils grandissent et fructifient du début de l’année à sa fin, pour le bonheur, la bénédiction, la vie et la paix. »

La fête se termine par des chants et des danses. Les Hassidim se rendent après le repas dans les vergers, où ils bénissent les arbres, leur souhaitant une année bonne et prospère.

 Je reviendrai en détail sur l’historique de cette fête et sur son évolution à travers les époques et les lieux, de même que sur sa place dans la poésie et le rituel, en particulier au Maroc et à Marrakech.

Hormis le Professeur Haïm Zafrani, et exception faite de deux ou trois pièces de poètes juifs marocains, le judaïsme du Maroc semble très discret sur le sujet.

« TU-BISHBAT n’est certes pas une solennité remarquable, écrit le Professeur Haïm Zafrani, ni une fête scrupuleusement observée par tout le monde. Elle prend cependant, dans quelques familles marocaines, le caractère d’une festivité qui porte le sceau de l’abondance et de la richesse ; une abondance et une richesse que signale la variété des produits présentés sur une table somptueusement dressée : les sept espèces que célèbre et chante la Bible…une trentaine d’autres espèces…et, plus spécialement, de fruits de saison ou ceux hors-saison qu’on a soigneusement gardés toute l’année pour cet instant privilégié ( de l’orange à la pomme, des jujubes mûres aux gousses mielleuses du caroubier, etc…)… Les enfants ont leur part à la fête, et les pauvres aussi, car on a bien soin de préparer pour les uns et les autres des paquets individuels contenant un peu de tout ce qui a été exposé sur la table et qui a fait l’objet d’une prière et d’un vœu. » 1

 

Joseph DADIA.

A Kervenic en Pluvigner

Le 28 janvier 2003.

 

 

 

 

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