Debdou-Ibn Mechaal, la legende et l'histoire

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Les Cohen Scali, outre leur origine sévillane qu’ils invoquent déjà dans un document datant du dix-septième siècle , se donnent encore une origine illustre; seuls, avec l’ancien clan des Aaronides de Gabès, ils prétendent descendre directement de la lignée des grands prêtres de la famille de Tsadoq de Jérusalem. Leur constitution ethnique, leurs moeurs; leurs superstitions relatives à un Lévite qui leur sont com­munes avec les Cohen de Djerba; leur tendance à se cantonner dans des synagogues à part, etc., rappellent plutôt la constitution des Aaronides de l’Afrique. Quant à leur nom ethnique, sa transcription est la même que celle dont les Juifs et les Arabes transcrivent le nom de Sicile (Sqlia). On serait donc tenté de supposer qu’avant de passer par Séville, ce groupe avait résidé pendant un certain temps en Sicile. Mais il faut observer que la valeur numérique des lettres hébraïques qui composent la transcription actuelle du nom de S C L I équivaut à celle des lettres qui composent le terme de Tsadoq

La transcription de nom pourrait donc être voulue, adaptée selon un procédé très fréquent au Maroc et propre aux cabbalistes, pour établir l’origine jérusalémite dont se réclament les Cohen Scali

Après tout, il se peut qu avant d’aller s’établir à Debdou ou dans ses environs, les Cohen Scali aient habité un certain temps le Mellah de Fès. Vers la fin du quatorzième siècle, ce Mellah était un des centres de ralliement des immigrés juifs venus d’Espagne. On possède un docu­ment témoignant que pendant les troubles qui avaient accompagné le massacre du sultan Abd El-Haqq et de son intendant juif Haron Ibn Santon en 1465la foule s’était acharnée surtout contre une commu­nauté (?) qui occupait un quartier distinct du Mellah et qui était con­nue alors sous le nom de Sakali dont presque tous les membres furent massacrésIl n’en réchappa guère plus de vingt hommes, avec quelques femmes et quelques enfants.

 Il est probable qu’au quinzième siècle la transcription actuelle de ce nom n’avait pas encore été adaptée aux membres de cette famille et qu’il s’agissait toujours du groupe des Cohen Scali : si on considère que ce groupe occupait à Fès un quartier à part, que ses membres ne se mêlaient pas aux autres Juifs du Mellah et que l’on compte encore aujourd’hui des Cohen Scali parmi les notables fassi convertis, notre hypothèse semble bien se confirmer.

Il est encore possible que les Cohen Scali qui échappèrent aux mas­sacres et ne cessèrent jamais d’entretenir des relations avec la classe gouvernante de Fès, aient alors repassé la Moulouya et aient obtenu des maîtres du pays, soit une partie de Debdou, soit un autre point du pays. Dans le meilleur des cas, les membres de cette famille résidaient déjà à Debdou vers la fin du seizième siècle. Quant aux autres groupes de Juifs de la place de Debdou, il est certain qu’avant de s’être établis à Debdou, les Marciano avaient habité la Kasbat el-Makhzen.

Quoiqu’il en soit, on n’entendra plus parler pendant longtemps des Cohen Scali ni même des destinées de Debdou en général. Il n’est point fait mention des membres de cette tribu dans des manuscrits datant d’avant le dix-septième siècle. Encore leur histoire se confond- elle alors avec l’histoire de Ibn Mechâal, souverain juif de la Moulouya, et de sa Kasbah, Dar Ben Mechâal (Dar Mechâal tout court, dans les textes juifs).

Ibn Mechaal, la legende et l'histoire

Rien n’est plus surprenant que de constater, en plein développe­ment de la conscience musulmane au Maroc, l’avènement d’un Juif à la suzeraineté sur l’ancien fief des rois de Debdou.

Ceux qui connaissent la situation réservée aux Juifs en pays berbères en seront moins étonnés. Dans ce milieu réfractaire aux préjugés musulmans, le Juif fait souvent partie intégrante de la tribu.
Il participe à la vie sociale et combat aux côtés de ses voisins, non musulmans. Du temps de Léon l’Africain, les groupes de Juifs guerriers qui combat­taient au service de leurs maîtres berbères étaient très nombreux dans l’Atlas

C’est la dernière époque à laquelle survivent encore des ves­tiges des guerriers juifs de l’Aurès. Jusque dans les régions de Blad el- Makhzen, on voit à deux reprises des combattants juifs faire la guerre pour leurs souverains de Fès.

Une fois, c’est le vizir juif Samuel Valense qui, à la tête d’une troupe de 1400 guerriers, Juifs et Musulmans, va combattre les ennemis de son souverain mérinide de Fès.

Une autre fois, une armée de 3000 Juifs part en guerre pour repousser les Berbères de la capitale des Chérifs saadiens.

Aujourd’hui encore, certains groupes de Juifs de l’Atlas et du Sahara sont, à l’étonnement du voyageur, d’excellents cavaliers.

Lors de la prise du fort de Sehanga (le Figuig) par les Français (1906), les Berbères de la place contraignirent leurs sujets Juifs à com­battre avec eux. Certains préférèrent s’expatrier et aujourd’hui même ils n’osent pas retourner chez eux!

Ces exemples font comprendre comment, dans une province éloignée du centre de l’empire, au milieu d’une population à peine islamisée, dans cette crise politique appelée par les auteurs Arabes les «quarante années des troubles», un Juif influent parvint à prendre le pouvoir.

C’était au milieu du dix-septième siècle. Les Marabouta de la Zaouïa de Dila continuaient à troubler le pays et menaçaient Mohammed Ech-Cheikh le Saadien, jusque dans Fès sa capitale. Des peuplades rebelles parcouraient la ville d’Oujda aux confins de l’Extrême-Sous. Les Turcs qui dominaient à Oujda ne faisaient qu’augmenter les agitations et les dissensions, par l'établissement de tyrans locaux qui dépendaient d’eux et ne songeaient qu’à satisfaire la rapacité de leurs appétits.

Les Marocains résistèrent à cette intrusion étrangère. La famille du chorfa hassanien profite de cette querelle pour que Moulay Mohammed, alors proclamé souverain à Sijilmassa, monte vers le nord et s’empare de l’Angad dont la population arabe se rallie à sa cause. Plus tard, Moulay Er-Rachid reprend les exploits de son frère. Il se rend à Taza, y trouve des partisans et cherche un moyen de s’emparer du pouvoir.

El-Oufrani, contemporain de ces événements, les raconte dans les termes suivants :

«Moulay Er-Rachid s’enfuit de Sijilmassa (par crainte de son frère) et passant de ville en ville, chercha à s’emparer de l’autorité royale. Ses pérégrinations l’amenèrent à la Kasbah d’Ibn Mechâal. Là il trouva un Juif soumis à la capitation qui possédait d’immenses richesses et de précieux trésors; cet homme opprimait les Musulmans et tournait en dérision l’Islam et ses sectateurs. Moulay Er-Rachid chercha longtemps par quel moyen il arriverait à faire tomber ce Juif dans un guet-apens; enfin Dieu lui en fournit l’occasion à la suite d’événements qu’il serait trop long de rapporter ici. Moulay Er-Rachid tua donc ce Juif, s’empara de ses richesses et de ses trésors qu’il distribua à ceux qui l’avaient suivi ou qui se joignirent à lui. Ses forces s’en trou­vèrent multipliées et il acquit, par là, une renommée que les caravanes trans­portèrent au loin.»

10/06/2024

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