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OPERATION YAKHIN. DEPARTS DES JUIFS DU MAROC

OPERATION YAKHIN. DEPARTS DES JUIFS DU MAROC.

Publié le 12/10/2016 à 19:38 par rol-benzaken

A la mort de Mohamed V, les émissaires israéliens obtiennent du roi Hassan II un accord officieux qui permet le départ des Juifs en leur établissant des passeports collectifs.

Là encore, les partants seront rachetés au gouvernement marocain par Israel moyennant espèces sonnantes et trébuchantes.

Ce sera l’Opération Yakhin.

Quand ont commencé les départs des juifs du Maroc ?

Depuis toujours de petits groupes sont partis en Terre Sainte et aussi à l’époque du protectorat français, clandestinement, par Oujda et l’Algérie.

Certains partaient pour l’Espagne et la France, la majorité pour Israël. C’était difficile, car les Britanniques ne les laissaient pas toujours entrer, même pas les rescapés de la shoa. Beaucoup ont été refoulés au port de Haïfa et renvoyés à Chypre.

Comment se déroulait l’émigration clandestine ?

L’émigration des Juifs du Maroc se divise en trois phases : Qadima, Misgeret et Yakhin. Qadima porte le nom de l’Agence Juive qui s’occupait de faire partir les juifs jusqu’en 1957 et du camp de transit qui porte ce nom, et qui se trouve sur la route d’Eljadida (Mazagan), par où passaient les familles d’immigrés pour partir discrètement, malgré les interdictions de la Résidence française, vers l’Algérie et de là, vers Israël. La Misgeret, elle, vient du nom de la branche du Mossad qui s’occupait aussi bien de l’autodéfense juive que de l’émigration clandestine entre le début 1957 jusqu’en novembre 1961. Enfin, l’Opération Yakhin, qui se réfère au nom de l’une des deux colonnes à l’entrée du temple de Jérusalem, est le nom de code d’une véritable évacuation qui s’est déroulée du 28 novembre 1961 à fin 1966, avec l’accord tacite des autorités marocaines.

Quand cette rencontre a-t-elle eu lieu ?

C’est le 1er août 1960 que la rencontre entre Easterman et Moulay Hassan s ‘est effectuée à Rabat. Elle a lieu tard dans la nuit, chez un ami de Moulay Hassan. Le prince héritier avait posé comme condition préalable la discrétion absolue sur la rencontre. La conversation s’est déroulée de manière conviviale et a duré une heure environ, pendant laquelle le prince héritier a fait remarquer, entre autres, que « si ça ne tenait qu’à lui, Israël ferait son entrée dans la Ligue Arabe ». Easterman et le prince abordèrent trois sujets : les méfiances de Moulay Hassan envers certains dirigeants de la communauté juive en rapport avec l’opposition, car il n’acceptait pas que ces derniers entretiennent des liens avec le communisme et la gauche ; les problèmes économiques et politiques du Maroc, du conflit des pays arabes avec Israël et enfin le droit des Juifs à la libre circulation.

Quelles étaient les positions de Moulay Hassan par rapport à l’émigration ?

Le prince héritier confia à Easterman les craintes qu’il avait quant au départ des Juifs. Selon lui cette vague d’émigration risquait de se transformer en une « force grégaire » qui risquait d’entraîner toute la communauté. Par ailleurs, Moulay Hassan, déjà en 1960, affirmait qu’on ne pouvait se permettre de nier l’existence de l’Etat d’Israël mais aussi qu’il fallait ménager ses « frères arabes » en lutte contre l’état juif. Il se devait aussi de jouer apparemment la carte du panarabisme et ne pas permettre officiellement aux Juifs de quitter le Maroc. Fournir de la main d’œuvre à Israël alors que les Etats arabes étaient en conflit avec lui aurait fourni à son opposition et à la Ligue Arabe un excellent argument contre son pouvoir menacé conjointement par le nassérisme et par la gauche « progressiste » pressés de renverser les régimes monarchiques et féodaux. Il a même évoqué un argument surprenant et tout à fait inédit : « Soyons réalistes », a-t-il dit à Easterman, « l’expérience nous a appris que dans le processus de développement de pays venant d’accéder à leur indépendance, la classe défavorisée de la population, désenchantée par les difficultés engendrés par l’indépendance, s’attaque d’abord aux étrangers, ensuite elle s’en prend aux minorités religieuses ». Ainsi, Hassan II avoua pour la première fois qu’il ne croyait plus à la possibilité d’intégrer la communauté juive à la société marocaine nouvelle et ne pensait pas avoir la possibilité de la défendre en cas de problème. Cet aveu princier mettait en dérision tous les fervents militants juifs partisans d’une assimilation totale des Marocains juifs dans la nouvelle société délivrée du colonialisme français et qui rêvaient d’un état laïque et progressiste où la religion ne serait qu’un problème individuel et non une religion d’état imposée par une constitution.

Qu’avait à gagner le futur Hassan II en traitant ainsi avec Israël ?

Hassan II était très lucide et s’inquiétait beaucoup de l’image de marque de son pays dans l’opinion publique mondiale. Il voulait ainsi présenter l’image d’un Maroc évolué, moderne et ouvert au progrès. Il savait aussi que par le biais de la communauté juive, d’Israël et des organismes juifs mondiaux, c’était les investissements américains et européens qu’il courtisait. À cette époque, courait un mythe sur l’influence légendaire qu’avait Israël sur l’administration américaine et sur les bienfaits des investissements qui afflueraient au Maroc grâce à eux. Bien que ce mythe soit très exagéré, Israël n’a rien fait pour le nier, bien au contraire. C’est pourquoi le prince héritier pensait agir au mieux pour le développement économique du Maroc en collaborant avec Israël. À cette époque l’état hébreu représentait pour nombre de politiciens, de manière exagérée, un miracle social, culturel et militaire qu’il était de bon ton d’admirer, tout comme aujourd’hui il est politiquement correcte d’accabler de tous les crimes.

Un accord a-t-il été finalement trouvé ?

C’est un an après cette rencontre que ce que l’on appelle « l’accord de compromis » a été conclu. L’année 1961 est une année charnière dans l’histoire du Maroc et de sa communauté. En janvier, la conférence de Casablanca réunit les chefs d’Etats africains. C’est à cette occasion que Nasser visite le Maroc et que les rares exactions à l’encontre des Juifs sont commises. Il semble que les gardes du corps du raïs égyptien, indignés de voir une communauté juive aussi florissante aient incité les policiers marocains, à procéder à des arrestations aléatoires au cours desquelles des Juifs ont été malmenés à Casablanca.
Deux autres évènements bouleversèrent l’histoire de la communauté juive et déterminèrent son avenir dans ce pays. La nuit du 8 au 9 janvier, un vieux rafiot destiné à faire sortir des Juifs de la côte d’Alhucema, le Pisces (en hébreu baptisé Egoz), fit naufrage avec à son bord 44 immigrants, ce qui a remis en cause les opérations clandestines qui mettaient en danger des vies humaines. Un mois plus tard, pour commémorer l’événement, Alex Gatmon, le chef du Mossad au Maroc, fait distribuer des tracts qui entraînèrent une série d’arrestations à Fès et à Meknès. Les tracts accusaient les autorités marocaines, tout en disculpant le Palais, d’avoir causé, au moins indirectement, le naufrage d’émigrants juifs en route vers Israël. Gatmon voulait faire croire que ces tracts étaient une émanation spontanée de la communauté juive, indignée par les évènements. Après ces deux échecs de la part du Mossad, car c’était effectivement sa responsabilité qui était en cause, le réseau clandestin fut démantelé par la police marocaine en très peu de temps, les volontaires juifs locaux arrêtés et le reste du prendre la fuite précipitamment.

Comment s’est déroulée l’émigration après l’accord ?

Plusieurs conditions préalables ont été exigées par les Marocains : d’abord que les départs ne soient pas effectués par un organisme israélien ; c’est donc l’HIAS qui a été désignée. Ensuite que les départs soient discrets. Ils se sont donc effectués lorsque le Maroc dormait. La nuit, l’aéroport et le port de Casablanca étaient pratiquement sous contrôle israélien… De nombreux rapports du Mossad relatent des relations harmonieuses entre les fonctionnaires marocains et les Israéliens camouflés, relations d’amitié et de compréhension, devenues parfois très affectives. Autre condition : qu’il n’y ait pas de sélection parmi ceux qui voulaient partir. Il était hors de question que seuls les hommes en état de travailler partent avec leur famille, parce que telle était la politique d’Israël auparavant. Il faut se souvenir de ce qu’était la situation d’Israël à cette époque : la récession économique sévissait dans le pays, le taux de mortalité était très élevé dans les camps de transit, les maabarot, et la nourriture était rationnée. C’était la politique de la sélection souvent vécue de manière traumatisante. C’est pourquoi les Marocains ont insisté que des familles entières partent sans distinction, et ne pas laisser aux Maroc les cas sociaux qui ne pouvaient pas subvenir à leurs besoins.

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