La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc Yigal Bin Nun-La politique du jeune état marocain

יגאל בן נוןLa politique du jeune état marocain
Après l’indépendance, le royaume marocain, devait choisir entre la poursuite des relations avec la France, sa culture, sa langue et l’Occident démocratique d’une part, et l’alignement sur les pays du Moyen-Orient, leur politique panarabe et leur relation néfaste avec la population juive, d’autre part. Le statut juridique des Juifs dans le nouvel état n’était pas clair. Les Juifs devaient-ils revendiquer des droits particuliers en tant que minorité ethnique à l’écart du reste de la population, ou bien s’assimiler au sein de la nouvelle société, de sa culture et de sa langue, au point de s’y fondre, à l’instar des communautés juives d’Europe occidentale ? Si la première option comptait peu de partisans dans la classe intellectuelle, car ses adeptes potentiels préféraient tout simplement quitter le Maroc, la seconde eut, dans un délai relativement bref, sa période de gloire. Mais la réalité politique marocaine bouleversa la situation. Bien vite, il s’avéra que ce qui valait pour les Juifs de France au lendemain de la Révolution et pour les Juifs d’Europe occidentale par la suite ne convenait pas au nouvel état arabe et musulman, même après une présence française de quarante ans.
Si l’histoire de la communauté juive du Maroc après l’indépendance n’est pas identique à celle des autres pays arabes, qui expulsèrent bien vite leurs Juifs après la création de l’état d’Israël, elle fut marquée par la crainte permanente d’un avenir incertain et inquiétant, voire d’une éventuelle et imminente catastrophe . La communauté était préoccupée par ces questions déterminantes pour son avenir, pour le meilleur ou pour le pire. Le royaume marocain indépendant devait trancher à leur propos. Ses décisions politiques allaient déterminer le sort des Juifs, soit vers un renouveau individuel et communautaire au sein d’un pays démocratique et moderne, soit sur le départ précipité. En plus du surgissement du conflit du Moyen-Orient au cœur des relations judéo-musulmanes au Maroc, se développa en chaque Juif la crainte de perdre les avantages acquis auparavant par rapport aux Musulmans. La remise en cause de ces privilèges consécutive à l’adoption d’une politique d’arabisation de l’administration publique et du système judiciaire risquait de réduire à néant les avantages d’une éducation française ouvrant l’accès à de postes clé dans la fonction publique. Dans les professions libérales et la bourgeoisie juives régnait un sentiment d’appréhension, provenant de la nécessité de choisir entre la langue et la culture françaises, qu’ils avaient assimilées avec enthousiasme, et le processus futur d’arabisation, porteur d’un bagage culturel musulman défavorable aux Juifs. La crainte de perdre ces avantages à la suite de l’arabisation créa dans la communauté un état d’insécurité chronique, qui ne fit que se renforcer. Le Maroc ne pouvant pas assurer un avenir meilleur à ses citoyens juifs dans un état arabo-musulman, il n’y avait d’autre choix que de partir.
L’histoire du Maroc au cours des sept premières années de son indépendance est aussi celle des échecs de ses dirigeants dans leurs rapports avec la communauté juive. Les jeunes dirigeants du nouvel état qui aspiraient à évoluer vers une société démocratique et moderne échouèrent dans leurs tentatives d’intégrer en son sein une population non musulmane, ancrée dans le pays bien avant l’islamisation et l’arabisation du Maroc. Il convient de préciser que le royaume marocain était l’un des rares pays arabo-musulman à avoir nommé un ministre juif, le Dr Léon Benzaquen, dans son premier gouvernement. En dépit de nombreuses tentatives de garantir la présence juive dans l’état indépendant, le Maroc commit des erreurs qui amenèrent les Juifs à mettre en doute leur avenir dans ce pays. L’erreur la plus grave fut la restriction de la liberté de circulation et les entraves à l’obtention de passeports. Plus les autorités marocaines s’efforçaient de retenir les Juifs dans le pays, plus elles diminuaient leur volonté d’y rester. De ce point de vue, ces premières années d’indépendance constituent un moment décisif dans l’histoire de la nouvelle société marocaine. Ses dirigeants ayant vécu l’humiliation du colonialisme devinrent progressivement plus sensibles aux liens culturels et sociaux avec le monde arabe, et supportèrent sans enthousiasme les pressions de la Ligue arabe et l’influence néfaste du nassérisme. Cet état de chose engendra une politique qui écarta progressivement la possibilité que des citoyens juifs puissent s’intégrer dans le Maroc indépendant, alors que d’autres options plus attrayantes s’ouvraient déjà à eux.

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