Joseph Dadia-Regards sur l'Atlas-Agadir

Agadir-Joseph-Dadia

En octobre 1956, apres la Colonie de Vacances a Mogador avec David Dayan comme directeur, j'allais quitter Marrakech pour Ramsgate dans le Kent, au Sud de Londres, pour y poursuivre mes etudes secondaires jusqu’au baccalaureat au College Montefiore.

Au cours de ma scolarite au College Montefiore, j’ai passe avec succes, en tant que candidat exteme, le BEPC au lycee francais de Londres.

Peu de jours apres mon arrivee a Ramsgate avec mes cinq amis de Marrakech, la guerre de Sinai eclata en Israel. Le directeur et les professeurs ont demande a un etudiant et a moi de faire un discours en hebreu sur cet evenement. Le samedi qui suit cet evenement, a l’heure de ‘Oneg Shabbat, sous la presidence du Rabbin Shlesinger, professeur de Talmud au College Montefiore et Professeur de Physique a l’Universite de Londres, j’ai ete designe pour improviser en hebreu un discours de mon choix. J’ignore pourquoi moi, alors qu’il y avait d’autres eleves, legerement plus ages que moi, qui maitrisaient aussi l’hebreu. Je ne citerai qu’un nom : mon tres regrette ami David Revah Zal de Rabat.

Pour les scenes de theatre que nous jouions, le premier role m’etait toujours attribue. Nous avions mis sur pied une petite troupe avec distribution des roles a chacun des comediens. Les costumes et tous les accessoires necessaires etaient loues par Mister Abrahams, ancien avocat, administrates au College Montefiore. Ainsi la mise en scene et le scenario etaient dignes d’une piece de theatre tiree de l’oeuvre d’un dramaturge.

Nous avions joue un soir de Hanouka sous la direction de Zahava Malkiel le drame « Hanna et ses sept fils ». Le nom de la mere est Myriam fille de (Menahem) Tanhum, une veuve agee. Mais selon Yossifon c’est Hanna. Et c’est sous ce prenom de Hanna qu’elle est connue dans l’Histoire juive. Nous n’avons aucun renseignement sur les enfants : leur prenom ou leur age. D’apres une source, le septieme enfant, le plus jeune, avait deux ans, six mois et deux heures et demies. D’apres une autre source, cet enfant tetait encore le sein de sa mere.

J’ai joue le role du mechant roi seleucide, Antiochus IV Epiphane (175-164), entoure de ses gardes de corps. J’ai ete puni par le Ciel et je suis tombe raide mort de mon siege. La piece se terminait ainsi sous les applaudissements repetes des spectateurs : les eleves, le corps professoral et des membres du personnel.

Ce fut une soiree memorable.

J’ai ete choisi une nouvelle fois, car des le premier jour de mon arrivee au College Montefiore, tout le monde avait remarque que je parlais en hebreu. Je precise que dans ce college l’hebreu etait de rigueur. Tout le monde ou presque parlait l’hebreu plus ou moins. Certains, venus de Tunisie, le parlaient avec une prononciation et un accent particuliers.

A cette epoque, le style et la langue d’Ahad Ha’am  me servaient de modele. Ma premiere dissertation en hebreu a ete appreciee par Harav Kook, mon premier Directeur au College Montefiore. II etait Professeur de Talmud dans la classe des futurs rabbanim, et Professeur de Torah dans ma classe, ou les eleves allaient devenir des maitres d’hebreu.

Le titre de cette dissertation portait sur la lutte de Moche Rabbenou contre l’egyptien qui frappait un hebreu, cf. Exode 2: 11-12. Harav Kook avait pris le soin de lire ma dissertation devant tous les eleves du College Montefiore. II a ete impressionne par mon vocabulaire et mon style.

J’ai decouvert a Marrakech Ahad Ha’am grace a un Marrakchi qui est revenu d’Israel. Je connaissais ce Monsieur, beaucoup plus age que moi, parce qu’il venait voir son grand-pere, l’un de nos voisins a Dar Ben-Sassi.

Le titre de la deuxieme dissertation portait sur cette scene ou deux hebreux se disputaient entre eux, et le mechant s’achamait sur l’innocent (Exode 2 : 13- 15). II y a eu d’autres dissertations dont je ne me souviens plus du sujet, mais dont l’une portait sur une attaque des Juifs par des non-Juifs. J’ai ecrit qu’a Marrakech des non-Juifs projetaient d’attaquer le quartier juif et ses habitants. Ils n’ont pas reussi a penetrer dans le mellah, car ils n’ont pas pu passer sous le porche du Saint Rabbi Mordekhai Ben Attar, constructeur et edificateur du mellah avec 1’argent mis a sa disposition par le Sultan Moulay Abdallah Al- Ghalib Billah (1557-1574).

Le Sultan avait deloge les Juifs de leur quartier Mouassine, parce qu’il voulait y construire une mosquee. II les dedommagea. Hypothese avancee par Mohamed El-Ifrani es־Saghir (Marrakech 1670-1738), principal historien de la dynastie sa’dienne, auteur de « Nozhat el-hadi bi-akhbar molouk el-qarn el hadi». Cette chronique a ete publiee par O. Houdas, Paris, 1888. Cf. Evariste Levi-Provencal: Extraits des Historiens Arabes du Maroc, Editions Larose, Paris, 1948, page 7.

Les freres Tharaud traduisent cette chronique ainsi: « Le repos du chamelier ».

Certains jours, dans mon lit, dans le silence de la nuit, je pensais a mon oncle Meyer, a ma tante Freha, a mes cousines Ninette, Esther, Marie, a mes cousins Maurice et Judah, a la petite Yaffa et au benjamin Khlifa.

Je pensais leur ecrire. Mais je me sentais intimide pour le faire. Je me disais qu’a mon retour a Marrakech j’irai les voir a Agadir et leur raconter ce que j’ai etudie en Angleterre et comment j’y ai vecu ma vie de collegien.

En fait, je ne les ai revus que les 6 et 7 fevrier 1960 pour un shabbat. Arrive chez mon oncle un vendredi avant shabbat, j’ai ete impressionne par le nouvel appartement qu’ils habitaient et par les cousins et cousines, qui ont grandi, assis tous autour d’une grande table. Je leur ai donne une belle photo de moi, avec une petite barbiche, dans un magnifique cadre. Cette photo a ete prise dans l’atelier d’un photographe professionnel a Ramsgate. C’etait la periode de l’Omer ou l’on s’abstenait de couper les cheveux et la barbe. Je ne me souviens pas du tout comment j’ai passe ce shabbat chez mon oncle, ni ou j’ai dormi et ce que j’ai mange et de quoi j’ai discute avec tout le monde. Cela m’attriste de l’ecrire aujourd’hui. Une telle amnesie ! C’est incroyable ! Je devais partir tot dimanche a Akka et Rene Camhy allait venir me chercher pour m’y conduire dans sa voiture. Mon oncle Meyer m’a dit qu’il connaissait beaucoup de coreligionnaires d’Akka. A Akka, on appelait mon oncle devant moi « Cheikh Meyer ». Mon oncle m’a dit qu’il viendrait me voir a Akka avec toute la famille. II m’a remis un oreiller avec de la belle et douce laine et une pochette en tissus bleu ou mettre mon talith et mes tefillin. J’ai toujours cette pochette et cet oreiller.

J’ignorais en disant au revoir a tous que je n’aurais plus l’occasion de les revoir. Un seul rescape, Maurice.

Mon oncle Mardochee, de passage pour la nuit chez son frere Meyer, a peri aussi, laissant une veuve, des orphelins et des orphelines, et un enfant a naitre.

J’ai souhaite dans ce recit evoquer la personnalite de maman. Son visage beau et noble surgit sous chaque mot, a chaque phrase, au fil des pages. Ecrire releve toujours de l’improvisation, de l’inspiration. Les notes de differents carnets que je suis en train de saisir n’ont pas ete etablies a partir d’un plan et sans avoir suivi une chronologie des faits. J’ai ecrit tout cela au fur et a mesure en differents moments. C’est ma plume qui m’entraine dans les meandres de la memoire, au detour de chaque souvenir qui se presente spontanement. II y a plusieurs annees quand j’ai commence d’ecrire, j’avais l’impression que j’escaladais une pente et, a un moment ou un autre, de cette pente, je voyais les tournants de mon chemin intellectuel. Cette image me plaisait. Aujourd’hui j’ecris de la facon la plus simple et la plus instantanee.

Maman aimait profondement tous les membres de la famille du fond de son coeur et de toutes ses fibres. D. ieu lui a confie une ame pure. Elle se souciait de tout le monde et voulait toujours savoir si nous nous portions tous bien et que nous ne manquions de rien. C’est ainsi que pour son devouement, sa loyaute et sa probite, tout le monde l’aimaient, voire meme la veneraient. Son mot avait du poids et de la valeur. Elle aurait pu etre un bon avocat, plaidant la cause de la veuve et de l’orphelin, des demunis et des faibles. Jai essaye dans ma carriere d’avocat de Droit prive, civiliste et penaliste, de plus de trente ans, interrompue brutalement pour des raisons graves de sante, d’appliquer son savoir-faire, ses principes d’ouverture d’esprit, de tolerance et d’abnegation. Je tachais toujours de comprendre la cause des delinquants qui me choisissaient comme conseil ou des victimes qui me demandaient d’assurer leur defense. Ce que je detestais le plus, c’est le mensonge et la mauvaise foi, les malins, les ruses, les intrigants, les retors, les combinards et les trompeurs de tout poil.

Maman n’a jamais dit du mal de personne. Ses paroles toujours mesurees. C’est pour cela que nous l’aimions tous. Elle m’a appris les bonnes manieres, surtout d’avoir la « hchouma » envers tout le monde. Elle s’en remettait toujours a D. ieu pour punir la personne qui l’a insultee ou qui a tente de faire du mal a l’un de ses enfants et de ses proches.

Joseph Dadia-Regards sur l'Atlas-Agadir

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