Il était une fois le Maroc…David Bensoussan.BOU HMARA

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BOU HMARA

Le roi Abdel'aziz fut contesté par Bou Hmara…

En effet, le jeune sultan Abdel'aziz eut à mener une lutte difficile contre Djilali ben Driss Zerhouni el Youssefi surnommé Bou Hmara (le père de l'ânesse), un ancien intriguant à la cour qui devint marabout s'assurant une réputation de thaumaturge et de saint. Il revendiqua la couronne. Il prétendit être Mhamed, le frère aîné du sultan et faisait réciter en son nom la prière dans la petite ville de Taza au Nord du Maroc. Il occupa la ville d'Oujda l'été 2003, leva des impôts et chargea des frais de douane sur les marchandises transitant via Melilla. La tête de Bou Hmara fut mise à prix.

Dirigeait-il une révolte tribale?

De fait, l'évènement qui déclencha la révolte de Bou Hmara fut la mise à mort de l'assassin d'un missionnaire britannique qui était rentré dans le sanctuaire à Moulay Idriss après avoir été averti de ne pas y rentrer. Le sultan fut accusé d'être une marionnette aux mains des Chrétiens. Les disciples de Bou Hmara appartenaient au clan des Ghiyatta. Ils reprochaient au sultan Abdel'aziz d'avoir souscrit au traité d'Algésiras en 1906, aux termes duquel le Maroc cédait le contrôle de la police, de la banque, des travaux publics, des douanes et du recouvrement des impôts aux puissances étrangères.

Plus d'une expédition militaire fut montée contre lui…

Il fallut dépêcher contre Bou Hmara quatre corps expéditionnaires, les mehallas totalisant près de 15 000 hommes. La discorde régna dans les différents corps militaires et, malgré les interventions des chérifs en charge des négociations intertribales fut-ce en temps de guerre, l'armée fut mise en déroute et la panique s'installa à Fès alors capitale du Nord. Tout ce que les mehallas avaient réussi à faire était des sougas, ou interventions de reconnaissance d'où ils ramenaient quelques têtes en guise de trophée. Cela avait poussé d'autres tribus à se rallier à Bou Hmara, d'autant plus qu'il prétendait être sur le point d'expulser les Espagnols de Melilla. Il fit des concessions minières à des Européens et acheta des armes au marché noir sur la côte méditerranéenne, voire même auprès de certains Français d'Algérie ou de soldats du Makhzen. Il se comporta comme un roi, eut son propre Makhzen, épousa la fille d'un chérif alaouite et exigea le paiement de la taxe de la jiziya des Juifs de Debdou. Il tenta aussi de nouer des relations diplomatiques avec le sultan ottoman. Le sultan marocain fit circuler dans le royaume une fatwa contre Bou Hmara signée par les principaux oulémas de Fès et mit sa tête à prix, d'abord à 10 000 francs, puis à 250 000 francs. Mais l'étoile de Bou Hmara pâlit parce que d'une part, le nouveau sultan Abdelhafid avait mis de l'avant le rejet de toute collaboration avec les Européens pour détrôner son frère Abdelaziz et de l'autre, Bou Hmara avait fait lui- même des concessions aux Européens. En outre, les taxes qu'il avait imposées le rendirent aussi impopulaire que le Makhzen. Bou Hmara alla jusqu'à proposer au nouveau sultan Abdelhafid de partager le royaume. Mais au fil du temps, l'appui envers Bou Hmara finit par s'estomper. Pourtant, au tout début il avait joui d'un appui remarquable. Des témoignages attestent que, lorsque Taza tomba aux mains des troupes du Makhzen, des jeunes filles se jetèrent dans les puits par peur du déshonneur des mains de la soldatesque.

Ce n'est qu'en raison d'une assurance démesurée que les hommes de Bou Hmara tombèrent dans un piège aux mains d'une nouvelle mehalla tout récemment formée et Bou Hmara dut se réfugier au sein de la tribu de sa femme, bénéficiant ainsi du mezrag, c'est-à-dire que l'honneur de la tribu interdit de livrer tout homme qui s'est uni à l'une des leurs par les voies de mariage. La ville de Fès passa à un cheveu de la catastrophe.

Était-ce la norme à l'époque?

Lorsqu'elles n'aboutissaient pas à une autonomie relative, les rébellions contre l'autorité par des caïds régionaux qui survenaient lors des changements de règne se terminaient souvent ainsi : des têtes tranchées qui étaient exposées sur les murailles de la ville aux yeux du public, des prisonniers qui pourrissaient dans des cachots ou encore des prisonniers enchaînés sur la place publique. Ces derniers étaient à la merci du public duquel ils dépendaient pour l'octroi de nourriture. Ils étaient continuellement exposés aux quolibets, aux remontrances ou à la compassion selon le cas.

Quelle fut l'issue de sa révolte?

Le rogui (rebelle) Bou Hmara fut capturé le 22 août 1909, mis en cage sept jours durant dans la ville de Fès, jeté dans la cage aux lions qui lui arrachèrent un bras. 160 prisonniers enchaînés par le cou défilèrent portant la tête d'un de leurs camarades sous le bras. Les têtes coupées des rebelles furent accrochées au fronton de Bab Mahrouk à Fès et on fit amputer le bras gauche et le pied droit des prisonniers chaque jour. On appliqua également la torture du sel consistant à faire une grande entaille dans la paume de la main et à y replier les doigts dans la plaie occasionnée avant de ligoter le poing dans des lanières de cuir de façon à en faire un moignon inutilisable. Le corps diplomatique intervint auprès du sultan pour demander de faire cesser ces exécutions par humanité, mais sans succès apparent. Le rogui fut fusillé – certains disent par le sultan Abdelhafid lui-même – et sa dépouille finit sur le bûcher. Mais tout cela ne permit pas de stabiliser la situation.

Dans The Conquest of Morocco, Douglas Porch rapporta un dialogue qui se serait tenu entre Abdelhafid et le rogui. Abdelhafid lui aurait demandé pourquoi il avait déclenché la rébellion et reçut pour toute réponse : « J'ai fait ce que tu as fait. Tu as réussi, j'ai échoué. » Menacé de mort, il aurait répondu : « Cela ne me préoccupe guère… Chacun meurt à son tour. Mais n'oublie jamais que c'est grâce à moi que tu es sultan. J'ai réussi à ébranler le trône d'Abdelaziz après sept armées de combat et c'est toi qui en as profité.» Abdelhafid était convaincu que le rogui conservait de l'argent dans une banque espagnole, mais n'avait réussi à obtenir de lui que des réponses le narguant.

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