Culte des saints musulmans dans l’Afrique du Nord


Culte des saints musulmans  dans l’Afrique du Nord et plus spécialement au Maroc-Edouard Montet -Sidi bel- Abbés.

Sidi bel- Abbés.

Lorsqu’on fait l’ascension du Ghilîs, la montagne sainte proche de Marrakèch, d’où l’on jouit d’une vue merveilleuse sur la capitale et sur le Grand Atlas, on aperçoit au sommet le tombeau vénéré de Sîdî bel-' Abbés. Rien déplus gracieux que la légende de ce personnage, telle qu’elle m’a été racontée à Marrakèch.

Sîdî bel-' Abbés arriva, un beau matin, devant les murailles de la grande ville ; il était très pauvre, mais était précédé par une réputation de sainteté tout à fait extraordnaire. Avant de franchir les portes de la cité, il demanda aux saints qui l'habitaient la permission d’entrer dans la capitale. Les saints, qui vivaient du monopole des aumônes qu’ils s’étaient réservé, auraient bien voulu lui refuser net l’entrée de la ville, mais, pour ne point paraître mal disposés à son égard, ils remirent leur réponse aux jours suivants. En l’attendant, Sîdî bel-' Abbés alla se fixer sur le Ghilîs. Enfin les saints se décident à lui communiquer leur refus; dans ce but, ils lui envoient un vase débordant d’eau. Le vase représente Marrakèch, l’eau est l’image des saints qui l’habitent. Le symbole est clair; la ville est remplie de marabouts : il n’y a pas de place pour Sîdî bel-' Abbés. « Si tu peux verser de l’eau dans le vase qui déborde, disent les rusés compères, viens ! » Le vrai saint prit une rose, la laissa se flétrir au soleil, puis la plongea dans l’eau du vase et renvoya celui-ci en partie vidé par la fleur qui avait repris vie au contact de l’eau. Les saints égoistes comprirent et laissèrent Sîdî bel-' Abbés libre de s'établir au milieu d’eux.

Ce miracle, d’ordre pédagogique, est l’un de ceux qui ont le plus de charme dans l’hagiologie marocaine. Sîdî bel-' Abbés, dont le nom exact est Aboû l-'Abbâs Ah’med ben Dja'far el-Khazradjî es-Sebtî (de Ceuta) a vécu, au Maroc, au XII siècle de l’ère chrétienne.

Mouliéras a recueilli de la bouche de son derviche une tradition intéressante sur la cession de Ceuta aux Espagnols, événement dans lequel intervint notre saint Voici ce pittoresque récit que nous reproduisons sous la forme même que lui a donnée le derviche.

« Ceuta était une grande 'ville sous l’autorité des musulmans; elle possédait un grand saint qui est célèbre, encore aujourd’hui, dans tous les pays mahoniétans. C’était Sîdî bel-' Abbés es-Sebtî, grand saint qui fait des miracles. Parmi ces miracles on cite les suivants :

« Quand le cultivateur commence à labourer, il fait l'aumône d’une kharroûba (décalitre) de semence aux pauvres en l’honneur de Sîdî bel-' Abbés, et celui-ci protège alors sa récolte contre les fléaux. — Quand on met une poule à couver un certain nombre d'oeufs, on fait une marque à l'un de ces oeufs, en disant : « celui-ci est pour Sîdî bel-' Abbés, » avec l'idée que si les poussins éclosent tous et sont sauvés, on fera cadeau aux pauvres du poussin qui avait été promis à Sîdî bel-' Abbés.

 

« Ce saint est enterré à Marrakèch. Il a un cénotaphe à Ceuta ainsi que dans d’autres villes. Les habitants de Ceuta le méprisaient; c'est pourquoi Sîdî bel-' Abbés vendît cette place aux Espagnols ou plutôt leur fit cadeau. Dès lors, les Espagnols passèrent leur temps à faire la guerre aux indigènes de l’Endjera, jusqu’à ce que, les ayant vaincus, ils s’installèrent dans la ville. Les habitants de Ceuta se retirèrent dans le Djebel Endjera et ils y habitent actuellement. Voilà pourquoi les Espagnols et les gens de l' Endjera s'exècrent encore de nos jours. Salut  »

 

Dans cette légende, il y a un point épineux, c’est la question de savoir si le saint a vendu Ceuta aux Espagnols ou s’il leur en a fait cadeau. C'est à cette question que répond une autre tradition recueillie par le capitaine J. Erckmann'. D’après cette tradition, Sîdî bel-' Abbés, prévoyant que Ceuta allait être prise par les chrétiens, la vendit à un juif pour la valeur d’un pain, à fin de pouvoir dire qu elle n’avait pas été enlevée aux musulmans.

 

Il est assez curieux d’observer que Ceuta tomba au pouvoir des Portugais en 1415 et que ce ne fut qu’à partir de 1580 que les Espagnols l’occupèrent définitivement. Sîdî bel-'Abbès était donc mort depuis plusieurs siècles quand ces événements se passèrent.

Nous ne devons pas être étonnés de cet anachronisme; dans l’hagiographie musulmane de l’Afrique du Nord, la chronologie joue un rôle tout à fait insignifiant, à supposer qu’elle ne fasse pas totalement défaut.

Culte des saints musulmans  dans l’Afrique du Nord et plus spécialement au Maroc-Edouard Montet -Sidi bel- Abbés.

Culte des saints musulmans  dans l’Afrique du Nord et plus spécialement au Maroc-Edouard Montet -Sîdi Meh’ainmed ben- A'issa.

 

Sîdi Meh’ainmed ben- A'issa.

Ce saint (1523-1524), qui fut le fondateur de l’ordre des 'Aïssâoua, est célèbre au Maroc et en Algérie. Sa légende est riche en miracles qu’il opéra ; elle est intéressante aussi par sa lutte contre le sultan de Méquinez auquel sa popularité portait ombrage et qui lui ordonna de quitter la ville, à lui et à tous ses disciples.

Le saint partit et la cité fut déserte, au point que le sultan ne trouvait plus d’ouvriers pour construire les murailles. Pendant son exil, le saint réunit autour de lui un si grand nombre de partisans qu’il devint tout puissant et que le sultan fut obligé, par une démarche humiliante auprès du marabout, de lui demander en grâce de rentrer à Méquinez, ce qu’il fit, mais en posant ses conditions.

C’est de ce retour triomphal que date, paraît-il, le privilege dont jouissent à Méquinez les 'Aîssâoua, d’être exempts d’impôts et de corvées.

On raconte que, durant l’exil de Sîdî ben-'Aïssa, ses disciples, mourant un jour de faim, demandèrent au saint de leur procurer quelque nourriture. Le marabout leur ordonna de manger ce qui était sur le chemin qu’ils suivaient; il n’y avait sur le sol qu'ils foulaient que des cailloux, des épines, des scorpions et des serpents. Les fanatiques disciples se jetèrent en affamés sur ces pierres, ces épines et ces animaux repoussants et s’en nourrirent, preuve éclatante du pouvoir surnaturel du saint. C’est en souvenir de ce miracle que les' Aïssâoua, dans leurs exercices religieux, avalent impunément les matières les plus étranges (verre, aiguilles, etc.) et les bêtes vivantes les plus répugnantes.

On raconte de Sîdî ben-'Aïssa une curieuse anecdote, bien caractéristique de l’habileté déployée par certains marabouts pour en imposer à leurs disciples et aux foules avides de leur baraka.

Voulant un jour éprouver ses disciples, il leur déclara qu’il avait eu une révélation et que le Prophète lui avait donné l’ordre d’offrir un sacrifice à Dieu. «J’immolerai, dit-il, ce que j’ai de plus cher, c’est-à-dire mes disciples les plus fidèles. Que celui d’entre vous qui m’est le plus dévoué entre avec moi dans ma demeure, pour y être immolé en l’honneur de Dieu. Un des adeptes les plus fervents de sa confrérie se présente et pénètre dans la maison; un cri violent est poussé et l’on voit le sang se répandre au-dehors sur le sol, par un tuyau sortant du mur. Le saint revient alors auprès de ses disciples, les mains rougies par le sang du sacrifice, et demande une nouvelle victime. Un second disciple s’avance, pénètre dans la demeure : on entend un nouveau cri et le sang coule une seconde fois. A quarante reprises la scène se renouvelle. Est-ce à dire que quarante disciples auraient été immolés ? Non, à chaque fois, c'est un mouton qui avait été égorgé, tandis que des serviteurs poussaient des cris d’angoisse, destinés à faire croire à la foule, terrifiée dans son admiration fanatique pour l’autorité du saint, que le sacrifice humain avait bien effectivement lieu.

La même légende a été racontée, dit-on, de Sîdî Ah’med ben Yoûsof, mais comme l'a remarqué judicieusement L. Rinn, il semble qu’elle appartienne en propre à Sîdî Meh’ammed ben-' Aïssa, car c’est à la suite de cette épreuve sanglante que fut créé dans l’ordre des 'Aïssàoua un conseil permanent de quarante frères.

 

Culte des saints musulmans  dans l’Afrique du Nord et plus spécialement au Maroc-Edouard Montet -Sîdi Meh’ainmed ben- A'issa.

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