Abraham Azulai


La Torah et son etude dans le Hessed le-Abraham de Abraham Azulai- Roland Goetschel

On ne peut ne pas être frappé de la structure finalement très gnostique de ces considérations, qu'il s'agisse du dilûg par lequel la Torah rejoint l'homme en court-circuitant la hiérarchie des mondes en jouant la fonction du messager dans les systèmes gnostiques, qu'il s'agisse du dualisme posé entre le domaine de la sainteté et celui des qelipôt. Cela vaut aussi pour le monde inférieur plongé dans l'abîme des écorces et dont l'homme ne peut se sauver qu'en faisant retour à Dieu. Il en va de même lorsqu'il est question de l'anéan­tissement de ces écorces. C'est pourquoi, on en arrive à énoncer une opposition entre la Torah du temps de l'exil et la Torah du temps de la rédemp­tion même et surtout si l'on cherche à neutraliser l'antinomisme latent que cette distinction recou­vre.

  1. Azulaï rapporte également la seconde de ces préfaces de M. Cordovero où celui-ci répète que la Torah est la substance de l'émanation spirituelle d'en-haut qui se répand vers les êtres inférieurs. Son mode de saisie étant divin, elle ne pouvait être appréhendée par les êtres inférieurs en dehors du truchement de la prophétie à l'opposé des sciences de la nature dont l'intellect situé dans un corps saisit les principes à partir des données de la sensibilité, c'est la raison pour laquelle la dénéga­tion de la prophétie signifie la dénégation de la religion. Ce qui explique qu'au moment du don de la Torah tous les israëlites se hissèrent au degré de la prophétie. L'émanation dont il a été question est celle de Tif'eret à sa source en Hôkhmah par le canal de L'implicite, le non appréhendé de la Torah s'origine précisément à ces niveaux-là. C'est en tant qu'expression de l'ensemble de l'é­manation d'en-haut qu'elle parvient ensuite en bas en se revêtant à chaque niveau. Les ramifications d'en-haut
  2. s'incorporent dans les préceptes qui ont une nature mixte à la fois spirituelle et corporelle. Cette réalité transcendante de la Torah n'est saisie que par les âmes de Y'Atsilût, comment ne pas songer ici encore aux "pneumatiques" des écrits gnostiques! Et lâ également il y a des degrés, puisque la neshamah provenant de Binah appré hende la Torah d'une manière subtile, rûah, issue de Tif'eret également mais moins que neshamah et que nefesh venant de Malkhût soit inférieure dans sa saisie du subtil à rûah. Ces trois niveaux se retrouvent également dans les trois mondes qui suivent celui d"Atsilût. Selon la personne ou le temps d'histoire, c'est telle ou telle permutation des lettres de la Torah qui se donne à être saisie. Ainsi le verset (Dt. 22.18): "Lô TiLBaSH SH'aT- NeZ" n'eut pas été écrit sous cette forme si Adam n'avait pas revêtu la peau du serpent, chair et poussière trouble. Car en quoi un vêtement fait d'un tissu mixte de lin et de laine conviendrait-il à une âme spirituelle revêtue d'un vêtement spiri­tuel? Mais il était écrit antérieurement à la faute les mots suivants: "Lô TîLBaSH SaTaN'oZ", c'est à dire un avertissement à Adam de ne pas échanger son habit de lumière contre l'habit fait de peau de serpent, autrement dit les qelipôt qui sont désignées comme la force de Satan. Et c'est de cette manière que nous ont été donnés les autres préceptes, au niveau d'êtres pourvus d'une enveloppe matérielle. De même qu'il n'était pas possible de saisir l'essence de la corporéïté avant la faute du premier homme, et ce qu'elle sera après la résurrection, de même il nous est impossible d'appréhender la réalité de la Torah d'avant le péché d'Adam ou celle d'après la résurrection sinon par une faible allusion comme celui qui voit une lumière comme à travers le chas d'une aiguille. Dans tous les cas en ce qui concerne les dînîm simples, les règles d'application, il n'existe pas de qelipah. Les prophètes et les sages sont venus à bout de cette écorce-là. Lorsque vien­dront Moïse et le prophète Elie ce ne sera pas pour changer la Loi mais pour répondre aux doutes et aux points qui demeuraient irrésolus dans le Tal- mud. Ce n'est que la seconde écorce qui n'a pu être entièrement brisée, d'où découle que nous ne sai­sissons sur le plan de la kabbale qu'une infime partie de l'ensemble. Quelquefois le sens ésoté­rique interfère avec le sens littéral comme dans le récit du rapt de Sarah par le Pharaon qui fait allusion au mystère de l'exil de la Shekhinah, le sens ésotérique fournit la clef de compréhension pour la descente d'Abraham en Egypte. 11 arrive que tout le passage relève de l'occulte comme dans le cas de mort des rois d'Edôm (Gn. 36, 31-39) dans Y'Idra et d'autres du même genre où les signifiants se dépouillent du revêtement du sens obvie en direction du spirituel. Dans ce cas, il y a recours à la parabole, car le contenu visé est si subtil qu'il serait autrement insaisissable pour notre faculté de connaître. Dans l'avenir, cette écorce et les autres seront totalement brisées et la réalité de la Torah en ses mystères nous sera éclaircie sans  médiation. L'intellect s'élevera à l'intelligibilité d'une réalité dont nous ne pouvons avoir idée aujourd'hui

Voir La Torah et son etude dans le Hessed le-Abraham de Abraham Aulai- Roland Goetschel."recherches sur la culture des juifs d'afrique du nord –Issachar Ben-Amipage23-24

La Torah et son etude dans le Hessed le-Abraham de Abraham Azulai- Roland Goetschel.

L'ETUDE DE LA TORAH AU NIVEAU DU VECU

En dehors de ces considérations théoriques, Abraham Azulaï entreprend une description qui est également une classification des différentes manières dont les gens se rattachent à la Torah .

Il en emprunte la trame métaphorique au Psaume 104, 25-26. Dans l'océan grand et vaste dç ceux qui s'attachent à la Torah , il existe quatre niveaux du moins élevé au plus élevé:

Il y a d'abord la grande masse du peuple de Dieu qui s'attache à l'étude de la Torah , tous les petits en Israël, chacun selon sa mesure qui sont comme les poissons dans la mer "qui remuent innombrables".

Le deuxième groupe est formé de ceux qui ont augmenté leur savoir en matière de Torah par rapport aux premiers, allusion étant faite à cette différenciation par "des animaux petits et grands". C'est là que se situent les élèves des Sages qui à travers le dialogue s'efforcent de creuser et d'élar­gir son sens. Leurs âmes sont dans le mystère du dévoilement de la sefirah qui est dénommée Léviathan.

Le troisième cercle correspond au mystère du Léviathan c'est à dire au mystère du plaisir, de la sha'ashû'a qui est procurée à Dieu lorsque l'on se préoccupe des enseignements ésotériques. A lui correspond l’énoncé des Sages: “Dans l’avenir Dieu exécutera une danse pour les justes et sera parmi eux dans le jardin d’Eden”. Le mystère de la danse doit être entendu comme signifiant que toutes les âmes seront rassemblées ensemble avec la visée de l’unité d’en-haut à propos du sujet sur lequel portera l’étude dans le mystère qui sera dévoilé dans l’avenir.

Les gens qui forment le quatrième groupe sont ceux qui ne sont pas versés dans l’étude. Ils sont comme “les bateaux qui vont et viennent sur la mer”: ils n’entendent que le sens manifeste, ne descendent pas dans les profondeurs. Ils mar­chent de manière assurée, sans crainte du peu d’intelligence qu’ils ont acquis de la Torah . Il y a là probablement une critique des tenants du seul sens littéral.

 Une dernière distinction a trait à l’intention des personnes dans leur rapport à la Torah . A ceux qui permettent aux autres d’étudier s’applique le verset de Prv. 3, 18: “Elle est un arbre de vie pour ceux qui s’en saisissent”, et ils sont proches de ceux qui étudient dans l’intérêt du ciel… Puis viennent ceux qui s’y rattachent en vue d’une rétribution dans ce monde-ci et dans le monde qui vient, intérêts et capital! Ensuite, on a affaire à celui qui n’attend pas de salaire du monde à venir mais étudie pour un salaire, pour les honneurs en ce monde, pour qu’on l’appelle Hakham, Rabbi, pour que les gens le louent et l’honorent, ce qui le réconforte! La dernière catégorie est celle de ceux qui ne soutiennent les étudiants en matière de Torah mais qui sont préoccupés de fournir les moyens pour triompher de l’idolâtrie.

Abraham Azulaï nous fournit donc ici un tab­leau nuancé des motivations diverses de ceux qui étudient ou soutiennent l’étude, tableau qui com­porte également une critique discrète de l’estab­lishment rabbinique.

Notre kabbaliste se mesure également avec un des problèmes qui fait débat dans son envi­ronnement: quelle place accorder dans le cadre de l’étude de la Torah au pilpûl? La réponse est que de même que pour rendre le blé comestible, il faut prendre la peine de le battre, de le moudre, de le cribler pour séparer le froment de l’enveloppe, de même le pain de l’étude se trouve-t-il revêtu par les écorces. Aussi est-il nécessaire de le bluter et de le moudre pour que l’âme ait une jouissance de ce pain. Comme l’ont affirmé les Sages: “L’étude de la Mishnah est une vertu pour laquelle on a droit à une récompense, il n’est pas de rétribution plus grande que pour l’étude du Talmud”. Car un mets pour l’âme où le son demeure mélangé à la farine peut-être nocif à certains égards pour le corps, ainsi en est-il pour l’étude de la Mishnah sans en résoudre les difficultés. Le Talmud est un mets de farine pure où les difficultés ont été éluci­dées, après que l’on se soit donné la peine de se donner du mal.

Tous ne sont pas égaux dans ce domaine. Il y a d’abord ceux qui ne sont encore que des apprentis épisodiques en matière de pilpûl. Puis viennent ceux qui à des degrés divers s’adonnent au pilpûl et formulent des arrêts. Parmi eux, certains énon­cent des jugements à partir d’un verset mais il demeure des questions en suspens. D’autres s’in­terrogent et détruisent mais réparent ensuite et répondent aux questions. En posant des ques­tions, ils brisent les qelipôt et édifient une rési­dence pour le Roi et la Matrônîtâ.

Au troisième rang figurent ceux qui se servent de la Mishnah, ceux-là parachèvent le corps de la Matrônîtâ, ses habits et ses ornements en vue de l’unir à Tif’eret. Enfin, il y a ceux qui comme les maîtres de la Mishnah sont capables d’innover en matière de halakhah par l’explication, par le mid-rash de l’Ecriture, à partir de ce qui a été transmis en matière de middôt, de règles herméneutiques. Ces derniers s’attachent eux à la substance du corps de la Shekhinah. Mais ils ont besoin que Dieu acquiesce à leur décret pour que la halakhah soit fixée selon la majorité et d’après le motif: “Mes enfants m’ont vaincu” comme il en est fait allusion dans le Tiqqûnîm.n

Mais au-dessus de toute cette hiérarchie figu­rent des modalités d’attachement à la Torah et du service plus dignes de louanges que toutes les autres, ce sont celles qui repoussent loin d’elles la rétribution des préceptes dans ce monde-ci qui ne désirent que la pauvreté et les épreuves que procurent la Torah. Ce sont les vertus de ceux qui s’y attachent dans l’intérêt du ciel, le-shem sha-mayîm, au nom du Saint-Béni soit-Il et de sa Shekhinah exclusivement.

La Torah et son etude dans le Hessed le-Abraham de Abraham Azulai- Roland Goetschel."recherches sur la culture des juifs d'afrique du nord –Issachar Ben-Ami

 

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