assaraf


Juifs du Maroc R.Assaraf..livraison d'août septembre 1947, le bulletin de Charles-Netter, qui

Censure ou autocensure oblige, l'événement où les originaires du Maroc tenaient la vedette ne trouva aucun écho dans Noar, alors que le drame de l'Exodus, où il n'y avait qu'un seul originaire du Maroc, fut largement couvert. Dans sa livraison d'août septembre 1947, le bulletin de Charles-Netter, qui restait toujours la seule publication juive auto­risée, rapportait qu'une délégation de la Fédération sioniste du Maroc s'était rendue chez M. Boniface, contrôleur-chef de la région de Casablanca, afin de lui exprimer la recon­naissance de tous les Juifs du Maroc « pour l'attitude pleine de noblesse et de grandeur que la France a eue vis-à-vis des épaves de l'Exodus en 1947 ». Sans naturellement oser évoquer la flagrante contradiction entre cette attitude et l'interdiction faite par ces mêmes autorités françaises au départ vers la même Palestine des candidats marocains à l'immigration.

Son éditorial équilibrait l'identification totale avec le sort des immigrants illégaux par un vibrant hommage à la France :

Si le cruel refoulement des passagers de l'Exodus révolte tous les Juifs du monde, si l'entrave faite à notre jeunesse rescapée des camps nazis de rejoindre le refuge auquel elle aspire légitimement en Eretz Israël, nous apparaît, de par ses principes et ses procédés contraires à la justice, nous pouvons enregistrer, avec réconfort et pour l'honneur de l'humanité, l'attitude pleine de générosité en face de ces événements qui est celle de la France…

Hommage soit rendu à la France, encore saignant elle-même de toutes ses blessures, aux prises avec un lourd héritage de guerre, qui vient, à l'heure où certains égoismes prennent le pas sur les idées généreuses défendues par les Alliés, sait dire son refus à toute oppression, s'affirme toujours humaine et demeure le champion de la liberté

Quand l'Agence juive accepta d'envoyer un troisième navire, le Hehaloutz, dans la nuit du 6 novembre 1947, il n'eut le temps d’embarquer qu'une cinquantaine de passa­gers. Il dut prendre la mer en catastrophe sous le feu nourri des gendarmes alertés par les riverains, laissant sur la côte quelque 600 candidats au départ. Ironie du sort, les 44 passagers du Hehaloutz, transférés en pleine mer sur un autre navire, le Haportsim, réussirent à échapper à la vigilance de la marine britannique et à débarquer près de Tel-Aviv.

Après l'échec du Hehaloutz, la filière d'immigration clandestine à partir de l'Algérie parut définitivement compromise. Le bruit fait autour de cette affaire par la presse algéroise obligea les autorités françaises à ne plus fermer les yeux sur l'existence du camp de Tenès. De plus, le gouverneur général de l'Algérie souligna que la poursuite de cette immigration risquait de provoquer des troubles chez les musulmans du Maroc, d'Algérie et de Tunisie.

La fermeture du camp de Tenès créa un drame humain. Des centaines de familles, qui avaient quitté le Maroc ou la Tunisie, se retrouvèrent bloquées en Algérie et ne pouvaient évidemment pas rentrer dans leurs pays d'origine.

Alertée. Me Cazes-Benattar, représentante à Casablanca du Joint américain, prit en charge ces familles. A Paris, les organisations sionistes firent pression sur le ministre socialiste de l'Intérieur, Édouard Depreux, dont dépendait l'Algérie, pour que ces candi­dats au départ reçoivent l'autorisation de gagner le sud de la France, en attendant de pouvoir partir pour la Palestine.

Conscients des dangers qu'ils encouraient, les Juifs du Maroc s'étaient abstenus d'ac­cueillir par des manifestations bruyantes de joie le vote, par l'Assemblée générale de l'ONU, du plan de partage de la Palestine le 29 novembre 1947. Ils s'étaient contenté de se rassembler dans les synagogues pour y réciter, dans une atmosphère de ferveur messianique, des prières d'actions de grâce.

Cette relative discrétion n’empêcha pas l'instauration d'un climat de tension entre juifs et musulmans que les autorités françaises observaient avec une certaine inquiétude. Le samedi 1er décembre 1947, à quelques heures du bal annuel de la Wizo (Women Inter­national Zionist Organisation), un événement mondain très prisé, le chef des services municipaux convoqua la vice-présidente du mouvement pour lui conseiller fermement d'annuler le bal, ce qui fut fait. Une semaine plus tard, la conférence de Sacha Erlich en faveur du Keren Hayesod fut également décommandée, alors que plus d'un millier d'invitations avaient été lancées.

L'une de ces invitations, adressée au directeur de la Banque commerciale de Casablanca, tomba entre les mains des nationalistes marocains qui exigèrent et obtinrent dudit direc­teur qu'il affirmât ne pas être sioniste.

Devant cette série d'incidents, les dirigeants du mouvement sioniste marocain décidè­rent l'interruption des activités officielles et observèrent une prudente retenue, pendant que la Résidence faisait discrètement protéger les quartiers juifs des principales villes.

Soucieux des conséquences néfastes pour le nationalisme marocain qu'aurait le déclenchement d'incidents antijuifs, le sultan Mohammed V tint à faire une claire distinction entre les événements au Proche-Orient et la situation particulière des Juifs marocains. Lors d'une audience accordée aux membres marocains, nouvellement élus, des chambres de commerce et d'industrie, le souverain réaffirma avec force qu'il « n'établissait aucune distinction entre ses sujets juifs et musulmans, également loyaux ». Il se tourna vers les élus israélites, les invitant publiquement à « persévérer dans la voie qui fut celle de leurs ancêtres, à travailler avec leurs frères musulmans, la main dans la main ».

Le principal parti nationaliste marocain, l'Istiqlal, diffusa un tract dans lequel il mettait en garde « contre ceux qui ont intérêt à dresser les uns contre les autres musulmans et juifs marocains », ajoutant : « Notre but vise uniquement la lutte contre le sionisme, en faisant abstraction de tout ressentiment à l'égard de nos compatriotes juifs qui, au même titre que nous, sont de nationalité marocaine et sont, comme nous, soumis à l'autorité du sultan. »

Indépendance et liberté d'émigration : l'impossible défi-Robert Assaraf

L'affaire de Petit-Jean eut de profondes répercussions. La montée de l'insécurité et le marasme économique qui en découlait créèrent dans certaines couches de la population juive une véritable psychose du départ. Tous voulaient quitter le pays avant qu'il soit trop tard. Des dizaines de milliers de candidats à l'émigration prirent d'assaut les locaux de Kadima. Dès le mois d'août, on enregistrait 1 032 départs, 1612 en septembre, 973 en octobre, 1662 en novembre et 2214 en décembre 1954. Le mouvement ne cessa pas tout au long de l'année 1955, qui vit 25 000 départs. Les chiffres auraient été encore plus grands, si Israël n'y avait mis un frein avec sa politique de sélection des immigrants.

Devant ce véritable mouvement d'exode, la Résidence commença à s'inquiéter sérieusement du départ d'éléments considérés comme favorables au maintien de la présence française, ce qui risquait de porter encore plus atteinte au délicat équilibre intérieur entre partisans et adversaires de la France. Ce d'autant plus que l'Agence juive, par sa politique de sélection, était accusée d'écrémer le judaïsme marocain, prenant les éléments les plus sains et les mieux formés professionnellement, et laissant à la charge des communautés les malades et les cas sociaux.

La Résidence était, de surcroît, obligé de tenir compte du mécontentement du makhzen et des reproches des nationalistes devant cette vague de départs sans précédent. Elle était injustifiée à leurs yeux. Soumis à des pressions contradictoires, le résident Lacoste convoqua, le 1er avril 1955, le responsable de Kadima, Amos Arbel, pour lui signifier sans ambages qu'il fallait ralentir le rythme : « Vous envoyez trop de monde. Selon nos informations, le chiffre des départs avoisine les 2 000 par mois, et nous ne pouvons nous permettre de tels chiffres. Il vous faut revenir au quota fixé en 1949, de 600,700 au maximum, par mois. »

Parallèlement à l'action intensive des diplomates israéliens en poste à Paris, l'Agence juive décida d'envoyer à Rabat un des émissaires du Mossad les plus compétents en la matière, Yaakov Karoz. Le chef du cabinet diplomatique de la Résidence, Baudouy, démentit que la France, pour des raisons d'équilibre, voulait retenir les juifs dans son intérêt. Il affirma que la responsabilité en incombait aux seules autorités musulmanes, qui faisaient pression sur la Résidence pour arrêter les départs, officiellement pour des raisons économiques, afin d'éviter la fuite de la « matière imposable ».

Le 7 mai 1955, Yaakov Karoz fut longuement reçu par le résident général Francis Lacoste, qui expliqua à l'émissaire israélien qu'il avait décidé de baisser les rythmes des départs à 700 par mois en moyenne afin d'éviter la détérioration de la situation et de nouvelles effusions de sang. Karoz eut beau le mettre en garde contre les réactions possibles de l'opinion israélienne et des communautés juives d'Occident à une interdiction de l'émigration, Francis Lacoste se montra intraitable. Les Israéliens se résolurent à faire de nouveau pression sur Paris. Non sans un certain succès. Le rythme des départs mensuels se maintint autour de 2 000 jusqu'à la fin de 1955, pour monter à 3 000, début 1956.

Le retour du sultan Mohammed V, rétabli dans toutes ses prérogatives par Paris, et l'accession à l'indépendance, en mars 1956, du Maroc ouvrirent un nouveau chapitre de l'histoire judéo-marocaine. Lors de l'audience qu'il avait accordée, le 2 novembre 1955, à La Celle-Saint-Cloud, à Jo Ohana, président du Mouvement national marocain, le souverain avait tenu à rassurer ses sujets juifs en proclamant l'abolition de la dhimma et l'instauration d'une complète égalité entre juifs et musulmans :

Aucune distinction ni discrimination n'a jamais été faite et ne sera jamais faite entre Marocains israélites ou musulmans. Les Israélites marocains sont des citoyens de plein droit comme leurs compatriotes musulmans.

Le souverain renouvela encore plus solennellement ces mêmes assurances, en recevant le 5 novembre 1955, à Saint-Germain-en-Laye, la délégation officielle du judaïsme marocain conduite par le secrétaire général du Conseil des communautés Jacques Dahan. Dans un numéro spécial, la Voix des communautés rapporta longuement cette entrevue historique :

La délégation qui a reçu un accueil chaleureux de la part de Sa Majesté le Sultan a tenu à rappeler avec reconnaissance à son auguste souverain que sa constante sollicitude et la bienveillance dont il a fait preuve, dans les circonstances les plus deliates, a l'égard de ses sujets israélites, avaient laissé un souvenir impérissable qu'aucun bouleversement ne pouvait atteindre. Les manifestations de joie spon­tanées qui se sont produites dans toutes les communautés du Maroc à l'annonce du retour de Sa Majesté le Sultan en sont la meilleure preuve. La délégation a tenu à renouveler à Sa Majesté le Sultan Sidi Mohammed ben Youssef l'expression de son loyalisme et de son attachement, et à lui faire part de son désir d'aborder avec ardeur et avec foi sous Son égide les tâches nationales qui l'attendent. Elle a exprimé sa joie à Sa Majesté le Sultan de ce qu'Elle ait dès à présent manifesté Sa ferme volonté d'instaurer au Maroc un régime démocratique moderne.

Sa Majesté, visiblement émue, déclara dans sa réponse qu'il était inutile qu 'Elle rappelât ses sentiments personnels à l'égard de Ses sujets israelites pendant la période des persécutions nazies. Elle exprima Sa satisfaction de l 'attachement que les Israelites ont témoigné aussi bien à Sa dynastie qu 'à Sa personne.

Sa Majesté a affirmé que le Maroc entrait dans une ère nouvelle où « tous Ses sujets, sans distinction aucune, auront des droits absolument égaux ». Elle confir­mait l'intention déjà exprimée publiquement par des personnalités marocaines d'associer les Israelites marocains à la vie nationale : « Vous vivrez dans l'égalité la plus absolue et dans la liberté ! »

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