Il etait une fois le Maroc-Temoignage du passe judeo-marocain David Bensoussan
Il etait une fois le Maroc
Temoignage du passe judeo-marocain
David Bensoussan
L'étude de la transmission orale de ces deux groupes de la société relève d'une entreprise gigantesque au sujet de laquelle les chercheurs devront se pencher un jour prochain.
Bien que féru d'histoire, l'auteur n'est pas historien. Il fait se recouper de multiples informations et les synthétise dans une grille, selon ce qu'il considère être sa propre lecture de l'histoire. Néanmoins, il tient à aviser le lecteur de ce que cet ouvrage n'en est pas un d'ordre scientifique car les nombreux récits rapportés par des voyageurs européens s'inscrivent dans une optique particulière. Ces écrits sont souvent tendancieux, car si le Maroc a été traditionnellement considéré comme un pays exotique, il n'en demeura pas moins un pays hostile.
En outre, certains auteurs ont été influencés par la mouvance des ambitions coloniales et ont cherché à leur trouver une justification morale. En ce qui concerne les faits, ces témoignages ne sont généralement pas contredits par les sources musulmanes ou juives. Le lecteur doit garder en perspective le fait que l'analyse scientifique de l'ensemble des témoignages reste à faire.
A la lumière des faits présentés dans cet ouvrage, le lecteur pourra se faire une idée du Maroc précolonial et de la confrontation de ce pays avec des puissances coloniales, dontla Franceet l'Espagne. En dépit de leur situation précaire, les Juifs du Maroc exercèrent un rôle prépondérant au cours des siècles derniers. À l'heure où la communauté juive n'existe pratiquement plus, l'auteur a jugé utile d'examiner la façon dont elle a évolué au cours des deux derniers siècles.
Cet essai ne se veut pas être une présentation linéaire de l'histoire du Maroc et de sa communauté juive. La présentation privilégiée par l'auteur nous permet d'entrapercevoir un ensemble de thèmes spécifiques, thèmes qui donnent une idée des conditions de vie, des espérances et des déceptions qui furent le lot d'une société traditionnelle en transition et en mutation vers la modernité.
Dans la mesure où cet ouvrage contribuera à mieux faire saisir le passé, l'auteur espère qu'il parviendra à ses fins : mieux faire envisager l'avenir. L'Histoire est en marche. Sans la compréhension des erreurs commises par le passé, il est fort possible que l'on soit appelé à les répéter sans même le savoir et que, de la sorte, l'on reproduise des incompréhensions auxquelles l'auteur s'est confronté de nos jours.
L'ouvrage se divise en cinq chapitres : les deux premiers traitent respectivement des sociétés traditionnelles musulmane et juive du Maroc avant la pénétration européenne. Le troisième traite de l'influence croissante des Européens dans les affaires marocaines au XIXe siècle jusqu'à l'avènement du Protectorat. Le quatrième aborde la période du Protectorat – y compris celle du gouvernement de Vichy – et la transformation du Maroc et de sa société juive durant cette période. L'ouvrage conclut sur l'évolution d'un Maroc indépendant et sur l'exode de sa communauté juive tout en envisageant le devenir des relations des Juifs et des Musulmans d'origine marocaine.
Pourquoi ce titre : « Il était une fois le Maroc »? Le lecteur pourra en saisir le sens en lisant le paragraphe suivant qui termine l'ouvrage : il y a de cela cinq siècles, des Juifs furent contraints de quitter l'Espagne. Ils en ont gardé la langue, les coutumes qui leur furent propres et une fierté légendaire. Est-ce que l'histoire se répéterait pour les futures générations des descendants des Juifs qui ont senti le besoin de quitter le Maroc? Nous nous trouvons actuellement à un tournant de l'histoire. Si le passé est assumé dans sa totalité et s'il y a distanciation par rapport à l'instrumentalisation du conflit du Proche-Orient, il serait possible de faire éclore une amitié profonde et fraternelle. Dans le cas contraire, il deviendrait probable que, de la même façon que les Sépharades disaient à leurs enfants « Il était une fois l'Espagne » en se référant à un passé lointain, quasi mythique et révolu, les Juifs marocains risqueraient, malgré leur attachement culturel, de dire à leur descendance : « Il était une fois le Maroc. »
Le défi est posé.
L'auteur tient à remercier Michèle Caudan pour sa coopération dans l'identification de sources historiques et Charles Dadoun pour sa relecture du manuscrit