fes-tritel-1912-1911-mai-maroc


(Le siège de Fès ou le tritel manqué (mai 1911

Le siège de Fès ou le tritel manqué (mai 1911)תריתל 1

Les graves événements qui secouèrent le Maroc au commencement de 1911 eurent des retombées périlleuses sur la situation des Juifs. Livrée à l'anarchie par l'impuissance du Makhzan, une grande partie du pays était à la merci des tribus belliqueuses dont la sédition, non seulement compromit la sécurité physique, mais paralysa toute activité économique. Sommé de rembourser les dommages causés aux Européens de Casablanca, le sultan ordonna de lever de lourdes taxes, mesure qui provoqua l'insurrection.

En mars 1911, la tribu des Cherarda se souleva contre l'autorité du sultan et, ralliant la plupart des tribus du nord, marcha sur Fès qui fut assiégée. Des terrasses de leurs maisons, les Juifs suivaient anxieusement les aléas des offensives (voir  ill. 3). La famine qui guettait toujours à la porte du mellâh, s'installa dans leurs foyers. Exténués, les Juifs étaient décidés à se battre, comme le décrivit Amram Elmaleh dans une lettre à l'Alliance en date du 12 avril 1911, un an presque jour pour jour avant le terrible tritel de Fès: «Les remparts du mellah sont gardés par des groupes de jeunes coreligionnaires en armes, résolus à se défendre et à vendre chèrement leur vie; à portée de ma main, mon fusil est chargé».

Cette fois-ci, Mawlây al-Hâfid sollicita l'appui du gouvernement français pour porter secours aux résidents européens — et sauver son trône. Néanmoins, selon certains historiens le sultan se résigna à demander ce soutien sous la pression d'Henri Gaillard,- Vice-consul de France à Fès de 1902-191 I. Il sera plus tard consul de France au Caire – consul de France à Fès. Ce fut-là une étape intentionnelle du plan ourdi par Gaillard et Charles Mangin, qui laissèrent la capitale sans défense afin que le sultan n'ait d'autre choix que de faire appel aux troupes françaises, cantonnées dans la Chaïoua, en échange de capitulations supplémentaires. La chute de la capitale ainsi que le tritel qui l'aurait inévitablement suivie furent écartés de justesse par l'arrivée le 25 mai 1911 du général Charles Moinier à la tête d'une force expéditionnaire.

Dans le même temps, une confédération de tribus berbères convergea sur Meknès à la veille de Pâque, exigeant la destitution du sultan Mawlây al־Hâfid et l'intronisation de l'un de ses frères, Mawlây al-Zîn. Les musulmans de la médina refusèrent, non par fidélité à Mawlây al-Hâfid, mais par prudence, car au cas où ce dernier en sortirait victorieux, ils encourraient des châtiments sévères de sa part. Aaron Moyal, le jeune directeur d'école de l'Alliance à Meknès, conscient qu'en cas d'assaut le mellâh serait la première victime, organisa courageusement la défense de ses coreligionnaires. Il leur distribua des fusils et des munitions et acheta le concours d'une cinquantaine de mercenaires arabes, répartissant les uns et les autres sur les remparts du mellâh. Le lundi 17 avril les rebelles attaquèrent à la pioche les murs du mellâh. Les Juifs ripostèrent avec une décharge générale, repoussant jusqu'au soir les attaques renouvelées des Berbères, qui finirent par se retirer au matin.

Ces actes de défense de la part des Juifs de Fès et de Meknès, tout à fait exceptionnels dans l'histoire des Juifs marocains, habituellement résignés à la persécution et à la soumission, furent fièrement claironnés par la presse juive. Comme nous le verrons plus loin, ils n'échappèrent pas non plus à la vigilance des services des renseignements français.

Aaron Moyal, né à Oran en 1877, fut tour à tour directeur de l'école de l'Alliance Israélite Universelle à Fès puis à Meknès.

Pogrom de Fes-tritel-P.B.Fenton-La campagne de secours

La commission s'occupa de l'hygiène et de la propreté du quartier, installant dans une synagogue un dispensaire dirigé par la doctoresse Broïdo. On y coucha les malades qui ne pouvaient être soignés à domicile. Vers la mi­-mai, Elmaleh rouvrit les portes de l'école de l'AIU qui servait également de dépôt de vivres. Un recensement de la population fut dressé afin de distribuer équitablement les rations quotidiennes, qui devinrent, plus tard, hebdomadaires. On manqua également de la literie, car tous les matelas et toutes les couvertures avaient été volés pendant le pillage. En raison des frais énormes, on dût se contenter de distribuer aux nécessiteux des nattes.

Le 2 mai une caisse de prêt sans intérêt fut établie en faveur des artisans et des petits commerçants, pour leur permettre de racheter l'outillage et les marchandises perdus dans le pillage. Les autres communautés juives du Maroc vinrent rapidement à la rescousse de leurs coreligionnaires. Les Juifs de Tanger et la communauté voisine de Meknès s'illustrèrent par leur générosité.

Dans ses rapports, Elmaleh souligne particulièrement les efforts déployés par Isaac Abensur; président de la communauté juive de Tanger.

Aux initiatives locales, s'ajoutèrent bientôt des dons généreux, provenant de souscriptions ouvertes en Europe par les soins de l'Alliance et le Hilfsverein der deutsche Juden. Un compte fut ouvert à la Banque d'Etat du Maroc pour centraliser les fonds de secours. A Londres l'Anglo-Jewish Association ouvrit un Fez Fund et le philanthrope anglais Sir Ernest Cassel  (1852-1921) fit un don de £500. Jacob H. Schiff (1847-1920) de New York, qui s'était intéressé activement au destin des Juifs du Maroc lors de la conférence d'Algesiras, s'engagea à donner une somme équivalente à celle réunie par l'ensemble de la communauté britannique.

De Bagdad à New York, en passant par les petits hameaux d'Alsace et d'Algérie, les communautés juives se portèrent généreusement au secours de leurs coreligionnaires. A titre d'exemple, la ville de Tunis donna 7 500 frs, tandis que Budapest réunit presque 11 000 frs. A peine un mois après le pogrome le Hilfsverein avait contribué à hauteur de 60 000 francs, transmis en partie directement à Fès par les soins du consul allemand.

Cette manifestation extraordinaire de solidarité juive internationale redonna espoir aux sinistrés, mais la reprise d'une vie normale était ralentie par la recrudescence des hostilités locales. Les drames de cette année fatidique n'avaient pas connu encore leur dernier rebondissement et le spectre d'un massacre continuait à hanter le mellâh encore pendant de longues semaines .

Malgré les efforts énergiques déployés par le général Brulard afin de récupérer le contrôle de la ville et de rétablir le calme, la situation demeurait tendue. Au moment du déblaiement du mellâh, une répression violente s'abattit sur les musulmans, accompagnée de nombreuses exécutions sommaires, dont l'ampleur s'intensifia avec l'arrivée du général Moinier. Des cours martiales furent établies afin de punir les meneurs de la mutinerie qui avaient participé au pillage et aux meurtres. Certains coupables furent exécutés et d'autres furent réduits aux travaux forcés. Les autorités françaises imposèrent à la population de Fès une amende d'un million de francs.

Le ministre Regnault, pressenti jusque-là comme candidat principal au poste de résident général de Rabat, fut accablé par la presse parisienne pour n'avoir point subodoré l'insurrection et avec Moinier, il fut rappelé en France. Inquiétés par la perspective d'un soulèvement général au Maroc, Raymond Poincaré, président du Conseil, décida avec Alexandre Millerand, son ministre de la Guerre, d'affecter à ce poste un militaire plutôt qu'un diplomate. Le 27 avril, ils nommèrent comme premier Résident Général au Maroc Louis-Hubert Lyautey, l'homme providentiel qui réglerait la situation militaire et administrative.

Débarquant du croiseur Jules Ferry à Casablanca le 13 mai, Lyautey arriva à Fès le 24 mai, accompagné du colonel Henri Gouraud. Ils trouvèrent une ville encerclée par dix mille Berbères du Rif et du Moyen Atlas, ralliés sous la bannière de la guerre sainte et plus ou moins encadrés par un millier de tabors déserteurs.

De violents combats se déroulèrent les 25 et 26 mai et les assaillants arrivèrent même à envahir une partie de la ville par une brèche ouverte dans les murailles. Au mellâh, menacé de nouveau d'extermination, l'inquiétude atteignit son paroxysme, malgré la présence dans le quartier d'un détachement de 60 tirailleurs. Elmaleh demanda à l'autorité militaire des armes pour sa défense personnelle, mais en vain. Avec l'état de siège qui paralysa toute activité économique, la situation de la population juive, coupée de la médina et privée de vivres, devint critique.

139 Après s'être Illustré au Soudan et en Mauritanie, Henri Joseph Eugène Gouraud (1867- 1946) arriva au Maroc en 1911 où il fut chargé du commandement de la région de Fès. Plus tard, il sera le commandant en chef de l'Armée du Levant en Syrie. Dans ses mémoires, Au Maroc 1911-1914, Paris, 1949, p. 155-161, il ne dit rien sur le sort des Juifs pendant la révolte du 17 avril 1912.

Mais malgré la violence de leurs attaques, les rebelles ne purent s’emparer de la ville. Pour dégager Fès, le colonel Gouraud sortit à l'encontre des assiégeants. Après les avoir battus le 1er juin, il les poursuivit jusque dans leur camp d'al-Hajra al-Kahla et ramena en trophée les étendards de leur chef, al-Hajami, partisan de Bû Himâra. L'arrivée de renforts permit de poursuivre les opérations durant tout l'été en dispersant et en soumettant les tribus.

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