joseph Dadia-Agadir
Certains jours sur la plage d’Agadir, apres le match de football, la douceur de l’air nous invitait a rester sur place jusqu’a la tombee de la nuit. Vers le crepuscule, la mer devenait belle et de belles Giles brunes aux yeux bleus venaient se baigner apres le bureau. Leur corps se moulait dans des maillots bleu-turquoise. Elles etaient attirantes et ravissantes a croquer. Nous ne pouvions que les admirer en silence d’un regard discret. Un policier dans sa pelerine noire prenait son service de garde pour la nuit. II etait trapu, le visage rougeaud. J’etais libre de mes mouvements, mais c’etait l’heure raisonnable pour nous de retourner chacun a sa maison. Mon oncle Meyer, je le voyais chaque jour a la maison. La nuit, il etait pris par son activite de mareyeur. Le jour, il s’interessait a moi et me demandait si je ne manquais de rien. Un jour, il n’a pas apprecie que Maurice m’avait conduit au port. Je ne sais pas comme il l’a su. Mon oncle a severement puni Maurice pour cela. Cela ne m’a pas fait plaisir, mais personne n’osait dire quoi que ce soit a mon oncle. Pour mon oncle Meyer, j’etais un talmid hakham et ma place n’etait pas au port.
Mon oncle Meyer etait tres pris par son intense et debordante activite de mareyeur. Cela le retenait la nuit au port de peche. Le poisson peche par differents pecheurs etait vendu aux encheres, par adjudication et au meilleur offrant, pres de son local ou il faisait preparer par ses employes de nombreux cageots a destination de Marrakech et de Casablanca. A cette epoque, il n’y avait pas de camions frigorifiques. Des couches de glace couvraient le poisson des cageots. Mon oncle travaillait lui-meme pour aider ses salaries. Des camions conduits par ses chauffeurs quittaient la nuit Agadir pour assurer une liaison directe entre le port et les differentes villes ou le poisson sera vendu au detail.
Une annee, je suis reste chez mon oncle pour les Fetes de Tichri. Il m’a conduit dans differents magasins d’Agadir pour m’acheter des vetements et des chaussures. Je la sens toujours dans mes pieds la belle et confortable paire de chaussures que mon oncle m’avait offerte. Ces chaussures etaient d'excellente qualite et de cuir souple. Noires de couleur. J’ai toujours aime et j’aime toujours porter de belles choses ce, de la facon la plus naturelle.
Hien plus tard, a Marrakech, je rentre dans un magasin pour acheter une paire de chaussures. J’ai dit .» la vendeuse: «Veuillez s.v.p. m’apporter la
meilleure paire des chaussures que vous avez quel que soit le prix ». Bien des annees apres, j’ai reconnu en elle celle qui etait devenue l’epouse de mon regrette frere Gabriel: Sol Aflalo.
Le jour de la fete de Roch Hachana, j’ai accompagne mon oncle Meyer a la Synagogue pour entendre Ahot Qetana et les souhaits de benediction pour la nouvelle annee. De retour a la maison, des plateaux bien garnis de toutes sortes de fruits et de legumes tronaient sur la table, comme le veut la tradition. Une belle soiree dont je me souviendrai.
'L'oncle David, le vendredi 27 mai 1977 vers 18 heures 45, chez moi 92 Bourg-la-Reine, me raconte le rituel de cette fete dans la famille Tuizer : sept legumes cuits avec une tete de mouton : navets, blettes, choux, poireaux, courges (deux especes), coing, slaouia (une courge slaoui). Faire bouillir les sept legumes. Une fois les legumes bouillis, les enfiler avec une aiguille, les coudre ensemble et les remettre a cuire. La cuisson se fait dans une marmite neuve. La coutume est de manger les sept legumes ensemble. Possibility de manger d’autres mets. Manger aussi toutes sortes de fruits, notamment des nouveaux. Le premier jour de Roch Hachana, de manger du couscous. Je me souviens qu’une servante envoyee par mama Messaouda nous apportait dans un plateau du couscous cuit au safran. La couleur de cc couscous m’a toujours impressionne. Le couscous chez mes parents n’avait pas cette couleur.
Mon pere Ya’qob, le lundi 5 aout 1974 vers 19 heures a Beit-Chean, me dit le rituel de cette fete. Le ler soir de Roch Hachana dans la famille Dadia : Couscous, 7 a 8 legumes : keroub (en hebreu) chou, navets, slaouia, potiron, houmous (pois chiches), bassal (en hebreu) oignons, blettes. Mettre ensemble ces legumes dans un bouillon, en y ajoutant une a cinq dattes. Prevoir de la viande. Chaque annee, la veille de la fete, il etait de coutume d’acheter une marmite neuve ou un couscoussier. Faire la priere sur les fruits habituels et sur les nouveaux fruits. Possibility de manger d’autres plats.
Sur slaouia, je n’ai pas trouve de documentation. Par sa forme et son aspect, slaouia ressemble a la courge pleine de Naples ou au concombre vert-long Rollisson.
Les courges (gourde, citrouille, potiron) sont des cucurbitacees, du latin cucurbita, «courge». Types principaux des cucurbitacees : Bryone, calebasse, coloquinte, concombre (cornichon …), melon, pasteque. Ricinus communis est la plante citee dans Jonas 4 : 6, 7, 9, 10 : Qiqayon, ricin. Le chanoine Osty, dans sa bible page 1999, ecrit: « Plante a larges feuilles palmees, de croissance rapide, pouvant atteindre une hauteur de 3 metres ; tres repandue dans le Proche- Orient, ou on la cultive volontiers dans les jardins comme plante d’ornement». Le qiqayon n’est cite dans la Bible hebraique que dans Jonas. C’est un hapax legomena.[הקיקיון]. De son fruit l'on obtient l’huile qiq – קיק, en grec kiki, en acadien kukkumiti, en arameen et en syrien slouliba – צלוליבא, cf. Babli Shabbat 21a; Yeroushalmi Shabbat chapitre 2 halakha 4. Ibn Gabirol cite l’huile qiq – קיק dans son poeme Shokhne batte hemar. Cf. Michna Shabbat 2,1 : « On ne doit pas allumer les lumieres du shabbat avec l’huile de ricin ».
Eben Ezra, au nom des Sages d’Andalousie, nous enseigne que le qiqayon est une della’at דלעת , une citrouille, une courge, cucurbita, ou une קרא qara, lagenaria. En arabe : khourou – כורוא; Haradaq : alkhrou – אלכר״ו ou alkhrou’ – אלכר״וע.