Le Pogrome des Fes ou Tritel-1912-Deuxieme partie Témoignages oculaires-Paul B.Fenton
חלק שני עדויות
DEUXIEME PARTIE Témoignages oculaires
I Témoignages en français עדויות בצרפתית
Al- Les événements de Fès vu par un diplomate
אירועי הטבח בפאס מנקודת מבטו של דיפלומט
הד״ר פרדריך וייסגרבר, רופא וחוקר מאלזס, היה גם כתב בעיתון ״לה טם״ הפריזאי. בהיותו מומחה לענייני מרוקו, הוא נתמנה ליועץ במשטר החסות. בשעת המרד הוא שהה בפאס, והיה הראשון לתאר אותו בכתבותיו לעיתון ומאוחר יותר בספרו על מרוקו. כאן, בפרק הלקוח מהספר, הוא מספר את האירועים רגע אחר רגע כפי שחווה אותם, ומתאר גם את הטבח ברובע היהודי. בסוף הקטע המצוטט הוא מחווה את דעתו בעניין הסיבות למרד.
Le 17 avril 1912, à Fez, la situation militaire était la suivante. Le général Brulard, commandant d’armes, disposait au total de deux bataillons de tirailleurs à effectifs réduits (Philipot et Fellert), une batterie d’artillerie, une section de mitrailleuses, une section du génie, un escadron de spahis (capitaine Devanlay) et un demi-escadron de chasseurs d’Afrique, soit au maximum 1500 hommes campés à Dar Dbibagh, à quatre kilomètres de la ville, sous les ordres du colonel Taupin. De ces troupes, un bataillon et un escadron devaient servir d’escorte au sultan et à l’ambassadeur.
La garnison chérifienne se composait de trois tabors d’infanterie, une compagnie d’instruction, deux escadrons, deux batteries et un tabor de génie, soit au total, avec la garde du sultan, environ 5000 hommes. L’infanterie, la cavalerie et l’artillerie étaient réparties entre la kasba des Cherarda, près de Bab Sagma, et les fortins nord et sud; le génie était casemé à Tamdert, près de Bab Ftouh. Les officiers et sous-officiers de la mission militaire logeaient en ville.
Dans la matinée, j’avais fait une sortie en ville et je n’y avais rien remarqué d'insolite. Seulement, du fond d’une ruelle obscure, une voix chevrotante de vieille sorcière m’avait crié une malédiction:
En-nçara f’es-sennara
El-yhoud f’es -sefoud
(Les chrétiens aux crocs et les juifs à la broche)
Revenu au dar El-Glaoui où je devais déjeuner, je me promenais dans le patio lorsque je vis arriver en grande hâte le commandant Brémond, second de la mission militaire, qui demanda à voir le ministre. Quelques mois auparavant, à Sefrou, alors que les Aït Youssi attaquaient son camp, je l’avais vu sous une grêle de balles, calme et souriant, son étemelle cigarette au coin des lèvres. Je vis à sa figure et à son attitude qu’il se passait quelque chose d’anormal et, l’ayant attendu à la sortie, je l’abordai:
Que se passe-t-il?
Deux de nos tabors se sont révoltés et sont en train de massacrer leurs instructeurs. Ils peuvent être ici en moins d’un quart d’heure: vous n’avez que tout juste le temps de vous armer et d’organiser la défense de la maison.
Sachant qu’il y avait au consulat des armes et des munitions, j’y courus avec quelques hommes de garde et en rapportai six mousquetons et une caisse de cartouches que, pour ne pas effrayer les dames, j’allai déposer dans le bureau de M. Régnault, à l’entrée du patio. J’y trouvai M. B., le ministre plénipotentiaire in partibus, qui attendait l’heure du déjeuner.
Qu’est-ce que tout cela? Me demanda-t-il en me voyant entrer avec mon arsenal. Je le mis rapidement au courant de la situation. Mais voyons, dit-il:
vous n’avez qu’une chose à faire…. Ah? – Evidemment! Et l’exterritorialité, qu’en faites-vous? Vous n’avez qu’à hisser le pavillon!… Et j’eus toutes les difficultés du monde à lui faire perdre ses illusions.
A ce moment on entendit des coups de feu dans le lointain. On se mit à table, et c’est là, tandis que la fusillade se rapprochait de plus en plus, que nous apprîmes les noms des premières victimes de l’émeute.
Voici, d’après mes notes, complétées par des renseignements recueillis ultérieurement, ce qui s’était passé et ce qui arriva par la suite:
17 avril
Ce matin à 11 heures, à l’occasion de la paye, deux tabors d’infanterie et un de cavalerie, casernés à la kasba des Cherarda, se sont mutinés et ont invectivé leurs instructeurs en tirant des coups de fusil, Puis ils se sont rendus au dar el-makhzen pour exposer leurs griefs au sultan; celui-ci les a renvoyés; effrayés sans doute par la gravité de leur faute mais se sentant en nombre et pensant échapper au châtiment en supprimant les justiciers, ils se sont mis à faire la chasse aux chrétiens.
Tabor, rattachement de goumiers dans la hiérarchie militaire des troupes coloniales françaises.
Les goumiers marocains étaient des soldats appartenant à des goums, unités d’infanterie légères de l'armée d'Afrique composées de troupes autochtones marocaines sous encadrement essentiellement français. Ces unités ont existé de 1908 à 1956.
D'abord supplétifs, puis réguliers, les goumiers se sont surtout illustrés lors de la Seconde Guerre mondiale, entre 1942 et 1945, période au cours de laquelle les quatre groupements de tabors marocains (GTM) regroupant chacun trois tabors (bataillons) lesquels rassemblent trois ou quatre goums (compagnies) chacun, principalement sous les ordres du général Guillaume, ont obtenu, entre 1942 et 1945, dix-sept citations collectives à l'ordre de l'armée et neuf à l'ordre du corps d'armée1, puis en Indochine de 1946 à 1954.
Dès le début de l’émeute, le général Brulard et le colonel Mangin en avaient été avisés par M. Reynier, officier interprète, et le lieutenant Metzinger de la compagnie d’instruction. Le commandant Brémond et M. Reynier avaient reçu l’ordre de se rendre à la kasba des Cherarda pour tenter de calmer les émeutiers. Mais il était déjà trop tard: les tabors révoltés s’étaient répandus en ville et massacraient leurs officiers.
C’est à ce moment que le commandant Brémond est venu faire son rapport à M. Régnault.
On s’attend d’un moment à l’autre à l’invasion du quartier du Douh («les Frondaisons») où habitent la plupart des Européens et où se trouvent l’ambassade, les consulats de France, de Grande-Bretagne et d’Espagne et l’hôpital militaire.
C’est dans ce dernier que le général Brulard établit son poste de commandement. Il ne dispose pour l’instant que des musiciens du 1er tirailleurs qui se trouvent en ville par un heureux hasard, des infirmiers, de quelques soldats convalescents, des cavaliers d’escorte de l’ambassade et d’une poignée de civils: en tout, une centaine de fusils à opposer à plusieurs milliers d’énergumènes bien armés et à une populace grisée par l’odeur de la poudre, avide de sang. A une heure et demie j’expédie au «Temps» mon dernier télégramme, peut-être l’ultime.
Provisoirement, tout ce que l’on peut tenter, en attendant le secours des tirailleurs de Dar Dbibagh prévenus par téléphone, est de défendre notre quartier. Des postes et des barricades sont installés à l’entrée de chacune des ruelles qui y donnent accès. L’hôpital est organisé en centre de résistance par son médecin-chef, le docteur Foumial, qui fait preuve, en l’occurrence, des plus belles qualités militaires.
Tout autour, l’émeute fait rage. Les égorgeurs poursuivent leur sinistre besogne, stimulés par les cris stridents, vrillants, obsédants des femmes frénétiques se bousculant sur les terrasses. Tous les militaires et civils français dont ils peuvent s’emparer sont assassinés, les uns dans la rue, les autres dans leurs maisons. L’Hôtel de France est envahi, la propriétaire et l’un de ses hôtes sont massacrés; les autres réussissent à se barricader dans une chambre ou à s’évader par les terrasses. A quelques centaines de mètres de nous, à l’entrée du Douh, les télégraphistes résistent dans leur maison à l’attaque des émeutiers. On tente à plusieurs reprises de les dégager, mais on est obligé de reculer devant la violence du feu.
Le Pogrome des Fes ou Tritel-1912-Deuxieme partie Témoignages oculaires-Paul B.Fenton-page 101