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Cliché à la une : Un coin du Mellah avec le cimetière juif, vers 1915 ( éditions Haïm  David Séréro).

Situé au sud du Mellah, ce cimetière date de la fin du XIX ème siècle. La photographie ci-dessous, anonyme et non datée  nous montre un cimetière encore peu peuplé et dont la partie orientale n’a été, pendant longtemps, qu’un simple terrain vague qui servait aux jeux des jeunes du Mellah. (Elle ressemble au cliché à la une et pourrait dater du début des années 1920, les tombes sont un peu plus nombreuses et mieux entretenues).

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L’ancien et premier cimetière juif était situé, un peu plus à l’ouest, à quelques centaines de mètres de là, près de la porte de Bab Lamer, à peu près à l’emplacement de l’entrée actuelle de l’esplanade qui mène à la porte monumentale du Palais royal.

Établi sur un terrain donné par Lalla Mina, fille du sultan, ce cimetière était la propriété de la communauté juive depuis l’année 1500 environ et les rabbins venus d’Espagne y étaient enterrés.

En 1877 le Sultan Moulay Hassan exige que la communauté juive déterre ses morts car il désire construire des bâtiments pour agrandir son palais.

À la réception de cette injonction, les dirigeants de la Communauté et le Grand Rabbin entament des démarches auprès du Sultan et alertent les représentants des puissances européennes pour garder leur cimetière,  avec apparemment un succès temporaire.

Mais après cette tentative avortée de 1877, le Sultan expropria définitivement le cimetière juif de Fès en 1888, pour les besoins d’agrandissement de son palais.

Il semble qu’il avait déjà récupéré trois ans avant la partie la plus ancienne du cimetière, mais jugeant ce terrain insuffisant, le Sultan envoie le premier jour du mois de nîsan (entre mars et avril) 1888 la garde impériale pour exhumer les corps des défunts. Chaque famille se précipite alors pour récupérer les ossements de leurs parents et de leurs proches, afin de leur donner une sépulture ailleurs : « un marécage plein d’eau » fut assigné par les autorités comme nouveau cimetière en échange de l’ancien. C’est l’origine du cimetière actuel de la communauté juive de Fès.

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Cette photographie est une photo du Service Photographique du Gouvernement Général de l’Algérie (tampon en relief au recto et au verso tampon encreur de l’Office du Gouvernement Général de l’Algérie 10, rue des Pyramides Paris 1er arrondissement). Photographie non datée, mais probablement avant 1920 environ, car identique à celle du Cdt Laribe).

Voici le texte d’Alfred Bel, accompagnant la même photo dans le livre « Le Maroc    pittoresque Fès-Meknès-et-Région ». Album de Photographies du Commandant Laribe. Préface et notices de Monsieur Reveillaud, Chef des Services Municipaux à Meknès et Monsieur Alfred Bel, Directeur des Médersas de Tlemcen
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Au sud du quartier juif, en face du camp de Dar-Mahrèz sur la pente descendant vers l’Oued Zitoun, se répandent les blancs monuments funéraires du Cimetière Juif, en dehors des anciens remparts Mérinides, dont on aperçoit à droite d’imposants vestiges.

C’est dans ce champ des morts que sont enterrés les Israélites de Fès depuis que le souverain Mérinide Yacoub ben Abdelhaqq à la fin de notre XIII° siècle, fit construire le quartier Juif ou Mellah sur l’emplacement qu’il occupe aujourd’hui.

Les monuments que l’on voit ici sont en pierre grossièrement taillée et blanchie à la chaux. Ils ont la lourdeur et rappellent même vaguement la forme demi-cylindrique sur socle cubique allongé, de certaines pierres funéraires des Romains. Mais si l’on voulait chercher dans le pays même des origines à ces formes, on trouverait peut-être en très grossier et très alourdi le souvenir de ces pierres prismatiques élégantes et allongées , que les musulmans de Fès comme ceux de Tlemcen au XIV° XV° siècles après J.-C. plaçaient autrefois sur la tombe de leurs morts et que les Fasis nomment encore Mabriya. Les lourds blocs massifs de pierre ou de marbre du cimetière Juif de Tlemcen, bien que n’ayant pas tout à fait la forme de ceux de Fès, ne sont pas sans analogie avec ceux-ci.

On remarquera que le commentaire d’Alfred Bel semble ignorer l’existence d’un premier cimetière : 
« C’est dans ce champ des morts que sont enterrés les Israélites de Fès depuis que le souverain Merinide Yacoub ben Abdelhaqq à la fin de notre XIII° siècle … ».

Il existe un autre cimetière  juif où juifs et chrétiens étaient enterrés.

Dans Description de la ville de Fès  Michaux-Bellaire en 1906 écrit :
« Jusque-là (1902) – date à laquelle le cimetière international fut créé et où seront inhumés les européens-, les chrétiens qui mouraient à Fès étaient enterrés à  » Ed Dhar El Mheraz » (la colline du mortier, pièce d’artillerie), au cimetière établi à cet endroit pour recevoir les Juifs morts hors de la ville et que les coutumes musulmanes, qui interdisent l’introduction d’un cadavre dans une ville, ne permettent pas d’enterrer au cimetière juif placé à l’intérieur des portes de Fès Ed Djedid »

Roger Letourneau dans Fès avant le protectorat mentionne aussi ce cimetière juif mais sans préciser qu’il servait aussi aux chrétiens :

« À noter que, si un juif mourait en dehors de la ville, son cadavre ne pouvait y être introduit ; transgresser cette règle, c’était exposer la ville aux pires calamités (cette coutume vaut aussi pour la Médina et, selon M. Bensimhon, pour les communautés israélites d’Europe Centrale). Les juifs morts dans ces conditions étaient donc enterrés dans un cimetière spécial, situé sur la colline de Dahar Mahrès, face au mellah. » (Chapitre VIII Les moeurs du Mellah, la mort)

Lors de mon séjour à Fès, en mai 2016, j’ai découvert, grâce à Elie Devico, ce cimetière … devant lequel j’étais passé plusieurs fois sans le savoir : en effet il est situé sur la colline de Dahar Mahrès, en face du Mellah et au pied du récent Hôtel Sahrai ! Il reste une douzaine de tombes qui ne sont plus entretenues aussi régulièrement que dans les années 1950.

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Tombes et en arrière-plan l’hôtel Sahraj

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Tombes

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Tombes et vue sur le Mellah, en arrière-plan