Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

– POEMES DIDACTIQUES

En tant que talmidei-hakhamim, les poètes marocains considèrent qu’il est de leur devoir de diffuser l’enseignement divin, ce qui les amène à écrire des poèmes didactiques, où ils présentent divers aspects de la halakha et de l’éthique juive. David Ben Hassine, qui fait maintenant partie de l’élite rabbinique de Meknès, compose plusieurs poèmes de ce genre: des admonestations, des incitations au repentir, au caractère pédagogique manifeste, où il censure l’orgueil, la médisance, le blasphème, le vol, la concupiscence, et notamment "ceux qui ne peuvent quitter des yeux les belles femmes", et "qui aiment à discourir avec elles!" Il condamne également la colère, l’usure, l’exploitation et l’humiliation d’autrui en général, l’envie et l’amour des honneurs, la dureté des riches et des puissants, et la profanation du Shabbat.

Téhilla Lé-David contient quatre piyyoutim sur "les treize articles de la foi", tels qu’ils furent codifiés par Maimonide. Ces quatre com- positions continuent la longue tradition d’hymnes rituels sur le même thème, selon le modèle du plus connu d’entre eux: "Yigdal Eloqim Hay". L’un d’entre eux suit de près la mélodie, les thèmes et même les termes du pïyyout populaire nord-africain "Mési’outo Vé-Ahdouto Vé-Ein Gouf'. On pourrait ajouter à ces pièces didactiques les piyyoutim décrivant les règles et usages des fêtes de Pessah, Shavou‘ot, Soukkot,^ Shabbat et ses traditions, y compris le riche menu du repas et la sieste qui le suit!

 

Deux longues pièces éducatives, Séfer Méqoman Shel Zévahim et Téfilla Lé-David, montrent l’étendue de l’érudition rabbinique de David Ben Hassine. Elles ont été écrites en vers, afin d’en faciliter la mémorisation. Le poète attache une grande importance à ces deux poèmes, qu’il considère, à juste titre, comme des oeuvres distinctes de Téhilla Lé-David, puisqu’il leur consacre deux livrets séparés du reste de son recueil, avec leurs propres frontispices, sans doute pour souligner leur caractère spécifique. Le grand spécialiste de la poésie hébraïque Hayyim Schirmann estimait que ces oeuvres halakhiques à vocation pédagogique n’appartenaient pas vraiment au domaine de la poésie.

 

SEFER MEQOMAN SHEL ZEVAHIM

David Ben Hassine a probablement suivi, à la yéshiva, des cours théoriques sur les lois de la shéhita, l’abattage rituel des animaux de boucherie. Une légende raconte que le poète composa son Séfer Méqoman Shel Zévahim, où il mit en vers les lois de la shéhita, parce qu’il voulait devenir shohet. Pour attendrir le dayyan Mordekhay Berdugo, dont la famille était seule titulaire de la sérara – le monopole héréditaire – de cette fonction, le jeune David chantait Méqoman Shel Zévahim tous les matins, à sa fenêtre. Impressionné par l’érudition, et la belle voix, du jeune poète, Mordekhay Berdugo aurait fini par lui accorder le privilège d’exercer la shéhita. La légende est touchante, mais peu conforme à la vérité. David Ben Hassine n’a écrit Méqoman Shel Zévahim qu’en 1785, vers la fin de sa carrière poétique. A l’âge de vingt ans, son talent n’était pas encore suffisamment affirmé pour pouvoir composer un poème aussi complexe. Enfin, à cette époque, il était loin d’être un inconnu pour Mordekhay Berdugo: il était son disciple depuis bien des années, et il venait d’épouser sa fille!

David Ben Hassine a composé ce poème didactique de 451 vers monorimes afin d’aider les étudiants à apprendre plus facilement les lois de la shéhita, "telles qu’elles furent édictées par les rabbins de Castille … et telles qu’elles ont été adoptées et mises en pratique dans la plupart des villes du Maroc". Notons que ces règles, adoptées au Maroc à l’arrivée des Expulsés espagnols, diffèrent en certains points, particulièrement dans le cas de la néfihat ha-ré’a (l’insufflation du poumon des animaux abattus), de la législation rabbinique du Shoulhan ‘Aroukh.

 

TEFILLA LE-DAVID (AZHAROT)

Le livret des Azharot de David Ben Hassine est intitulé "Téfilla Lé-David" (Prière de David). Les Azharot (ou admonitions), déjà intégrées à la liturgie à l’époque de Sa‘adia Gaon, au Xe siècle, sont des poèmes didactiques récités traditionnellement pendant la fête de Shavou'ot. En Afrique du Nord, les plus populaires sont celles des poètes classiques espagnols du Xle siècle, Shélomo Ibn Gabirol et Yishaq Ben Réouben Al-Bargeloni, qui énumèrent les 613 commandements, et que l’on retrouve dans la plupart des rituels des grandes fêtes.

Cependant certaines Azharot se limitent à l’exposé des règles concernant une fête particulière comme Pessah, ou une question rituelle spécifique. Ainsi, Téfilla Lé-David, de David Ben Hassine, composée "pendant le mois de Shevat 5547" (entre le 20 janvier et le 18 février 1787), est un long poème didactique de cent quatrains, consacré aux règles du Orah Hayyim, la première partie du Shoulhan ‘Aroukh, sur les activités du réveil, "les sisit et les têfillin, les prières du matin, et les treize articles de la foi". David Ben Hassine semble avoir été inspiré essentiellement par les Azharot de Yishaq Al-Bargeloni et par celles de Moshé Abensour. Le texte original des Azharot de David Ben Hassine comportait également, à l’origine, deux réshouyot, ou poèmes d’introduction, et un poème de clôture, absents dans les éditions d’Amsterdam et de Casablanca. Les descendants de David Ben Hassine ont maintenu jusqu’à nos jours la tradition de chanter ses Azharot pendant la fête de Shavou‘ot, dans la synagogue qui portait son nom à Meknès, puis, après sa fermeture vers 1960, dans la synagogue casablan­caise Téhilla Lé-David, ainsi nommée en son honneur.

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

19/02/2022

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