Les noms de famille juifs d'Afrique du nord des origines a nos jours – Joseph Toledano.Cohen

COHEN
Nom patronymique d'origine hébraïque ayant pour sens prêtre au service de Dieu. Originellement les Hébreux n'avaient pas besoin d'intermédiaires pour servir l'Etemel et chacun lui offrait sur l'autel son sacrifice, ce service étant généralement réservé aux fils aînés. Mais après l’épisode de l'adoration du Veau d'Or au cours de l'Exode dans le désert du Sinaï, cette fonction fut réservée à la tribu de Lévy qui seule n'avait pas participé au culte du Veau d'Or. "Moi-même en effet j'ai pris les Lévites d'entre les enfants d'Israël en échange de tous les premiers-nés, prémices de la maternité d'Israël" (Les Nombres 3,12). Moïse, de la tribu des Lévy, divisa le service divin entre les Lévites et son frère Aaron et ses enfants qui reçurent de le titre de Cohanim. Au temps du Temple, les Cohanim étaient distincts des enfants d'Israël, portaient des habits spéciaux et vivaient uniquement des sacrifices et des prémices que leur apportaient les gens du peuple d'Israël. Elus pour le service divin, les Cohanim devaient être parfaits et donner l'exemple. Ils devaient donc veiller à la pureté de leur caste et ne pas la profaner par des mésalliances matrimoniales comme le commande le Pentateuque, au risque de perdre leur privilège de prêtrise en cas d'infraction: "Nul ne doit se souiller par le cadavre d'un de ses concitoyen, si ce n'est ses parents les plus proches: pour sa mère ou son père, pour son fils ou sa fille, ou pour son frère; pour sa soeur aussi, si elle est vierge, habitant près de lui, et n'a pas encore appartenu à un homme, pour elle il peut se souiller. Il ne doit pas se rendre impur lui qui est maître parmi les siens, de manière à s'avilir, ils ne feront point de tonsure à leur tête, ne raseront point l'extrémité de leur barbe, et ne pratiqueront point l'incision sur leur chair. Ils doivent rester saints pour l'Etemel et ne pas profaner le nom de leur Dieu … Une femme prostituée ou déshonorée, ils n'épouseront point; une femme répudiée par son mari ils n'épouseront point, car le pontife est consacré à son Dieu.." (Le Lévitique, 21, 1-7). Après la destruction du Temple et malgré la cessation du service des sacrifices, les Cohanim sont restés absolument tenus à ces interdictions et ceux qui les enfreignent deviennent "Halalim" et perdent leur titre qui est aussi leur nom, comme il est arrivé selon la tradition au Maghreb aux familles Elhadad, Kessous, Abetan. Ils ont conservé quelques privilèges qui les distinguent du commun d'Israël: être appelés les premiers à la lecture de la Torah, bénir les fidèles à la synagogue, racheter à leurs parents les premiers-nés mâles; il est interdit de leur donner des ordres ou de les prendre comme serviteurs. Depuis le temps du Roi David, le Grand Prêtre, Cohen Hagadol, a toujours été un descendant direct de Sadok Hacohen.
Mais avec la rédaction du Talmud, la science l'a emporté sur le sang, l'érudition sur la naissance, et la direction de la vie spirituelle est passée des prêtres, Cohanim, aux Guéonim, les savants, les érudits, puis aux rabbins. Faute d'avoir scrupuleusement tenu à jour leurs arbres généalogiques, les porteurs de ce nom aujourd'hui ne peuvent prouver avec une certitude absolue leur descendance directe de Aharon Hacohen. Ce fut justement un des reproches faits au XVIIIème siècle par les Karaïtes aux rabbiniques: de ne pas avoir veillé à la pureté de la lignée. Mais ce reproche a été rejeté: aux yeux de la tradition rabbinique, les Cohen d'aujourd’hui sont bien les authentiques descendants du Grand Prêtre Aharon et les détenteurs de ses prérogatives de prêtrise. Ce patronyme est le plus répandu dans toutes les communautés juives à travers le monde. En Afrique du Nord, il y avait deux villes peuplées essentiellement de Cohanim, Djerba en Tunisie et Debdou au Maroc. A Djerba, les Cohen habitaient la Hara Sghira et avaient pour tradition d'avoir apporté avec eux un fragment de la porte du Premier Temple de Jérusalem, d'où le nom de leur quartier: "Dighet" équivalent de l'hébreu "delet", la porte. C'est autour de cette relique qu'aurait été fondée la célèbre synagogue de Djerba, la "Ghriba". Il existe même à Fès des Al Kohen musulmans, sans doute descendants de familles juives converties à l'islam, comme d'autres grandes familles de la capitale intellectuelle du Maroc. Au XXème siècle, le nom patronymique le plus répandu dans les trois pays du Maghreb, porté dans toutes les communautés. Pour distinguer entre elles les très nombreuses familles Cohen, on prit l'habitude de leur adjoindre un appelatif supplémentaire. Les plus célèbres au Maroc sont: Scali, De Lara, Maknin, Khallas, Olivera; en Algérie: Solal, Bencheton, Préciosa. En Tunisie: Elhadad, Hadria, Boulakia, Solal, Tanugi, Codar, Larok, Roch, Zardi, Ganouna. Il est difficile vu leur très grand nombre de citer tous les rabbins et personnalités qui se sont distinguées parmi les porteurs de ce patronyme, et nous essayerons de n'en retenir, forcément arbitrairement, que les plus marquants.
DEHYIA HACAHENA: Légendaire reine juive de la puissante confrérie des Berbères des Djeraoua, de la tribu des Zenata, convertie au judaïsme, qui arrêta un moment la conquête arabe. Après avoir conquis sans coup férir l'ensemble du Maghreb sous la conduite du général Oqba Ben Nafa, les Arabes furent rejetés vers la Cyrénaïque par le prince chrétien Koceila. Ils revinrent à l'assaut sous la conduite du génral Hassan Ben Naaman qui mit en déroute les armées de Koceila qui est tué en 688. Un dernier obstacle restait sur son chemin: la puissante reine berbère de presque l'ensemble du Maghreb, adossée sur la chaîne de montagnes des Aurès. Elle lui infligea une défaite sanglante vers l'an 687, l'obligeant à battre en retraite. Pour enlever aux Arabes toute envie de revenir, elle adopta la politique de la terre brûlée, ordonna de détruire toute la zone fertile des plaines le long des côtes, ses villes et ses plantations s'attirant ainsi la haine de leurs Mais cinq ans plus tard, ayant reçu des renforts, Hassan repartit à l'assaut. Avant la bataille finale, elle prédit sa défaite, conseilla à ses enfants de se convertir à l'islam, mais ne renonça pas elle au combat final au cours duquel elle fut tuée, au lieu dit Bir El Kahéna. Certains historiens contemporains toutefois mettent en doute non l'historicité de ce récit, mais la judéité de la Kahéna en se basant sur son conseil à ses enfants de se convertir à la religion des vainqueurs, établissant au moins que son opposition aux Arabes n'avait pas un caractère religieux mais reflétait la volonté de liberté et d'indépendance des Berbères.
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