Les contacts entre le Maroc et les pays europeens au XIXe siecle

Les contacts entre le Maroc et les pays europeens au XIXe siecle
Quelles mesures Abdelhafid prit-il contre les puissances coloniales?
Fort de l'appui d'une nouvelle bay'a, le sultan Abdelhafid tenta egalement de neutraliser 1'influence etrangere. Mais, que pouvait-il faire? Selon le chroniqueur Ibn Zaidane, «la blessure du Maroc depassait la capacite des chirurgiens les plus habiles.» Abdelhafid tenta de recruiter des instructeurs ottomans pour l'armee marocaine. Suite a l'ultimatum impose par la France, il dut congedier les officiers ottomans trois mois apres leur arrivee. Par ailleurs, Abdelhafid dut reconnaitre qu'il ne pourrait plus miser sur la rivalite entre les puissances coloniales : de nombreuses delegations marocaines a l'etranger cherchaient depuis une dizaine d'annees a sonder les intentions des puissances de l'epoque. Entre autres objectifs, l'on voulait pouvoir contrer la pression croissante des puissances coloniales en tablant sur la rivalite entre elles : Inglis, Frances, el Sponioli, el Bortokez, el Brus, et el Nimperial, qui etaient respectivement les Anglais, les Frangais, les Espagnols, les Portugais, les Allemands (les Prussiens) et les Autrichiens.
Mais des lors que 1'Allemagne – dont 1’empereur avait visite Tanger et dont le bateau de guerre Panthere avait seme la panique a Agadir – se desinteressa du Maroc en echange de certaines concessions futures au Congo, le Maroc fut livre a la merci de la puissance coloniale franchise. La France exigea une indemnite de guerre de 60 millions de francs et une autre de 13 millions pour dedommager les marchands francais. Ceci fit grimper la dette de Moulay Abdelhafid. Un premier pret consenti a la France en 1904, puis un second de 150 millions de francs (dont 70 millions pour couvrir les frais de maintien de la securite dans la region de la Chaouia par l'armee francaise) avaient tres lourdement endette le Maroc. Une partie de ces prets devait servir a indemniser les victimes francaises de 1907 (le Dr Mauchamp de Marrakech et neuf Europeens de Casablanca) et couvrir les frais de bombardement de Casablanca. Ce second pret fut contracte en 1910 apres que la France, suite a un ultimatum de quarante- huit heures, eut menace de faire evacuer ses troupes de Fes, ce qui aurait laisse le sultan sans protection contre les tribus rebelles autour de la ville. Ce pret de 104 millions etait loin de couvrir les dettes anterieures qui s'elevaient a 206 millions de francs.
La dependance de la France n'en etait que plus accrue. Il n'etait desormais plus possible d'ecarter la presence franchise au Maroc. Pour reprendre les mots de Germain Ayache auteur de 1'ouvrage Les origines de la guerre du Rif, « le sultan etait delivre de son peuple, mais prisonnier de ses liberateurs.»
Comment Abdelhafid en vint-il a signer l'entente sur le Protectorat?
Le Maroc demeurait impuissant face aux forces militaires francaises auxquelles se joignaient celles de l'Espagne. La deception des partisans d'Abdelhafid fut grande. Le Cherif Al-Kettani qui avait lutte pour mettre au pouvoir Abdelhafid se retourna maintenant contre lui. Abdelhafid le fit mourir sous la torture et souscrivit egalement au traite d'Algesiras qui avait ete a l'origine de son opposition majeure a 1'endroit de son frère Abdelaziz. Ne voulant demeurer en reste, l'Espagne occupa Larache et Ksar el Kebir.
La population qui avait soutenu Abdelhafid réalisait de plus en plus que la situation qui prévalut du temps d'Abdelaziz n'avait pas évolué. Certains même allaient jusqu'à regretter le sultan déposé. Assiégé en mars 1911 par des tribus berbères des Béni M'tir dans Fès sa capitale et qui voulaient introniser le frère du sultan Moulay Zine, le souverain Moulay Abdelhafid fit appel aux Français. Cette requête légitima l'intervention française et ouvrit la voie au Protectorat. Le corps expéditionnaire français comptait alors 22 000 soldats. La colonne du général Moinier arriva à Fès le 21 mai et mit fin à son siège, au grand soulagement des Fassis. Le muezzin de la mosquée de Moulay Idriss à Fès aurait prétendu rêver que le général Moinier aurait embrassé le saint Moulay Idriss. Moinier prit la ville de Meknès le 8 juin. Lorsqu'il démit l'impopulaire Glaoui de son poste de vizir, ce dernier répliqua, en parlant d'Abdelhafid : « Il m'a laissé tomber. Qu'Allah l'abandonne ! »
Le 30 avril de l'année suivante et à la grande consternation de tous ceux qui s'étaient ralliés à lui, Moulay Abdelhafid signa la Convention de Fès faisant du Maroc un Protectorat français (hamia). Son trône ne tint plus qu'à un fil. Bien que le traité s'engageât à sauvegarder le respect et le prestige traditionnel du sultan, ce dernier fut réduit à signer les dahirs qu'on lui soumettait. Abdelhafid ne se faisait guère d'illusions, sachant que sa souveraineté était désormais amputée des attributs essentiels que sont le maintien de l'ordre, les finances et la représentation extérieure. Il déclara : « L'homme qui dispose de la force est généralement enclin à exercer le pouvoir sans partage.» Dans les faits et au cours des décennies de présence française au Maroc, l'esprit premier du Protectorat fut trahi et l'administration directe prit la place de la collaboration administrative.
Le contrôle du Maroc relevait désormais directement des gouvernements de France et d'Espagne. Par la ratification de cette Convention, le Maroc perdit la quasi totalité de ses prérogatives de pays indépendant. Le sultan du Maroc pouvait gouverner par décrets ou dahirs, mais ceux-ci devaient être approuvés par le Commissaire Résident général représentant la France et ce plénipotentiaire est l'unique instance agissant comme intermédiaire entre le sultan et les puissances étrangères. Dépité par son impuissance même à rejeter le Protectorat français et ne pouvant se résigner à cette nouvelle situation, Moulay Abdelhafid abdiqua le 13 août et son frère Moulay Youssef prit le pouvoir. L'armée française parada dans les villes du Maroc au fur et à mesure de son avance.
L'avancement des troupes françaises au Maroc fut graduel. Suite au bombardement de Casablanca en 1907, le corps expéditionnaire français sous les ordres du général Drude eut de grandes difficultés à avancer dans la plaine côtière de la Chaouia. Le Général d'Amade prit la suite des opérations l'année d'après et réussit à occuper la Chaouia, mais ce fut avec grandes difficultés. D'un côté comme de l'autre, on ne fit pas de prisonniers. Aussi délégua-t-on le général Lyautey au Maroc. En 1911, le général Moinier fit la percée allant de la côte atlantique à Fès puis à Meknès. L'armée française comptait alors 27 652 soldats. Mis à part l'année 1925, l'effectif de l'armée française oscilla autour de 30 000 militaires européens auxquels s'ajoutait un nombre supérieur de militaires maghrébins. Le décompte précis des effectifs militaires de la France peut être trouvé dans l'ouvrage de Moshe Gershovich, Trench Military Rule on Morocco. En 1925, pour mater la rébellion rifaine d'Abd El-Krim, le corps expéditionnaire français dut passer à plus de 200 000 soldats commandés par le général Pétain, en plus des 250 000 soldats du contingent espagnol. Cette année-là, les pertes françaises s'élevèrent à 2 218 morts et 3 100 blessés. Ce ne fut qu'en 1933 que le Sud marocain fut maitrisé par l'armée française. Toujours selon les études effectuées par Moshe Gershovich, 8 237 soldats français périrent entre 1907 et 1934. Durant la même période, le nombre de soldats blessés s'éleva à 12 514. Les pertes marocaines furent certainement bien plus élevées en raison de l'armement supérieur des Français.
Les contacts entre le Maroc et les pays europeens au XIXe siecle
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