Communautes juives sahariennes
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Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb
Edite par M. Abitbol
Institut Ben zvi pour la recherche sur les communautes juives d'Orient
Yad Itshak Ben-Zvi et l'Univesite Hebraique de Jerusalem
PREFACE
Le recueil d'articles que nous présentons constitue l'essentiel des Actes du Colloque sur les communautés juives des marges sahariennes du Maghreb, tenu en mars 1980 à Jérusalem, à l'initiative du Centre de Recherches sur les Juifs d'Afrique du Nord (Jérusalem) et de l'Institut de Recherches Méditerranéennes (Aix-en-Provence).
Tout comme lors des précédentes rencontres, organisateurs et participants ne prétendent guère donner un tableau complet de l'évolution de ces communautés dont les origines remontent probablement aux débuts de la présence juive en Afrique du Nord et dont l'extrême dispersion géographique — de l'Anti-Atlas aux confins dela Cyré-naïque — les rendent aussi omniprésentes qu'insaisissables.
Omniprésentes — ces communautés le sont tout d'abord dans la mémoire collective ou dans l'imagination des Juifs maghrébins qui firent du Dra' marocain, le berceau d'un "royaume" juif du Haut Moyen-Age, de Tamentit au Touat, — ravagé au XVIe siècle par les appels au Jihad d'al-Maghili — une "nouvelle Jérusalem" et de Djerba, l'île-refuge des Cohanim chassés de Palestine après la destruction du Temple.
Omniprésentes, elles le sont aussi dans les chroniques arabes, dans les sources rabbiniques, dans les traditions locales et dans les relations de voyageurs européens que le hasard, l'aventure ou l'intérêt conduisirent à la lisière du Grand Désert.
On ne s'étonnera guère par conséquent de l'immense variété des sources dans lesquelles les auteurs ont puisé leur informations. Nous mentionnerons en particulier l'usage intensif fait des sources rabbiniques dans la partie historique du recueil (M. Abitbol, M. Ben-Sasson, N. Levtzion, Rosen-Goldberg).
S. Shwarzfuchs évoque les écueils méthodologiques et autres presentes par la manipulation de telles sources. Mais ny-t-il que les textes qui exigent de telles precautions ? Cela ne vaut-il pas pour toute autre source historiquw et notamment pour la geste hilalienne et pour les litteratures dialectales examinees respectivement par L.Saada et H.Zafrani?
La littérature orale, explique H. Zafrani, "est en quelque sorte le lieu de rencontre privilégié des deux communautés (juive et musulmane) qui réalisent dans ce domaine précis de la culture, une véritable symbiose".
Passant en filigrane à travers bon nombre de communications, la problématique des relations judéo-musulmanes au sud du Maghreb a suscité, de nouveau, d'interessants débats: s'il est indéniable, comme l'ont souligné R. Goutalier, P. Shinar, A. Udovitch, L. Valensi — et comme cela a été amplement confirmé dans les études-témoignages de S. Amsellem et D. Iancu — que la contiguïté séculaire et la même histoire ont fini par produire une frappante identité des structures sociales entre les deux communautés, il reste que chacune d'elles a raffiné par un luxe de détails, ses différences par rapport à la seconde.
Différences qui puisent certes leurs sources dans des fonds culturels et religieux distincts mais qui s'expriment tant par des symboles extérieurs d'identification ethnique que par des activités professionnelles spécifiques.
Solidement implantés le long de la lisière prédésertique du Maghreb, depuis le Vème siècle, les Juifs du Sud étaient éparpillés à travers des dizaines de petites communautés qui ne comptaient, le plus souvent, que quelques dizaines d'habitants.
La question des circonstances de leur présence dans cette région a donné lieu à des appréciations contradictoires (L. Saada, G. Camps, M. Shatzmiller), mais qu'ils fussent autochtones ou étrangers, ils étaient exclus, en règle générale du jeu tribal et du contexte social ambiants, tant du fait de leur ,marginalité religieuse que du particularisme de leurs activités économiques.
Artisans et commerçants, politiquement et ethniquement "sans couleur", les Juifs du Maghreb méridional pouvaient circuler librement d'une zone politique à l'autre et d'une aire géographique à l'autre — Sahara et Sahel exceptés depuis le XVe siècle — étant à peu près sûr de trouver, à chacune de leur halte, un mellah et des correspondants de même confession, de même langue et de même statut avec lesquels ils partageaient les mêmes activités.
Jouissant généralement de l'appui des pouvoirs locaux, ils constituèrent une trame essentielle du système d'échanges qui s'instaura au Maghreb à travers les siècles. Les études présentés par R. Simon et D. Schroeter illustrent avec précision certains des mécanismes économiques et sociaux qui, au XIXe siècle, facilitèrent la montée du capitalisme judéo- nord africain, décrit par J. L. Miège.
Cette mobilité et cette ouverture sur le monde extérieur a permis aux communautés du Sud de puiser dans les civilisations urbaines immédiates ou lointaines, divers emprunts artistiques et techniques qui devaient les singulariser davantage encore par rapport à leurs voisins (H. Camps-Faber, A. Muller-Lancet).
Au cours de l'époque coloniale, elles montrèrent aussi peu de résistance devant les apports de la modernité: M. Laskier, pour le Sud marocain, R. Goutalier, D. Iancu et P. Shinar pour le Sud algérien apportent des données d'une grande précision sur le processus de modernisation de ces communautés.
Le dernier thème abordé dans ce recueil concerne la vie religieuse et la création littéraire des Juifs du Sud maghrébin. Ce sujet méritait certainement une plus grande attention, mais vues l'originalité et la richesse des communications présentées (R. Attal, J. Chétrit, E. Hazan, F. Raphaël et J. Tobi), nous avons bon espoir de voir s'amplifier, dans un proche avenir, la recherche dans ce domaine.
Nous voulons remercier ici tous ceux qui ont pris part à la rédaction de ce recueil ou qui ont participé au Colloque, Notre reconnaissance va en premier lieu à tous les organismes universitaires et publics dont le concours généreux a permis la réalisation de cette rencontre et la publication de ces actes.
Michel Abitbol Jérusalem 1982