Tehila le David.R.D.Hassine


Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

תהלה לדוד

Les piyyoutim de David Ben Hassine sont nourris de references bibliques. Une palmeraie du Tafilalet, aux portes du Sahara, devient "la ville des palmiers", le nom de Jericho dans la Bible (Deuteronome, xxxiv, 3). Le poete y compte "douze sources", et "soixante-dix palmiers", comme a Elim, pendant la sortie d’Egypte (Exode, xv, 27). La vallee du Ziz, c’est "la vaste contree de Qiryat Ye'arim" (Juges xviii, 12). "Comme Tes oeuvres sont grandes!" s’ecrie le poete, emerveille par la beaute de l’oasis, avec les mots du Psalmiste (Psaumes, xcii, 6). II decide de "grimper sur un palmier, de saisir ses branches", comme l’amoureux du Cantique des Cantiques (vii, 9), etc.

Le contenu des piyyoutim evolue egalement. Bien que les poemes de circonstance et les poemes didactiques restent tres frequents, la distinction entre poesie profane et poesie sacree s’estompe, au profit d’une poesie entierement tournee vers la religion. Les motifs de l’exil et de la delivrance messianique sont omnipresents dans presque tous les poemes. Certains themes profanes sont en quelque sorte "sanctifies". Ainsi, les poemes de louange sont desormais chantes a la synagogue, a l’occasion de l’appel a la Thora des personnes honorees, comme on peut s’en rendre compte dans l’oeuvre de David Ben Hassine. Les poemes d’amour deviennent des allegories qui prefigurent 1’amour de Dieu ou de la Thora. Le lyrisme personnel se fait rare chez les paytanim nord- africains, qui deviennent plutot les porte-parole de la collectivite. Ils chantent les emotions, les aspirations et 1’existence quotidienne de l’ensemble de la communaute, existence jalonnee par le cycle regulier de la liturgie et des festivites religieuses. Leur poesie exprime, en quelque sorte, la conscience collective des juifs maghrebins.

Sous l’influence de la kabbale lourianique, les poetes maghrebins n’ecrivent plus de piyyoutim destines a etre integres au rituel, car le canon des prieres a ete fixe depuis la publication des premiers rituels imprimes et, par ailleurs, il n’est plus d’usage d’interrompre les prieres proprement dites. Inspires par les mystiques de Safed, et l’oeuvre novatrice d’lsrael Najjara, Ya‘aqov Abensour et David Ben Hassine, par exemple, composent des baqqashot, hymnes et supplications implorant Dieu pour qu’Il pardonne les peches d’lsrael, et qu’Il hate l’avenement du Messie. Les baqqashot servent de preludes a la priere du matin. 

Dans les communautes nord-africaines et orientales, la tradition de chanter des baqqashot a la synagogue pendant les nuits de vendredi a samedi, entre Soukkot et Pessah, est encore tres repandue chez les kabbalistes, les devots, et … les amateurs de musique andalouse, qui joue un role essentiel dans le rite des baqqashot, depuis le XVIIe siecle.

Comme leurs predecesseurs espagnols, les poetes marocains modelent leurs poemes sur des melodies (en hebreu "lahan" ou "no‘am", et "tamrour" – pleurs amers – lorsqu’il s’agit d’elegies) connues dans leur communaute, en general celles de piyyoutim nord-africains populaires, ou meme de chansons prises dans les folklores arabe ou espagnol. Ainsi, David Ben Hassine indique toujours la melodie qui lui a servi de modele avant le debut de chaque poeme, dans Tehilla Le-David. II precise par exemple que l’un de ses piyyoutim a la gloire de Dieu doit etre chante "sur la melodie entonnee par les femmes en l’honneur de la mariee, le matin, avant son entree sous le dais nuptial".Le piyyout "El Eres ‘Azouva" a servi de modele a treize de ses poemes, probablement parce qu’il etait tres populaire. Cette technique generalisee du "tarkib", ou imitation de melodies preexistantes, est tres contraignante: elle determine non seulement la melodie mais aussi le metre, la structure, et, parfois, les themes et les elements sonores des nouveaux piyyoutim. La rigidite du modele melodique force certains paytanim nord-africains a inclure dans leurs vers des syllabes purement euphoniques, ou meme certains mots et expressions conventionnels, entierement vides de sens, afin d’accorder leur poeme au modele qu’ils veulent suivre: Ce sont les "Ha-Na-Na, Ho-No-No, Hi-Ni-Ni, Ya-La-Lan, Ti-Ri-Tan, Ya Sidi, Ya Sidna", etc., auxquels sont accoutumes les amateurs de piyyoutim maghrebins. Les baqqashot nord-africaines suivent souvent le modele de la qasida arabe classique.

 

En depit du talent indeniable de nombreux poetes nord-africains, la repetition obsessive des themes de l’exil et de la delivrance messianique, l’usage exagere du shibbous, qui transforme facheusement certains piyyoutim en une sorte de mosaique artificielle de fragments de versets, destinee a montrer la virtuosite et 1’erudition de leur auteur, la reproduc- tion servile de modeles rythmiques et musicaux pris dans des chanson- nettes arabes, parfois scabreuses,36 se traduisent, chez certains paytanim, par une recherche de la facilite et un manque d’originalite qui rendent leur poesie quelque peu conventionnelle, et contribuent a appauvrir sa qualite esthetique.

 

FORMATION POETIQUE DE DAVID BEN HASSINE

Vers l’age de vingt ans, a l’epoque ou David Ben Hassine redige les textes de Migdal David, on assiste egalement a l’eveil de sa sensibilite esthetique et de sa sensualite. Meme s’il la commente de faqon austere, le jeune homme semble fascine par une sentence talmudique qui l’a particulierement emu: "Trois choses donnent du plaisir a l’homme, une belle voix, la beaute et les parfums; trois choses le rejouissent, une belle demeure, une jolie femme et des objets attrayants".

 

.״שלשה משיבין דעתו של אדם. אלו הן: קול ומראה וריח. שלשה מרחיבין דעתו של אדם ספר אלו הן: דירה נאה ואשה נאה וכלים נאים.״

 

Tout naturellement, David Ben Hassine commence a ecrire des poemes: le dernier feuillet du manuscrit de Migdal David, qui ne peut avoir ete ecrit apres 1749, contient une ebauche du piyyout "Malki Miqqedem Eloqim", qu’il inclura dans son recueil Tehilla Le-David, ainsi que quelques vers epars, qui represented sans doute ses premieres tentatives poetiques.

 

David Ben Hassine a probablement etudie l’art poetique en autodidacte, comme la plupart de ses contemporains, qui consideraient la poesie comme une des disciplines devant etre maitrisees par un talmid- hakham. Citant en exemple un rabbin modele, le chroniqueur contemporain Shemouel Aben Danan (1688-C.1730) ecrit qu’"il excellait dans toutes les sciences, l'etude la plus approfondie des textes sacres, la philosophie, la grammaire et la poesie". Depuis l’Expulsion espagnole, la frontiere est souvent floue entre rabbins et poetes, la plupart des lettres marocains etant aussi poetes, a l’occasion, ce qui multiplie a l’infini le nombre des poetes hebraiques maghrebins. Dans la communaute, on fait souvent appel a un talmid-hakham doue pour faire fonction de ministre-officiant dans une synagogue, et, s’il a une belle voix, de pay tan, pour chanter des piyyoutim pendant les prieres, ou dans les maisons ou l'on celebre une fete, ce qui lui permet de recevoir une modeste remuneration. Nous savons que le jeune David Ben Hassine, epris de poesie, dote d’une voix legendaire, et deja predicateur a la synagogue, a ete sollicite de la sorte, et a ainsi fait ses debuts de chanteur et de poete pendant qu’il frequentait encore la yeshiva.

II compte parmi ses amis de jeunes poetes de Meknes comme Ya‘aqov Edehhan, auquel il consacrera un "chant fratemel", Mess‘od Errouah, dont il publiera genereusement deux piyyoutim dans son propre recueil, et Shelomo Halewa, qui se proclamera son disciple. A l’apogee de sa gloire, vers 1780, il connait la plupart des poetes hebraiques marocains, qui lui temoignent leur admiration et leur affection. II celebre l’"amitie pure, bonne, agreable, plus merveilleuse et plus precieuse que l’amour des femmes", qu’il eprouve pour le poete de Mogador Ya'aqov Elmaleh, entrelaqant l’acrostiche du prenom de son ami, Ya‘aqov, avec le sien, David. De son cote, le rabbin et poete Hayyim David Serero, de Fez, chante ses louanges en guise de preface a la premiere edition de Tehilla Le-David, en 1782.

 

David Ben Hassine adopte les conceptions esthetiques des poetes marocains qui l'ont precede. Ainsi, en 1712, le grand poete de Sale. Moshe Abensour, expose longuement ses reflexions mystiques sur la poesie: selon lui, l’objectif essentiel du poete authentique est de glorifier le Createur et de Lui etre agreable. En retour l'inspiration divine l’aide a integrer harmonieusement dans ses piyyoutim des fragments de versets bibliques ou de sentences rabbiniques, et facilite l’agencement des vers selon la melodie qui leur confere leur rythme e: leur metre. Moshe Abensour n’approuve "que ceux qui chantent ses poemes dans le dessein de glorifier Dieu".

 

 Parallelement, David Ben Hassine affirme que le poete accompli est celui qui,

anime du souffle de Dieu", allie cette inspiration divine a l'etude et a la connaissance de l'art poetique, …[notamment] la grammaire, la langue et les techniques de la prosodie". Nous apprenons ainsi que non seulement notre poete se compte parmi ceux qui sont "animes du souffle divin", mais qu’il a etudie serieusement l'art poetique.

 

David Ben Hassine a "consulte les traites theoriques et la poesie des grands classiques". II reprend a son compte la condamnation de la rime pauvre par Shelomo de Oliveyra, qui lui-meme cite le poete medieval espagnol Abraham Ibn ‘Ezra. II s’enhardit jusqu’a critiquer, et meme corriger, Yehouda Ha-Levi, "le prince des poetes", coupable lui aussi d’avoir utilise des rimes pauvres!

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

 1999

page 111

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

אפרים חזן

 

CHRONOLOGIE DES POEMES DE DAVID BEN HASSINE

Dans les trois editions successives de Tehilla Le-David, la plupart des piyyoutim de David Ben Hassine ne portent pas de date precise. Cependant, en procedant par recoupements, parfois grace a des variantes manuscrites dument datees, nous avons reussi a classer dans le temps une grande partie des 245 poemes connus. Les poemes du recueil manus- crit de David Ben Hassine intitule Shetil David n’ont ete publies que dans la seconde edition de Tehilla Le-David, en 1931, ce qui permet de presumer qu’ils ont ete composes apres 1’envoi du manuscrit initial a Amsterdam, en 1789. Le poete a ecrit la plus grande partie de son oeuvre poetique entre 1760 et 1790. Nous connaissons le premier poeme, "Malki Mi-Qedem Eloqim", compose vers 1749, et peut-etre aussi le dernier, "A‘ir Kenaf Renanim", si l’on en croit Aharon Ben Hassine, qui l’a publie dans l’edition casablancaise de Tehilla Le- David. C’est un hymne optimiste au bonheur, a la joie cosmique, sym- bolisee ici par la splendeur et E opulence des noces d’un couple merveil- leusement assorti. La derniere strophe exhale la vision messianique ultime du poete, vision prophetique du peuple d’Israel rassemble a Sion.

  1. Ce nombre comprend les deux longs poemes didactiques מקומן של זבחים״" et ״תפלה לדוד״, Telegie "אל עוברי דרך אקו־אה" (op. cit.), et les trois piyyoutim inedits decouverts et publies par les auteurs de cet ouvrage (cf. Andre Elbaz et Ephraim Hazan, "Three Unknown Piyyutim by David Ben Hasin", AJS Review 20 [1995]:87-97).
  2. Voir ci-dessus, pp. 89 et 91-92. Aharon Ben Hassine fait sans doute allusion au manuscrit de שתיל דוד, lorsqu’il precise que le piyyout "ה' דבקה לעפר נפשי", "a ete retrouve dans un tres vieux fascicule redige par le rabbin" David Ben Hassine.
  3. Aharon Ben Hassine tient cette information d’une source credible, Rephael David Berdugo, fils du dayyan Ya'aqov, neveu de David Ben Hassine, qui lui a affirme que le poete a expire en pronongant le dernier vers: צדיקים ירננו על משכבותם״" (Les justes entonneront des chants d’allegresse sur leur couche).

 

THEMES DES POEMES

CYCLE DE LA VIE JUIVE

Tehilla Le-David contient surtout des compositions centrees sur la vie religieuse. Les solennites du calendrier juif y occupent une place importante: Rosh Hashana et Yom Kippour, la neomenie, Shabbat, Hanouka et Pourim, Pessah, Shavou‘ot, Soukkot, et Tish‘a Be- Av.™

David Ben Hassine accorde egalement une grande place aux ceremonies rituelles qui jalonnent la vie de la famille juive: huit piyyoutim consacres a la brit-mila – la circoncision – et un a la celebra- tion du pidyon ha-ben – le rachat du premier ne, deux autres a la premiere recitation de la Haftara par son fils, dix a la bar-misva, et quinze poemes en l’honneur du manage de diverses personnes.

 

  1. Voir les piyyoutim regroupes sous le titre: מעגל השנה – לימים נוראים״".
  2. ״תנו עוז לאלקים״.
  3. Voir les piyyoutim regroupes sous le titre: מעגל השנה ־ שירי שבת״".
  4. Voir les piyyoutim regroupes sous les titres: ״מעגל השנה – לחנוכה״ et ״מעגל השנה לפורים״ -.
  5. Voir les piyyoutim regroupes sous le titre: "״מעגל השנה – לחג הפסח.
  6. Voir les piyyoutim regroupes sous le titre: ״מעגל השנה – לחג השבועות״.
  7. Voir les piyyoutim regroupes sous le titre:״מעגל השנה – לחג הסוכות״.
  8. Voir les elegies que nous avons regroupees sous le titre: ״מעגל השנה – לתשעה באב״.
  9. Voir les piyyoutim regroupes sous le titre de ״מעגל החיים – לברית מילה״, ainsi que le poeme intitule ״אהלל אל שומר הבטחותיו״.
  10. ״בשיר ורון״ et ״בני שמעו קולי״.
  11. Voir les piyyoutim regroupes sous le titre: ״מעגל החיים – להנחת תפילין ולבר מצוה״.

Voir les piyyoutim regroupes sous le titre: מעגל החיים – לחתונה״".

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

– POEMES DIDACTIQUES

En tant que talmidei-hakhamim, les poètes marocains considèrent qu’il est de leur devoir de diffuser l’enseignement divin, ce qui les amène à écrire des poèmes didactiques, où ils présentent divers aspects de la halakha et de l’éthique juive. David Ben Hassine, qui fait maintenant partie de l’élite rabbinique de Meknès, compose plusieurs poèmes de ce genre: des admonestations, des incitations au repentir, au caractère pédagogique manifeste, où il censure l’orgueil, la médisance, le blasphème, le vol, la concupiscence, et notamment "ceux qui ne peuvent quitter des yeux les belles femmes", et "qui aiment à discourir avec elles!" Il condamne également la colère, l’usure, l’exploitation et l’humiliation d’autrui en général, l’envie et l’amour des honneurs, la dureté des riches et des puissants, et la profanation du Shabbat.

Téhilla Lé-David contient quatre piyyoutim sur "les treize articles de la foi", tels qu’ils furent codifiés par Maimonide. Ces quatre com- positions continuent la longue tradition d’hymnes rituels sur le même thème, selon le modèle du plus connu d’entre eux: "Yigdal Eloqim Hay". L’un d’entre eux suit de près la mélodie, les thèmes et même les termes du pïyyout populaire nord-africain "Mési’outo Vé-Ahdouto Vé-Ein Gouf'. On pourrait ajouter à ces pièces didactiques les piyyoutim décrivant les règles et usages des fêtes de Pessah, Shavou‘ot, Soukkot,^ Shabbat et ses traditions, y compris le riche menu du repas et la sieste qui le suit!

 

Deux longues pièces éducatives, Séfer Méqoman Shel Zévahim et Téfilla Lé-David, montrent l’étendue de l’érudition rabbinique de David Ben Hassine. Elles ont été écrites en vers, afin d’en faciliter la mémorisation. Le poète attache une grande importance à ces deux poèmes, qu’il considère, à juste titre, comme des oeuvres distinctes de Téhilla Lé-David, puisqu’il leur consacre deux livrets séparés du reste de son recueil, avec leurs propres frontispices, sans doute pour souligner leur caractère spécifique. Le grand spécialiste de la poésie hébraïque Hayyim Schirmann estimait que ces oeuvres halakhiques à vocation pédagogique n’appartenaient pas vraiment au domaine de la poésie.

 

SEFER MEQOMAN SHEL ZEVAHIM

David Ben Hassine a probablement suivi, à la yéshiva, des cours théoriques sur les lois de la shéhita, l’abattage rituel des animaux de boucherie. Une légende raconte que le poète composa son Séfer Méqoman Shel Zévahim, où il mit en vers les lois de la shéhita, parce qu’il voulait devenir shohet. Pour attendrir le dayyan Mordekhay Berdugo, dont la famille était seule titulaire de la sérara – le monopole héréditaire – de cette fonction, le jeune David chantait Méqoman Shel Zévahim tous les matins, à sa fenêtre. Impressionné par l’érudition, et la belle voix, du jeune poète, Mordekhay Berdugo aurait fini par lui accorder le privilège d’exercer la shéhita. La légende est touchante, mais peu conforme à la vérité. David Ben Hassine n’a écrit Méqoman Shel Zévahim qu’en 1785, vers la fin de sa carrière poétique. A l’âge de vingt ans, son talent n’était pas encore suffisamment affirmé pour pouvoir composer un poème aussi complexe. Enfin, à cette époque, il était loin d’être un inconnu pour Mordekhay Berdugo: il était son disciple depuis bien des années, et il venait d’épouser sa fille!

David Ben Hassine a composé ce poème didactique de 451 vers monorimes afin d’aider les étudiants à apprendre plus facilement les lois de la shéhita, "telles qu’elles furent édictées par les rabbins de Castille … et telles qu’elles ont été adoptées et mises en pratique dans la plupart des villes du Maroc". Notons que ces règles, adoptées au Maroc à l’arrivée des Expulsés espagnols, diffèrent en certains points, particulièrement dans le cas de la néfihat ha-ré’a (l’insufflation du poumon des animaux abattus), de la législation rabbinique du Shoulhan ‘Aroukh.

 

TEFILLA LE-DAVID (AZHAROT)

Le livret des Azharot de David Ben Hassine est intitulé "Téfilla Lé-David" (Prière de David). Les Azharot (ou admonitions), déjà intégrées à la liturgie à l’époque de Sa‘adia Gaon, au Xe siècle, sont des poèmes didactiques récités traditionnellement pendant la fête de Shavou'ot. En Afrique du Nord, les plus populaires sont celles des poètes classiques espagnols du Xle siècle, Shélomo Ibn Gabirol et Yishaq Ben Réouben Al-Bargeloni, qui énumèrent les 613 commandements, et que l’on retrouve dans la plupart des rituels des grandes fêtes.

Cependant certaines Azharot se limitent à l’exposé des règles concernant une fête particulière comme Pessah, ou une question rituelle spécifique. Ainsi, Téfilla Lé-David, de David Ben Hassine, composée "pendant le mois de Shevat 5547" (entre le 20 janvier et le 18 février 1787), est un long poème didactique de cent quatrains, consacré aux règles du Orah Hayyim, la première partie du Shoulhan ‘Aroukh, sur les activités du réveil, "les sisit et les têfillin, les prières du matin, et les treize articles de la foi". David Ben Hassine semble avoir été inspiré essentiellement par les Azharot de Yishaq Al-Bargeloni et par celles de Moshé Abensour. Le texte original des Azharot de David Ben Hassine comportait également, à l’origine, deux réshouyot, ou poèmes d’introduction, et un poème de clôture, absents dans les éditions d’Amsterdam et de Casablanca. Les descendants de David Ben Hassine ont maintenu jusqu’à nos jours la tradition de chanter ses Azharot pendant la fête de Shavou‘ot, dans la synagogue qui portait son nom à Meknès, puis, après sa fermeture vers 1960, dans la synagogue casablan­caise Téhilla Lé-David, ainsi nommée en son honneur.

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19/02/2022

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תהלה לדוד

 

POEMES MYSTIQUES

L’intérêt de David Ben Hassine pour la mystique juive laisse de nombreuses traces dans ses poèmes. Deux d’entre eux s’étendent particulièrement sur le concept kabbalistique des dix Séfirot, ou émana­tions de l’infini divin. Deux piyyoutim sur la fête de Soukkot expliquent le symbolisme des "oushpizin kaddishin" – les sept hôtes sacrés de la soukka, et le sens ésotérique du loulav et des espèces végétales qui l’accompagnent.

 

L’EXIL MAROCAIN

Deux thèmes étroitement liés sont omniprésents dans l’oeuvre de David Ben Hassine: la dureté de "l’exil d’Israël au sein des nations", inséparable de l’espoir des temps messianiques, qui verront le rassemble­ment des dispersés en Terre d’Israël. L’exil se concrétise dans les souf­frances du poète et de son peuple, au Maroc.

Une lecture attentive de Téhilla Lé-David révèle une dualité remarquable dans les rapports de David Ben Hassine avec la réalité marocaine. Dans certains poèmes lyriques, il se montre très sensible à la beauté de son pays natal, qu’il aime à parcourir dans tous les sens, jusque dans les campagnes les plus reculées. Pendant une randonnée au Tafilalet, il s’émerveille devant la majesté des hautes cimes et remercie Dieu de lui avoir permis d’admirer la splendeur de la "ville des palmiers", le "spectacle grandiose et merveilleux" des sources, des torrents et des fleuves. "Comme cet arbre est admirable!" s’écrie-t-il, malgré l’injoncton talmudique qui interdit aux sages de tels emballements esthétiques. Dans son ravissement, il nous confie un secret de poète: Dieu révèle aux sages, comme lui, "le murmure des palmiers, le gazouillis des oiseaux". Ailleurs, David Ben Hassine chante la gloire de la nature sauvage dans les montagnes et les vallées, la beauté des cascades qui grondent sur les pentes escarpées, la grâce du chevreuil, de la gazelle et de toutes les créatures de la forêt. II ne reste pas non plus indifférent devant "le tumulte des vagues qui enflent dans la tempête", devant "les étendues immenses de l’océan" et "ses merveilles dans l’abysse".

 

Si le poète est ému par la beauté des sites naturels du Maroc, il est également très attaché à la communauté dont il partage la vie et les vicissitudes, non seulement à Meknès, sa ville natale, mais dans toutes les villes où le conduident ses pas aventureux. Mais les hommes dont il parle, ses commanditaires, les notables qu’il flatte, ses amis et ses maîtres, la collectivité dont il chante les joies et les peines, tout ce peuple dont il se sent le porte-parole, et qui se reconnaît en lui, à en juger par la popularité dont il jouit de son vivant, ce n’est pas l’ensemble du peuple marocain mais, exclusivement, la communauté juive du Maroc.

Ce qu’il nomme, au retour de l’un de ses voyages, "ma demeure, ma destination, mon pays", ce n’est pas le Maroc, ni même Meknès, où il habite, mais uniquement le mellah, le quartier juif de cette ville. Le Maroc de ses compatriotes musulmans, les goyim, comme il les nomme anonymement dans son oeuvre, apparaît chez lui sous un jour nettement négatif. Pour David Ben Hassine, le Maroc, c’est en premier lieu la Galout, son exil, la terre d’exil de son peuple "dispersé parmi les nations" étrangères, où "les fils chéris de Sion sont soumis à des tyrans cruels, captifs, à leur merci, les pieds enchaînés … dans la terre de leurs ennemis", une terre indigne de recevoir la dépouille sacrée d’un saddiq comme Rabbi ‘Amram Diwan. L’image la plus frappante, celle qui revient le plus souvent dans la poésie de David Ben Hassine, c’est celle du Maroc en tant que prison, une prison cruelle où il se voit "pris au piège … dans un pays de chaos et de désordre". Le poète supplie le Tout-Puissant de le "libérer de cette geôle", ce "lieu sinistre" où il vit comme "un esclave vendu aux enchères". Le poète dédie deux piyyoutim à des "amis emprisonnés … en danger de mort, puis libérés".

 

Cette vision carcérale de l’exil marocain symbolise de façon saisissante la condition des juifs du Maroc au XVIIIe siècle, terrorisés par leurs voisins musulmans, taillables et corvéables à merci, livrés à l’exploitation fiscale et à l’arbitraire de leurs maîtres, et accablés de sur- croît par toutes sortes de calamités naturelles.98 Tous ces malheurs con- tribuent certainement à assombrir la perception du poète, et expliquent en partie l’amertume et la virulence extrême de certaines de ses réac- tions: "Nous avons été accablés de tourments infinis, atroces, impitoy- ables, inhumains. Des ennemis pervers, maudits et cruels, ont versé le sang de nos malheureux jeunes gens, intègres et purs, qui n’avaient jamais fait de mal", s’écrie-t-il, désespéré, après le meurtre d’un jeune juif.

 

David Ben Hassine souffre personnellement de ces exactions: "Je porte le joug de mes ennemis, qui blasphèment et profanent Ton Nom tous les jours … Ils m’ont frappé, m’ont blessé et m’ont fait boire une coupe débordante d’amertume et de poison". "Que peut faire une brebis traquée par soixante-dix loups?" gémit le poète. Tel le prophète Jérémie se lamentant sur la destruction du Temple, il pleure la souffrance des siens, livrés à ces "rejetons de la race maudite de ‘Amaleq", qui ne reculent devant aucune profanation, qui se moquent de l’enseignement de Dieu et foulent aux pieds les rouleaux sacrés de la Thora, ces monstres de lubricité qui donnent libre cours à leur instinct bestial. Témoignage tragique sur le Maroc et ses habitants, qui ne peut s’expliquer que par le désespoir et la révolte d’un témoin privilégié des souffrances inhumaines endurées par les victimes juives martyrisées.

 

Le poète, qui ressent dans sa chair l’avilissement de son peuple, manifeste son incompréhension devant les desseins impénétrables de la Providence. Comment Dieu peut-il tolérer l’injustice qui frappe le peuple juif innocent? "Jusqu’à quand, mon Dieu, verras-Tu Ton enfant captif, dans l’affliction, en train de mourir?" "Pourquoi

Tu assoupi? Lui reproche-1-il. Eveille-Toi pour délivrer Tes brebis dispersées, constamment livrées entre les mains de leurs oppresseurs, qui dépouillent Israel! …

 

 Prête l’oreille, entends le cri de détresse des enfants d’Israël!" Après l’assassinat, en 1782, de sept juifs marocains, "égorgés comme du bétail", le cri du poète se transforme en terribles imprécations, et en appels à la rétribution divine contre ses bourreaux:

Dieu de vengeance, manifeste-Toi! …

Cet exil est devenu intolérable, interminable …

Fais pleuvoir sur nos voisins sept fois plus de tourments qu’ils n’en ont fait pleuvoir sur nos têtes!

Nos ennemis, nos tortionnaires, iniques et perfides,

Exerce sur eux Ta vengeance! Jette sur eux l’anathème!

Que le sang de Tes serviteurs soit vengé!

Que Tes ennemis soient anéantis! …

Ne laisse pas leur sang, ni celui de leurs enfants, impuni!

Et fais boire à leurs spoliateurs, leurs assassins,

Une pleine coupe de poison mortel!"

 

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

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Tehila le David-Poemes de David Ben Hassine-Andre Elbaz et Ephraim Hazan

 

 

תהלה לדוד

DELIVRANCE MESSIANIQUE

Les souffrances de l’exil marocain ne suscitent pas seulement, chez David Ben Hassine, des réactions aussi désespérées. Le poète trouve sa consolation dans l’espoir messianique, étroitement lié, dans son oeuvre, au retour à Sion. Comme d’autres rabbins marocains con- temporains, il croit le salut d’autant plus proche que les malheurs de l’exil ont été plus grands:

 

"Un Libérateur viendra dans la ville de Sion …

Dieu (Lui-même) viendra vous sauver,

Vous tous qui vous tenez (devant Lui),

(Avec) vos enfants, vos épouses …

"O Mon peuple bien aimé! …

L’heure de Ma délivrance a sonné, Mon Salut approche.

Je vais Me hâter de vous rendre Ma faveur,

Et vous prendre en pitié.

Je mettrai en vous Mon esprit.

Je ramènerai vos captifs (dans leur patrie).

Le Messie annoncé par David Ben Hassine doit mettre fin à l’oppression et "libérer les prisonniers de la maison de servitude". Il redonne la souveraineté politique à son peuple, "soumet nos ennemis", ramène la joie à ceux qui portent le deuil de l’exil, et, surtout, les guérit de leur humiliation, en leur permettant à nouveau de marcher "la tête haute". Dans le premier des "chants splendides composés à la gloire du souverain dont nous attendons la venue, notre Messie de justice, incessamment, de notre vivant, Amen!", le poète, directement inspiré par les prédictions du prophète Isaïe, expose la plupart des thèmes messianiques qui lui tiennent à coeur, tous en contraste avec les infortunes de son exil:

Rassemble mes dispersés, mes expulsés,

Dieu Tout-Puissant! …

Accorde Ta miséricorde à Tes enfants,

Qui demeurent dans les ténèbres (de l’Exil),

En leur envoyant le Libérateur! …

Le Messie relèvera bien haut l’étendard de Juda,

Et deviendra notre souverain …

Les impies trembleront devant lui, réduits au silence.

Alors nous briserons les chaînes qui nous entravent…

Sur lui reposera l’esprit de Dieu …

Il châtiera les oppresseurs,

Et protégera les faibles et les malheureux.

Il lavera les souillures infamantes de la fille de Sion …

Pendant son règne, la sagesse de la Thora se répandra,

Sa parole sera entendue dans toute la terre.

Un peuple ne lèvera plus l’épée sur un autre peuple …

Mon Dieu! Hâte l’arrivée du Messie!

Qu’il vienne avant son heure sauver les pécheurs repentis! … Alors les enfants

(d’Israël) pourront revenir dans leur pays.

 

L’AMOUR DE SION

La perspective du rassemblement des exilés dans la Terre d’Israël pendant T ère messianique porte à son comble l’enthousiasme de David Ben Hassine. Son voeu le plus ardent? Etre libéré de sa captivité pour se rendre aussitôt dans "nos frontières", "notre terre", "ma patrie". Il consacre un ensemble de piyyoutim "à notre pays et au patrimoine de nos ancêtres, en l’honneur de notre Temple sacré, et à la gloire des justes enterrés à Tibériade". L’un d’entre eux, "’Ohil Yom Yom ’Eshta’é", écrit à la gloire de la ville de Tibériade et des grands sages d’Israël qui y sont enterrés, notamment le célèbre rabbin de Safed Hayyim Aboul‘afia (1660-1744), qui voulut rebâtir Tibériade en 1740, a connu depuis sa composition, vers 1770, une popularité remarquable, non seulement au Maroc mais dans toutes les communautés juives orientales. Présent dans la plupart des anthologies de piyyoutim, manuscrites ou imprimées, il a pu être inspiré à David Ben Hassine par un poème en judéo-espagnol de Ya‘aqov Beirav, "Ordenar quero un cantar", ou par l’une des nombreuses gravures représentant les lieux de pèlerinage en Terre Sainte, qui étaient répandues par les rabbins-émissaires en visite au Maroc. L’un de ces derniers, Shalom ‘Amar, originaire de Meknès, installé à Tibériade, a sans doute donné au poète des précisions topographiques sur l’emplacement des tombes sacrées, lors de sa visite dans sa ville natale, vers 1770.

A son tour, " ’Ohil Yom Yom ’Eshta ’é" va inspirer plusieurs imitations. Shir Yédidot, l’anthologie poétique la plus répandue au Maroc, contient un piyyout anonyme en l’honneur de Rabbi ‘Aqiva, et un chant composé par Eliahou Hazan, émissaire de Terre Sainte, à la gloire de Jérusalem, qui tous deux suivent la mélodie et la structure, et même reproduisent des vers entiers, du poème de David Ben Hassine. Un matrouz, ou poème bilingue, alterne les strophes hébraïques de David Ben Hassine avec des strophes en judéo-arabe.121 Un autre piyyout alterne les strophes originales avec d’autres strophes hébraïques à la gloire de Rabbi ShinTon Bar Yohay.

David Ben Hassine ne chante pas seulement la Terre d’Israël, mais ses représentants, les shadarim – les rabbins-émissaires qui rendent régulièrement visite au Maroc, et qui constituent à cette époque un lien essentiel entre les communautés marocaines isolées et le reste du monde juif. Outre les rabbins de Tibériade et de Safed, il honore les émissaires de Hébron, David Ben Mergui et ‘Amram Diwan, que David Ben Hassine considère comme un maître et un ami, ainsi que Sévi Ha- Lévi et Ya‘aqov ‘Ayyash, émissaires de Jérusalem.

Dans tous ces poèmes, la Terre Sainte représente une sorte de pays merveilleux où David Ben Hassine aimerait vivre, dans la dignité et la liberté retrouvées, en somme l’antithèse de l’univers hostile de l’exil marocain abhorré. Cette image idéalisée de la Terre d’Israël a justement pour but de consoler les exilés juifs désespérés. L’espoir millénaire de l’arrivée du Messie et du retour à Sion constituent les seuls remèdes que le poète puisse proposer à la tragédie de l’exil, car il ne peut imaginer, à son époque, une amélioration quelconque du sort réservé aux siens, au Maroc.

ELOGE DES VIVANTS ET DES MORTS

Dans Téhilla Lé-David, plus de quarante-cinq piyyoutim chantent les louanges de personnes diverses. Alors que ces poèmes de louange étaient considérés en Espagne comme des poèmes profanes, ils prennent ici le caractère nettement religieux de l’ensemble de la poésie nord- africaine. La plupart de ces poèmes sont chantés à la synagogue, à l’occasion de l’appel à la Thora de la personne louangée, et on y retrouve les thèmes dominants de l’exil et de la rédemption messianique.

Plusieurs textes honorent les amis intimes du poète, ou des mem- bres de sa famille: son beau-père, 7 son fils Aharon, ses petits-

fils, un de ses beaux-fils, etc. D’autres vantent, de façon exagérée, les mérites de rabbins contemporains comme Shélomo Shalem, le dayyan séphardi d’Amsterdam, ou Shaoul Yéshou‘a Abitbol, de Sefrou, ou encore ceux de ses nombreux mécènes: EPazar Ha-Lévi Ben Sefat, qui lui permet de survivre à la terrible famine de 1780-81, le grand négociant Shélomo Sebbag, les puissants courtiers du sultan Shalom de la Mar, Mordekhay Shriqi, Mes‘od Ben Zekri, et d’autres encore, anonymes.

Certains poèmes font l’éloge de toute une collectivité: une "con­grégation qui pare un Séfer Thora de superbes rimonim et d’un beau manteau", la communauté de Marrakech, qui construit une école, celle, généreuse, d’El-Qsar, ou encore "les membres de la sainte con­frérie charitable, qui enterrent les morts et divertissent les nouveaux mariés".

Naturellement, nombre de ces poèmes de louange ont été écrits "à la demande" expresse, comme le précise David Ben Hassine lui-même à plusieurs reprises, d’individus fortunés qui lui donnaient une rétribution. Parfois, c’est le poète lui-même qui dédie ses vers à une personnalité qu’il désire honorer, ou dont il espère la bienveillance.

David Ben Hassine a composé une quarantaine d’élégies, la plupart à l’occasion de la mort de sommités rabbiniques et de notables communautaires de son époque, ce qui confère à ces poèmes une grande valeur historique. Quatre élégies émouvantes sont consacrées à des femmes. Le poète prie Dieu de considérer la mort d’une défunte "comme un sacrifice d’expiation pour tout Israël". Il la traite ainsi sur un pied d’égalité avec les plus grands saddiqim, dont la mort, selon le Zohar, peut expier les péchés d’Israël. En général, la vie des per- sonnes louangées est érigée en modèle à suivre.

POEMES LYRIQUES

On trouve enfin dans Téhilla Lé-David quelques poèmes lyriques, plus personnels. Le poète s’émerveille devant la grandeur et la beauté de la nature, dans les oasis du Tafilalet, dans les hautes montagnes où gambadent les chamois et où ruissellent les eaux vives, "dans un navire, devant les merveilles de l’abysse". Il entonne "un chant nouveau sur le vin", et ses méfaits chez ceux qui en abusent, et même profère des imprécations contre les franc-maçons de la ville de Gibraltar! N’oublions pas ses chants d’amitié, et le très tendre "Chant d’amour", véritable hymne à la beauté et à la grâce d’une jeune épousée. Enfin, David Ben Hassine épanche sa douleur au cours d’un pèlerinage ardent sur la tombe du saddiq d’Aguiga.

Ces textes émouvants, mais peu nombreux, nous donnent des indications précieuses sur les états d’âme du poète, ses aspirations et sa vision du monde. Comme dans le reste de l’oeuvre de David Ben Hassine, le leitmotiv reste l’attente de la délivrance messianique, qui parfois supplante insensiblement le thème explicitement annoncé par l’auteur.

CONCLUSIONS

Au terme de cette analyse détaillée de l’oeuvre de David Ben Hassine, qu’il nous soit permis de récuser les jugements condescendants d’un Ya‘aqov Moshé Tolédano, ou ceux d’un Abraham Elmaleh, qui trouvait cette oeuvre bien médiocre quand il la comparait à celle d’Ibn Gabirol, de Yéhouda Ha-Lévi ou d’Al-Harizi. L’étude approfondie de cette oeuvre a mis en évidence la place privilégiée du piyyout dans la vie de la communauté juive maghrébine. Elle nous a révélé, non seulement un créateur de talent, sensible aux vicissitudes du destin de son peuple, qui le considérait comme son porte-parole, mais également un grand érudit, nourri de science rabbinique, et un virtuose de la langue hébraïque, qu’il savait faire vibrer au gré de son humeur de poète.

Si David Ben Hassine ne peut certes rivaliser avec les géants de l’Ecole classique espagnole, dont il se considère néanmoins comme un des continuateurs, son oeuvre poétique constitue un maillon important dans la longue histoire de la littérature hébraïque, telle qu’elle s’est développée en Afrique du Nord, et au Maroc en particulier. La postérité lui a assuré un succès enviable. Deux siècles après sa mort, ses piyyoutim sont encore chantés par les juifs marocains, qui reconnaissent en lui l’interprète de leurs joies, leurs peines et leurs aspirations. Dans tous les pays qui ont accueilli la diaspora juive marocaine, en Israël, en Europe ou en Amérique du Nord, David Ben Hassine, chantre de l’exil, de l’espoir messianique et du retour à Sion, reste encore aujourd’hui le poète maghrébin le plus populaire.

Tehila le David-Poemes de David Ben Hassine-Andre Elbaz et Ephraim Hazan

Page 132

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Divine Promesse

תהלה לדוד

לישועתך יה קוינו

DIVINE PROMESE

"Poème pour Shabbat Nahamou, sur l’air de 'ימשול בעמי'.

Acrostiche:'

״.'לדוד חזק

 

Nous attendons Ton secours, O Dieu! Ramène-nous vers Toi!

Tu es notre Père, notre Roi. Nous t’appelons "Notre Sauveur"

Annonce-nous donc la bonne nouvelle:

"Retournez dans vos demeures (en Terre d’Israël)!

Consolez! Consolez Mon peuple! dira votre Dieu."

 

Tu as promis dans Ta Thora

De ne pas rompre (Ton) alliance avec nous Même si nous sommes relégués

Dans le puits de détresse et les ténèbres (de l’Exil).

O, notre Gardien! Jusqu’à quand l’oppresseur raillera-1-il: "Dieu vous aurait-il abandonnés"?

Mais (Notre) Gardien répond: "Le matin arrive,

Où je reviendrai à vous. "

 

Un Libérateur viendra dans la ville de Sion,

Qui sera sauvée dans la justice.

Et notre cruel oppresseur, corrompu par ses péchés,

Ne nous asservira pas éternellement.

Dieu (Lui-même) viendra vous sauver,

Vous tous qui vous tenez (devant Lui),

(Avec) vos enfants, vos épouses.

 

Mon (Dieu) bien aimé! Je suis tout attendri en pensant à Toi.

T’abandonner serait plus cruel que la mort.

Je me souviens de Toi sur ma couche,

Je pense à Ta grandeur dans les veilles de la nuit.

Mon corps et mes pensées, je les consacre à Ton service,

Je dis aux enfants d’Israël: "Suivez la voie de Dieu,

Et votre âme renaîtra! "

 

"Je ne pourrai plus résister à Mon amour pour toi,

O Mon peuple bien aimé! (répond Dieu).

L’heure de Ma délivrance a sonné, Mon salut approche.

Je vais Me hâter de vous rendre Ma faveur,

Et vous prendre en pitié.

Je mettrai en vous Mon esprit.

Je ramènerai vos captifs (dans leur patrie)."

 

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Divine Promesse

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