Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

תהלה לדוד

 

POEMES MYSTIQUES

L’intérêt de David Ben Hassine pour la mystique juive laisse de nombreuses traces dans ses poèmes. Deux d’entre eux s’étendent particulièrement sur le concept kabbalistique des dix Séfirot, ou émana­tions de l’infini divin. Deux piyyoutim sur la fête de Soukkot expliquent le symbolisme des "oushpizin kaddishin" – les sept hôtes sacrés de la soukka, et le sens ésotérique du loulav et des espèces végétales qui l’accompagnent.

 

L’EXIL MAROCAIN

Deux thèmes étroitement liés sont omniprésents dans l’oeuvre de David Ben Hassine: la dureté de "l’exil d’Israël au sein des nations", inséparable de l’espoir des temps messianiques, qui verront le rassemble­ment des dispersés en Terre d’Israël. L’exil se concrétise dans les souf­frances du poète et de son peuple, au Maroc.

Une lecture attentive de Téhilla Lé-David révèle une dualité remarquable dans les rapports de David Ben Hassine avec la réalité marocaine. Dans certains poèmes lyriques, il se montre très sensible à la beauté de son pays natal, qu’il aime à parcourir dans tous les sens, jusque dans les campagnes les plus reculées. Pendant une randonnée au Tafilalet, il s’émerveille devant la majesté des hautes cimes et remercie Dieu de lui avoir permis d’admirer la splendeur de la "ville des palmiers", le "spectacle grandiose et merveilleux" des sources, des torrents et des fleuves. "Comme cet arbre est admirable!" s’écrie-t-il, malgré l’injoncton talmudique qui interdit aux sages de tels emballements esthétiques. Dans son ravissement, il nous confie un secret de poète: Dieu révèle aux sages, comme lui, "le murmure des palmiers, le gazouillis des oiseaux". Ailleurs, David Ben Hassine chante la gloire de la nature sauvage dans les montagnes et les vallées, la beauté des cascades qui grondent sur les pentes escarpées, la grâce du chevreuil, de la gazelle et de toutes les créatures de la forêt. II ne reste pas non plus indifférent devant "le tumulte des vagues qui enflent dans la tempête", devant "les étendues immenses de l’océan" et "ses merveilles dans l’abysse".

 

Si le poète est ému par la beauté des sites naturels du Maroc, il est également très attaché à la communauté dont il partage la vie et les vicissitudes, non seulement à Meknès, sa ville natale, mais dans toutes les villes où le conduident ses pas aventureux. Mais les hommes dont il parle, ses commanditaires, les notables qu’il flatte, ses amis et ses maîtres, la collectivité dont il chante les joies et les peines, tout ce peuple dont il se sent le porte-parole, et qui se reconnaît en lui, à en juger par la popularité dont il jouit de son vivant, ce n’est pas l’ensemble du peuple marocain mais, exclusivement, la communauté juive du Maroc.

Ce qu’il nomme, au retour de l’un de ses voyages, "ma demeure, ma destination, mon pays", ce n’est pas le Maroc, ni même Meknès, où il habite, mais uniquement le mellah, le quartier juif de cette ville. Le Maroc de ses compatriotes musulmans, les goyim, comme il les nomme anonymement dans son oeuvre, apparaît chez lui sous un jour nettement négatif. Pour David Ben Hassine, le Maroc, c’est en premier lieu la Galout, son exil, la terre d’exil de son peuple "dispersé parmi les nations" étrangères, où "les fils chéris de Sion sont soumis à des tyrans cruels, captifs, à leur merci, les pieds enchaînés … dans la terre de leurs ennemis", une terre indigne de recevoir la dépouille sacrée d’un saddiq comme Rabbi ‘Amram Diwan. L’image la plus frappante, celle qui revient le plus souvent dans la poésie de David Ben Hassine, c’est celle du Maroc en tant que prison, une prison cruelle où il se voit "pris au piège … dans un pays de chaos et de désordre". Le poète supplie le Tout-Puissant de le "libérer de cette geôle", ce "lieu sinistre" où il vit comme "un esclave vendu aux enchères". Le poète dédie deux piyyoutim à des "amis emprisonnés … en danger de mort, puis libérés".

 

Cette vision carcérale de l’exil marocain symbolise de façon saisissante la condition des juifs du Maroc au XVIIIe siècle, terrorisés par leurs voisins musulmans, taillables et corvéables à merci, livrés à l’exploitation fiscale et à l’arbitraire de leurs maîtres, et accablés de sur- croît par toutes sortes de calamités naturelles.98 Tous ces malheurs con- tribuent certainement à assombrir la perception du poète, et expliquent en partie l’amertume et la virulence extrême de certaines de ses réac- tions: "Nous avons été accablés de tourments infinis, atroces, impitoy- ables, inhumains. Des ennemis pervers, maudits et cruels, ont versé le sang de nos malheureux jeunes gens, intègres et purs, qui n’avaient jamais fait de mal", s’écrie-t-il, désespéré, après le meurtre d’un jeune juif.

 

David Ben Hassine souffre personnellement de ces exactions: "Je porte le joug de mes ennemis, qui blasphèment et profanent Ton Nom tous les jours … Ils m’ont frappé, m’ont blessé et m’ont fait boire une coupe débordante d’amertume et de poison". "Que peut faire une brebis traquée par soixante-dix loups?" gémit le poète. Tel le prophète Jérémie se lamentant sur la destruction du Temple, il pleure la souffrance des siens, livrés à ces "rejetons de la race maudite de ‘Amaleq", qui ne reculent devant aucune profanation, qui se moquent de l’enseignement de Dieu et foulent aux pieds les rouleaux sacrés de la Thora, ces monstres de lubricité qui donnent libre cours à leur instinct bestial. Témoignage tragique sur le Maroc et ses habitants, qui ne peut s’expliquer que par le désespoir et la révolte d’un témoin privilégié des souffrances inhumaines endurées par les victimes juives martyrisées.

 

Le poète, qui ressent dans sa chair l’avilissement de son peuple, manifeste son incompréhension devant les desseins impénétrables de la Providence. Comment Dieu peut-il tolérer l’injustice qui frappe le peuple juif innocent? "Jusqu’à quand, mon Dieu, verras-Tu Ton enfant captif, dans l’affliction, en train de mourir?" "Pourquoi

Tu assoupi? Lui reproche-1-il. Eveille-Toi pour délivrer Tes brebis dispersées, constamment livrées entre les mains de leurs oppresseurs, qui dépouillent Israel! …

 

 Prête l’oreille, entends le cri de détresse des enfants d’Israël!" Après l’assassinat, en 1782, de sept juifs marocains, "égorgés comme du bétail", le cri du poète se transforme en terribles imprécations, et en appels à la rétribution divine contre ses bourreaux:

Dieu de vengeance, manifeste-Toi! …

Cet exil est devenu intolérable, interminable …

Fais pleuvoir sur nos voisins sept fois plus de tourments qu’ils n’en ont fait pleuvoir sur nos têtes!

Nos ennemis, nos tortionnaires, iniques et perfides,

Exerce sur eux Ta vengeance! Jette sur eux l’anathème!

Que le sang de Tes serviteurs soit vengé!

Que Tes ennemis soient anéantis! …

Ne laisse pas leur sang, ni celui de leurs enfants, impuni!

Et fais boire à leurs spoliateurs, leurs assassins,

Une pleine coupe de poison mortel!"

 

Tehila le David -Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan- Formation poetique de David Ben Hassine

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