Indépendance et liberté d'émigration : l'impossible défi-Juifs du Maroc R.Assaraf

Indépendance et liberté d'émigration : l'impossible défi

Après la grande vague d'émigration, à forte connotation religieuse, des années 1947-1950, les départs vers Israël s'étaient considérablement ralentis. La situation allait changer du tout au tout dans le contexte de l'affrontement entre le mouvement nationa­liste marocain et les autorités françaises, incapables d'accepter le caractère inéluctable de la décolonisation.

Les gouvernements de la IVe République pratiquèrent la fuite en avant pour sauver le "Maroc de papa"  et n'hésitèrent pas, au plus fort de la crise entre le Palais royal et la

Résidence, à déposer, le 20 août 1953, le sultan Mohammed V, exilé avec sa famille a Madagascar, et à le remplacer par un homme de paille, Moulay Arafa, soutenu par le glaoui de Marrakech.

Dès lors, le divorce paraissait consommé entre les Marocains et la France, un état de fait dont la communauté juive eut à pâtir très sensiblement. Si le judaïsme marocain avait, un temps, rêvé d'un partenariat avec le colonisateur et d'une intégration au sein de l'ensemble français, il avait pu constater qu'il s'agissait là d'un mouvement non payé de retour. Le refus des autorités coloniales d'appliquer au Maroc les dispositions du décret Crémieux, qui avait permis la naturalisation collective des israélites algériens, et la mise en œuvre, entre 1940 et 1942, de deux statuts des Juifs très rigoureux, avait dissipé les illusions de beaucoup. Seule une infime minorité, se recrutant dans les couches les plus misées de la population, croyaient encore aux vertus de l'assimilation et du partenariat arec la France.

Cela ne signifiait pas pour autant que les Juifs marocains vissent d'un œil enthousiaste l'influence croissante d'un mouvement nationaliste à très forte connotation islamique. Rares, très rares étaient les militants juifs de l'Istiqlal. S'ils étaient naturellement loyaux envers la dynastie alaouite, les Juifs marocains estimaient plus prudents de se tenir à l'écart des passions politiques du moment, par crainte d'être instrumentalisés par l'une ou l'autre des parties en conflit.

Cette impossible neutralité les faisait se sentir comme pris entre le marteau et l'enclume, et comme les cibles toutes désignées des violences. C'est ce qui se produisit lors du premier anniversaire de la déposition de Mohammed V, le 20 août 1954, dans la bourgade de Sidi Kacem (Petit-Jean), située à une vingtaine de kilomètres de Meknès.

Sidi Kacem n'avait pas de communauté juive régulièrement constituée. Toutefois, le marché de la localité était fréquenté par des négociants juifs de Meknès qui y passaient la semaine avant de revenir dans leurs foyers pour les shabbats et les fêtes.

Au début du mois d'août 1954, les milieux nationalistes marocains lancèrent un mouvement de grève et firent pression sur les commerçants israélites pour qu'ils ferment leurs boutiques. À Petit-Jean, les autorités françaises demandèrent aux Juifs de n'en rien faire et leur promirent, en contrepartie, la protection, qui s'avéra illusoire, des forces de l'ordre.

Le 3 août 1954, des manifestants s'attaquèrent aux boutiques juives ouvertes, visant spécifiquement les commerces juifs, comme le rapporta un témoin oculaire du massacre :

Les forces de l'ordre qui savaient à quoi s'en tenir sur l'état d'esprit de la population et qui, après leur provocation, avaient abandonné la ville indigène pour protéger le quartier européen, assistèrent en spectateurs au massacre, malgré les appels à l'aide désespérés, arguant du manque d'ordres de Rabat et de l'attente de renforts.

Ce n 'est que près de quatre heures après le début de l'émeute, vers 10 h 30, que la police, qui protégeait uniquement le quartier européen, commença à établir un barrage et à tirer sur les émeutiers qui commencèrent à s'enfuir en tous sens, poursuivis par les soldats, qui arrivèrent plus de300. Plus incroyable encore que cette totale carence de la police, la discipline suspecte des émeutiers qui ne s'attaquèrent qu'aux magasins juifs, épargnant soigneusement ceux des musulmans et, encore plus incroyable, ceux des sociétés françaises et étrangères.

C'est ainsi qu'arrivés devant les dépôts de la Scam, qu'ils se proposaient d'incendier, ils s'enquirent de son propriétaire, Quand ils apprirent qu 'il s'agissait d'une société française, ils l'épargnèrent soigneusement, partant à la recherche d'autres biens juifs.

Le massacre de Petit-Jean fit six victimes, inhumées dans la plus grande discrétion à Meknès. À la fin de la période de deuil, le comité de la communauté fit diffuser une lettre ouverte dans les synagogues. À dessein rédigé moitié en hébreu, moitié en judéo-arabe, car dans l'atmosphère de terreur où vivait la communauté, il était à craindre que ce cri de douleur soit mal interprété, s'il venait à tomber entre des mains étrangères, françaises ou musulmanes, le texte disait :

Dieu de vengeance ! Qui a vu de telles horreurs, qui a entendu parler de méfaits ! Les enfants d'Israël sont tués et brûlés comme à l'abattoir. Quel cœur n 'en serait pas déchiré ! Ah ! Des pères et leurs enfants sont sacrifiés le même jour… Leurs assassins pleins de haine, sauvages et cruels, leur ont fait subir les pires tourments des quatre condamnations à mort. « Vois, Éternel, et regarde, punis-les comme ils le méritent ! » A nos frères précieux et aimés, sacrifïés sur l'autel comme victimes expiatoires pour le peuple d'Israël, pour la sanctification de Ton Nom divin, uniquement parce qu'ils sont les membres du peuple élu, le peuple du Livre, le livre de la sainte Torah, égorgés, tués et brûlés parce que juifs.. que le Dieu de miséricorde les accueille avec les justes dans son jardin d'Éden et qu 'à la fin des jours, il les ressuscite!

Jusque-là en hébreu, le texte se poursuivait en arabe dialectal et se teintait d'une forte coloration sioniste :

Chers frères.

Nous devons savoir que ce qui est arrivé à ces gens peut arriver à chacun de nous, car ces victimes ne s'étaient rendues coupables de rien, n 'avaient rien fait ni avec leurs mains ni avec leurs pieds. Ils n 'ont été tués que parce qu 'ils étaient juifs, ce qui signifie qu 'ils ont été les victimes expiatoires sacrifiées en kapara pour la communauté juive tout entière. Ce n 'est pas une mince perte que de perdre six âmes innocentes le même jour, car pour nous chaque juif nous est cher à l'égal de l'humanité entière, comme il est écrit : « Celui qui sauve une seule âme en Israël est comme s'il sauvait l'humanité tout entière. » Ce qui veut dire qu 'avec eux c 'est six mondes que nous avons perdus. Dans de tels cas, chez les autres peuples, on aurait élevé un monument de pierre à leur mémoire. Mais pour nous, enfants d'Israël, la meilleure manière de perpétuer à jamais leur mémoire est de planter à leur nom une forêt en Eretz Israël. Plus cette forêt grandira, plus grande sera la perpétuation de leur souvenir. C'est pour nous la meilleure façon de soulager les familles des victimes, car c'est à la fois un mérité pour les morts, une consola­tion pour les endeuillés, un hommage à tout Israël, en plus de la réalisation du commandemmt du peuplement d'Eretz Israël qu'implique un tel don.

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