Une nouvelle Seville en Afrique du Nord-Debdou-Une miniature de Jérusalem.Aperçu historique.

Aperçu historique
L'importance prise des les temps les plus recules par l’élément juif dans la région de Debdou, se retrouve avec: une persistance trop grande dans les traditions populaires pour qu’il ne soit pas tenu compte de celles-ci dans une étude consacrée au Judaïsme moderne de Dcbdou. Outre le voisinage immédiat du centre judéo-berbère de Djeraoua établi vers 695, on a vu que des communautés juives florissaient avant le douzième siècle dans les villes de Tlemcen, Ceuta, Fès de même que dans les centres secondaires du Maghreb central. A cette époque, la ville de Debdou n’existait sans doute pas encore et les groupes juifs pouvaient bien habiter alors Oujda, Taza ou les dechra à côté des Berbères. Les traditions propres des Juifs parlent d’anciens etablissements juifs aujourd'hui disparus en plusieurs points des Djebel Béni Snassen et Béni Bon Zeggou, à la place de Taourirt et en deux endroits sur le territoire de Béni Choulal׳! où deux anciennes nécropoles juives subsistent encore.
Somme toute, la Gada, qui porte le nom de Debdou, ne figure dans aucun texte manuscrit antérieur à la domination mérinidc.
La domination almohade semble, de prime abord, avoir été néfaste aux populations non musulmanes ou schismatiques du Maghreb, et, à un moment donné, on put croire que le Maroc ne possédait plus guère de Juifs et de Berbères dissidents. Cependant, au lieu de contribuer à l’unification du pays, le fanatisme persécuteur des Almohadcs ne fit qu’attiser l'esprit de résistance qui caractérise les populations de la Berbérie intérieure. Les souverains de cette dynastie introduisirent des tribus d’Arabes nomades, pillards de profession, qui devinrent depuis un nouvel élément d'anarchie. La vallée de la Moulouya et scs dépendances devaient se ressentir particulièrement du double effet qu'exerçait sur elles la persécution religieuse et l’intrusion des nomades de langue arabe. Aussi voit-on ses populations défier le fanatisme almohade et revenir à leurs schismes et, quelquefois même à leurs traditions semi-hébraïques.
— Berghvvata réapparaît sous des formes nouvelles mieux adaptées aux conditions faites au Maghreb par la longue tyrannie du fanatisme almohadc.
Des le treizième siècle le sultan almohade Mouhammed An Nasir aurait fait élever le long des trouées du Rif une muraille qui devait supprimer pour les Juifs l'accès aux plaines par le pays soumis du Maroc septentrional׳. Cette indication, tiree d’une source arabe orthodoxe, est fort intéressante. La persistance de l’élément juif dans le Rif est d’ailleurs confirmée par la tradition populaire, tant berbère que juive'”. II n est peut-être pas inutile de rappeler ici que Taza réapparaît avec Fès comme la première communauté juive organisée dans les annales rabbiniques aussitôt après que le culte juif eût été officiellement reconnu par les Mérinides. On y rencontre au treizième siècle le savant rabbin Elhanan ben Maïmon et certains autres rabbins que le grand rabbin espagnol Salomon ben Adret traitait de quantité négligeable, voulant marquer par là la supériorité des rabbins d’Espagne“׳ sur les érudits du Maghreb.
Ce n’est certainement pas un pur hasard si les premiers souvenirs historiques plus ou moins exacts des habitants de la Gada de Dcbdou se rattachent à l’établissement dans le pays des Beni-Merin. Ces derniers, si on en croit la tradition locale, avaient alors pour sultan Abou el Hassan (le Sultan Noir), personnage héroïque auquel on attribue tous les édifices aujourd’hui en ruines et les barrières de pierre qui seraient d’origine musulmane. Or, le sultan Abou el Hassan est considérée comme une sorte même de Charlemagne par tous les Juifs des confins de l’Atlas et jusqu’à Tafilalet. Dans la tradition populaire juive, il préside aux destinées de la nouvelle époque de l’histoire marocaine.
- Nehil"" propose d’identifier le Sultan Noir avec le sultan mérinide Abou Yacoub Youssef qui régna à Fès de 1280 à 1307; cette opinion nous semble cire très juste : n’est-ce pas ce souverain qui s’érigea en protecteur des Juifs, au point d’exposer sa propre personne lors d’un assaut populaire contre le Mellah"?
C’est depuis cette époque que date la fondation du sultanat abdel- wadides de Tlemcen qui, des siècles durant, disputa aux Mérinides la possession du Maghreb central”'.
La rivalité des deux dynasties ne devait plus cesser jusqu’à la domination turque, et les régions du Tell oraríais et les plaines de la basse Moulouya furent le théâtre d’hostilités. Aussi la vallée de Debdou, grâce à sa situation, protégée par la montagne et à proximité de la grande route de l’Occident, put-elle supplanter Taza et s’imposer, pendant environ deux siècles comme chef-lieu des confins du Nord-est de l’Atlas marocain.
Du temps de Léon l’Africain, la grande route de pèlerinage qui passait par Fès, Taza, Za, Djeraoua, Tlemcen, Tahort (Ibn Haukal) était déjà abandonnée pour celle de Fès, Taza, Guercif, Debdou, Tlemcen. Debdou hérite donc de la prépondérance de Djeraoua.
D'ailleurs, la tradition locale recueillie par M. Nehil reporte à rétablissement des Beni-Merin la fondation première des places musulmanes sédentaires de Debdou. Selon cette tradition, à l’époque de la Splendeur de Debdou, la vallée était occupée par les trois groupes de populations suivantes :
1° Les Béni Merin;
2° Les Béni Ghoumrassen;
3° Les Juifs.
«Ces derniers étaient les plus anciennement établis dans la région. Ils étaient sédentaires tandis que leurs voisins les Béni Merin et les Béni Ghoumrassen vivaient en semi-nomades, sous la tente, à des endroits fixes, au cours de la saison estivale ou encore pendant l’hiver.
Les Béni Merin dominaient alors dans toute la région jusqu’à la Moulouya; ils possédaient des Kasbahs : au nombre de celles-ci, on retrouve les ruines de la Kasbah de Debdou qui existent encore dans la Gada : la légende populaire les attribue toutes au Sultan Noir.
Quant aux Béni Ghoumrassen, ils forment, d’après le lieutenant Baugé, une fraction des Béni Guil, soit vivant aux confins du Moyen Atlas la grande tribu nomade.
Ce n’est pas ici que nous pouvons relater par le détail, les longues luttes engendrées par les rivalités entre les Mérinides et les Zianides. Ces luttes désolèrent le pays et n’ont d'ailleurs aucun intérêt direct relativement à l’histoire proprement dite de la Gada de Debdou. Notons seulement que ces luttes amenèrent dans les environs immédiats de Debdou des tribus hilaliennes Makhil qui, à vouloir convoiter la possession de cette riche vallée, ne firent que ravager le pays.
Une nouvelle Seville en Afrique du Nord-Debdou-Une miniature de Jérusalem.Aperçu historique.
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