Il était une fois le Maroc…David Bensoussan- Quelle était la situation au Maroc peu avant le Protectorat?

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AL-WAZZANI

La confrérie des Wazzaniya était l'une des plus prestigieuses.

L'illustre confrérie de la Wazzaniya fut fondée à la même époque de l'instauration de la dynastie alaouite. On prétend que des millier de personnes visitaient chaque jour le fondateur de la confrérie 'Abdallah Ben Ibrahim (décédé en 1679). Cette confrérie se rattachait à la descendance des Idrissides qui constituèrent la première dynastie chérifienne au Maroc. Elle a toujours entretenu de bons rapports avec les souverains alaouites. Lors de la cérémonie d'allégeance, la Bay'a, la signature du chérif de Ouezzane était apposée en premier. Les chérifs d'Ouezzane jouèrent parfois un rôle d'arbitre ou d'intermédiaire avec la Cour. La renommée de Moulay Al-Tuhami (mort en 1721) dépassa les frontières du royaume. On dit même que le sultan Moulay Ismaïl craignit qu'il n'ambitionnât la royauté et la tension fut latente entre la Cour et la Confrérie. Al-'Arbi Al־Wazzani fut très proche des sultans Slimane et Abderrahmane et des jaloux tentèrent de l'assassiner.

Son fils Abdeslam fut un européanisant

Son fils 'Abdeslam Ben Al-'Arbi Al-Wazzani obtint du sultan Abderrahmane en 1859 le droit d'administrer des provinces du Nord et la région du Touat. Sa popularité fut immense. Il était reçu dans ces régions en grande pompe, recevait des cadeaux somptueux et ses ouailles en larmes mendiaient un morceau d'étoffe de son vêtement. Il s'y comporta comme un vice-roi. Il fut réputé pour son goût immodéré pour la gent féminine et pour le champagne. 'Abdeslam était l'une des plus grandes fortunes du royaume et sa largesse était légendaire. Il fut le plus grand incitateur à la guerre désastreuse contre l'Espagne en 1860, mais fut relevé de son commandement durant le siège de Tétouan car six mois de siège n'avaient pas abouti. En 1876, il fut sollicité pour établir la paix avec le chef algérien Sidi Slimane Ben Kaddour de la tribu des Oulad Sidi Sheik qui reconnaissait l'autorité spirituelle de 'Abdeslam. Un arrangement fut négocié avec Slimane Ben Kadour, lui offrant des terres au Maroc et une rente de 15 pesetas par jour, mais Sidi Slimane quitta le Maroc après cinq ans d'exil volontaire et les incursions frontalières n'en continuèrent pas moins. Il fut capturé par les troupes marocaines et sa tête – mise à prix – et celle de ses douze proches fut rapportée au sultan Hassan Ie Depuis, les relations d'Abdeslam avec la Cour furent tendues, d'autant plus que son désir de moderniser le Maroc le rendait suspect de capitulation aux Européens. Il fut soupçonné d'avoir fomenté des révoltes. Craignant pour sa vie, 'Abdeslam chercha et obtint la protection française en 1884. Il vendit ses propriétés à un syndicat parisien en échange d'une rente de cinq mille livres. Par ailleurs, les adeptes de la confrérie d'Algérie ne s'opposèrent pas à la présence française.

Il eut une épouse anglaise

'Abdeslam avait épousé la gouvernante anglaise Emily Keene. Les mémoires de cette dernière, My life story, Emily Shareefa of Wazan, sont édifiantes en regard des mœurs de l'époque, et on y trouve en annexe une compilation de superstitions qui ne le sont pas moins. Leur fils aîné Ali eut une gouvernante française et fut éduqué au lycée d'Alger. Il suivit un stage de cavalerie à Saumur et s'engagea dans le deuxième bataillon d'Afrique. Leur second fils Ahmed servit d'intermédiaire pour libérer Harris, le correspondant du Times prisonnier de Raïssouli, puis de deux marins britanniques otages de Mohamed El-Boulais alias le Valiente qui faisait la loi dans la région de Ceuta. Ali et Ahmed intervinrent tous deux en faveur de Perdicaris et son gendre M. Varley, pris en otage par Raïssouli. Ce fut le fils d'un premier mariage d'Abdeslam, Al'Arbi, qui succéda à son père.

Il existe également une confrérie des Taïebiya, du nom du premier successeur au fondateur de la confrérie des Wazzaniya, présente tant au Maroc que dans la région d'Oran et du Touat en Algérie et une autre des Touhamiyine du nom d'un autre membre de cette dynastie chérifienne, présente essentiellement dans la région de Ouezzane au Maroc. Mais la popularité et le prestige de la confrérie n'étaient plus ce qu'ils avaient été autrefois.

DES REGNES D'ABDELAZIZ ET D'ABDELHAFID AU PROTECTORAT

La transition au Protectorat fit suite à de nombreuses initiatives des puissances coloniales qui intervenaient au Maroc, entre autres raisons, pour défendre leurs protégés consulaires. Obéré par la dette contractée envers l'Espagne après la guerre de 1860 – remboursée en 1885 – et rendu vulnérable par son armée relativement désuète, le Maroc ne put conserver son indépendance face aux ambitions coloniales.

Quelle était la situation au Maroc peu avant le Protectorat?

Cela faisait des années que l'anarchie durait. En 1895, à l’âge de 14 ans, le sultan Moulay Abdel'aziz fut désigné par son père Moulay Hassan pour lui succéder. C'était le fils cadet de Moulay Hassan et de Lala Reqia, une esclave circassienne ramenée de Constantinople. Ce fut l'époque de la régence du très habile et populaire Ba Hmad, fils d'une esclave noire du palais. Grand vizir, ce dernier avait arrêté le prince Mohamed, fils aîné du sultan Hassan Ie ainsi que tous ses partisans potentiels et s'était déclaré Régent. Dans la région du sud de Mogador, des années d'anarchie allaient semer la confusion des années durant. Non seulement les années suivantes verront-elles les partisans de deux frères Abdel'aziz et Abdelhafid prétendants à la couronne chérifienne s'affronter, mais en plus, les tribus Haha au sud de Mogador se soulevèrent contre l'autorité centrale, n'en faisant qu'à leur guise. On pourrait penser qu'il s'agit d'un simple récit en abyme, l'un de haute politique des prétendants à la couronne et l'autre local des rebelles Haha. Mais cela n'est pas aussi simple que cela peut en avoir l'air car, en des époques de troubles, les alliances ont souvent changé et on peut encore aujourd'hui y perdre son latin.

Comment le souverain Abdel'aziz a-t-il régné?

Après les six années de régence de Ba Hmad (Ba Ahmed), la perception qui prévalait au Maroc était que le jeune souverain Abdel'aziz, porté au pouvoir au printemps de l'an 1902, avait lancé des projets de réforme dits tertib, fort mal reçus car contraires à la tradition. Il avait proposé l'impôt universel mesuré à l'étendue des terres arables et à l'importance des arbres fruitiers et du cheptel. Il reviendrait à des personnes spécialement désignées d'évaluer et de prélever les impôts. Les caïds seraient dorénavant des salariés du gouvernement et ne seraient pas en droit de prélever fut-ce une "rognure" d'ongle de leurs administrés. De plus, l'impôt coranique était aboli et les chérifs (qui se réclamaient de la descendance du prophète par sa fille Fatima) eux- mêmes seraient désormais soumis à l'impôt. La baraka ou bénédiction était considérée être innée chez les chérifs et il y avait une quantité considérable de personnes qui s'intitulaient chérifs au Maroc et qui bénéficiaient des dons du petit peuple. En réaction à ce projet de réforme, toute une classe de privilégiés mit de la mauvaise volonté pour collaborer et le mécontentement alla croissant.

Abdelaziz souhaitait donc des réformes auxquelles son pays n'était pas prêt. À en croire sa déclaration faite beaucoup plus tard, en 1924, Abdelaziz manifesta son admiration pour Mustafa Kemal qu'il qualifia de « vrai croyant, que son but était d'alléger la religion de toutes les pratiques illogiques dont les successeurs du prophète l'avaient chargée et de ramener l'islam à son état de pureté primitif.» Il ne s'offusqua pas non plus de l'abolition de l'institution du califat par les Turcs qui « ont vraisemblablement agi ainsi parce qu'ils estimaient que le califat était devenu une institution arriérée qui faisait obstacle au développement de la communauté musulmane… il est légalement et religieusement possible que la société des fidèles vive sans cette institution.»

Le goût immodéré du souverain pour les feux d'artifice, le polo à bicyclette, les automobiles, les jeux de billard et les appareils photographiques, l'importation des robes de soie et de chapeaux à plumes pour les femmes du harem, de même que des heures de détente quotidiennes en compagnie d'Européens, cela en faisait trop pour l'opinion publique ! Car Abdelaziz fut un passionné de la «petite reine» de l'époque, la bicyclette, et des courses à obstacles en bicyclette. Il posséda également des tricycles à moteur et des automobiles. Son palais subissait des transformations en permanence. Il y fit installer, une écurie, un trapèze, une salle de billard, un atelier de photographie, un chemin de fer privé et une ménagerie. Il manifesta une grande curiosité envers tout ce qui fut technologies nouvelles tout comme l'éclairage électrique, la téléphonie, la télégraphie, les montgolfières et les feux d'artifice. Il s'essaya aussi en peinture. Il possédait une collection de montres que l'on a évaluée à près de 3 000 montres. Par ailleurs, ses ministres menaient un grand train de vie versant dans l'opulence. Le photographe Gabriel Veyre qui fit partie de l'entourage du sultan Abdelaziz le décrivit comme n'étant pas préparé à assumer les responsabilités de sa fonction dans son ouvrage Au MarocDans l'intimité du sultan.

Quant aux oulémas, aux marabouts dévots ainsi qu'aux privilégiés de naissance qu'étaient les chérifs, ils percevaient un trop grand écart de conduite par rapport à une certaine rigidité islamique de rigueur. Il s'ensuivit que l'autorité chérifienne s'affaiblit, ce qui laissa les mains libres aux caïds, notamment en régions éloignées.

La rébellion était dans l'air et les Français n'attendaient que l'occasion pour s'imposer. La révolte du prétendant au trône Bou Hmara et le brigandage déclaré de Raïssouli accaparaient l'attention du pouvoir, certes, mais d'autres foyers de mécontentement se déclaraient. Cela donnait aux Français le prétexte de s'immiscer plus dans les affaires internes marocaines et d'y faire la pluie et le beau temps sous le couvert pudique de la pacification. En 1903, le chef de la délégation française à Tanger Saint-René Taillandier convainquit le Makhzen d'interdire aux résidents étrangers de demeurer à Fès, tout en y laissant l'homme à tout faire de la France, le vice-consul musulman Kaddour Benghabrit. En 1905, le sujet algérien Bouzian Al-Meliani fut arrêté et brutalisé. La France exigea sa libération accompagnée d'une indemnisation ainsi que des excuses officielles. Le caïd en charge fut révoqué et de la sorte, la France affirma que ses sujets, furent-ils Musulmans, échappaient à l'autorité du Makhzen. En 1905, lorsque Saint-René Taillandier rencontra le sultan Abdelaziz pour lui proposer des réformes sur le plan militaire, ce dernier exigea que des notables soient présents durant la formulation de sa proposition. C'est probablement suite à cette réunion qu'il opta pour une garantie internationale qui se concrétisera par le traité d'Algésiras.

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