כנס יהדות צפון אפריקה- ניסים קריספל-Conference of North African Jewry -Nissim Krispel
כנס יהדות צפון אפריקה- ניסים קריספל -Conference of North African Jewry -Nissim Krispel
אחד מימי העיון המדהימים שנוכחתי בהם, עד לבאר שבע הדרמתי על מנת להשתתף ביום עיון פורה זה….
Tazenakht, le Sefer Tislit
LES JUIFS DE OUARZAZATE ET SA REGION DU MAROC AUTREFOIS.
C'est surtout en 1492, 897 de l'hégire, que chassés d'Espagne, ils vinrent constituer des communautés dans l'Atlas et dans d'autres lieux de l’empire du Sultan Bayezid (bajazet).
Le sultan aurait déclaré : “On dit que Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille sont de grands rois, or il appauvrissent leur empire et enrichissent le mien.”
Aujourd'hui la majorité sont partis du Maroc, quelques uns seulement restent dans les villes. Ils ne font plus partie des habitants de la région de ouarzazate et de sa région qui regorgeait de mellahs. Quelques-uns reviennent en touristes visiter les lieux où habitaient leurs familles et pratiquer leur culte auprès du tombeau d'un saint (Rabbi David u-Moshe).
La synagogue de Ouarzazate est désaffectée et occupée par des commerçants musulmans. Les objets du culte ont été transférés à la synagogue de Casablanca. Plus aucun juif ne vit dans le mellah de Taourirt dont les portes qui le séparaient du reste des habitations ont disparu. Quelques symboles hébraïques demeurent, notamment dans l'architecture de la kasbah où se devine des menorah stylisées.
Les juifs pourtant furent très présents dans la région de Ouarzazate.
Charles de foucauld lors de sa "Reconnaissances au Maroc" en 1883 et 1884 avait noté les nombreux mellahs inclus dans les ksour musulmans des oueds Imini et Dadès.
Si on prend la première carte d’Etat Major du Cercle de Ouarzazate (1931), on peut retrouver la liste des villages alentours de Taourirt où De Foucauld dénombrait des familles juives, à peine moins nombreuses que les Berbères et les Arabes réunis.
Tamassint : 18 familles;
Zaouïa Sidi Otman (Athmane) : 5 familles;
Tabount : 6 familles;
Tigemmi djedid (Tigemmijdid) : 2 familles;
Taourirt : 15 familles; Talmesla : 20 familles (le plus important des mellahs de Ouarzazate et le plus éloigné);
Aït Kedif : 10 familles.
Soit un total de 76 familles pour les sept mellahs recensés à Ouarzazate et autour.
En remontant la vallée de l’oued Imini chaque douar réunissait des familles juives. De foucauld indique des douars sur la rive droite, tout près d'Ouggoug, où débute la mine. Iril (Irhil) : 8 familles; Tagnit (Tagounit) : 2 familles; Afella Isli : 6 familles et Taskoukt : 5 familles.
Dès le début de l’exploitation de la mine, à l’ouverture de la route du Tichka, des familles juives vinrent s’installer dans les douars près d'Ouggoug Sainte-Barbe.
Il ne faut pas oublier que les Israélites étaient marocains de nationalité, qu'ils vivaient au Maroc depuis plusieurs siècles, certains étaient établis au Maroc avant que les Arabes apportent l'Islam en pays Berbère. D'autres familles étaient arrivées nombreuses en 1492 venant d'Espagne. Ils parlaient très bien les langues du pays comme l'a observé De Foucauld qui connaissait l'arabe et l'hébreu et s'était déguisé en rabbin du temps où un chrétien ne pouvait circuler librement dans les parties du Maroc non soumises au Sultan.
"Les Israélites du Maroc parlent l'arabe. Dans les contrées où le tamazirt est en usage, ils le savent aussi; en certains points le tamazirt leur est plus familier que l'arabe, mais nulle part ce dernier idiome ne leur est inconnu. Tous les Juifs lisent et écrivent les caractères hébreux; ils ne connaissent point la langue, épellent leurs prières sans les comprendre, et écrivent de l'arabe avec des lettres hébraïques. Les rabbins seuls ont appris la grammaire et le sens des mots et, en lisant, entendent plus ou moins. Les rabbins sont nombreux; sur cinq ou six Juifs, il y en a un. Ils se distinguent par leur coiffure; : ils s'enveloppent la tête d'un long mouchoir bleu qui encadre leur figure et dont la pointe retombe sur leurs épaules. Le titre de rabbin équivaut à celui de bachelier; sur dix rabbins, un à peine peut officier; le rabbin officiant, ou rabbin sacrificateur, a pour principal service d'égorger suivant le rite les animaux destinés à la nourriture des fidèles; puis il dit les prières à la synagogue, apprend à lire aux enfants, dresse les actes. On lui donne une légère rétribution et des morceaux déterminés des animaux qu'il tue. Les villes renferment plusieurs synagogues et de nombreux officiants. Il n'est pas de village ayant six ou sept familles israélites qui n'ait sa synagogue et son rabbin."
Ce texte de Charles de Foucauld est un document précieux, c'est la raison pour laquelle il est important de le citer. Un autre document le confirme; une curiosité linguistique pour les spécialistes des langues berbères a été révélée par le chercheur Haïm Zafrani. Une liturgie de la Pâque en tamazirt écrite phonétiquement avec des lettres hébraïques a été retrouvée. Il s'agit d'une pièce unique, la version intégrale en berbère de la composition liturgique récitée par les juifs au cours de la veillée pascale et dont le thème fondamental est l’histoire de la sortie d’Égypte, accompagnée du hallel (groupe des psaumes 113 à 118 qui entrent dans la liturgie des grandes fêtes et de certains jours solennisés). Les Juifs marocains de l'Atlas dans leur majorité connaissaient mieux le tamazirt que l'hébreu.
Cette méconnaissance de l'hébreu par le plus grand nombre et la connaissance générale de l'arabe et du tamazirt prédisposaient les juifs à rester au Maroc. En fait tous les juifs n'étaient pas dans la même situation. Les plus riches commerçants et surtout banquiers qui vivaient dans l'étendue des terres sous contrôle du Sultan étaient protégés car ils avaient su se rendre indispensables aux détenteurs du pouvoir politique ou judiciaire. Ailleurs, dans les zones rebelles à l'autorité Chérifienne, la vie des juifs comportait bien plus de risques.
De Foucauld nous parle de leurs professions; les mêmes que celles du début du Protectorat : "Les Israélites, qui, aux yeux des Musulmans, ne sont pas des hommes, à qui les chevaux, les armes sont interdits, ne peuvent être qu' artisans ou commerçants. Les juifs pauvres exercent divers métiers; ils sont surtout orfèvres et cordonniers; ils travaillent aussi le fer et le cuivre, sont marchands forains, crieurs publics, changeurs, domestiques dans le mellah. Les riches sont commerçants, et surtout usuriers. En ce pays troublé, les routes sont peu sures, le commerce présente bien des risques; ceux qui s'y livrent n'y aventurent qu'une portion de leur fortune. Les Israélites préfèrent en abandonner aux Musulmans les chances, les travaux et les gains, et se contentent pour eux des bénéfices sûrs et faciles que donne l'usure. Ici ni peine ni incertitude. Capitaux et intérêts rentrent toujours. Un débiteur est-il lent à payer ? On saisit ses biens. N'est ce pas assez ? On le met en prison. Meurt-il ? On y jette son frère. Il suffit pour cela de posséder les bonnes grâces du qaïd; elles s'acquièrent aisément : donnez un léger cadeau de temps en temps, fournissez à vil prix les tapis, les étoffes dont a besoin le magistrat, peu de chose en somme, et faites toutes les réclamations, fondées ou non; vous êtes écouté sur l'heure."


Les Juifs marocains ont compris qu'ils pouvaient quitter le Maroc de leurs ancêtres pour aller faire leur vie ailleurs et notamment en Israël à l'époque des événements qui ont précédé l'Indépendance du Maroc. On sait en effet que si les Musulmans font leur pèlerinage à La Mecque, les Juifs font leur alya (montée) en terre d'Israël. Les deux voyages n'ont pas le même sens car l'alya est souvent sans retour, mais ils ont tous les deux une dimension religieuse.Les Juifs du Maroc ont pensé peut être un peu vite que leur avenir ne résidait plus au Maroc. La création de l'État d'Israël en 1948 n'a pas provoqué beaucoup d'alya, mais les événements et les attentats avant l'Indépendance du Maroc ont déclenché leur exode. Certes Mohamed V les avait dispensés de l'étoile jaune en 1940 et ils ne l'oubliaient pas; mais cela n'avait pas empêché des juifs d'être victimes lors des tristes événements au moment de l’indépendance. Un des saints juifs marocains le plus connu dans la région, dont le culte a été transféré en Israël, est Rabbi David u-Moshe. Son intervention se fait par les songes. Son tombeau est toujours gardé et entretenu à Tamezrit près d'Aguim.
Les Juifs marocains font aussi partie de l'histoire de la terre marocaine. Par endroits leurs cimetières subsistent et ils y reviennent parfois pour s'y recueillir, mais ces lieux ont tendance à disparaître.
Pour ce dernier texte, je me suis inspiré de celui passé sur un exceptionnel site internet consacré à la mine d’Imini et de Bou Tazoult et à l’ancienne communauté d’Européens et de Marocains ayant œuvré pendant plus de cinquante ans sur cette si importante mine de manganèse (http ://timkkit2008.canalblog.com/archives). Je ne peux que vous conseiller d’aller le consulter car la vie de la mine était étroitement liée à celle de Ouarzazate et de tous les douars alentours d’où venaient les mineurs et leur famille.
Le père de la femme qui s’occupe de ma maison à Taourirt était mineur à Bou Tazoult. Une partie de sa famille demeure encore dans le village “indigène”. Son père est décédé avant de vieillir comme je suppose beaucoup de mineurs.
Toutes les photos d’Israëlites qui illustrent cet article proviennent des archives du Commandant Balmigère, chef de Cercle à Ouarzazate de 1936 à 1945 et de ma collection personnelle
La synagogue de Tazenakht fut de tout temps renommée à cause du Sefer Tislit, le Rouleau de la loi de Tislit, ou le Rouleau de Tislit de Jérusalem.Le docteur Mauchamps de la mission sanitaire française (assassiné en 1907 à Marrakech), dans son ouvrage sur la sorcellerie au Maroc, racontait qu’à Tazenakht, on conservait un rouleau de la Loi écrit autrement que les autres et qu’un Arabe avait autrefois découvert enterré. Le précieux document avait été enfermé dans sept petites chambres, emboîtées les unes dans les autres, formant ainsi un petit édifice, d’où on ne le faisait sortir que le jour anniversaire de la promulgation de la Loi sur le Sinaï Les personnes qui allaient en pèlerinage à la synagogue de Tazenakht étaient toujours exaucées, mais gare aux impurs qui osaient approcher des murs sacrés: ils restaient frappés de paralysie. Les musulmans, désirant profiter de la baraka du lieu, ne pouvaient s’approcher du sanctuaire et faisaient de loin, dévots et humbles, les gestes rituels qui délivrent. Une juive, parfaitement pure selon la tradition, veillait constamment sur le lieu. L’offrande, qui consistait en huile, était versée par les fidèles dans une jarre placée extérieurement mais communiquant avec l’intérieur L’histoire locale raconte que si la ville ne fut jamais investie, c’est grâce à ce rouleau de la Loi. On rappelle que lorsque le caïd de Tazenakht faisait une sortie contre l’ennemi, il allait toucher le parchemin sacré qui devait le rendre invulnérable. Le caïd avait coutume, chaque année, d’offrir un bœuf, de l’huile et de la farine. Chaque fois qu’un musulman voyageait, il passait et laissait quelque chose pour le Rouleau de Tislit; ils pouvaient alors baiser le mur de la synagogue
Un jour on trouva une erreur dans un mot du texte sacré. Un sage vint et déclara que le Rouleau était impropre à la lecture de la Torah et décida d’en faire la correction lui-même. Dès qu’il commença, il perdit la vue. Arriva un second, il n’y arriva pas non plus. Le propriétaire du Rouleau, Abraham Wizeman, organisa une fête, se’udah, et dit: “Rouleau de Tislit ! Par ton mérite et par celui du personnage qui t’a écrit ! Que celui qui t’a écrit corrige lui-même ce mot
!”. Le lendemain, le mot était corrigé
Transféré en Israël, le Rouleau se trouve aujourd’hui dans une synagogue d’Ashkelon où les Juifs originaires du Maroc continuent à célébrer sa hillulah annuelle
Les Juifs de Ouarzazate et de sa région
Bienvenue sur le site de l'histoire de Ouarzazate
http://www.ouarzazate-1928-1956.com/les-communautes-juives/les-juifs-de-ouarzazate-et-sa-region.html
Le Maroc et son histoire au temps du Protectorat m’ont toujours passionné. La province de Ouarzazate, où je séjourne souvent et que j’ai visitée pour la première fois en 1966, a beaucoup retenu mon attention du fait que la ville a été la base de départ de la pacification au Sud de la chaîne du Haut Atlas.
Depuis plus de dix ans, je me suis efforcé de rechercher les textes et le maximum de documents et photos sur Ouarzazate à l’époque du Protectorat. Beaucoup de textes manquent encore d’illustrations et tous les sujets n’ont pas été abordés.
Si vous pensez pouvoir apporter des éléments complémentaires ainsi que des photos d’époque 1928-1956, principalement sur la ville de Ouarzazate et ses environs, le site se fera une joie de vous accueillir et de les présenter sous votre nom.
Remarque:
http://www.ouarzazate-1928-1956.com/les-communautes-juives/les-juifs-de-ouarzazate-et-sa-region.html
Ok ! Vous êtes autorisé à reproduire les pages et les photos de mon site sous conditions d'indiquer :
– les sources d'origine pour les textes
– les noms des photographes pour les photos
– la référence du site : www.ouarzazate-1928-1956.com
Bien cordialement
- Gandini
Jacques Gandini
Juifs de Ouarzazate sa région
Les Juifs de Ouarzazate et de sa région
C'est surtout en 1492, 897 de l'hégire, que chassés d'Espagne, ils vinrent constituer des communautés dans l'Atlas et dans d'autres lieux de l’empire du Sultan Bayezid (bajazet). Le sultan aurait déclaré : “On dit que Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille sont de grands rois, or il appauvrissent leur empire et enrichissent le mien.”
Aujourd'hui la majorité sont partis du Maroc, quelques uns seulement restent dans les villes. Ils ne font plus partie des habitants de la région de ouarzazate et de sa région qui regorgeait de mellahs. Quelques-uns reviennent en touristes visiter les lieux où habitaient leurs familles et pratiquer leur culte auprès du tombeau d'un saint (Rabbi David u-Moshe).
La synagogue de Ouarzazate est désaffectée et occupée par des commerçants musulmans. Les objets du culte ont été transférés à la synagogue de Casablanca. Plus aucun juif ne vit dans le mellah de Taourirt dont les portes qui le séparaient du reste des habitations ont disparu. Quelques symboles hébraïques demeurent, notamment dans l'architecture de la kasbah où se devine des menorah stylisées
MELLAH DE TAOURIRT D'AUTRE FOIS
Publié le 05/03/2014 à 18:22 par rol-benzaken.

TAOURIRT. RECIT DE LA VIE AU MELLAH DE TAOURIRT D'AUTREFOIS.
Le Mellah, vous vous imaginez la honte de les ramener à ce temps-là.
Oui les Juifs marocains ont eu un moment de honte de leur passé que représentait le Mellah, devenu dans le langage synonyme de misère, de saleté et d'arrièration.
Maintenant que toute la population juive l'a quitté définitivement dans les années 60, il se pare de couleurs de nostalgie et d'affection.
Le temps du Mellah ne sonne plus comme une insulte, mais au contraire comme une invitation à un monde disparu et déja regretté.
ARTICLE CONCERNANT LA VIE QUE LES HABITANTS JUIFS MAROCAINS ONT CONNU AU MELLAH DE TAOURIRT DES ANNEES 50-60 ET AVANT.
Photo Casbah de Taourirt.
Vendeur au Mellah
En 1939, la kasbah comptait environ 1300 habitants, dont 100 Berbères, 1000 Harratines, 20 Mrabitines Irougamène descendant d’un marabout et 150 Juifs.
EXODE DES JUIFS DES MELLAHS DU MAROC.
Il n'y a à ce jour plus aucun habitant juif dans les mellahs du Maroc.
LES JUIFS N'IRONT PLUS JAMAIS HABITER LES MELLAHS DU MAROC.
Les Glaoua, maîtres du Sud
Les Glaoua, maîtres du Sud
Le Protectorat et la politique des Grands Caïds
Au début de la Première Guerre mondiale, lorsque le général Brulard, chef de la Région militaire de Marrakech, est désigné pour prendre le commandement d’une division sur le front, le général Lyautey n’hésite pas; le colonel de Lamothe est l’homme qu’il faut pour le remplacer au commandement de la Région et du groupe mobile de Marrakech. A ce poste de confiance où il est responsable de toute la façade Sud du Maroc atlantique, de Lamothe va donner toute sa mesure.
Il s’impose d’emblée comme l’animateur de la politique dite des “grands caïds”, définie par le Résident général, dont il s’affirme le disciple convaincu et fidèle. Dès sa prise de commandement, elle lui permet de ramener sous l’autorité du Sultan toutes les tribus de la vallée du Sous, qui s’en étaient affranchies depuis l’expédition de Moulay Hassan en 1886. Toute la plaine est virtuellement soumise autour de trois points d’appui d’Agadir, Taroudant et Tiznit. Haïda ou Mouis, nommé pacha de Taroudant et naïb du Makhzen (représentant du gouvernement), en récompense des services qu’il a rendus dans la lutte menée contre El Hiba, est le pilier de la politique makhzen dans la région : tous les caïds relèvent de son autorité pour les questions de police et de sécurité.
Mais pendant que la guerre fait rage en France, la situation se dégrade dans le Sous sous l’action d’agents allemands qui entretiennent une agitation fébrile parmi les tribus de la vallée, difficilement tenues en main par Haïda ou Mouis. Celles de la montagne sont acquises à El Hiba, maintenant réfugié au Kerdous après la déroute de ses armées devant Marrakech, d’où il continue à prêcher la guerre sainte contre les Français et leurs alliés. Par mer, à partir de Mogador, le colonel de Lamothe se rend le plus souvent possible à Agadir. Mais de plus il doit aussi poursuivre l’oeuvre entreprise par le colonel Mangin et étendre la pacification vers l’Est, au-delà de Demnate et d’Azilal, à la région des Aït Attab. Il bénéficie certes du concours efficace de Si Madani el Glaoui, mais il se heurte à l’hostilité de Sidi Mah, le marabout de la zaouïa Ahançal.
Il lui est donc très difficile de diriger en même temps, depuis Marrakech, une action politique cohérente et soutenue dans la vallée du Sous où tout est en continuelle évolution, et dont il est séparé par la barrière du Haut-Atlas. Il décide alors d’avoir sur place un représentant permanent et obtient l’accord du général Lyautey pour confier au capitaine Justinard une mission temporaire, d’ordre politique et militaire, dans la région de Tiznit et de l’Oued Noun. Justinard, celui que les Aït Ba Amrane appellent déjà le “capitaine chleuh”, réussit à merveille dans cette mission spéciale qui fait de lui le “Lawrence français”. Il parvient à neutraliser et à contraindre au repli sur les Canaries la “mission Probster” mise à terre quelques jours auparavant par un sous-marin allemand dans les parages de l’embouchure de l’oued Assaka. Mais, sentinelle avancée face à la dissidence, Justinard va se trouver dangereusement exposé après le combat malheureux au cours duquel Haïda ou Mouis est tué, le 7 janvier 1917. La tête du pacha est apportée en trophée à El Hiba; sa harka est dispersée, ses canons récupérés par le vainqueur. La révolte gronde dans tout le Sous.
A Marrakech, de Lamothe, devenu général, examine avec les grands caïds la situation créée par la défaite et la mort du pacha de Taroudant. Ceux-ci lui exposent que, après un tel échec, ils ne sont pas en mesure de rétablir l’ordre avec leurs seules forces, et que l’intervention d’un groupe mobile leur parait indispensable. De Lamothe prend alors sa décision : avec 5000 hommes, qu’accompagnent les harkas du Glaoui et du Goundafi, il franchit l’Atlas au Tizi n’Machou, atteint la vallée du Sous et se présente le 15 mars 1917 sous les murs de Tiznit, où le capitaine Justinard croit revivre l’entrée des troupes du général Moinier à Fès, six ans plus tôt. Précédée des deux harkas auxquelles se sont joints les contingents d’el Hadj Hoummad, fils de Haïda ou Mouis, la colonne se remet en marche le 24 mars au soir en direction du ksar de Ouijjane, au pied de la montagne dissidente. Elle y trouve une résistance inattendue, que ne brise pas l’intervention de l’artillerie. En fin d’après-midi, el Hadj Thami el Glaoui charge l’un de ses lieutenants, Si Bihi n’Aït Chaïb, d’occuper de nuit, par surprise, avec une centaine d’hommes choisis par lui, les crêtes dominant le ksar et la source. L’opération se déroule sans incident. A l’aube, le Glaoui et el Hadj Hoummad d’une part, le Goundafi de l’autre, déclenchent l’attaque. La résistance est violente mais elle est gênée par la présence des hommes de Bihi sur une position qui domine le champ de bataille. Bien soutenues par la cavalerie de la colonne que commande le capitaine de Loustal, les harkas atteignent bientôt leur objectif et occupent le ksar abandonné par ses défenseurs.
Se retournant vers le Sud, le général de Lamothe parcourt ensuite tout le pays des Aït Ba Amrane, avant de prendre, le 17 avril, le chemin du retour vers Tiznit. Dès qu’ils comprennent que la harka revient en arrière, les dissidents se ruent à sa poursuite. Admirable de bravoure, chargeant sabre au clair, étendard au vent, à la tête de sa cavalerie, el Hadj Thami repousse l’adversaire et lui inflige des pertes sévères, s’emparant d’un grand nombre d’armes et de chevaux. A la fin de cette journée au cours de laquelle le Glaoui a combattu sans cesse au premier rang, ayant eu deux chevaux tués sous lui, il est l’artisan incontesté de la victoire. Après ces deux opérations, le pays dissident n’est certes pas conquis et El Hiba est toujours dans la montagne où il fait dire la prière en son nom puisqu’il s’est nommé Sultan. Mais de Lamothe ne veut pas se laisser prendre dans l’engrenage d’une nouvelle expédition aventureuse; il lui suffit d’avoir rétabli la situation dans l’état où elle se trouvait à la mort du pacha Haïda. Pour la maintenir, il laisse à Tiznit le caïd Goundafi, nommé pacha de la ville et naïb du gouvernement chérifien. Le capitaine Justinard demeure auprès de lui en qualité d’agent de liaison et de conseiller technique. Mais en même temps, la situation s’est aggravée dans l’Est et au Tafilalet où un autre prétendant, Sidi Mohamed n’Ifrouten, s’est nommé Sultan. Pour y faire face, le général Lyautey rattache le Territoire du Sud à la région de Meknès et donne au général Poeymirau le commandement de toutes les troupes qui y sont stationnées. En outre, il donne au général de Lamothe, à Marrakech, les instructions nécessaires pour entreprendre, avec les seules forces du pacha el Hadj Thami, une opération de diversion par l’Ouest qui devra prendre à revers les dissidents.
Communautés juives Les Juifs de Ouarzazate et de sa région
http://www.ouarzazate-1928-1956.fr/le-territoire/communautes-juives/64-les-juifs-de-ouarzazate-et-sa-region.html
Juifs de la kasbah de Taourirt
Archives Balmigère
Si on prend la première carte d’Etat Major du Cercle de Ouarzazate (1931), on peut retrouver la liste des villages alentours de Taourirt où De Foucauld dénombrait des familles juives, à peine moins nombreuses que les Berbères et les Arabes réunis.
Tamassint : 18 familles;
Zaouïa Sidi Otman (Athmane) : 5 familles;
Tabount : 6 familles;
Tigemmi djedid (Tigemmijdid) : 2 familles;
Taourirt : 15 familles; Talmesla : 20 familles (le plus important des mellahs de Ouarzazate et le plus éloigné);
Aït Kedif : 10 familles.
Soit un total de 76 familles pour les sept mellahs recensés à Ouarzazate et autour.
En remontant la vallée de l’oued Imini chaque douar réunissait des familles juives. De foucauld indique des douars sur la rive droite, tout près d'Ouggoug, où débute la mine. Iril (Irhil) : 8 familles; Tagnit (Tagounit) : 2 familles; Afella Isli : 6 familles et Taskoukt : 5 familles.
Dès le début de l’exploitation de la mine, à l’ouverture de la route du Tichka, des familles juives vinrent s’installer dans les douars près d'Ouggoug Sainte-Barbe.
Il ne faut pas oublier que les Israélites étaient marocains de nationalité, qu'ils vivaient au Maroc depuis plusieurs siècles, certains étaient établis au Maroc avant que les Arabes apportent l'Islam en pays Berbère. D'autres familles étaient arrivées nombreuses en 1492 venant d'Espagne. Ils parlaient très bien les langues du pays comme l'a observé De Foucauld qui connaissait l'arabe et l'hébreu et s'était déguisé en rabbin du temps où un chrétien ne pouvait circuler librement dans les parties du Maroc non soumises au Sultan.
"Les Israélites du Maroc parlent l'arabe. Dans les contrées où le tamazirt est en usage, ils le savent aussi; en certains points le tamazirt leur est plus familier que l'arabe, mais nulle part ce dernier idiome ne leur est inconnu. Tous les Juifs lisent et écrivent les caractères hébreux; ils ne connaissent point la langue, épellent leurs prières sans les comprendre, et écrivent de l'arabe avec des lettres hébraïques. Les rabbins seuls ont appris la grammaire et le sens des mots et, en lisant, entendent plus ou moins. Les rabbins sont nombreux; sur cinq ou six Juifs, il y en a un. Ils se distinguent par leur coiffure; : ils s'enveloppent la tête d'un long mouchoir bleu qui encadre leur figure et dont la pointe retombe sur leurs épaules. Le titre de rabbin équivaut à celui de bachelier; sur dix rabbins, un à peine peut officier; le rabbin officiant, ou rabbin sacrificateur, a pour principal service d'égorger suivant le rite les animaux destinés à la nourriture des fidèles; puis il dit les prières à la synagogue, apprend à lire aux enfants, dresse les actes. On lui donne une légère rétribution et des morceaux déterminés des animaux qu'il tue. Les villes renferment plusieurs synagogues et de nombreux officiants. Il n'est pas de village ayant six ou sept familles israélites qui n'ait sa synagogue et son rabbin."
Ce texte de Charles de Foucauld est un document précieux, c'est la raison pour laquelle il est important de le citer. Un autre document le confirme; une curiosité linguistique pour les spécialistes des langues berbères a été révélée par le chercheur Haïm Zafrani. Une liturgie de la Pâque en tamazirt écrite phonétiquement avec des lettres hébraïques a été retrouvée. Il s'agit d'une pièce unique, la version intégrale en berbère de la composition liturgique récitée par les juifs au cours de la veillée pascale et dont le thème fondamental est l’histoire de la sortie d’Égypte, accompagnée du hallel (groupe des psaumes 113 à 118 qui entrent dans la liturgie des grandes fêtes et de certains jours solennisés). Les Juifs marocains de l'Atlas dans leur majorité connaissaient mieux le tamazirt que l'hébreu.
Cette méconnaissance de l'hébreu par le plus grand nombre et la connaissance générale de l'arabe et du tamazirt prédisposaient les juifs à rester au Maroc. En fait tous les juifs n'étaient pas dans la même situation. Les plus riches commerçants et surtout banquiers qui vivaient dans l'étendue des terres sous contrôle du Sultan étaient protégés car ils avaient su se rendre indispensables aux détenteurs du pouvoir politique ou judiciaire. Ailleurs, dans les zones rebelles à l'autorité Chérifienne, la vie des juifs comportait bien plus de risques.
De Foucauld nous parle de leurs professions; les mêmes que celles du début du Protectorat :
"Les Israélites, qui, aux yeux des Musulmans, ne sont pas des hommes, à qui les chevaux, les armes sont interdits, ne peuvent être qu' artisans ou commerçants. Les juifs pauvres exercent divers métiers; ils sont surtout orfèvres et cordonniers; ils travaillent aussi le fer et le cuivre, sont marchands forains, crieurs publics, changeurs, domestiques dans le mellah. Les riches sont commerçants, et surtout usuriers. En ce pays troublé, les routes sont peu sures, le commerce présente bien des risques; ceux qui s'y livrent n'y aventurent qu'une portion de leur fortune. Les Israélites préfèrent en abandonner aux Musulmans les chances, les travaux et les gains, et se contentent pour eux des bénéfices sûrs et faciles que donne l'usure. Ici ni peine ni incertitude. Capitaux et intérêts rentrent toujours. Un débiteur est-il lent à payer ? On saisit ses biens. N'est ce pas assez ? On le met en prison. Meurt-il ? On y jette son frère. Il suffit pour cela de posséder les bonnes grâces du qaïd; elles s'acquièrent aisément : donnez un léger cadeau de temps en temps, fournissez à vil prix les tapis, les étoffes dont a besoin le magistrat, peu de chose en somme, et faites toutes les réclamations, fondées ou non; vous êtes écouté sur l'heure."
Daniel J. Schroeter-Les Juifs de l’Atlas et du Sud marocain
Les Juifs de l’Atlas et du Sud marocain
Mis à jour : mercredi 25 novembre 2015 16:17
d’après Daniel J. Schroeter
Aujourd’hui, il reste peu de traces des communautés juives disséminées dans les villages des montagnes du Haut Atlas et dans les ksour du Sud du Maroc. La riche collection photographique de Elias Harrus a capté cette population juive diverse et ancienne, dans ces régions où domine la langue berbère, à peine quelques années avant l'émigration massive, surtout vers Israël, au cours des années 1950 et au début des années 1960. Les quelques juifs qui restèrent dans ces communautés rurales se firent rapidement rares et ont aujourd'hui quasiment disparu, mis a part un très petit nombre d’entre eux, vivant encore dans plusieurs villes du Sud.
Quand les juifs arrivèrent-ils dans ces régions rurales éloignées, souvent situées a quelque distance des grandes cités du Maroc ?
Des juifs ont vécu parmi les Berbères, premiers habitants connus de l'Afrique du Nord, depuis l'Antiquité. Les origines du judaïsme marocain sont enveloppées de mystère et font l'objet de nombreuses légendes. Les juifs d'Oufrane (Ifrane), dans les monts de l'Anti-Atlas, soutiennent que leurs ancêtres arrivèrent plus de deux mille cinq cents ans auparavant, fuyant Jérusalem lors de la conquête babylonienne. Les historiens arabes du Moyen-âge furent les premiers à consigner la tradition selon laquelle des tribus berbères (Amazigh; pluriel Imazighen) se seraient converties au judaïsme plusieurs siècles avant l'arrivée de l'islam, au VIIe siècle de l'ère chrétienne. Des documents historiques attestent l'existence de nombreuses communautés juives dans la vallée du Draâ, dans le Sous, dans le Haut Atlas et sur la bordure saharienne depuis le Moyen âge. Bien que les voyageurs du XIXe siècle et les administrateurs de Protectorat du XXe siècle aient considère ces juifs comme isolés du vaste monde, les diverses cultures des juifs de l'arrière-pays berbère indiquent leurs origines variées : israélite et berbère, arabe et séfarade.
Les juifs au Maroc, de même que dans le reste du monde musulman, étaient définis par la loi islamique comme des dhimmis, littéralement “personnes protégées”. Dans d'autres parties du monde musulman, ce statut était également assigné aux chrétiens et parfois à des membres d'autres religions, qui étaient tenues pour légitimes tout en étant inférieures a l'Islam. Au Maroc, seuls les juifs étaient des dhimmis puisque les autres indigènes restés non musulmans avaient disparu durant le Moyen âge. Ce statut légal signifiait que, en échange de l'acquittement d'une capitation annuelle (appelée djizya) dont tout juif adulte de sexe masculin était redevable et de l'acceptation d'un certain nombre d'inhabilités symbolisant l'infériorité des non musulmans, l'état islamique garantissait la protection des communautés juives ainsi que leur droit a pratiquer leur religion. Cependant, dans la plus grande partie de l'arrière-pays berbère du Maroc, particulièrement dans les monts de l'Atlas et sur les marges du Sahara, le contrôle du gouvernement central était très relâché, si ce n'est entièrement absent. On désignait ordinairement ces régions par le terme de bled al-siba ou “pays de la dissidence”, par opposition au bled al-makhzan ou “pays du gouvernement”.
Le quartier juif, connu sous le nom de mellah, désignait à l'origine un quartier de Fès dans lequel les juifs furent contraints de vivre au XVe siècle; le terme de mellah en vint a signifier, dans tout le Maroc, le quartier juif et, par extension, la communauté juive. Dans certains villages et petites villes berbères le mellah était séparé des quartiers musulmans par un mur et un portail. Mais dans la majorité des cas, le terme désignait simplement une ou plusieurs rues, habitées par dix à vingt familles juives et où se trouvait la synagogue. Très souvent, les maisons des juifs jouxtaient celles des musulmans. En comparaison avec la vie des juifs dans les villes plus grandes, les juifs et les musulmans des régions rurales cohabitaient dans le même espace beaucoup plus étroitement, et pacifiquement la plupart du temps.
Les juifs étaient intégrés au tissu culturel du Maroc rural, ils avaient des coutumes communes avec leurs voisins musulmans : l'habillement, la nourriture, la vénération de saints hommes et, à l'occasion, de saintes femmes, ainsi que les rythmes et les modes de la vie quotidienne. Les liens sociaux et économiques entre les juifs et les musulmans dans les régions de culture berbère étaient très étroits, bien que chaque groupe ait aussi gardé des traits culturels distincts et des limites religieuses très strictes. Alors que dans toutes ces régions les juifs parlaient berbère, car d'aussi loin que les gens se souviennent, ils parlaient l'arabe vernaculaire (avec des tournures spécifiquement juives) dans la plupart des mellahs, comme leur langue maternelle. Ils écrivaient en judéo-arabe, employant des caractères hébraïques pour transcrire leur parler marocain. Bien que la nourriture consommée par les juifs ressemblait beaucoup à celle des musulmans, leurs lois alimentaires leur interdisaient de consommer des repas préparés dans des maisons non juives. Par ailleurs, ils pouvaient manger des œufs, des olives, du miel, de l'huile ou des produits laitiers chez leurs voisins. Alors que les costumes des juifs et des musulmans paraissaient très semblables, un examen approfondi révélait presque toujours des signes distinctifs chez les juifs, qu'il s'agisse de la couleur du vêtement du dessus ou bien de la sorte de coiffe portée par les femmes et par les hommes. La loi islamique stipulait que les dhimmis devaient porter un vêtement les distinguant des musulmans (et leur interdisait par exemple le port d'un turban), mais dans le pays berbère, les traits distinctifs permettant de reconnaître les juifs relevaient davantage de la coutume que de l'exigence légale
Les Juifs de l’Atlas et du Sud marocain- Daniel J. Schroeter

Les Juifs de l’Atlas et du Sud marocain
Introduction historique
d’après Daniel J. Schroeter
Photo-Le parler berbéro-arabophone des Juifs du Sud de l’Atlas
Extrait de : Texte de Tinerhir du Todgha. Paris 1970,
Supplément au tome XII des Comptes rendus du G.L.E.C.S.
Aujourd’hui, il reste peu de traces des communautés juives disséminées dans les villages des montagnes du Haut Atlas et dans les ksour du Sud du Maroc. La riche collection photographique de Elias Harrus a capté cette population juive diverse et ancienne, dans ces régions où domine la langue berbère, à peine quelques années avant l'émigration massive, surtout vers Israël, au cours des années 1950 et au début des années 1960. Les quelques juifs qui restèrent dans ces communautés rurales se firent rapidement rares et ont aujourd'hui quasiment disparu, mis a part un très petit nombre d’entre eux, vivant encore dans plusieurs villes du Sud.
Quand les juifs arrivèrent-ils dans ces régions rurales éloignées, souvent situées a quelque distance des grandes cités du Maroc ?
Des juifs ont vécu parmi les Berbères, premiers habitants connus de l'Afrique du Nord, depuis l'Antiquité. Les origines du judaïsme marocain sont enveloppées de mystère et font l'objet de nombreuses légendes. Les juifs d'Oufrane (Ifrane), dans les monts de l'Anti-Atlas, soutiennent que leurs ancêtres arrivèrent plus de deux mille cinq cents ans auparavant, fuyant Jérusalem lors de la conquête babylonienne. Les historiens arabes du Moyen-âge furent les premiers à consigner la tradition selon laquelle des tribus berbères (Amazigh; pluriel Imazighen) se seraient converties au judaïsme plusieurs siècles avant l'arrivée de l'islam, au VIIe siècle de l'ère chrétienne. Des documents historiques attestent l'existence de nombreuses communautés juives dans la vallée du Draâ, dans le Sous, dans le Haut Atlas et sur la bordure saharienne depuis le Moyen âge. Bien que les voyageurs du XIXe siècle et les administrateurs de Protectorat du XXe siècle aient considère ces juifs comme isolés du vaste monde, les diverses cultures des juifs de l'arrière-pays berbère indiquent leurs origines variées : israélite et berbère, arabe et séfarade.
Les juifs au Maroc, de même que dans le reste du monde musulman, étaient définis par la loi islamique comme des dhimmis, littéralement “personnes protégées”. Dans d'autres parties du monde musulman, ce statut était également assigné aux chrétiens et parfois à des membres d'autres religions, qui étaient tenues pour légitimes tout en étant inférieures a l'Islam. Au Maroc, seuls les juifs étaient des dhimmis puisque les autres indigènes restés non musulmans avaient disparu durant le Moyen âge. Ce statut légal signifiait que, en échange de l'acquittement d'une capitation annuelle (appelée djizya) dont tout juif adulte de sexe masculin était redevable et de l'acceptation d'un certain nombre d'inhabilités symbolisant l'infériorité des non musulmans, l'état islamique garantissait la protection des communautés juives ainsi que leur droit a pratiquer leur religion. Cependant, dans la plus grande partie de l'arrière-pays berbère du Maroc, particulièrement dans les monts de l'Atlas et sur les marges du Sahara, le contrôle du gouvernement central était très relâché, si ce n'est entièrement absent. On désignait ordinairement ces régions par le terme de bled al-siba ou “pays de la dissidence”, par opposition au bled al-makhzan ou “pays du gouvernement”.
En conséquence, dans la plupart des régions berbères, la protection de la communauté juive incombait davantage au cheikh ou au gouverneur (caïd) de la tribu locale qu'au sultan. La relation entre le cheikh et les juifs se perpétuait de génération en génération et la protection des juifs était considérée comme sacro-sainte. Ce système fonctionnait en raison du rôle important joué par les juifs dans l'économie rurale. Eléments de la société étrangers a la tribu, les juifs vivaient en dehors du système politique des alliances et des rivalités. Les musulmans se fiaient donc à eux, membres neutres de la société, pouvant traverser les frontières tribales et remplir des taches importantes en tant que marchands, colporteurs et artisans itinérants. Le fait que ce rôle d'intermédiaire devait être maintenu dans l'intérêt des factions rivales souligne la fonction vitale occupée par les juifs dans l'économie rurale.
Le quartier juif, connu sous le nom de mellah, désignait à l'origine un quartier de Fès dans lequel les juifs furent contraints de vivre au XVe siècle; le terme de mellah en vint a signifier, dans tout le Maroc, le quartier juif et, par extension, la communauté juive. Dans certains villages et petites villes berbères le mellah était séparé des quartiers musulmans par un mur et un portail. Mais dans la majorité des cas, le terme désignait simplement une ou plusieurs rues, habitées par dix à vingt familles juives et où se trouvait la synagogue. Très souvent, les maisons des juifs jouxtaient celles des musulmans. En comparaison avec la vie des juifs dans les villes plus grandes, les juifs et les musulmans des régions rurales cohabitaient dans le même espace beaucoup plus étroitement, et pacifiquement la plupart du temps.
Les juifs étaient intégrés au tissu culturel du Maroc rural, ils avaient des coutumes communes avec leurs voisins musulmans : l'habillement, la nourriture, la vénération de saints hommes et, à l'occasion, de saintes femmes, ainsi que les rythmes et les modes de la vie quotidienne. Les liens sociaux et économiques entre les juifs et les musulmans dans les régions de culture berbère étaient très étroits, bien que chaque groupe ait aussi gardé des traits culturels distincts et des limites religieuses très strictes. Alors que dans toutes ces régions les juifs parlaient berbère, car d'aussi loin que les gens se souviennent, ils parlaient l'arabe vernaculaire (avec des tournures spécifiquement juives) dans la plupart des mellahs, comme leur langue maternelle. Ils écrivaient en judéo-arabe, employant des caractères hébraïques pour transcrire leur parler marocain. Bien que la nourriture consommée par les juifs ressemblait beaucoup à celle des musulmans, leurs lois alimentaires leur interdisaient de consommer des repas préparés dans des maisons non juives. Par ailleurs, ils pouvaient manger des œufs, des olives, du miel, de l'huile ou des produits laitiers chez leurs voisins. Alors que les costumes des juifs et des musulmans paraissaient très semblables, un examen approfondi révélait presque toujours des signes distinctifs chez les juifs, qu'il s'agisse de la couleur du vêtement du dessus ou bien de la sorte de coiffe portée par les femmes et par les hommes. La loi islamique stipulait que les dhimmis devaient porter un vêtement les distinguant des musulmans (et leur interdisait par exemple le port d'un turban), mais dans le pays berbère, les traits distinctifs permettant de reconnaître les juifs relevaient davantage de la coutume que de l'exigence légale.
Les Juifs de l’Atlas et du Sud marocain- Daniel J. Schroeter