La vie et l'impact de Rabbi Refael Baroukh Toledano-Meknes: La Jerusalerm du Maroc

Meknes: La Jerusalerm du Maroc
Chapitre I
Le quartier juif ou mellah
Le vieux quartier juif ou mellah de Meknès n’était pas bien grand : il s’étendait en tout et pour tout sur un rectangle de quatre cents mètres de long sur trois cents de large. Il comprenait en revanche des centaines de maisons serrées, voire imbriquées les unes dans les autres, plusieurs pièces donnant sur une même cour intérieure commune, avec d’étroits passages entre les pâtés de maisons, quelques rues tortueuses, des boutiques et des étalages.
Les enfants qui grandissaient dans le mellah respiraient journellement son atmosphère et s’imprégnaient des récits de leurs ancêtres. Parmi ceux qui faisaient partie de l’histoire locale, il y avait l’histoire d’une martyre, Lala Solika, morte décapitée à Fès en 1834 « pour la sanctification du Nom » pour son refus de se convertir à l'Islam. Il y avait aussi celle des 50 Juifs martyrs d’Oufran envoyés au bûcher pour avoir refusé de se convertir. Et bien sûr, on célébrait aussi l’épopée des ancêtres de la famille Tolédano elle-même – Rabbi Daniel, le plus grand des rabbins de Castille, prenant la tête des exilés lors de l’expulsion des Juifs d’Espagne, et celle de Rabbi ‘Hayim Tolédano, dont on affirmait qu’il avait eu le mérite de voir apparaître le prophète Élie.
Les murs du mellah qui entouraient les Juifs et les séparaient de l’environnement musulman les protégeaient à la fois de la haine et de l’influence des non-Juifs.
Jusqu’à l’arrivée des Français, le statut du Juif était celui du dhimi dont l’existence était tolérée moyennant le payement de la dizia, la taxe de soumission.
Celui-ci supportait en silence toutes les injures et vexations qu’on lui infligeait.
À certaines époques, il devait même retirer ses chaussures pour se rendre dans la Médina musulmane, ou porter un signe distinctif de sa judaïté – à seule fin de recevoir des injures. Mais dès qu’il se retrouvait dans le mellah, il redevenait ce qu’il était vraiment : un descendant princier du peuple élu. Là, il pouvait à loisir se construire un monde spirituel, riche en Tora et en mitsvoth, un monde en soi qu’aucun étranger ne pouvait comprendre, d’un niveau peu commun de foi et de piété.
A l’époque qui nous intéresse, quelque six mille Juifs vivaient à Meknès et leur nombre ne cessa d’augmenter jusqu’à atteindre, en 1924, celui de neuf mille âmes, exigeant un agrandissement du mellah. Tous se serraient dans 250 ‘cours’, soit environ quatre familles par cour. Peu d’entre eux avaient le privilège de posséder une cour privée et la plupart des ‘cours’ étaient communes à plusieurs habitations, comprenant un ou deux étages. Généralement, chaque maison abritait une famille avec des membres plus ou moins proches, souvent les grands-parents et aussi les enfants mariés.
Les murs épais qui entouraient le ghetto, avec leur portail fermé la nuit, formaient les limites du monde du Juif qui y résidait. Ce qui se passait au-dehors appartenait à un autre monde et lorsqu’on disait ‘tout le monde’ dans le mellah, cela signifiait ’tout le mellah’. Cette rupture totale d’avec le monde extérieur lui permettait précisément de jouir d’un monde intérieur riche et parfaitement pur.
La plupart des Juifs de Meknès menaient une existence simple et frugale, ce qui contribuait à ce qu’ils mettent l’accent sur les vraies valeurs. Ce n’est pas sans raison qu’on l'avait surnommée « La Jérusalem du Maroc ». On pouvait trouver, dans chacune de ses ruelles, des êtres d’élite très purs, d’une piété exceptionnelle, et de véritables érudits, particulièrement versés dans tous les domaines de la Tora, écrite et orale. Leurs grands rabbins sont restés le plus souvent inconnus en dehors du Maroc, faute d'imprimerie pour diffuser leurs œuvres, mais leurs contemporains connaissaient leur grandeur et appréciaient leur sainteté. Meknès avait aussi ses artisans et ses commerçants, des gens parfois simples, mais animés d’une piété fervente et sincère et consacrant une partie de leur journée à l’étude de la Tora. Les affaires communautaires reposaient entre les mains des rabbanim, dont l’autorité était reconnue par tous et auxquels tous se soumettaient de façon naturelle. Le Chabbat était rigoureusement observé et tous les cœurs étaient animés d’une foi profonde et sans faille.
Les « bakachoth »
« Lève-toi, mon fils ! »
Le petit Baroukh sent la caresse de son père le tirer du sommeil qui l’a vaincu. Ouvrant les yeux, il aperçoit les lumières du Chabbat qui brûlent encore dans les fioles. Lodeur de la skhina, le fameux plat du Chabbat amoureusement préparé par sa maman, la rabbanith Tolédano, flotte dans la maison.
Rabbi Yaacov Tolédano, l’un des prestigieux dayanim de la ville, réveille ainsi tendrement son fils en pleine nuit et lui tend une cruche d’eau : « Fais vite netilath yadayim, lui dit-il : la chirath habakachoth va bientôt commencer ! »
D’un bond, le jeune Baroukh est sur pied. Il aime accompagner son père au beth hakenesseth ; durant les longues nuits de Chabbat des mois d’hiver, les fidèles de la communauté se rassemblent pour louer D. et dire en chantant les « bakachoth ».
Fair du dehors est vif et piquant et, dans le ciel, les étoiles scintillent comme des milliers de perles. Baroukh, bien au chaud dans sa djellaba de laine, met sa main dans la large paume de son père. Ils marchent tous deux en silence, le petit Baroukh s’efforçant de suivre le rythme de son père qui marche à grands pas. De-ci, de-là, il faut enjamber une flaque bourbeuse, car les rues du vieux mellah ne sont pas pavées. Tout en marchant, ils sont progressivement rejoints par d’autres fidèles qui émergent des cours et des ruelles adjacentes, et tout ce petit monde forme bientôt une belle troupe entourant le Rav dont la zoukha, la redingote noire et le turban témoignent du rôle qu’il joue parmi eux.
De loin, on aperçoit bientôt les lumières tremblotantes des nombreuses lampes à huile du « tsalath de Chemouèl Tolédano »,le vieux betb hakenesseth où prie la famille Tolédano depuis des générations. Comme tous les batei kenesseth du Maroc, la simplicité extérieure du bâtiment ne laisse rien transparaître de la kedoucha qui l’habite. Lorsqu'ils entrent, les fidèles sont accueillis par le parfum pénétrant des branches de myrte qui entourent la bimah, et du thé à la menthe.
A l’entrée du Rav, les centaines de fidèles se lèvent avec respect, car Rabbi Yaacov Tolédano est aimé et apprécié de tous et un grand nombre d’entre eux s’approchent pour lui baiser la main. De multiples histoires courent à son sujet, à la fois sur ses connaissances en Tora et la crainte de D. qui l’anime. Rabbi Yaacov va s’asseoir à sa place et donne le signal de commencer.
L'officiant entonne alors le fameux piyout, poème fondé sur le Cantique des Cantiques évoquant le peuple juif en quête du Maître du monde,
comme une fiancée languissant son bien-aimé :
« Dodi yarad legano lir’oth bagamm… Mon Bien'aimé est descendu dans Son jardin… pour y cueillir des roses.
La voix de mon Bien'aimé frappe : ouvre-moi, ma fidèle colombe, les portes de Tsion que ],aime »
Et les fidèles de répondre :
«Bit¿ al tefa’hadi.. .Ma fille, ne crains rien, car Je me souviendrai encore de toi, et d’un pays lointain Je rassemblerai tes dispersés,
Je te reconstruirai et tu seras reconstruite dans ta beauté et ta splendeur… »
Strophe après strophe, l'officiant et les fidèles se relayent et le cantique pénètre, le long des ruelles, dans tout le mellah dont les habitants dorment encore. Rabbi Yaacov chante lui aussi à pleine voix, car il possède un sens inné du chant et de la musique. Il compose d'ailleurs lui-même des poèmes liturgiques, mettant en musique chacune de leurs rimes grâce à ce don naturel de la famille Tolédano.
Le rituel liturgique est si long que les paupières du petit Baroukh se ferment malgré lui et qu’il croit voir, en rêve, les anges ouvrir les rideaux du Ciel et venir mettre tous ces chants au pied du Trône Céleste.
Rabbi Yaacov consacre tout son temps aux besoins de la communauté. Sa journée commence avant l’aube et s’achève bien après minuit. On le voit marcher d’un pas rapide vers le beth hamidrach pour donner son cours de Tora et se hâter ensuite vers le beth din pour trancher une question de halakha. Puis il s’empresse d’aller au chevet d’un malade avant de se pencher sur un problème communautaire et trouver le moyen d'y remédier. Depuis une dizaine de générations, la famille Tolédano est au service de toute cause sacrée et c’est elle qui dirige la communauté à travers les époques, parfois tumultueuses, avec une grande responsabilité et un dévouement total, veillant à enseigner la Tora à leurs fidèles et à leur transmettre, de génération en génération, la chaîne d’or de la tradition. Le jeune Baroukh suit les traces de son père et son exemple se grave dans son cœur : c’est là, dans cette ruche où l’on distille en permanence le sens des responsabilités vis-à-vis de la communauté qu’il apprend son futur rôle.
C’est dans la maison de son père que Rabbi Baroukh va puiser les principes qu’il adoptera toute sa vie.
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