Jud. d'Afr. du nord aux 19-20e


Simon Schwarzfuchs- Colonialisme francais et colonialisme juif

La nomination de Bugeaud au gouvernement de l'Algérie—il exerça ses fonctions du 23 février 1841 au 5 juin 1847 — ne devait modifier en rien son antisémitisme maladif. Il écrivait le 13 mai 1842 de Mostaganem au Ministre de la Guerre et, après lui avoir exposé certaines de ses difficultés, ajoutait:

"Puisque je suis sur l'article des Juifs, je ne lancerai pas ce grave sujet sans vous dire, Monsieur le Maréchal,"que dans l'intérêt de notre avenir et de notre sécurité en Afrique, il y aurait à prendre envers les Juifs une mesure bien plus grande, bien autrement sévère, mais aussi bien plus utile, bien plus politique que celle que je propose: ce serait de les expulser entièrement de nos possessions d'Afrique, parce qu'ils y sont pour nous un danger permanent, non pas direct, mais parce qu'ils sont négatifs et plus que négatifs pour la défense, et qu'ils tiennent dans nos villes une place énorme qui serait occupée par des Européens qui défendraient la ville et le port, tandis que les Juifs, non seulement ne défendront pas, mais encore instruiront les Arabes de nos démarches. Ils vivent chez nous. Ils n’étaient pas 3.000 à Oran en 1837 et ils sont aujourd’hui plus de 4.000".

Bugeaud reprenait ensuite les recommandations déjà faites en 1837 pour aboutir au départ des Juifs. Pour le faciliter encore davantage, il proposait de faire évaluer ‘leurs propriétés qui consistent presque uniquement en maisons et en quelques petits jardins’, l’Etat s’engageant à leur verser le prix de l’estimation au cas où ils n’auraient pas réussi à les vendre plus avantageusement. Ces biens seraient ensuite revendus à des Européens qui les remplaceraient tant pour supporter les charges du pays que pour le défendre contre les Arabes. Bugeaud s’élevait contre les philanthropes et les hommes scrupuleux de légalité qui protesteront sans aucun doute contre ces mesures: lui- même les considérait comme très acceptables. Il concluait enfin:

En deux ou trois ans, les 15 ou 16.000 Juifs qui existent en Algérie et qui nous possèdent bien plus que nous ne les possédons, s’écouleraient facilement vers le Maroc et à Tunis, sans éprouver presque aucune perte dans leur fortune.

L’année suivante, dans une lettre écrite de Mascara le 3 novembre 1843, il devait revenir sur le sujet; il n’avait pas désarmé entre-temps. Dans un long rapport sur l’Algérie envoyé au Ministre de la Guerre, il déclarait:

Plus j’examine cette question, M. le Maréchal, et plus j’aperçois d’inconvénients à substituer, dans nos villes de l’intérieur, l’administration civile à l’administration militaire. Il y en a surtout d’immenses vis-à-vis des Arabes. Ainsi, par exemple, en vertu des ordonnances que nous avons faites, partout où règne l’administration civile, les Juifs sont assimilés aux Français. Cette assimilation n’a pas changé brusquement leurs moeurs; elle n’a pas fait que leurs vices soient devenus spontanément des vertus, et ils profitent de la liberté qui leur a été donnée pour se venger de l’état d’infériorité dans lequel ils ont été tenus longtemps par les Arabes, en volant ceux-ci, en les injuriant, en les outrageant. L’Arabe ne sait comment se faire rendre justice devant l’autorité civile: celle-ci, d’ailleurs, est d’autant plus disposée à donner raison aux Juifs que c’est parmi eux qu’elle a pris tous ses interprètes et tous ses agents secondaires pour le service municipal. L’Arabe souffre et s’indigne; il ramasse de la haine pour exhaler, dit-il, dans des temps meilleurs. C’est, à mon avis, une grande faute, que d’avoir élevé sans transition les Juifs d’Algérie à notre hauteur; nous ne l’avons pas fait dans nos villes de l’intérieur; ils sont sur le même pied que les Arabes; ils sont soumis comme eux à la juridiction militaire, et l’Arabe n’est pas humilié par ce contraste si choquant, de voir un Juif qu’il méprise, jouissant de toutes les formes protectrices de notre jurisprudence, tellement protectrices qu’elles amènent souvent l’impunité ou une répression très tardive et très insignifiante, pendant que lui reçoit de la justice arabe des coups de bâton pour la plus petite faute. Cette comparaison, vous en conviendrez, est fort révoltante pour un guerrier arabe qui était accoutumé à mépriser les Juifs jusqu’ici très méprisables en effet dans l’Algérie.

Cette question des Juifs, M. le Maréchal, est beaucoup plus grave qu’elle ne paraît d’abord. Ces gens-là nous créeront de grands embarras; et comme ils tiennent la place que tiendraient des Européens sur lesquels nous pourrions compter au jour du danger, ils sont une cause de faiblesse; il ne faut compter sur eux, ni pour la défense du pays, ni pour son exploitation agricole; ils ne sont que trafiquants et ils absorbent la plus grande partie des affaires, sans payer aucun impôt, pas même celui de la milice.

Pour le gouverneur général de l’Algérie, les Juifs constituaient donc un danger pour la colonisation, dont ils empêchaient les progrès par leur seule présence. Ils ne pourraient participer au développement du pays, qu’ils gêneraient plutôt. Il fallait donc s’en défaire, encore que les difficultés qu’il rencontrerait à Paris ne lui eussent pas échappé. Il est certain que les milieux gouvernementaux de la capitale étaient soumis à une forte pression juive dont le Consistoire Central était le facteur le plus agissant. Dans le grave débat qui opposait la métropole à Bugeaud, celle-ci ne risquait-elle pas d’être tentée d’écouter les voix juives et de se servir de tous les appuis qu’elle pourrait réunir contre le remuant proconsul? Sans doute est-il difficile de suivre au jour le jour les délibérations du Ministère, mais il n’en reste pas moins qu’il fut fait appel à des conseillers juifs pour examiner à nouveau le problème et en faciliter la solution. Paris n’était pas décidé à se laisser dicter sa conduite par Bugeaud.

Colonialisme francais et colonialisme juif-Simon Schwazfuchs

Une mission fut donc envoyée en Algérie, avec l’aide et la recommandation du Ministre de la Guerre, mais sans son concours financier. J. Altaras, le Président du Consistoire de Marseille la dirigeait. Il était assisté de Joseph Cohen, un jeune avocat aixois. Tous deux, ils visitèrent l’Algérie en 1842 et rédigèrent un long rapport. En fait, ils ne s’étaient guère éloignés de la bande côtière. Ils constatèrent donc que le judaïsme algérien était essentiellement urbain. Tous les Juifs d’Algérie—ils étaient environ 16000 — rési­daient alors dans quatre grandes communautés: Alger, Constantine, Oran, Tlemcen et cinq ou six communautés de moyenne importance: Bône, Mostaganem, Médéah, Milianah, Mascara et Blidah. Point de juifs dans les villages et les campagnes, sinon peut-être les quelques 1500 Juifs bédouins du Sud, dont on ne savait d’ailleurs pas grand- chose. Le spectacle des villes que quittaient leurs habitants turcs et maures les avait beaucoup frappés. Ils avaient fini par conclure que les Juifs représentaient un cinquième de la population urbaine habituée depuis longtemps au climat africain. La proportion pouvait d’ailleurs varier: un tiers à Oran, un cinquième ou un sixième à Alger, un septième ou un huitième à Constantine.

 L’importance de la présence juive dans les villes faisait oublier leur insignifiance au sein d’une population indigène qui comptait probablement de 2 à 3 millions d’habitants. Les observateurs juifs s’intéressèrent donc uniquement aux villes algériennes et à leurs Juifs. Ils négligèrent totalement les campagnes et les tribus. Ils furent amenés tout naturellement à conclure que Juifs et Européens réunis formeraient sans peine la majorité dans les villes et y garantiraient de ce fait la présence et la prédominance françaises.

Le Consistoire Central se devait donc de promouvoir et d’assurer l’assimilation de la population juive d’Algérie à la population européenne, et de préférence à la population française. Il faudrait, à plus ou moins longue échéance, faire des Juifs algériens des Juifs européens, c’est-à-dire des Juifs français, ce qui leur permettrait de devenir un facteur important de la colonisation française.

Pour Altaras et Cohen, l’importance relative et absolue des Juifs dans les villes algériennes ne pouvait qu’augmenter, puisque les Arabes les quittaient et que bientôt les Juifs seuls y resteraient avec les Européens. Sans doute, les Juifs avaient-ils beaucoup souffert de la conquête française qui avait exercé des effets désastreux sur leurs moyens d’existence traditionnels en les privant de leurs clients et débouchés habituels et en leur suscitant la concurrence des négociants européens venus chercher fortune en Algérie: ils souhaitaient cependant se rapprocher de la France. Ils pourraient lui servir d’intermédiaires avec les populations nomades du Sud. Rien chez eux ne s’opposait à la civilisation. Ils étaient, déclaraient les deux voyageurs, prêts à prendre les armes et à servir dans la milice pour défendre la France. Tout les séparait des Maures qui étaient incapables d’une telle évolution, et les rapprochait donc de la France. Cependant, un stade intermédiaire se révélait nécessaire. Conscients de la situation du judaïsme algérien, Altaras et Cohen devaient écrire:

En face de cette société particulière et originale, on ne peut adopter les mêmes systèmes que pour les Israélites français. Il faut encore aux hommes de l’Algérie une direction énergique, une autorité en un mot qui n’aît pas seulement le pouvoir spirituel et presque nominal des Consistoires français, mais une puissance réelle d’action et de coercition et qui puisse guider d’une main ferme la société qu’elle doit initier à notre état politique et civil.

Altaras et Cohen allaient donc proposer une politique propre à réaliser leur programme. Ils réclamaient tout d’abord la disparition des institutions juives: nation juive, tribunal rabbinique, rabbinat traditionnel et écoles juives indigènes (midrach). Ils souhaitaient l’interdiction du port du costume juif traditionnel, l’obligation du service dans la milice et la création d’écoles françaises qui assureraient également un enseignement religieux. Ils avaient renoncé à leur projet initial de faire élever en France de jeunes Juifs qui y seraient initiés à la civilisation française et retourneraient par la suite en Algérie pour l’y diffuser. Un projet analogue de collège arabe avait d’ailleurs connu le même sort peu auparavant.

Les deux rapporteurs étaient tout à fait convaincus que les Juifs d’Algérie ne feraient aucune difficulté pour renoncer à la pratique du divorce, alors réprouvée par le législateur français mais fréquente parmi les Juifs algériens, et à celle de la polygamie, qui était bien moins répandue, afin d’obtenir le même statut civil que les Français. Ils réclamaient la formation de consistoires en Algérie et entendaient réserver à celui d’Alger un rôle déterminant. Afin de garantir une évolution conforme à leurs voeux et à leur idées, ils demandaient que  les Consistoires fussent nommés, non élus, et que leurs dirigeants fussent des notables imbus des idées françaises et capables de les répandre. Ils s’empressaient d’ajouter qu’ils n’avaient pu trouver un seul notable algérien qui pût répondre à ces exigences. Il ne s’en trouvait pas non plus parmi les négociants juifs français installés depuis la conquête en Algérie. Il faudrait donc nécessairement faire venir de France un président du Consistoire jouissant d’une position indépendante et libre de tous soucis matériels. Il faudrait donc le charger ‘de véritables fonctions publiques, créées et rétribuées par le Consistoire’. Il devrait être

 un homme d’intelligence élevé dans les idées françaises et possédant cet ensemble de connaissances qui sont indispensables aux réformateurs. Il faut donc qu’il réunisse à la capacité naturelle une éducation étendue et une volonté ferme d’améliorer ses coreligionnaires.

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Colonialisme francais et colonialisme juif-Simon Schwazfuchs- 1980- judaisme d'Afrique du nord au XIXe-XXe siecles edite par Mchel Abitbol

Les ministres du culte, ou du moins certains d’entre eux, devraient être salariés par l’Etat, ce qui permettrait bien entendu de les choisir au mieux des intérêts de la colonisation. C’est la raison pour laquelle Altaras et Cohen souhaitaient que les rabbins fussent choisis parmi les élèves diplômés de l’Ecole Centrale Rabbinique de Metz!

L’influence française devait donc être assurée par des membres des Consistoires, des grands rabbins et des rabbins qui ne seraient pas choisis parmi les Juifs indigènes de l’Algérie, sans qu’ils fus­sent soumis ou rattachés organiquement au Consistoire Central à Paris: les nouveaux Consistoires seraient algériens, mais sans les Algériens!

Tel quel le rapport Altaras-Cohen répondait à nombre des accusations lancées par Bugeaud. Il tombait à point puisque le pouvoir central venait enfin de décider de s’opposer de plus en plus énergiquement aux manifestations du maréchal-proconsul. Il n’est donc guère étonnant que le Ministre de la Guerre, peu soucieux de ménager Bugeaud, aît jugé bon de retenir le rapport Altaras-Cohen et de le soumettre à la commission qu’il allait charger de préparer un réglement pour les Juifs d’Algérie. Les intérêts de ces derniers devaient etre défendus par trois membres du Consistoire Central, dont Adolphe Crémieux: son intérêt pour le judaïsme d’Algérie ne se démentait pas.

Le projet finalement retenu par la commission traitait aussi bien de la condition civile des Juifs qu’elle voulait en tout semblable à celle des non-musulmans sauf pour ce qui est du service dans la milice, que de la réorganisation de leurs communautés selon le modèle consistorial et de leurs écoles. Il consacrait la prééminence du Consistoire central auquel les consistoires algériens et leurs rabbins devaient être rattachés et soumis. Toutes les institutions traditionnelles de l’Algérie juive étaient supprimées et les Juifs devenaient justiciables des seuls tribunaux français. Quant aux rabbins,

"la commission a pensé qu’il serait utile qu’ils fussent, autant que possible, choisis en France, et fissent pénétrer avec les notions élevées de la religion, les idées françaises au sein de la population israélite de l’Algérie."

Le projet initial fut longtemps remanié, avant d’être finalement promulgué à la fin de 1845. Toute référence au Consistoire Central et aux droits civils des Juifs avait disparu. Les institutions traditionnelles du judaïsme algérien étaient supprimées d’un trait de plume. Un consistoire central algérien siégerait à Alger, et deux consistoires provinciaux qui lui seraient soumis, à Oran et à Constantine. Le Ministre de la Guerre recevait les fonctions de tutelle et de surveillance qui avaient été destinées à l’origine au Consistoire Central.

Le nouveau règlement résultait donc d’un compromis entre les positions extrémistes du gouverneur général qui niait l’utilité des Juifs pour l’effort de colonisation française en Algérie et la tentative d’Altaras et de Cohen qui tendait à transformer les Juifs d’Algérie en Européens de fait sinon de droit. Légalement ils devaient être considérés désormais comme des non-musulmans et se voir pourvus d’un statut spécial. Pour le Ministère, les Juifs d’Algérie pouvaient donc être considérés non comme des colonisateurs mais comme un élément d’appoint à l’élément européen: ils pourraient éventuellement être colonisés avec succès, francisés, comme ils en exprimaient le désir, du moins dans leurs classes dirigeantes, et s’agréger en fin de compte à l’elément colonisateur européen.

La voie de l’assimilation était donc ouverte. Le nouveau consistoire algérien fut nommé. Il devait être présidé par… Joseph Cohen, qui était assisté de deux juifs français, le grand rabbin Michel A. Weillet le négociant Guggenheim, ainsi que de deux juifs indigènes, Levi Bram et le docteur Migueres, qui était d’origine marocaine.26 Ils décidèrent de considérer que l’intention du gouvernement français était de faciliter et de promouvoir l’émancipation des Juifs d’Algérie et leur assimilation progressive aux Français, et s’employèrent en ce sens, certains que les Juifs de l’Algérie, en passe de devenir Français, seraient les soutiens les plus sûrs de la présence et de l’influence françaises en Afrique du Nord.

Cette prise de position aurait dû très logiquement les inciter à nouer des liens aussi étroits que possible avec le Consistoire Central. Or quand, en 1850, le ministre des cultes proposa le rattachement des consistoires algériens au Consistoire Central, ce sont précisément les membres du Consistoire d’Alger qui trouvèrent la mariée trop belle. Ils acceptaient bien le principe du rattachement, mais arguaient les différences de rites et d’organisation communautaire entre les Juifs de la métropole et ceux de l’Algérie pour demander ‘de circonscrire la suprématie du Consistoire Central dans le cercle des intérêts généraux du culte’. Les proconsuls juifs, à l’image de certains hauts fonctionnaires, se plaisaient à Alger et voulaient y être laissés en paix! Leur opposition fut longtemps couronnée de succès: la haute surveillance du culte en Algérie ne fut confiée au Consistoire Central que le 16 septembre 1867.27 L’intégration à la nation française était proche.

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Elie Cohen—Hadria-Les Juifs francophones dans la vie intellectuelle et politique de la Tunisie entre les deux guerres

Les Juifs francophones dans la vie intellectuelle et politique de la Tunisie entre les deux guerres

Elie Cohen—Hadria

En occupant la Tunisie en 1881, la France a apporté avec elle sa langue, sa civilisation, et, de façon plus générale, sa culture. Comment, avec quelle ardeur pour certains, ou au contraire sous quelles réserves plus ou moins avouées pour d’autres, les Juifs tunisiens ont accueilli cet apport français? Quels ont été les espoirs — et les déceptions — de ceux, et ils furent nombreux, qui adoptèrent avec enthousiasme langue, culture et civilisation françaises? Quelle part personnelle active certains d’entre eux prirent aux manifestations publiques de cette culture: littérature, théâtre, conférences, journalisme, action politique, etc…? Quelles sont aujourd’hui, après vingt ans d’indépendance tunisienne, les conséquences de ces 75 ans d’influence française sur les Juifs de Tunisie, qu’ils soient restés dans le pays ou au contraire qu’ils aient émigré, la plupart en France ou en Israël? Il y a là un vaste sujet qui mériterait une étude approfondie. Je me propose ici seulement de rassembler quelques observations et remarques sur la seule période comprise entre les deux guerres, de 1919 à 1939, période qui a vu l’apogée de l’influence de la France sur les Juifs tunisiens. Cette période, je l’ai moi-même assez intensément vécue, comme témoin et à l’occasion comme acteur, ayant été mêlé à la vie juive et à la vie française, plus d’ailleurs, je l’avoue, à celle-ci qu’à celle-là. Encore est- il que cette période, il faudra la situer dans son contexte et essayer de définir les rapports entre les Juifs tunisiens et la France avant la conquête de 1881 — puis dans la première période du protectorat de 1881 à 1919; comme il faudra en conclusion dire brièvement quelles réactions nouvelles la montée de l’antisémitisme français, qui trouva son point culminant pendant l’occupation allemande — brève mais sévère—de novembre 42 à mai 43, provoqua parmi les Juifs de Tunisie, et particulièrement parmi ceux qui s’étaient jetés le plus avidement sur la culture française.

Avant 1881, les Juifs de Tunisie étaient dans leur immense majorité peu cultivés. Sans doute existait-il, tant à Tunis qu’à Djerba, de petits noyaux de savants rabbins. Sans doute également s’etait-il développé une littérature judéo-arabe (journaux quotidiens, traductions de romans, etc…), mais elle n’avait guère dépassé le niveau de la littérature populaire. Plus significatif était le développement, par l’intermédiaire des Grana, de la culture italienne. Encore faut-il distinguer les premiers Grana, ceux qui étaient venus d’Espagne dès le 16ème siècle, tout en conservant la fierté de leurs origines, s’étaient adaptés aux moeurs maghrébines; ils étaient dans leur majorité à peu près illettrés et ne parlaient que le judéo-arabe, même s’ils s’appelaient—j’en ai connu — Spinoza, Ossona, ou Toledano. Au contraire, ceux qui avaient plus longtemps transité par l’Italie, les ‘Livournais’ proprement dits, qui n’étaient arrivés en Tunisie qu’au 18ème ou même 19ème siècle, étaient, eux, profondément et même farouchement italiens, très patriotes, très militants dans les organisations italiennes, très attachés à leurs écoles italiennes. Et, par un effet de contagion fort compréhensible, ils avaient attiré à eux beaucoup de Juifs tunisiens, désireux de goûter à la civilisation occidentale. C’était par exemple une promotion sociale pour un bourgeois juif tunisien d’épouser une Gornia et de parler italien.

Mais l’attraction de la France allait rapidement se faire plus forte. Il y avait d’abord l’influence de l’Algérie voisine, où les Juifs étaient français depuis le décret Crémieux de 1870. Et puis l’Alliance Israélite avait ouvert des écoles. Dans ces écoles, l’enseignement de type moderne était donné en français. A cette date déjà, l’Alliance avait cessé d’être aussi universelle que son titre l’indiquait, et elle était devenue, par la force des choses, un organisme de propagande française qui recherchait plus ou moins consciemment l’assimilation.

On n’en veut pour preuve que l’effort tenace des dirigeants de l’Alliance pour substituer chez leurs jeunes élèves, à leurs prénoms bibliques des psénoms sentant davantage le français. Il serait amusant—et instructif—de consacrer une étude aux règles assez variées qui présidèrent ainsi à la francisation des prénoms juifs. Si l’anecdote est amusante, les tendances qu’elle révèle sont significatives. Non que l’Alliance renonçât à être israélite, mais ce qu’elle entendait conserver du judaïsme, c’était la religion sous sa forme la plus conservatrice et la plus traditionnelle, et le judaïsme qu’elle entendait maintenir était plus confessionnel que culturel. L’Alliance fut un succès que l’instauration du Protectorat français amplifia.

Les Juifs de Tunisie accueillirent l’arrivée des Français avec sympathie, enthousiasme même. Certes, ils n’avaient pas eu tellement à se plaindre de la domination arabe. Aucune comparaison possible avec l’atroce régime que connaissaient les Juifs d’Europe orientale. Mais ils se trouvaient néanmoins dans une situation diminuée et humiliante et aspiraient légitimement à être soumis à un régime moins arbitraire que celui du potentat turc qui portait le titre de Bey. Toutefois, dans les milieux conservateurs, on éprouvait quand même une certaine méfiance. Ne risquait-on pas, comme en Algérie, une francisation, et donc un certain abâtardissement des rites et des coutumes traditionnels?

Mais, au-delà de cette méfiance plus ou moins nettement éprouvée; ce qui, à partir de 1881, caractérise l’évolution des Juifs tunisiens, c’est la soif de savoir moderne—et, le savoir moderne, c’est la France. La France, au demeurant, est cette grande République dont les livres d’histoire idéalisaient la mission civilisatrice, et qui avait apporté au monde la liberté; cette liberté symbolisée par certains grands noms chers au judaïsme: l’Abbé Grégoire, Adolphe Crémieux, Emile Zola enfin, dont l’action courageuse, héroïque même, avait entraîné le peuple français tout entier à reconnaître l’innocence du Juif Dreyfus et à le réhabiliter.

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Elie Cohen—Hadria-Les Juifs francophones dans la vie intellectuelle et politique de la Tunisie entre les deux guerres

Dans ces conditions, il importait relativement peu que, dans l’ensemble, l’attitude des Français de Tunisie ait été, elle, entachée d’antisémitisme. Il importait peu même que les autorités françaises manifestent quelque réticence à l’égard de la volonté de nombreux Juifs tunisiens d’adopter la France et de se faire adopter par elle. Ni les uns ni les autres n’étaient la vraie France. Avec une vitesse et une ardeur variables certes, mais résolument, les Juifs de Tunisie choisirent donc la culture française, du moins ceux du Nord et de la côte orientale. Les Juifs du Sud, les Djerbiens en particulier, étaient plus réticents et le restèrent longtemps.

Pour beaucoup de Juifs avides de culture française, l’Alliance, qui ne diffusait que l’enseignement primaire, ne paraissait plus suffisante. Les jeunes Juifs tunisiens étaient de plus en plus nombreux au Lycée. Quelques chiffres révélateurs: en 1914, pour les deux sessions du Baccalauréat (juillet et octobre), il y eut à Tunis, au total, 90 reçus — 51 en première partie, 39 en deuxième partie. Parmi eux, 27 Juifs, soit 30%: 15 en 1ère partie, 12 en 2ème partie, à peu près tous tunisiens. Sur ces 27 bacheliers, 12 deviendront médecins, 9 avocats, et la plupart demanderont à bénéficier de la législation d’après-guerre pour acquérir la nationalité française. A titre de comparaison, pour les mêmes sessions du Baccalauréat, il n’y eut que 5 musulmans reçus: 3 en 1ère partie, 2 en 2ème partie.

Sur un plan plus politique, un groupe important de Juifs tunisiens, rassemblés autour de Mardochée Smaja et de son journal, La Justice, réclamait l’extension de la juridiction française aux Juifs tunisiens, ce qui devait les soustraire, et à la justice tunisienne de droit commun, et au Tribunal rabbinique. Si sur le premier point, la plupart des Juifs étaient d’accord, sur le second, il y avait évidemment de très fortes réticences. On n’en veut pour preuve entre autres que la résistance acharnée et finalement victorieuse opposée à la désignation à la tête du Grand Rabbinat de Tunisie d’un Grand Rabbin français, même si celui qui postulait ce poste était originaire de Tunisie, parlait lejudéo- arabe, et appartenait à une famille de rabbins tunisiens unanimement respectés; mais il avait fait des études rabbiniques au Séminaire de Paris, vice presque rédhibitoire.

En 1914, nombreux furent les Juifs tunisiens qui demandèrent à contracter un engagement pour la durée de la guerre. Mais la résistance des autorités, et la sévérité systématique des Conseils de révision firent que finalement il y eut assez peu d’engagements. Mais le rôle joué par les Anciens Combattants juifs dans la vie de la Communauté dans l’entre deux guerres ne fut pas négligeable.

La guerre de 14-18 permit à la population juive de Tunisie une rapide évolution. Tenue à l’écart du conflit, une fraction chaque année plus importante de sa jeunesse poursuivit ses études supérieures et tout laissait prévoir qu’elle ne tarderait pas à prendre dans la vie du pays une place considérable, sinon prépondérante. D’autres jeunes, lancés dans les affaires dans des circonstances favorables, avaient fait fortune. Les uns et les autres tendaient à s’échapper de la Hara, le vieux ghetto insalubre, et à s’installer dans la nouvelle ville, avec quand même une tendance marquée au regroupement dans certains quartiers.

Actifs, dynamiques, volontiers bruyants, ils provoquèrent l’irrita­tion des Français revenus épuisés de la lourde épreuve de la guerre. Des manifestations antisémites, soit proprement françaises, soit musulmanes (mais en réalité téléguidées par des Français), la résistance du barreau et du syndicat médical français à l’invasion juive, en furent les manifestations extérieures. Toutefois, de plus ou moins bonne grâce, cette agitation finit par se calmer. Les pouvoirs publics en vinrent même bientôt à considérer que, tout compte fait, face au péril italien et aux revendications tunisiennes (c’est-à-dire musulmanes), la poussée juive, à condition d’être un peu contenue et canalisée, pouvait être bénéfique pour l’influence française, et une fraction assez importante de l’opinion de droite fit la même analyse. C’est ainsi que le quotidien de la prépondérance française, La Tunisie Française, se fit systématiquement le défenseur des Juifs, et que le Parlement français, sur la proposition d’Emile Morinaud, passagèrement atteint de philosémitisme entre deux poussées d’antisémitisme virulent, vota en 1923 une loi qui permit à de nombreux Juifs tunisiens d’accéder à la naturalisation française. Ceci dit, dans la pratique, comme il y avait aux yeux des pouvoirs publics trop de demandes de juifs et pas assez de musulmans ou d’italiens, les dossiers juifs bénéficièrent d’une moindre indulgence. Les résultats en furent cependant considérables. Alors que les naturalisations accordées à des Juifs tunisiens de 1881 à 1923, y compris celles des engagés volontaires de la guerre, ne bénéficièrent au total qu’à 187 majeurs et 115 mineurs, celles obtenues de 1924 à 1930 en vertu de la loi de 1923 se montèrent à 2637 majeurs et 2828 mineurs—soit, en moyenne, 377 majeurs et 404 mineurs par an. Le phénomène marqua par la suite quelque essoufflement, mais nous n’avons pas pu obtenir les chiffres exacts.

Qu’elle demande ou non sa naturalisation, cette population juive de Tunisie adopte de plus en plus le français comme langue d’usage. Il persiste sans doute dans le Sud certains secteurs où l’on ne parle que le judéo-arabe. Et il y a les vieilles grand-mères. Mais, surtout à Tunis, les jeunes désapprennent le judéo-arabe, n’en conservant que les quelques mots nécessaires pour se faire comprendre des anciens. Quant à la presse écrite judéo-arabe, elle connaîtra une longue agonie: le dernier journal judéo-arabe paraissait encore à Sousse au moment de l’indépendance.

Les autres langues de culture sont aussi en déclin. Le fascisme, sans encore manifester à proprement parler d’antisémitisme, a éliminé les élites juives, traditionnellement libérales, au profit des viticulteurs et des maçons enrichis, d’origine le plus souvent sicilienne, davantage attirés par l’idéologie du Duce. Et si la plupart des Juifs italiens rongent leur frein et restent fidèles à leur patrie, assez nombreux seront ceux qui s’orienteront vers la France, demanderont et obtiendront la nationalité française ou à tout le moins, enverront leurs enfants dans les écoles françaises, ce qui en principe devra assurer l’assimilation à la génération suivante.

Quant à l’arabe littéraire, il n’avait jamais beaucoup attiré les Juifs tunisiens. Pour prendre un exemple limité mais concret, sont de plus en plus rares les avocats juifs qui, pour plaider devant les juridictions tunisiennes, croiront nécessaire d’apprendre l’arabe littéraire. En fait, s’il y a quelques arabophones vrais parmi les juifs du barreau, un seul d’entre eux sera vraiment un arabisant de qualité: Isaac Cattan.

Les Juifs tunisiens ne se contentent pas de s’exprimer en français dans leurs relations quotidiennes. Il aspirent à faire plus. Ils veulent participer à des échanges culturels de divers ordres. Ils se précipitent au théâtre et dans les salles de conférences. La conférence sera pendant l’entre deux guerres un mode de transmission de la culture très prisé.

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Elie Cohen—Hadria-Les Juifs francophones dans la vie intellectuelle et politique de la Tunisie entre les deux guerres

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Beaucoup d’entre eux s’engageront davantage. Il donneront des conférences eux-mêmes; ils écriront dans des journaux; ils publieront des livres; ils participeront à la vie politique et sociale. Dans le milieu juif d’abord sans doute, mais également en se mêlant directement à la vie de la cité, dans laquelle ils finiront par occuper une place considérable. Ce sont ces activités diverses qu’on se propose d’examiner maintenant.

Et d’abord celles qui restent rattachées aux divers aspects du judaïsme.

La création de la section de Tunisie de l’U.U.J. J. (Union Universelle de la Jeunesse Juive) sera un événement important. Ce sera pendant quelques années une association très vivante. Elle donnera de multiples conférences, dont je ne veux retenir ici que celles de son original président général Aimé Pallière sur le ‘sanctuaire inconnu’ et la série du Docteur Maurice Uzan, publiée ensuite dans un recueil sous le titre ‘Origines et tendances du judaïsme’. A l’actif également de l’U.U.J.J. une manifestation — oecuménique, dirons-nous aujourd’hui— où, en janvier 1927, des orateurs de diverses tendances politiques sont venus, dans un important meeting et devant un public considérable, apporter leur appui à une action menée contre le ‘numerus clausus’ dans les universités de Roumanie, de Hongrie et de Pologne.

D’autres groupements juifs ont cherché par des conférences, avec un succès relatif, à perpétuer le style des universités populaires du début du siècle. Citons pour mémoire—et pour ne pas être trop incomplets — l’Association des Anciens Elèves de l’Alliance, et un groupement sioniste, Yochebet Sion.

Un autre mode d’expression, volontiers choisi par les Juifs, sera la presse écrite, dont le foisonnement sera considérable. Nous ne retiendrons ici que les trois journaux les plus importants, représentatifs chacun d’une tendance de l’opinion juive.

La Justice, quoiqu’à vrai dire la parution de ce journal dans l’entre deux guerres ait été fort irrégulière. Une explication à ce phénomène de lent dépérissement: les ‘assimilationnistes’, comme on disait alors, préférèrent souvent écrire dans des journaux non exclusivement juifs, d’autant que, par le jeu de la loi de 1923, la plupart d’entre eux étaient devenus français.

L’Egalité, de Joseph Cohen-Ganouna, qui avait déjà commencé à paraître avant la guerre, était le porte parole des traditionnalistes et des conservateurs.

Quant aux sionistes, ils disposaient d’un excellent hebdomadaire, Le Réveil Juif, dont les tendances étaient proches du révisionnisme de Vladimir Jabotinski: Félix Allouche, Henry Maarek, Elie Louzoun, doivent être cités comme ses principaux animateurs.

Le journal est un moyen d’expression rapide, et sa vie est éphémère. Quelques juifs tentèrent de faire oeuvre plus durable et écrivirent des livres: romans ou nouvelles, directement inspirés du folklore ou de la vie quotidienne des juifs de Tunisie, qu’ils faisaient ainsi connaître en dehors du cercle étroit de la Communauté. Ce n’est pas un hasard si ces écrivains ont été dans leur majorité de purs produits de l’Alliance Israélite: J. Véhel, Ryvel, Vitalis Danon, les deux derniers y ayant même occupé d’importantes fonctions d’enseignement et de direction. Il était tout naturel en effet qu’ils essaient, dans des ouvrages de fiction, et souvent avec bonheur, de dépeindre les joies et les peines de la population qu’ils côtoyaient quotidiennement.

Là encore, on est entre juifs, même si on écrit aussi pour des non- juifs. Le fait nouveau, et éclatant, c’est l’entrée de nombreux juifs de Tunisie dans la vie publique, en dehors du monde strictement juif.

Mais quelle vie publique? La Tunisie est en effet un protectorat français, mais son gouvernement est tunisien. Des structures — qui sont au demeurant un trompe-l’oeil — maintiennent une certaine identité tunisienne. Il y a même une Assemblée représentative, le Grand Conseil, composée de deux sections: une française et l’autre tunisienne, et dans cette dernière, une place de droit est réservée à quelques représentants de la Communauté juive. De surcroît il existe, depuis 1919, un mouvement nationaliste tunisien, le Destour, qui se divisera en 1933 en deux branches par la sécession de ce qui devait communément être appelé le Néo-Destour. Enfin, malgré les nombreuses naturalisations françaises, les juifs restent dans leur majorité de nationalité tunisienne. Mais que va-t-il se passer en réalité?

Sans doute quelques notables juifs participeront, certains fort efficacement, aux délibérations de la section tunisienne du Grand Conseil. Ils s’y exprimeront d’ailleurs en français. Ils y défendront certes les intérêts de leur communauté, mais ils seront curieusement aussi, en vertu d’une loi non écrite mais constamment observée, les conciliateurs quasi naturels entre le gouvernement tunisien, c’est-à- dire l’autorité française — et les élus musulmans.

Quant aux Destours, dans l’entre deux guerres, ni l’un ni l’autre ne chercheront à attirer les juifs, et les juifs ne seront pas non plus attirés par eux; ils resteront des mouvements essentiellement musulmans. Une exception toutefois, mais de très courte durée, tout à fait au début. La première délégation destourienne à Paris, celle de 1919, comprendra un avocat juif bon arabisant, Elie Zérah, qui disparaîtra discrètement du mouvement au bout d’un temps fort bref.

Les Juifs, qu’ils soient tunisiens ou français, apprécieront donc le mouvement destourien de l’extérieur. Les uns lui seront hostiles, par méfiance surtout envers le fanatisme musulman. D’autres seront plus compréhensifs à l’égard de ses revendications de justice politique et sociale. Mais, encore une fois, ce sera du dehors, car, pour l’immense majorité des Juifs, le maintien de la France en Tunisie ne pose pas de problème. Il est assuré pour très longtemps, sinon pour toujours, et, de cette situation, tous s’accommoderont en fait, même ceux qui souhaitent une plus grande liberté pour les tunisiens musulmans ou juifs et qui combattent pour l’obtenir. C’est donc sur le plan français que devra être menée l’action politique, et c’est sur ce terrain que s’engageront nombre de naturalisés.

Et d’abord par le journalisme. Mais lequel?

Il y a dans les années 20 quatre quotidiens de langue française en Tunisie: deux du matin: la Dépêche Tunisienne et le Petit Matin; deux du soir, la Tunisie Française et Tunis Socialiste.

Les deux du matin se veulent d’information, et apolitiques. De la Dépêche Tunisienne, nous ne dirons rien. Quoique non hostile aux juifs, (sauf, nous le verrons, dans la courte période de 36 à 39), il n’y a jamais eu un seul juif dans sa rédaction, et ce n’est pas absolument le fait du hasard.

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La publication du Petit Matin constitue un véritable événement pour le petit monde juif, car le fondateur de ce journal au lendemain de la première guerre mondiale est un juif, Simon Zana. C’était un homme d’affaires enrichi. Son but, sa raison d’être même au départ, était très simple: mener campagne pour le remboursement de l’impôt sur les bénéfices de guerre. Cet impôt institué en Tunisie en 1918, avait, à la requête de l’Espagne, été jugé contraire aux conventions internationales par la Cour de La Haye. Le décret l’instituant avait donc été abrogé, et les contribuables étrangers qui avaient commencé à payer avaient même été remboursés. Mais ni les Français, ni les Tunisiens ne l’avaient été et le Gouvernement tunisien se refusait à le faire. D’où la colère de Zana et la parution du Petit Matin. La campagne pour le remboursement aboutit à un échec, mais le journal continua à vivre et à tenir un rang honorable dans la presse tunisienne. Zana, qui était assez peu instruit, réussit à grouper autour de lui des rédacteurs convenables, certains même excellents, dont quelques — uns seulement étaient juifs.

Les deux quotidiens du soir étaient des journaux d’opinion. La Tunisie Française était de droite, Tunis Socialiste… socialiste. Mais curieusement, nous avons dit plus haut pourquoi, la Tunisie Française et son Directeur Henri Tridon n’étaient pas antisémites. Et beaucoup de ses rédacteurs étaient juifs. Citons: Maurice Meimoun, qui avait été avant 14 un gauchiste plus ou moins anarchisant et qui s’était bien assagi; Henry Hauzy, qui s’occupait de façon particulière des nouvelles du microcosme juif, et dont l’étude attentive des articles et des échos fournirait très certainement un bon éclairage de la vie de la communauté juive à l’époque; Max Zetlaoui enfin, qui passa ensuite au Petit Matin et termina sa carrière à l’Agence France-Presse à Paris.

Tunis Socialiste avait été fondé par la Fédération Socialiste SFIO, dont l’un des principaux militants, l’un des fondateurs même, avait été le Docteur Albert Cattan. Sous-titre de Tunis Socialiste, très significatif: ‘Pour la fraternité des races’. A ce journal collaborèrent longtemps, et jusqu’à sa disparition en 1956, l’auteur de ces lignes, et Serge Moati.

De moi-même et de mes activités propres, je ne dirai rien ici.renvoyant ceux que le sujet pourrait intéresser au livre que je viens de publier.

Serge Moati (1903-1957) s’était lancé très jeune dans l’activité culturelle. Ayant à peine dépassé les vingt ans, il avait écrit trois ou quatre agréables revues de style montmartrois et il aurait été un très bon chansonnier s’il avait persévéré dans cette voie. Il avait monté, pour jouer ces revues une société d’amateurs dont la plupart étaient juifs. Il avait ensuite, comme directeur d’une salle de cinéma, été le premier à faire projeter à Tunis des films sonores. Mais sa véritable vocation était le journalisme et plus particulièrement le journalisme politique, auquel il se consacra entièrement à partir des années 30. C’était un homme froidement courageux, ce qui explique que sa vie publique ait été par moments quelque peu mouvementée. Il fut avec moi-même un des quatre rédacteurs de Tunis Socialiste traduits en correctionnelle par le Résident Général Peyrouton en 1934. Le même Peyrouton l’expulsa de Tunisie en février 36. Enfin, sous l’occupation allemande, en février 43, il fut arrêté —en compagnie d’une vingtaine d’autres personnalités—et expédié en Europe par les soins des autorités allemandes, mais a la requete des autorités françaises. Longtemps détenu à Paris à la caserne des Tourelles, il fut finalement libéré, mais peu de temps après sa libération, il faillit tomber dans une souricière tendue par la Gestapo. Seule une chance assez extraordinaire lui permit d’y échapper. Cette souricière se referma malheureusement sur deux autres de ses compagnons de captivité: mon frère, le bâtonnier Victor Cohen-Hadria, et le docteur Benjamin Lévy, militant radical socialiste estimé, qui ne revinrent jamais d’Auschwitz.

En 1935, fait son apparition un autre journal qui intéresse les juifs, La Presse, fondée par Henri Smadja. Docteur en médecine, mais surtout homme d’affaires, ancien combattant de 14, d’origine algérienne, Henri Smadja fera de La Presse un journal de droite. Il s essayera également sans succès a la politique locale, nous le verrons plus loin, avant de se lancer, après la deuxième guerre, dans le journalisme parisien en devenant le directeur de Combat.

Nous avons, trop brièvement sans doute et sans autre explication, employé les termes de droite et de gauche et abordé les problèmes de la politique française en Tunisie. Il faut bien expliquer que ces problèmes se déroulent sur deux plans qui ne se superposent pas toujours exactement: le plan métropolitain où les partis locaux sont calqués sur les partis français, et le plan local où se posent diverses questions particulières, tournant essentiellement autour de la place des Tunisiens dans la vie politique du pays. Nombreux sont les juifs qui éprouvent le besoin de militer et de défendre leurs opinions en matière de politique française, et ce besoin de s’exprimer est en général favorablement accueilli dans tous les milieux, au moins en apparence. C’est ainsi qu’en 1934 pour les élections à la section française du Grand Conseil à Tunis, chacune des listes en présence comportera un juif: celle de droite, Henry Smadja; celle du centre cocardier (en réalité, gauche en France et droite en Tunisie), Paul Ghez; la liste socialiste’ enfin, 1 auteur de ces lignes. Seul Paul Ghez sera élu. Avocat de qualité, ancien combattant volontaire de la guerre de 14-18, Paul Ghez était le président très militant de l’association qui regroupait ces anciens combattants.

Mais il y a aussi les radicaux, qui disposent d’un hebdomadaire, et où nombreux sont les juifs: le Docteur Maurice Uzan, Albert Karila, Robert Scemama, le Dr. Benjamin Lévy, etc… Et nous n’aurions garde d’oublier les communistes, plus ou moins clandestins, surtout employés de banque ou clercs d’avocat, et qui exercent sur la jeunesse un certain pouvoir attractif.

Nous ne nous étendrons pas sur le mouvement sioniste, qui mériterait largement une étude séparée, pour laquelle nous ne nous sentons d ailleurs pas qualifié. Mais, en restant sur le plan étroit de la langue d usage, il nous faut signaler que la propagande sioniste s’est dans une très large mesure effectuée en français. Qu’il s’agisse du promoteur du mouvement sioniste en Tunisie, l’avocat Alfred Valensi, ou egalement de la forme philanthropique du mouvement, patronnée par les grands bourgeois et animée à l’occasion par des propagandistes venus de l’extérieur et qui se répandaient en réunions de tous ordres, publiques ou limitées à un auditoire particulier: Fernand Corcos, Nathan Halpern, Sasia Erlich, etc…, le français était la langue véhiculaire couramment employée.

Il en était de même pour la presse sioniste. Nous avons déjà signalé influence de l’hebdomadaire Le Réveil Juif.

Les mouvements de jeunesse, tout en faisant une part à l'hébreu — assez modeste m’a-t-il semblé — étaient également francophones—qu’il s’agisse des mouvements scouts, animés entre autres par Alfred Rossi et Jules Cohen-Solal, souvent calqués sur le modèle français, ou des mouvements proprement haloutsiques, relativement peu importants. Une mention doit être cependant accordée à la création, aux environs de 1930, grâce à un chaliah dynamique venu de l’extérieur, d’un mouvement Hachomer Hatsaïr. Le noyautage communiste disloqua rapidement ce mouvement. Le cas n’est d’ailleurs pas isolé, on le sait. Une fraction importante rallia le P.C. tunisien; le plus grand nombre se perdit dans la nature, tout en continuant à éprouver pour le mouvement une tendresse plus ou moins nostalgique; quelques-uns seulement, deux ou trois, restèrent fidèles au sionisme haloutsique et émigrèrent en Israël.

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Parmi les associations culturelles non juives auxquelles ceux-ci participèrent avec enthousiasme, il me faut citer de façon particulière l’Essor, fondé et présidé par Alexandre Fichet. C’était un groupement fort original, organisant gratuitement d’assez remarquables spectacles de théâtre amateur. Les juifs furent parmi les plus assidus à ces spectacles: certains d’entre eux, sautant la rampe, devinrent même d’excellents artistes amateurs et deux ou trois d’entre eux, de bons comédiens professionnels. Mais Y Essor organisait aussi des conférences sur les sujets les plus divers. Certaines de ces conférences étaient des tribunes libres, c’est-à-dire qu’elles étaient l’occasion de débats contradictoires souvent fort animés. Parmi les conférenciers, nous trouvons un nombre important de juifs. C’est ainsi entre autres que Serge Moati parla de cinéma et qu’Alfred Rossi dirigea une tribune libre sur ‘Un système d’éducation: le scoutisme’. Avocat, militant sioniste révisionniste ardent. Alfred Rossi trouva comme résistant une mort glorieuse pendant la 2ème guerre mondiale. Je donnai moi-même à L'essor d’assez nombreuses conférences, axées tantôt sur les aspects sociaux de ma profession: règlementation de la prostitution, éducation sexuelle,… tantôt sur les oeuvres et la vie des précurseurs du socialisme. Dans ces tribunes libres, la vivacité de ton, la véhémence même, n’empêchaient pas la courtoisie. Je garde le souvenir de l’une d’entre elles où se succédèrent à la tribune, à propos de la colonisation, le militant sioniste Elie Louzoun et un jeune avocat plein de talent qui s’appelait Habib Bourguiba.

Dans la vie intellectuelle et politique de la Tunisie entre les deux guerres, les juifs francophones ont donc rapidement conquis une place considérable, et cette extraordinaire expansion paraît définitive, et à l’abri de tout aléa. En veut-on une autre preuve? le rôle prépondérant des juifs au barreau et dans la profession médicale. Au barreau de Tunis, pendant les années 30, sur quatre avocats qui se succèdent aux fonctions de bâtonnier, trois sont juifs. A la Société des Sciences Médicales, dont la présidence est assurée par rotation avec alternance de médecins à diplômes français et de médecins à diplômes italiens, il y aura, de 1920 à 1939, sur 20 présidents, 8 juifs. Mieux encore, aux concours de Chefs de service des hôpitaux de Tunis, la participation et le succès des médecins juifs sera considérable. Alors qu’en 1919, il n’y avait aucun juif occupant ces fonctions, on trouve en 1939: trois médecins, deux chirurgiens, deux accoucheurs, deux ophtalmolo­gistes, un oto-rhino-laryngologiste. A une exception près (un médecin né en Tunisie, mais d’origine algérienne lointaine), ils étaient tous nés tunisiens. A une exception près, ils étaient tous devenus français après leur naissance. C’est considérable!

Et pourtant!… L’alerte, c’est l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, en 1933. La communauté juive de Tunis envisage d’organiser un meeting de protestation et appelle à participer tous les groupements politiques. Mais les groupements de gauche refusent d’y participer si les groupements de droite, qui leur paraissent inspirés plus par la haine de l’Allemagne que par la sympathie pour les juifs, y sont également conviés. Après de longues discussions qui ne débouchent sur aucun accord, les juifs tiendront donc leur meeting seuls; les partis de gauche seuls; la droite s’abstiendra de toute manifestation. Mais dans le désarroi causé par ce problème nouveau, qui aurait imaginé alors que, par amour de l’ordre et de l’autorité, la droite française dans sa majorité finirait par se rapprocher de Hitler et retournerait allègrement à l’antisémitisme virulent?

Le poison antisémite commence en effet à s’infiltrer partout. C’est le moment—août 34 — où, à Constantine, Morinaud lâche la main à ce qui devient une émeute antijuive sanglante. Un mois après, jour pour jour, le Résident Général Peyrouton fait déporter Bourguiba et les chefs du néo-Destour pour des raisons de politique intérieure tunisienne. Des incidents analogues à ceux de Constantine lui serviraient sans doute à justifier sa décision. Des provocateurs se mettents adroitement à l’oeuvre. Mais les chefs destouriens restés encore libres détectent la manoeuvre et la font échouer en donnant comme mot d’ordre à leurs manifestants de crier ‘El yohoud khouatna’ ‘les juifs sont nos frères’. Je m’honore d’avoir contribué avec quelques autres à cet échec, en les informant et en les mettant en garde. Mais l’alerte a été chaude, quoique tout se soit déroulé en coulisse.

L’arrivée au pouvoir en France de Léon Blum et du Front Populaire provoque d’abord l’enthousiasme des juifs: les employés de bureau et les demoiselles de magasin se réjouissent des victoires ouvrières. Le petit peuple est instinctivement fier de Blum. Les bourgeois, comme en France, sont inquiets. Bientôt, ils ne seront pas les seuls à l’être. Mais ce ne sera bien évidemment pas la faute de Blum. La multiplication et la large diffusion en France d’hebdomadaires antisémites est en effet préoccupante. Le virus hitlérien serait-il transmissible?

En Tunisie même, la Dépêche Tunisienne, qui pendant sa longue carrière avait fait preuve à l’égard des problèmes juifs d’une discrète sympathie (elle avait même été dreyfusarde) commençait à manifester son antisémitisme de façon apparente, soutenant dans son action le journal fasciste italien L’Unione dont les positions plus tranchées encore s’exprimaient en termes souvent virulents, dénonçant la ‘pègre de la Hara'.

Confrontés à ces problèmes, de nombreux éléments de la jeunesse juive évoluent désormais dans deux directions différentes; la francophilie admirative, chez les uns cocardière et jacobine, chez d’autres teintée de socialisme, est en perte de vitesse. Un courant important entraîne beaucoup de jeunes vers le communisme. Il y avait toujours eu à Tunis un petit noyau dur de communistes juifs, employés de banque ou de basoche, et nous avons vu le premier groupe d'Hachomer Hatsaïr des années 30 lui fournir quelques renforts. Ces militants entraînèrent avec eux, à l’occasion de la poussée syndicale de 36-37, un certain nombre de prolétaires à col blanc. Mais la poussée communiste la plus importante, la plus spectaculaire et la plus surprenante se fit à partir de la bourgeoisie et de la jeunesse intellectuelle, et d’abord de la bourgeoisie italienne. Déjà, bien avant que Mussolini ne s’engage derrière Hitler dans l’action antisémite, des étudiants antifascistes juifs italiens avaient adhéré au parti communiste clandestin et, revenus en Tunisie, ils avaient constitué des cellules. Ils acquirent progressivement une grande audience parmi les jeunes juifs italiens italophones, mais également parmi les jeunes bourgeois, étudiants ou lycéens, de nationalité tunisienne ou française, qui leur étaient d’ailleurs souvent plus ou moins apparentés, mais qui étaient de formation intellectuelle française. Nombreux même furent parmi eux ceux à qui la fidélité à leur idéal et le courage de leur militantisme valut sous Vichy de lourdes condamnations.

Pourquoi cette attirance du communisme chez des bourgeois et des intellectuels juifs, attirance que l’on peut observer également en Egypte… et en France? On peut longuement en discuter. Il me semble quant à moi qu’elle peut s’expliquer, entre autres raisons, de la façon suivante: chez de jeunes juifs détachés non seulement des pratiques, mais également des traditions et de la culture juives, les attitudes hostiles sont ressenties douloureusement. Alors qu’ils ne se sentent guère juifs, ils se trouvent rejetés parce que juifs. Dans cette situation difficile, une issue s’offre à eux. Puisqu’ils sont malgré eux l’objet d’une ségrégation, ils se choisissent comme refuge et raison de vivre, de combattre et d’espérer, cette société fermée, repliée sur elle-même qui présente presque les caractères d’une religion, qu’est la société communiste.

Il n’y a pas dans cette période que la poussée communiste. On observe aussi — et cela est beaucoup plus facile à comprendre—le développement considérable en profondeur des mouvements sionistes — et plus particulièrement des mouvements haloutsiques. Contrairement à ce qui s’était passé auparavant, ces mouvements aboutiront à l’émigration vers Israël d’assez nombreux jeunes pionniers.

Est-ce à dire que la France est répudiée, que la culture française est abandonnée? Bien évidemment non. La langue française pour un juif de Tunisie est l’indispensable chemin pour accéder à la culture moderne et on l’emprunte sans hésiter. Mais sont désormais finis l’enthousiasme et l’admiration aveugles. La France est certes un grand pays, digne de considération à bien des égards, que beaucoup, le plus grand nombre même, adopteront le jour venu. Mais il n’est plus question de la diviniser. En revanche, l’inquiétude juive resurgira. Les propos tenus par Victor Sebag dans deux conférences données l’une en 1937, l’autre en 1939 à l’Essor et intitulées: ‘Les chrétiens et nous, juifs’ et ‘Le drame spirituel d’Israël’ me semblent très caractéristiques à cet égard. Passés à peu près inaperçus, car Victor Sebag était un penseur solitaire, vivant quasiment en ermite dans sa bibliothèque et peu attiré par les contacts extérieurs, ils paraissent très révélateurs de cette inquiétude qui s’était alors emparée même des juifs qui avaient le plus résolument adopté la culture française et les modes de vie français. Avocat, docteur en droit, licencié en philosophie, père de quatre garçons intelligents et travailleurs et destinés de ce fait à une brillante carrière, il avait peut-être cru pouvoir trouver dans le progrès indéfini de l’espèce humaine la solution sans douleur du problème juif. Le voici pourtant contraint par l’évolution du monde à approfondir sa reflexion en direction du drame spirituel d’Israël.

Nous sommes loin vraiment de l’extraordinaire euphorie éprouvée à la constatation des nombreuses et brillantes réussites individuelles. Accompagnant l’inquiétude juive qui vient de resurgir, reparaît alors le besoin impérieux, pour ceux qui se veulent dignes, d’affirmer hautement leur identité juive, sans pour autant bien sûr rien abandonner du considérable apport de la culture française.

Mais bientôt ce sera 1939 et le début d’un grand tourbillon. La guerre, l’occupation allemande, la libération, les revendications tunisiennes, l’indépendance de la Tunisie enfin, seront à l’origine d’autres évolutions qui sont en dehors du sujet que nous nous sommes fixé. On ne saurait toutefois les comprendre sans la connaissance de l’évolution des Juifs de Tunisie dans l’entre deux guerres. C’est pourquoi il nous a paru utile d’apporter dans cette note, en une vue cavalière, quelques éléments d’information autour desquels pourront s’articuler des recherches plus approfondies.

 

Elie Cohen—Hadria-Les Juifs francophones dans la vie intellectuelle et politique de la Tunisie entre les deux guerres

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