Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Le Mariage Juif a Mogador
Asher Knafo – David Bensoussan
Preface
Essaouira-Mogador, cité d'arts et lettres.
Essaouira, jeune métropole méridionale et maritime, la benjamine de ses aînées septentrionales ( Fès, Meknès, Tétouan, Rabat, Salé ) et fille cadette du Sous et de la cité-mère Marrakech, bourdonnante de ses activités multiples et diverses, a participé, en dépit de sa récente histoire, au grand destin du judaïsme marocain et de l'Empire chérifien par le rôle éminent qu'elle a joué dans l'ouverture du pays tout entier au monde extérieur, à ses influences économiques et culturelles, par ses tujjar as-Sultan " les négociants du roi " qui n'étaient pas que des marchands exportateurs et importateurs de denrées, des produits de la terre et de l'artisanat, car ils appartenaient à ce type d'homme sage, le lettré homme-d'affaires le lettré-artisan aussi fait partie de cette catégorie ) qui poursuit la double quête de la science et de la fortune.
Le lettré-écrivain d'Essaouira, celui qu'ont connu les deux derniers siècles, présente le même profil intellectuel et le même destin spirituel que celui de ses homologues plus anciens ou contemporains de Fès, Meknès, Tétouan ou Marrakech dont il a été souvent le disciple, l'émule, voire le maître en certaines matières et disciplines comme la création poétique d'expression hébraïque ou dialectale et la pratique de la musique andalouse, classique et populaire.
Je veux évoquer ici quelques figures illustres que j'ai connues moi-même, dans mon enfance et dont j'ai conservé un émouvant et merveilleux souvenir. Ce sont celles de mes maîtres de Talmud et de Midrash, Rabbi David Attar et Rabbi Pinhas Abisror; celles de Rabbi Abraham Bensoussan et Rabbi David Knafo
Celles de mes grands-parents, Rabbi Meir Zafrani et Rabbi Abraham Ben David ve-Yossef, talmudistes et kabbalistes dont je fus aussi le disciple; celles des grands chantres et poètes, Rabbi David Elkaïm et Rabbi David Iflah.
Ces deux chantres-là, ainsi que bien d'autres, ont su conserver, enrichir, transmettre et enseigner le piyyut et le chant, un patrimoine musical vieux d'un millénaire, mais toujours présent dans la mémoire et le cœur judéo- maghrébins.
Si Rabbi David Iflah, le shikh David " Le Doyen " de la communauté, a été le grand maître de la musique andalouse, le spécialiste reconnu et respecté de ses congénères juifs et musulmans, Rabbi David Elkaïm était aussi artisan et artiste menuisier de son état, graveur, dessinateur et peintre. Les nombreux manuscrits, épitaphes et ketubbot (son œuvre poétique réunie dans son diwan intitulé Shire Dodim – "Chants des amours") sont des chefs-d'œuvres par leur admirable calligraphie et les enluminures dont il les a souvent illustrés.
La collection de ketubbot, remarquablement présentée dans ce recueil, appporte sa juste contribution à la connaissance d'un monde aujourd'hui disparu en même temps qu'elle participe de l'éveil d'une conscience à la recherche de sa mémoire et de son identité. L'entreprise est digne d'éloges, je souhaite qu'elle soit suivie d'autres comparables qui mettraient au jour la richesse et la diversité des visages, du patrimoine culturel du judaïsme maghrébin en général, et de celui de Mogador- Essaouira, en particulier.
Paris, le 24 janvier 2002
Dr Haim Zafrani
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Essaouira, Morocco – Mroc, 5565 – 1804
Le marie – Haïm fils de Chem Tov fils de Haïm Ben Attar
( ? )La mariee – Esther fille de
Témoins – Mss'eud fils de Yossef fils de
Yaakov fils de El'azar Hacohen
29×50.5, aquarelle sur parchemin
Remerciements – Jewish National and University library, Jérusalem, 0140780
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Essaouira, Morocco – Maroc, 5550 -1789
The groom – Yehouda son of Avraham son of Yehouda son of Avraham Coriat
The bride – Mss'euda daughter of Chalom daughter of Ayyad son of Yossef Levy Chetoun
Witnesses – R. Yossef son of Yaakov Benbenisty and R. Ifergan
Artist – Unknown
Courtesy – Jewish National and University library, Jerusalem
Le marié – Yehouda fils d'Avraham fils de Yehouda
fils d'Avraham Coriat
La mariée – Mss'euda fille de Chalom fille de
Ayyad fils de Yossef Levy Chetoun
Témoins – R. Yossef fils de Yaakov Benbeni
et R. Ifergan
Artiste Inconnu
Remerciements Jewish National and Universirty library, Jérusalem
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Cet ouvrage est une célébration du ־ passé. Le mariage d'aujourd'hui n'est plus ce qu'il était. A Mogador, comme dans tout le monde juif, le mariage était tellement important qu'il se prolongeait pendant plusieurs semaines et monopolisait l'attention de toute la communauté.
Une oeuvre lyrique glorifiant le mariage d'antan à Mogador et un vaste choix de ketoubot, actes de mariage, enluminées par les artistes mogadoriens tels que R. David Elkaïm, Isaac D. Knafo, Yossef Serraf et beaucoup d'autres, sont à la base de ce livre. Quoi de mieux pour évoquer non seulement les détails, mais aussi les frissons, les larmes, les rires, en bref, l'ambiance si particulière d'un mariage à Mogador?
Mariage à Mogador, écrit dans la tradition du piyout (louanges chantées à D.), a été composé à partir de souvenirs recueillis auprès de Chlomo-Haï Knafo et de son épouse Esther.
La ketouba enluminée est une merveilleuse tradition jalousement gardée par la communauté juive de Mogador.
Lors de la Quinzaine sépharade 2000 tenue à Montréal sous la présidence de David Bensoussan, on a pu admirer une très belle exposition de ketoubot judéo-marocaines, essentiellement mogacloriennes, à la Bibliothèque nationale du Québec. Asher Knafo, lui-même enlumineur de ketoubot, était là. Il présentait quelques ouvrages et entre autres, un grand poème inédit : Mariage à Mogador.
Ce fut une rencontre choc, car Asher Knafo et David Bensoussan qui, chacun de son côté, avaient déjà publié des oeuvres sur le passé glorieux de cette ville, décidèrent sur le champ de consacrer un livre au Mariage à Mogador. Ce fut le début d'une aventure passionnante.
Leur travail de recherche de ketoubot enluminées leur permit de connaître un grand nombre de familles qui mirent à leur disposition des enluminures soigneusement gardées pendant de longues années, des fois pendant plus d'un siècle. Ils tiennent a les en remercier de tout coeur. Nous avons trouvé bon d'introduire des textes d'Isaac: D. Knafo, (1912-1979) poète et dessinateur mogadorien de ketoubot.
Les remerciements vont aussi aux différentes institutions et organisations qui ont permis à ce projet de se réaliser La Bibliothèque nationale du Québec,la Fondation communautaire juive de Montréal,la Fondation de la culture sépharade, le Centre communautaire juif de Montréal,la Loterie nationale d'Israel, leMusee d'Israel a Jerusalem,la Bibliothèque nationale d'Israël, la galerie Bernard à Tel Aviv etla Collection Bill Gross
Soient remerciés aussi les rabbins Israël Maïmaran, David Sabbah et Moshé Amar qui ont été d'un grand secours pour déchiffrer quelques parchemins récalcitrants, Daniel Martel et Avraham Elarar pour leurs conseils artistiques, Janice Rosen pour ses traductions, Raphaël Serfaty, Barry Orkin et Melina Stojanac pour leur revision linguistique et, Aimé Bensoussan qui assuma la délicate charge du parrainage de l'ouvrage.
La lecture de la ketouba est un des moments les plus solennels du mariage. Elle commence par cette phrase consacrée : Besimana Tava : Sous le signe du bon augure… Puisse la lecture de cet ouvrage se faire sous cet heureux présage
Besimana tava
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Braves gens, écoutez
Ouvrez grand vos oreilles
Et voyez, vous qui êtes des sages,
Comment on fêtait à Mogador
Un mariage.
Un mariage à Mogador, oui,
C'était quelque chose d'inouï!
Que dis-je ? C'était du grand art…
Je vais de ce pas vous en faire part.
Alors, mes amis, suivez-moi
Les choses n'allant pas de soi,
Sachez que,
Bien que ce fut fort compliqué
C'était d'une grande simplicité.
Comment se nouaient les liens ?
Comment arrivait le couple
Devant le Rabbin ?
Par une marieuse ? Mais non !
Alors ?
Une rencontre ? Une lettre ? Un rêve ?
Mais pas du tout !
Voilà :
Le Jour de Kippour,
D'un pas léger, entre deux prières,
Nos jeunes gens sortaient prendre l'air Au Mellah ou à la Médina. Et qui venaient vers eux À petits pas gracieux ?
Bien sûr, nos jeunes filles
A la taille si gracile,
Au visage à peine maquillé
Toutes de blanc habillées.
Alors,
Les garçons osaient un regard.
Et les filles ?
Elles battaient des cils
Et regardaient aussi.
Leurs yeux se rencontraient
La jeune fille s’empourprait
Le jeune homme troublé
Restait comme pétrifié.
Et à Souccoth, mes amis,
Les parents de la jeune fille Recevaient la visite
D'un émissaire
Qui de but en blanc déclarait :
" Je suis envoyé par Untel
Donnez-lui votre fille si belle !
Alors :
Si avant de répondre
On lui servait à boire
Ou à manger
Il comprenait qu'on lui disait :
Allez en chercher une autre Ce garçon ne sera pas des nôtres.
Mais,
Si avant de servir,
On parlait, on discutait
A n'en plus finir,
Alors, mes amis,
C'était là le signe
Qu'on trouvait le garçon digne
De la jeune fille,
Et qu'on était prêts dès le lendemain
De lui en accorder la main.
Ceci, voyez-vous,
Est l'enseignement donné
Par les apôtres
Qu'il faut suivre dans tous les cas :
Voyez l'exemple
D'Eliézer et de Rivka !
La demande acceptée,
Les jours sont comptés.
Une rencontre et une autre :
" Voici nos conditions
Quelles sont les vôtres ?
Où et quand ?
Qui pourvoira aux frais du mariage ?
Et la maison,
Elle sera à quel étage
? " Et dites-moi, qu'apportera
La mariée pour sa Sora ? "
……………….SUITE
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Tout est bien agencé
Le fiancé peut venir chez sa fiancée
Mais le contraire ?
Non, juste ciel !
Cela ne peut pas se faire !
Chez la fiancée
Cest le branle-bas
De combat
Tout le monde se prépare
Pas de paresse, gare !
Les artisans se présentent,
Les uns sortent, les autres entrent.
Le voilà, le matelassier
À même le sol il s'assied.
La confection du matelas nuptial
Est un moment crucial.
C'est une cérémonie,
Qui se fait en présence
Des deux familles.
De sa main noueuse
Surgit.
Une énorme aiguille Qu'il brandit
Comme une épée batailleuse.
Il plante cette épée dans le tissu
Et hop !
Un beau matelas en est issu.
Mais,
Avant de le fermer tout à fait,
Voici, mes amis, ce que l'on fait :
On y introduit à la place de la tête
Un Kalb de sucre bien emmitouflé.
Voilà qui assurera des nuits
Douces et sans ennui.
Alors les rires fusent
Avec eux les allusions
On conjugue :
J'aime, tu aimais, il aima
Et on jette sur le matelas
Force dons et la Ghrama.
Trois semaines avant l'hyménée
Les invitations étaient lancées
Pas par écrit, prenez garde !
Mais de vive voix par un A ' rrad.
L'invitation était dûment versifiée
Vous pouvez vous y fier
. L'A'rrad, la voix forte et enrouée
Chantait – mêlant voeux et souhaits
Sam'o, y a eulad Souira
Kal senior flann ou siniora
A'ndna Iferh'a kbira
Bass n'a'rdo a'leikeum
Ou ' la euladkeum
Bass tkeuno m'a'na
Fel a ' rss di euladna
Obzehd Llah Meulana
Nerdolkeum felfarh' ya khoina
Oulah vkter khirkeum bla kiass
Onkeulo tenkiou,nerci ougracias
Ce qui voulait dire
Ecoutez fils d'Essaouira
Ainsi dit Untel et sa Senora
C'est avec joie et gaîté
Que nous avons l'honneur de vous inviter
À assister
Au mariage de nos enfants.
Et avec l'aide de Dieu
Bon et miséricordieux
Nous viendrons à vos fêtes
Que Dieu vous donne
Ce que votre cœur souhaite
Et disons ensemble ceci :
Thank you, gracias et merci.
Mais vous n'avez encore rien vu :
Voici le " Shabbat du début "
Shabbat el bdiann,
Le Shabbat d'avant le mariage.
Toute la ville vient à la prière,
Tous se tassent pêle-mêle,
Les uns devant, les autres derrière,
Et chacun sait,
Que tout est aux frais
Du père de la fiancée.
Les Païtanim
Chanteurs de mérite
Chantent leurs Piyoutim
Selon les rites.
Après la prière, c'est l'allégresse
On s’embrasse, on se presse.
On va chez la fiancée pour l'apéritif.
On chante, on mange, on boit Puis on s'esquive d'un pas furtif,
Les intimes, pour la Skhinasont retenus
Et s'ils restent là jusqu'à Minha,
C'est qu'ils sont les bienvenus.
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Essaouira, Morocco – Maroc, 5616 -1856
Le marié – Yossef fils d'Avraham fils de
Mss'eud Afriat
La mariée – Hnina fille de Yitshak fils de Chai Ashriki
Témoins – R. Avraham fils de Yaakov Ben A et R. Yaïch Ben Mimoun
Artiste – Inconnu
40.5×53, papier
Remerciements – Collection Gross, Tel Aviv
The groom – Yossef son of Abraham, son of Mss'ud Afriat
The bride – Hnina daughter of Yitshak,son
Shalom Ashriki
Witnesses R. Abraham son of Yaakov Ben Attar
and R. Ya'ich Ben Mimouri
Artist – Unknown
40.5×53, paper
Courtesy of Gross Collection, Tel Aviv
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
À la sortie du Shabbat
On fête Lilt tkhmir,
Un pacte que tous admirent.
On mange, on boit, on lou
Pendant que joue L'orchestre andaloue.
Alors on présente aux fiancés une terrine
Où l'on avait déposé levure – Khmira et farine.
La fiancée met dans la cuvette sa main gantée
Le jeune homme y place la sienne avec doigté,
Les deux mains mélangent et se mélangent,
Le Païtan} chante de sa voix d'ange
Soudain, les Zgharit éclatent, stridents
Les fiancés échangent des regards ardents
On se délecte en mangeant des plats fins,
On boit jusqu'à voir, du baril, la fin.
Alors, chaque invité se présente
Il rit et plaisante
Et dépose dans la terrine son don,
Puis s'esquive en demandant pardon.
Le mélange de la Khmira est le présage
De la réussite du mariage.
Ensemble, il bâtiront leur maison
Ensemble, ils suivront la voix de la raison.
Le lendemain, dimanche,
Les préparations commencent
. On emprunte aux voisines
Tables, chaises et ustensiles.
On sort toute l'argenterie
On frotte, on gesticule, on crie.
Il y a chez nous un très bel usage
Qui a lieu le lundi :
Deux jours avant le mariage,
Les parents du marié
Se rendent chez ceux de la mariée.
Les Rabbins viennent aussi
Avec les amis les plus proches,
Autour d'une table tous sont assis.
Les Rabbins disent au fiancé : "Approche !
C'est le moment solennel
Où l'on convient des conditions – Ténaïm
Qu'une poignée de mains confirme.
La jeune fille devenant alors son Kinian,
Le jeune homme déclare devant elle :
Ce Kinian est pour moi un serment sévère
Je m'engage à t'être fidèle
Dans la prospérité et pendant les revers.
Mardi soir,
Ecoutez bien cette histoire-
C'est Lilt el henna,
La nuit du Henné.
On organise une grande fête
Dans la maison complètement repeinte
De la fiancée bien aimée.
Les lumières brillent,
Les cuivres scintillent.
Les tables débordent
De boissons et de mets.
Les Msem'injouent leurs mélodies
On chante avec eux et on applaudit.
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Les mamans sont contentes
Elles annoncent triomphantes :
[anti-both] Le mariage, c'est demain
Enduisez de Henné
Vos deux mains.
Alors quelqu'un Déclare avec émoi :
" Venez, mes amis, avec moi
Regardez de tous vos yeux
, Touchez de vos dix doigts,
Admirez de quelle manière
On a préparé pour la fiancée
Une magnifique Sora. "
Alors tout ce monde passe
À la chambre d'en face Et là…
Mes amis, chapeau bas,
C'est merveilleux, Lhiba !
Meubles
Bijoux rutilants
Robes élégantes
Nappes avec broderies savantes,
Plateaux, services et candélabres
Boîtes d'Ar-ar, de nacre et de marbre
Soudain,
Tout le monde se tait
Et un grand silence se fait
Car la fiancée, tendre et belle Revient de son bain rituel.
Douce et rougissante,
La jeune fille Baissant ses longs cils
Dans les bras de sa mère
Se blottit.
Émue par tant de grâce,
Sa mère avec amour, l'enlace,
La cajole tendrement.
Ensemble, elles pleurent
De tristesse
Ou peut-être de bonheur
.
Alors la maman
Lui montre un miroir
Et lui murmure gentiment :
" Ma fille, ma fille
Ce visage-là
Tu ne vas plus le voir ! "
La jeune fille se regarde
Avec détresse.
Mais ses amies.
Enrayant la tristesse.
L'entraînent vivement
Dans un tourbillon d allégresse.
Elles dansent et chantent gaiement
Éloignant d'elle tout tourment.
La jeune fille adulée,
De fleurs couronnée
Est prête pour la cérémonie
Du Henné.
On le présente dans une cuvette
Au beau milieu de la fête.
Mains et pieds de Henné enduits
La fiancée se prépare pour la nuit.
On la porte sur son lit
Où elle s'endort
Avec des rêves d'or.
Voici enfin venu
Le jour tant attendu.
Mes amis, quel émoi !
La mariée est reine
Le marié est roi.
Mariage juif a Mogador en francais et anglais
Aux environs de midi,
Arrivent les invités
Débordants de gaîté
À la maison du marié.
Les fiancés sur leurs épaules,
Ils les portent
dans un grand brouhaha
Jusqu'à la maison de la Rah'a.
Les Msem'in sont déjà là
Qui jouent de la musique Ala.
Les garçons chantent et dansent
Jusqu'à rentrer en transes,
Les filles hululent leurs Zgharit –
Leur musique favorite.
Et au milieu de la salle
Il y a un dais
Tout de velours brodé
C'est le Talamon
Souvenir du trône de Salomon.
On y mène les mariés à petits pas
Pour y célébrer leur Houpa.
Le Rabbin, d'une voix grave,
Les bénit pour une vie sans entraves.
Les paroles Haré At à peine dites,
Que de nouveau éclatent les Zgharit
Qui montent directement
Jusqu'à Son Trône,
Y déposent une supplique
Pour ce couple magnifique :
Élohim, Voyez
Comme ils sont beaux,
Bénissez
Ce nouveau foyer !
Mais, que tient le Hatan dans sa main ?
C'est un verre finement ciselé
Qu'il fracasse à l'aide d'une grande clé.
Si nous cassons le verre de cette façon,
Croyez-moi, ce n'est pas sans raison ־
Le verre cassé :
Souvenir de la maison détruite
Temple des temps passés.
La clé :
Symbole de la nouvelle maison
Que ce couple crée.
Après avoir mangé et bu,
Après les discours entendus,
Après les gâteaux et le thé
Servis dans la joie et la gaieté,
Tous saluent le couple sur le seuil
Et s'en vont, les laissant seuls.
Seuls ?
Pas toujours
Car des fois,
Ma foi,
Ils sont si jeunes
Timides et sans expérience
Fébriles et sans patience…
Alors une brave femme
Reste encore un moment,
Elle leur explique avec flamme
Quoi, quand et comment.
Gentiment
Elle leur dit
Ce qui est permis
Et ce qui est interdit.
Cette femme est un puits de science,
Quant à moi… je suis réduit au silence.
Le lendemain c'est le Sbah.
Les fiancés encore langoureux
Rayonnants, heureux,
Reçoivent les deux familles
Et avec elles des amis
Bienveillants et gentils.
Ils sont tous là pour s entendre dire :
Tout va bien, L'a rossa a'la khir
Alors on reprend la Ketonha
Et dans l'espace, en bas
Le Hatan augmente de sa main
La valeur de la dot sur le parchemin.
On entend de nouveau les ZgJurit de la joie
Et les boissons coulent,
Comme il se doit.
Ce jour même, l'après-midi,
Cela, je ne vous l'ai pas encore dit,
Arrivent chez le jeune couple
D'un pas léger et souple
Les femmes de la famille.
Assises sur le canapé,
Mangeant du Palébé,
Elles parlent et babillent,
Louent ou critiquent :
" Ceci est vilain,
Cela est chic ! "
Elles montrent du doigt
Et plaisantent.
Mais croyez-moi
Jamais jusqu'à être méchantes.
Et vers le soir,
À l'heure du thé,
On dit aux hommes :
" Montez !
Les mariés sont là,
Venez les féliciter ! "
Alors les hommes
Le Sbah en mains
Et aussi, un bouquet de jasmin,
Souriants, tout feu tout flamme,
Se joignent à leurs femmes.
Ensemble, on fête jusqu'au soir,
Avec musique, manger et boire.
Le Hatan ne peut sortir de sa maison
Et cela, mes amis,
N'est pas sans raison :
Avec la Cala, il doit rester
L'aimer sans compter.
Alors il reçoit des visites :
Ses sœurs, ses frères, ses amis,
Qui viennent le voir
Dans son nouveau site.
Voici arrivé
le Shabbat Hatan
C'est le " samedi du marié ".
Paré d'une Zoukha et d'un Caftane,
Ses frères l'accompagnent
A la synagogue où les attendent
Ses amis, toute une bande,
La famille, le Rabbin et le Hazan
Et bien plus d'un Païtan.
La mariée, royale, en Kssona Kbira
Prend place dans la Azara
, Quant au marié, on le mène par le bras
Et on l'asseoit près deL'Aron Hathora.
Les chantres élèvent leurs voix
Rivalisent comme dans un tournoi.
Voici le premier chanteur
Il chante une chanson de bonheur :
Bésiman tov véhatslaha
Tihié léadaténou
Vékol sasson vékol simha
Yshama béartsénou
Véazaï tyhié Harvaha
Béviat méchihénou
(Bonne augure et réussite
Pour notre communauté
Que les voix de joie et de bonheur
Retentissent dans notre pays
La félicité viendra alors
Et avec elle notre Messie.)
Mariage juif a Mogador-fran-angl
Alors le deuxième chanteur entame
Une chanson chantée de toute son âme :
Dar chamaïm
Naarats bikdoucha
Acher bara sasson vésimha
Hatan vécala véditsa
(Celui qui habite les cieux
Magnifié dans sa Sainteté
Qui a créé joie, allégresse,
Fiancé, fiancée et gaieté… )
Un troisième chanteur
Montre à son tour sa valeur :
Gazar El chokhen s né
Bat ploni léploni
Arbaïm yom milifné
Yom assot Hachem
Réou kama gdola
Mitszvat hatan vécala
(E-l, révélé dans le buisson
A décidé
Fille de tel à fils de tel s'unira
Quarante jours avantla Création
Voyez combien est grande
La mitswa de Hatan et Cala.)
Et quand on sortla Torah
Tous vers elle tendent leurs bras,
En murmurant avec ferveur,
Des vœux de bonheur.
Presque tous les invités
Sont appelés à " monter "
Àla Torah.
Et au lieu qu'ils soient sept
Ils sont dix, cinquante, cent,
A tel point que de guerre lasse
Quelqu'un clame : ça suffit Khlass !
Ce qui entraîne un silence total
Précédant le moment capital.
Le Rabbin dit quelques belles paroles
Il glorifie Hatan et Cala et les auréole.
Et le Hatan prononce sans manières
Les bénédictions de la prière :
Barékhou et Adonaï hamévorakh !
Tous dans la salle sont sous le charme
Emue, la jeune mariée essuie une larme,
Elle jette sur son Hatan bonbons et friandises
Happés par les enfants avec gourmandise.
La prière terminée
Tous sont convoyés
Chez les parents du marié
Là, un banquet abondant
Les attend.
Quel festin mes amis !
Attendez ! Restez assis
Voilà les pigeons farcis !
Mangez ! N'arrêtez pas
Ceci n'est qu'un apéritif
Pas encore le repas !
Vers le soir,
Avant que le Shabbat ne " sorte ",
Le Hatan est devant sa porte.
Il est superbe, bien mis
Il interpelle ses amis :
Entrez ! Fêtons ensemble !
Et que nul ne se lasse
Et que chacun fasse
Tout ce que bon lui semble !
Et voilà comment, mes chers,
Ensemble, comme des frères,
On passe une semaine inoubliable
Assis autour de la table
À boire et à manger,
À chanter et à danser,
Multipliant les cérémonies,
D'ailleurs, ce n'est pas encore fini !
Venez ! Approchez plus près !
Je m'en vais vous narrer
Le mercredi d'après.
Mais vous l'avez deviné sans doute
Il s'agit de Lilt tkssir Ihout,
Mabrouk, mabrouk !
Le matin, notre valeureux Hatan
S'en va au souk.
Il n'est pas seul, Dieu merci
Ses amis sont là aussi.
Ils passent par le potier
Un de ses amis, le plus cachottier,
Achète en cachette
Une passoire – Keskass,
Qu'il donne au fleuriste.
" Surveille-la bien ! dit-il,
Il ne faut pas qu'elle casse !
" Quand le fleuriste reçoit la visite
Du Hatan,
Il lui tend un bouquet de fleurs :
" Achète-les pour ta femme
Ne la laisse jamais en pleurs !
" Notre jeune marié s’empare
Des fleurs et… de la passoire
Et sort, sans se faire voir.
Ainsi, muni de la passoire volée
Il s'en retourne à son foyer
Pour donner les fleurs à sa femme
Et la choyer.
Chemin faisant,
Ecoutez comme c'est plaisant,
Ses amis s'approchent,
Lui introduisent de force
De l'argent dans les poches.
Puis tous viennent chez lui
La Mahia dans les verres luit,
La jeune mariée, la tête couverte
D'une Sbnia bleue ou verte
Les accueille d'un Asslama
Répété à plusieurs reprises,
La table est déjà mise
Les Zgharit fusent,
Et la Ghrama est admise.
Et quand tombe le soir
On présente au jeune couple
Un grand poisson
Dans la passoire.
Leur devoir
Est de l'écailler
Et de le nettoyer.
Ce qu'ils font joyeusement
Sous les yeux vigilants
Des deux mamans.
Le poisson symbolise
La fécondité.
Si en Lui
Ils sont confiants,
Dieu dans sa bonté.
Leur donnera des enfants.
Le vol de la passoire
Laisse entendre et voir
Que notre marié Ira jusqu'à voler
Pour nourrir son foyer.
Voilà comment, mes amis,
Dans une ambiance de bonne entente
Deux familles heureuses et contentes
Ont passé quinze jours
Dans la joie et l'amour.
Et comme il est dit dans les écritures :
Pour que le bonheur dure
L'homme – père et mère quittera
Femme prendra
Richesse et force
Lui donnera,
Alors,
Dans son foyer, Joie régnera.
Mariage juif a Mogador-fran-angl..Historique des ketoubots enluminees
Historique des ketoubots enluminees
Je suis probablement le dernier dépositaire d'une tradition juive millénaire qui se perd : la ketouba enluminée.
Théoriquement, le mariage juif est d'une extrême simplicité : il consiste, pour l'homme, à remettre à la femme – qui n'est pas en puissance de mari et qui y consent en l'acceptant – un objet en métal précieux en lui disant devant témoins : " Tu m'es consacrée par cet objet-ci suivant la loi de Moïse et des fils d'Israël ".
En fait, si l'accomplissement de cette formalité suffit pour que la femme soit engagée et ne puisse être libérée que par un acte régulier de répudiation ( guett ) il ne permet pas encore au couple de consommer le mariage. Il y faut, suivant le code juif, d'aures formalites telles que les benedictions nuptiales et la lecture de la ketouba. Nous rappelons pour mémoire le dais nuptial et le bris d'un verre blanc.
La ketouba est le contrat par lequel l'époux s'engage, entre autres, à remplir le devoir conjugal, à pourvoir aux besoins matériels de sa femme, à lui assurer un douaire et à lui verser, en cas de répudiation, une indemnité fixée d'avance, généralement en rapport avec le trousseau et la dot qu'elle lui apporte. D'autres devoirs peuvent y être explicitement exprimés et toutes les précisions dont auront convenu les parents de la femme (ou ses tuteurs légaux) et l'époux : obligation de ne pas emmener la femme en une autre ville ou un autre pays au-delà des mers (mis à part la " montée " en Israël qui ne peut être interdite à aucun Juif), l'obligation de ne pas prendre d'autre épouse du vivant de la femme (dans les pays où la polygamie est autorisée), le régime d'héritage, dans quelle monnaie sera payee l'indemnite de repudiation, ect.