folklore


הספרייה הפרטית של אלי פילו – Pinhas Cohen Langue et folklore des Juifs marocains

Pinhas Cohen
Langue et folklore des Juifs marocains

"Tant qu'un peuple n'a pas abandonne sa langue. il conserve les cles de sa maison "
Eliezer Ben Yehuda 

Le patrimoine culturel et folklorique du judaïsme marocain, véhiculé par le parler arabe de nos compatriotes juifs fait partie intégrante du patrimoine culturel marocain.

Son domaine est très vaste : qasidas, proverbes, contes, chansons traditions, discours quotidien etc… En ce sens il mérite d'être redécouvert. C'est le but de cet ouvrage.

Si les locuteurs judéo-arabophones se font rares aujourd'hui au Maroc du fait de l'immigration des Juifs marocains vers d'autres cieux, ils ont emporté néanmoins avec eux dans leurs pérégrinations, tel un précieux viatique, leur langue et leur folklore qu'ils continuent à utiliser et à enrichir dans leurs pays d'adoption.

Nombreux sont les Juifs originaires du Maroc qui, animés par la nostalgie d'une langue dans laquelle ils se sont exprimés jadis «au temps du Mellah» aiment à retrouver l'ambiance du judéo-arabe, sa saveur, son humour, la structure de ses tours, la richesse de ses inventions, les proverbes et les chansons qu'il véhicule.

Monsieur Cohen, en parfait connaisseur de la langue et du folklore judéo-marocains nous donne ici un ouvrage essentiel qui nous fait voyager avec nostalgie et émotion dans l'univers familier et intime du mellah. A n'en pas douter, il répondra à l'attente des lecteurs.

Langue et folklore des Juifs marocains Pinhas Cohen

AVANT-PROPOS

Cet ouvrage est le fruit de souvenirs personnels et familiaux, de témoignages vivants, de nombreuses enquêtes de terrain, de consultations bibliothéquaires et de fonds d'archives. Il a nécessité, comme vous pouvez l'imaginer, une recherche considérable de documentation et de nombreuses heures d'écoute auprès des Anciens qui ont gardé au fond de leur mémoire tout un pan d'un riche patrimoine culturel. Il se propose de jeter un regard rétrospectif sur le parler arabe des juifs marocains, appelé improprement "judéo-arabe", tel qu'il se pratiquait autrefois "au temps du mellah" dans les actes du discours populaire. Il s'inscrit dans le cadre du devoir de mémoire. Il est destiné à tous les locuteurs de l'arabe dialectal marocain en général.

D'abord un peu d'histoire : vers la fin du 15ème siècle, l'arabe classique ou littéraire n'est pratiquement plus usité ni compris de l'immense majorité de la population marocaine, juifs et musulmans confondus, en particulier depuis le confinement des communautés juives dans les mellahs, même si un certain nombre de lettrés et d'autodidactes juifs en ont conservé une connaissance résiduelle.

Désormais, c'est l'arabe dialectal, langue vernaculaire, qui prend le relais. Chez les juifs marocains, il prend la forme d'un parler plus conforme aux besoins spécifiques de la culture juive. Enrichi par de nombreux emprunts à l'hébreu, à l'espagnol et plus tard au français, le "judéo-arabe" s'impose dans tous les domaines de la vie sociale et culturelle de la communauté juive.

Après l'exode des juifs du Maroc vers d'autres horizons (Israël, France, Canada..), nombreux sont ceux qui, animés par la nostalgie d'une époque qu'ils ont plus ou moins connue, aiment encore aujourd'hui retrouver l'ambiance de ce parler, sa saveur, sa malice, son humour, la structure de ses tournures et ses ressources d'invention. Beaucoup d'entre eux, rencontrés au hasard de nos voyages dans ces pays, ayant eu vent de nos travaux sur la langue arabe et le "judéo-arabe" en particulier, nous ont demandé avec insistance d'en faire le sujet d'un ouvrage qui ferait ressortir les aspects les plus naturels et les plus variés de ce parler populaire dans le discours quotidien et la chanson qui ont bercé leur enfance et dont ils ont gardé des souvenirs marquants. C'est donc l'occasion de revisiter ici avec nos lecteurs notamment ceux qui pratiquent ou qui comprennent peu ou prou l'arabe dialectal marocain, tout un pan du folklore juif marocain, particulirèrement dans son aspect linguistique.

Pour ce faire, nous examinerons différents champs d'usage de ce parler, à commencer par le cas de nombreuses expressions idiomatiques courantes. A titre d'exemple, nous en avons rapporté un certain nombre parmi les plus usitées.

Nous nous intéresserons ensuite à d'autres actes du discours qui meublaient la vie quotidienne du mellah tels que les poèmes populaires (qsedat) avec un chapitre spécial sur la mahia, les proverbes (el mtayel, el m'ani), les disputes de voisinage (el-mdarbat, el-rn 'airat) les souhaits et les bénédictions (t-tlebat) avec leur revers d'imprécations et de malédictions (d-d'awi) ainsi qu'un florilège de chansons de mariage (la 'rosa), de chansons en vogue des années 40-60, de chansons de la mère pour son enfant (ghnawi), de comptines et de contes pour enfants (khriyfat), sans oublier l'art épistolaire de l'époque (brawat), les cris de la rue, les annonces communautaires, les réclames publicitaires et des anecdotes diverses.

Dans la societé juive marocaine traditionnelle la religion occupe un vaste domaine et règle une part considérable de la vie spirituelle et temporelle du groupe communautaire. Ainsi l'hebreu fournit le vocabulaire nécessaire non seulement au culte et aux cérémonies religieuses qui s'y rattachent mais aussi à la vie sociale et culturelle. Comme nous le remarquerons dans cette étude, les locuteurs juifs emaillent souvent leur parler arabe de termes et d'expressions hebraïques qui ont trait à la vie culturelle juive, (voir glossaire) passés tels quels ou parfois déformés par l'usage, de termes empruntés à l'espagnol, suite à l'expulsion des juifs de la péninsule ibérique en 1492, et au français depuis l'instauration du protectorat au Maroc. L'ensemble constitue le parler des juifs marocains.

Afin de rendre accessible aux lecteurs les textes écrits en "judéo- arabe", nous avons choisi un mode de transcription phonétique en caractères latins qui tient compte de la prononciation des juifs du Maroc. Mais ne disposant pas d'un logiciel adéquoit pour la transcription phonétique internationale, nous recommandons à nos lecteurs de bien prêter attention aux différences de prononciation de certaines consonnes et voyelles en se référant aux exemples donnés dans le tableau ci-après :

Transcription phonétique

– Les consonnes :

 D dima =toujours, blad=ville

D emphatique daw=lumière, beda=œuf

 L lila- nuit, bali=usagé

 L emphatique bellot=glands, bola=ampoule

 R risa =plume, sra=il a acheté

R emphatique ras=tête, far =rat

S sif=épée, semmas=bedeau

S emphatique sla=prière, besla=oignon

T tlata=trois, mat=il est mort

T emphatique tas=bassine, tbeb=médecin

H hada=celui-ci, boh=son père, ihodi =juif

H hmar=âne, bhar =mer, sheh=solide

 KH khatem=bague, khoya=mon frère

GH ghedda=demain, deghya=vite, belgha=babouche

 J se prononce généralement Z dans le parler des juifs ja -za =il est venu

 CH se prononce généralement S : chabel / sabel- alose, 'lach / 'las

 (') Attaque vocalique forte, généralement en début de mot. Exemples : ('llah= Dieu 'ddaw= la lumière 'lghabra=la poussière)

(Q) prononcée comme une attaque vocalique (') dans les villes du nord, particulièrement à Fès, Meknès, Sefrou et Rabat. Exemples :

qal li / ,al li = il m'a dit

baqe / ba ' e = pas encore

daq/da' = il a goûté

beqqa /be"a = une punaise

 berqoq/ber ,o ' = des prunes

 (') Consonne gutturale. Exemples : 'in= oeil

sa 'a=une heure sba'=lion –

Les voyelles :

A fermé bab =porte, daba=maintenant

 A ouvert baraka=âssez, nar=feu

O fermé bota=tonneau, bola=ampoule

  • prononcé entre eu et u du français
  • lihod~ les juifs, shod=témoins

U prononcé OU huwwa=lui

E ouvert beda=œuf, het=mur

e muet : begra=vache, weld=garçon ־

Les diphtongues :

AU bdau msau zau..

AI atai zerzai kainin..

IU iziu izriu imsiu..

 EU i'teu=ils donnent

Oi prononcé euy (à Fès) comme dans boi (mon père)

Langue et folklore des Juifs marocains – Pinhas Cohen

Langue et folklore des Juifs marocains

Pinhas Cohen

"Tant qu'un peuple n'a pas abandonne sa langue. il conserve les cles de sa maison "
Eliezer Ben Yehuda 

Le patrimoine culturel et folklorique du judaïsme marocain, véhiculé par le parler arabe de nos compatriotes juifs fait partie intégrante du patrimoine culturel marocain.

Son domaine est très vaste : qasidas, proverbes, contes, chansons traditions, discours quotidien etc… En ce sens il mérite d'être redécouvert. C'est le but de cet ouvrage.

bent el- mahroq

La fille du brûlé =fille du criminel qui a subi le supplice du feu

nefdi 'enek ana

Que je serve de rançon à tes yeux (les yeux étant ce qu'il y a de plus

précieux)

di izifik, izifiyya

Ce qui vient dans toi, vient dans moi=que je prenne sur moi ton mal !

tar- lo

Il s'est envolé de lui=il s'est fâché

ma-1- teyyroli s 'afak !

Ne me le fais pas envoler, s'il te plait != ne me mets pas de mauvaise

humeur !

msa itteryyer l-ma Il est allé faire voler l'eau=il est allé uriner

terreq-li wahd el-bosa

Fais-moi sonner un baiser=donne-moi un baiser !

bosa b-ed-dagech

un baiser avec un dagech=un baiser appuyé

 (dagech : signe diacritique hebraique marquant l'intensité)

s-serr ka iqter menno

Le charme tombe goutte à goutte de lui=il est absolument charmant

azi nderbo siftor

Viens, on frappe un déjeuner ! Et si on déjeunait !

derbna- t-t req

Nous avons frappé la route=Nous avons beaucoup marché.

derbo sifal

Frappez un sort=tirez un sort

ka-iderbo-l-qertas

Ils frappent les cartouches =ils tirent des cartouches.

ka itsawer m 'a raso

Il consulte avec sa tête=il réfléchit

Ka ikhammem m'a raso

Il réfléchit avec sa tête

mesmar hadak !

C'est un clou celui-là=c'est un malin celui-là

'inek mizanek

Ton oeil ta balance=évalue par toi-même

ka-na'ref kharrob bladi

Je connais les caroubes de ma ville=je m'y connais bien .

ma kain gher zri 'liya nezri 'lik

Il n'y a que cours après-moi, je cours après toi=les gens sont pressés

ma kain gher dfa'ni ndafak

Il n'y a que tu me pousses et je te pousse=les gens se bousculent

skon saba fhalo

Qui l'a trouvé comme lui ? ( Qui peut comme lui s'en prévaloir ?)

ma zab-k-s fiya

Il ne t'a pas apporté dans moi= (Ne te mêle pas de mes affaires)

zaba f-raso

il l'a apporté dans sa tête=il l'aura voulu !

zaba fiyya

il l'a apporté dans moi=il m'a accusé

' mellna mot- Smoyal

Il nous fait le mort comme Smoyal=il simule la victime, pour qu'on

s'apitoie sur lui (comme le faisait un certain Smoyal)

ma-yebqa la-ttas wala yeddo wala l-khadem di terfdo

Qu'il ne reste ni la bassine ni son anse ni la domestique pour la prendre (Peu importe , tout cela ne vaut pas grand chose de toute façon)

marq hzina (variante :sta tart ?)

 Soupe ou salade de deuil (Soupe ou salade du pauvre : à Meknes)

ma' ando la khedma la redma

Il n'a ni travail ni démolition =il est désoeuvré

' melha-li f-rasek

mets-la moi dans ta tête=penses-y

Langues et folklore des Juifs marocains-Pinhas Cohen-2014- La Qasida judéo – marocaine

La Qasida judéo – marocaine

La Qasida judéo-marocaine est un récit rimé en arabe dialectal des Juifs du Maroc. Elle est destinée à être chantée sur un air préalablement indiqué par l’auteur, en général sur l’air d’une prière connue, par exemple : Mi kamokha. Sans prétention littéraire, écrites en caractères hébraïques, les qasidas étaient imprimées sous forme de feuilles volantes et diffusées par un petit libraire du mellah. On en a retrouvé près d’une quarantaine, conservées princpalement à la bibliothèque de l’Institut Ben Zvi à Jérusalem. Nous en donnons ci-après de larges extraits accompagnés d'une traduction en français qui colle le plus possible au texte d’origine. C’est la première fois, à notre connaissance, et nous en sommes heureux, que des qasidas sont révélées au public dans leur version hébraïque d'origine. La plupart ont été composées et diffusées à Casablanca. Certaines sont devenues célèbres, telles la Qasida de Bensousan ou la Qasida de Yosef Ha-saddiq. L’auteur d’une qasida est le plus souvent un modeste lettré qui, en dehors de son activité professionnelle (boutiquier, coiffeur, artisan, petit commerçant..) s’essaie à ce genre populaire pour divertir le petit peuple du mellah et susciter chez lui, par la même occasion, un éveil de sens esthétique et peut-être même une prise de conscience de sa condition sociale précaire pour dénoncer, souvent avec humour, une oligarchie dominante

 La langue dans laquelle est écrite la Qasida est généralement comprise par le public populaire en dépit de la présence de quelques termes d’arabe littéraire. (Voir glossaire)

A l’origine, le mot qasida (pl qasaid ) dans la littérature arabe classique, désignait un poème de sept ou dix vers. Aujourd’hui, ce mot désigne un récit rimé en arabe dialectal des juifs du Maroc. Il se prononce qseda ( pl>qsaid ou qsedat). Dans un texte en français nous écrirons : qasida).

Elle recouvre un vaste domaine de la littérature populaire dont une partie est d’inspiration religieuse et une autre d’inspiration “profane”. La première comprend un certain nombre de légendes, versions adaptées de récits bibliques glorifiant des personnages mythiques telle la qasida de Yosef ha Saddiq et des saints locaux du Maroc, des poèmes à la gloire des saints d’Eretz Israël (Ha-Saddiqim), qui donnent lieu à de grands rassemblements de pèlerins venus de tous horizons dans un climat autant de ferveur mystique que de fête champêtre ( voir P91), célébrés à date fixe lors de pèlerinages (Hüloulot).

Au-delà de ce domaine de la piété, on trouve tout un ensemble de qasidas à caractère “profane” qui traitent des évènements grands et petits, heureux ou malheureux, des conditions de vie des habitants du mellah. Dans certaines d’entre elles il souffle comme un petit air de révolte pour dénoncer sous une forme ludique la misère et les inégalités sociales comme le laissent entendre les adages suivants :

men khdemt la-‘niyyim u m-qellt s-sghel et-tazer ka y a‘mel l-flos

مين خدمت لعنيين و مقللت شغل  تازر كا يعمل الفلوس

Du labeur du pauvre et de son déseuvrement le riche s’enrichit

 zit-el-‘ani men hdit-el 'asir

زيت العني من هديت العسير

L’huile( de la lampe du pauvre )s’épuise à évoquer la fortune du riche

 l-‘asir ( terme hebr.=riche) ‘ando bas itsara u iqra u-l-‘ani ( terme hebr. =pauvre) ma sab-s bas ibra

العسير عندو باس يتسارا و يقراء والعني  ما سابس باس يبرا

Le riche a de quoi se promener et se cultiver Le pauvre n’a pas de quoi se soigner

"Paradoxe déconcertant, nous dit Jean Hess (“ Israel, au Maroc") toute la vitalité de ce petit peuple du mellah, sa bonne humeur, sa joie  et son amour de la vie, c’est en parfaite misère qu’elle paraît le mieux s'affirmer

Quelques exemples de Qasidas :

qseda di- Bensoussan

 ’ qseda-del- miziria

 qseda d-es -srab u mahia

 ’qseda di- Pissah u Sekka

 ,qseda d-el-baqq

 ,qseda d-el- berghot

 ,qseda d-el- firan

 ,qseda d-el kra

 ,qseda d-es-selhat

 ,qseda d-el-Bedawiyat u -s- Selhat u-l-Fasiyat

,qseda d-l-apiqorosa

 ,qseda d-el‘ azri u-l-mzuwwez

 ,qseda di- Hitler

 ,qseda di- Haman

 ,qseda d-et-tifos

 ,qseda di-Yossef Ha-Saddiq

 ,qseda de Mordékhai et Esther

Langues et folklore des Juifs marocains-Pinhas Cohen-2014- La Qasida judéo – marocaine –page 41-43

 

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