Comm. juives sahariennes
La seconde sert, bien souvent, à la première, d'outil d'interprétation et d'auxiliaire pédagogique; c'est elle qui lui donne sa dimension existentielle, locale et maghrébine, et confère une identité socio-culturelle originale à ceux qui en transmettent la mémoire.
Si la littérature d'expression hébraïque concerne, d'une façon générale, le savoir écrit, la science élitaire d'une société lettrée se recrutant quasi exclusivement parmi les hommes, la création littéraire d'expression dialectale s'adresse, elle, à tout le monde, aux catégories de la population insuffisamment alphabétisées ou médiocrement instruites, spécialement aux femmes et aux enfants.
L'une et l'autre participent, au demeurant, à la transmission du savoir, de la coutume et des usages, et remplissent, à des niveaux et des degrés différents cependant, les mêmes fonctions initiatiques, pédagogiques et liturgiques.
La seconde est, par ailleurs, la fidèle gardienne des traditions non écrites, constitue l'instrument d'information par excellence et possède, en outre, en certains de ses aspects laïques et profanes, une vertu remarquable, celle d'un pouvoir intégrateur et socialisant, comme en portent témoignage certaines des compositions présentées dans notre ouvrage.
On ne peut cependant échapper à l'impression qu'il existe comme un divorce entre "l'écrit" hébraïque et "l'oral" dialetctal L'hébreu, langue du Livre et du Rituel, sert à communiquer avec Dieu. C'est en judéo-arabe et en judéo-berbère (en haketiya "judéo-espagnol"dans les sociétés hispanophones) qu'on communique avec les hommes, son parent et son prochain, et la littérature dialectale est le miroir où l'on se regarde; elle est l'expression de l'âme profonde, des manifestations de la vie quotidienne, profanes, voire religieuses, de toutes sortes de choses qu'il est interdit ou qu'on est dans l'impossibilité de dire dans la langue sacrée.