Juifs au Maroc et leurs Mellahs-David Corcos
Les juifs au Maroc et leurs Mellahs – David Corcos
Tous les Juifs de la medina furent transferes dans le Mellah qui, comme tous les Mellahs, fut entoure d'une enceinte crenelee. Cette muraille donnait sur l'exterieur, au nord de la ville et etait munie de canons comme, d'ailleurs, l'enceinte qui entourait la Kasba au centre de la cite. Le sultan ne fit exception que pour une poignee de families, les Toujar-as-Soultan, quelques riches marchands independants comme les Guedalla et des Juifs etrangers comme les Pacifico. Vers 1820 Amram Elmaleh, venu se fixer a Mogador, put acquerir pour lui et sa famille une des plus belles maisons de la Kasba. Ainsi, une dizaine d'annees apres la creation du Mellah, on se montra moins severe quant a la segregation des Juifs; mais ce ne fut encore que par faveur speciale.
Amram Elmaleh etait le fils de R. Joseph Elmaleh, l'auteur de Tokfo shcl Yossef. II etait ne a Rabat avant 1785 s'etait installe a Gibraltar puis a Lisbonne avant de se fixer a Mogador oil il fut le representant du Royaume des Deux-Siciles. R. Samuel Caro fut son grand- pere maternel et il appartcnait comme sa femme a l'illustre famille des dc Avila. C'est grace a son fils Joseph dont la generosite etait proverbiale et qui fut un des plus importants "Toujar as-Soultan" a Mogador, que de nombrcux ouvragcs hebrai'ques de savants marocains ont put etre publies. La famille Elmaleh a, d'autre part, fourni des poetes et des juristes au Judaime marocaln, Des membres de cette famille ont porte le nom de Buenos-Hombres.
VII
Alors que la tolerance des Musulmans, qu'on l'explique d'une facon ou d'une autre, avait le plus souvent dispense les Juifs des pays islamiques d'etre obligatoirement enfermes dans un "Ghetto", il suffisait d'un mouvemcnt inspire par un meneur intolerant, d'une explosion de fanatisme ou de la volonte d'un despote fanatique pour miner cette tolerance; mais la permanence des situations creees par de tels cas fut generalement rare. En s'appuyant sur les trois exemples qui existaient dans son propre pays, Moulay Sliman y a etendu l'institution, pourtant d'origine chretienne, du "Ghetto"; cela, il l'a fait a un moment ou precisement en Europe le liberalisme commencait a triompher, permettant ainsi l’emancipation des Juifs de l'Occident.
Isoler son pays, arreter l'influence europeenne, contenter les esprits etroits et secretement interesses, assumer son role de chef religieux suivant sa conception, elever une barriere entre Infideles et Croyants, en isolant completement les premiers, tout cela ne faisait sans doute qu'une seule et meme idee dans l'esprit dc Moulay Sliman. Si d'autrcs communautes avaient ete assez importantes, le souverain les aurait surement fait enfermer dans un Mellah. A Tanger, residence des consuls et charges d'affaires europeens, il n'y avait que 800 Juifs, dont cinq ou six families capables d'entretenir une activite commerciale d'ailleurs reduite; Larache avait quatre a cinq ccnts Juifs "qui font un petit trafic"; le port de Casablanca avait קte ferme au commerce et ses negociants deplaces a Rabat sur l'ordre du sultan; Mazagan evacuee par les Portugais en 1769 et dont Mardoche Delmar obtint la concession du port, fut abandonnee en 1790 et ne se releva de ses ruines qu'en 1826 quand la douane y fut installee sous l'autorite de Meir Cohen ben Macnin; nous avons vu ce qu'il advint d'Agadir en 1773 et la communaute de Safi ne commenca a se reconstituer qu'en 1817 quand Adi Chriqui (Delavante) y eut obtenu l'usage exclusif du port. Cela se passait dans les dernieres annees du regne de Moulay Sliman qui, malgre tout, finissait par reconnaitre a certains de ses sujets juifs quelques qualites