Il était une fois le Maroc-David Bensoussan-2010- Les contacts entre le Maroc et les pays européens au XIXe siècle
Troisième partie
Les contacts entre le Maroc et les pays européens au XIXe siècle
LIMINAIRE
La conquête de l'Algérie au XIXe siècle marqua le début de l'ère coloniale. Pour empêcher le Maroc de venir en aide à son voisin algérien, la France intervint en dépêchant la marine française pour bombarder les villes de Tanger et de Mogador. Son armée stationnée en Algérie infligea une défaite cuisante à l'armée marocaine lors de la bataille d'Isly. Le pouvoir marocain prit alors conscience de sa faiblesse au plan militaire. Ne voulant pas demeurer en reste, l'Espagne se lança dans la guerre contre le Maroc en 1860. L'Angleterre mit en jeu sa politique traditionnelle d'équilibre des forces en se faisant accepter comme puissance de médiation. L'objectif premier de l'Angleterre était de continuer d'exercer son contrôle sur le de détroit de Gibraltar, relais qui, avec le canal de Suez, étaient les garants de l'accès à la perle de l'Empire : l'Inde. L'Allemagne intervint avec fracas pour exiger sa part de colonies, mais la France et l'Angleterre l'en empêchèrent.
Le Maroc était à l'image de l'Empire ottoman que l'on disait être l'homme malade de l'Europe. Il n'était plus la puissance militaire du passé. Sur la scène domestique, ses défaites militaires alimentèrent la dissidence. Les épidémies et les crises de disette accrurent le mécontentement général. L'insécurité régnait. Les Juifs tout comme le petit peuple en furent les premiers à en pâtir. De puissants contestataires du sultanat marocain allaient affaiblir encore plus le pays.
Au début du XXe siècle, la France troqua l'Égypte à l'Angleterre en échange d'une liberté d'action au Maroc, qu'elle partagea avec l'Espagne. Les dés en étaient donc jetés. Le long chapitre des ambitions et des rivalités enchevêtrées des puissances – commerciales et stratégiques pour la Grande-Bretagne, politiques et historiques de l'Espagne, territoriales et économiques de la France, économiques et impériales pour l'Allemagne – touchait à sa fin. L'institution du protectorat ne fut plus qu'une question de temps…
Le plan de cette troisième partie s'ouvre sur la description des rivalités coloniales européennes. La France occupe l'Algérie en 1830 et exerce des pressions sur le Maroc pour qu'il ne prête pas main-forte aux Algériens. Les batailles d'Isly contre l'armée française en 1844 puis contre l'Espagne en 1860 obligent les Marocains à admettre la supériorité militaire des Européens et à verser des indemnités considérables à l'Espagne. Les forces navales européennes ont mis fin à la piraterie d'antan. L'Angleterre joue un rôle diplomatique discret mais efficace et les représentants britanniques Drummond Hay père et fils bénéficieront de la confiance des souverains. L'Allemagne tente de faire son entrée avec fracas, mais elle est habilement écartée d'une mainmise sur le Maroc. Dans ce pays affaibli du XIXe siècle, les contestataires de l'autorité s'affirment au grand jour : banditisme de Raïssouli, contestation de la couronne par Bou Hmara, ostensible puissance du chérif d'Ouezzane et opposition religieuse d'Al-Kettani. Le sultan Abdelaziz est évincé par son frère Abdelhafid. Suite à l'assassinat d'une dizaine de Français, Casablanca est bombardée en 1907 et l'armée française en profite pour pénétrer plus avant au Maroc. Encerclé par des rebelles à Fès, le sultan Abdelhafid fait appel à l'armée française et se voit contraint de signer en 1912 un traité de Protectorat.
PRINCIPAUX TRAITÉS INTERNATIONAUX AVANT LE PROTECTORAT
Quelle fut l'attitude des sultans à l'endroit des Européens au XIXe siècle?
Au début du XIXe siècle, le sultan Moulay Slimane décourageait les contacts entre Musulmans et Européens. Moulay Slimane s'inquiétait de l'influence européenne sur les mœurs et les croyances des Musulmans, raison pour laquelle il chercha à séparer les Juifs des Musulmans en créant des quartiers juifs ou Mellahs, car les Juifs et notamment ceux de la côte, étaient plus imprégnés de coutumes européennes. Les souverains qui lui succédèrent ne purent se passer des contacts avec les Européens et durent composer avec eux bon gré mal gré. Le sultan Abderrahmane reconnaissait le bienfait des échanges commerciaux et les encourageait. Le sultan Mohamed IV avait désespérément besoin des échanges commerciaux pour liquider sa dette envers l'Espagne à la suite de la guerre hispano-marocaine de 1860. Cinq ans après son avènement, le sultan Hassan Ie se trouva aux prises avec la crise due à la sécheresse, à la famine et au choléra, crise particulièrement grave. Outre cela, il mena de nombreuses campagnes pour mater des rébellions remettant son autorité en cause. Bien que le commerce renflouait le trésor public qui se trouvait au plus bas, il se méfiait des influences qui accompagneraient les contacts avec les Européens, mais ne pouvait toutefois pas les ignorer.
Au XIXe siècle, la diplomatie anglaise joua un rôle prépondérant dans les affaires du Maroc, notamment parce que les représentants anglais Drummond Hay père et fils eurent la confiance du Palais. Dans l'ensemble, les traités ratifiés par les souverains marocains ont contribué à un affaiblissement progressif du pouvoir au Maroc, jusqu'à l'avènement du Protectorat en 1912. Qu'en fut-il dans les faits?
Le sultan Abderrahmane qui ne nourrissait aucune confiance envers les Français car il les considérait comme des Infidèles, des ennemis d'Allah, des ennemis de la religion, des polythéistes et des adorateurs d'idoles, ne put s’empêcher d'avoir un grand respect pour le sens d'organisation et la qualité du renseignement que les Français prodiguaient. Il les combattit, mais perdit la bataille d'Isly en août 1844, alors même que les navires français bombardèrent Tanger et Mogador. Le 10 septembre de la même année, il signa le Traité de Tanger mettant fin aux hostilités. Le Traité de Lalla Maghnia fut ratifié le 18 mars 1845. La supériorité des armes françaises plaça la France en position de force avec laquelle le Maroc dut faire avec. La bataille d'Isly consacra la conquête de l'Algérie car au terme de ce traité, la France officialisa la frontière entre le Maroc et l'Algérie en se basant essentiellement sur les limites qui existaient entre le Maroc et la Turquie, sans toutefois préciser la limite territoriale dans le Sahara. Par ailleurs, le Traité anglo-marocain du 9 novembre 1856 entérina la position des Chargés d'affaires britanniques et celle de leurs interprètes et domestiques, les exonérant de tout impôt de capitation. Ce traité garantissait la liberté de commerce, abolissait les monopoles et les prohibitions de marchandises importées et fixait un plafond sur les taxes d'importation et d'exportation. La France officialisa la protection consulaire en 1863 (convention de Béclard).
Sous Mohamed IV, la guerre hispano-marocaine perdue par le Maroc fut conclue par le Traité de Tétouan le 26 avril 1860. L'enclave de Ceuta fut agrandie, une nouvelle enclave – Ifni – fut concédée au Sud du littoral atlantique et une indemnité de guerre fut fixée à 20 millions de piastres, soit 85 millions de francs. Le Maroc riétait plus la puissance militaire qu'il avait été par le passé.
Il était une fois le Maroc-David Bensoussan-2010- Les contacts entre le Maroc et les pays européens au XIXe siècle-page 137-140