Contes popu.-Juifs du Maroc


Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

LE FILS DU ROI ET LA BICHE

II était un roi qui sentait que sa fin approchait. Sept jours avant sa mort, il fit appeler ses trois fils et leur dit:

“Mes fils, bientôt, je quitterai ce monde et à chacun de vous, je laisse un figuier. Lorsque vous verrez que les feuilles de ces arbres se fanent, vous saurez que je suis mort.”

Le roi ordonna de l'enterrer à l’endroit où son cheval blanc s’arrêterait.

Le roi mourut et son cheval blanc alla droit vers une mon­tagne, au pied de laquelle il s’arrêta. Et c’est là que fut enterré le roi.

Le fils aîné monta sur le trône et après un certain temps il fit une excursion et passa près de la montagne où son père était enterré. Il prit congé de ses amis pour se rendre près de la tombe de son père et honorer sa mémoire. A quelques mètres de la tombe, il aperçut une biche et il se mit à courir dans l’espoir de l’attraper, mais la biche était plus rapide que lui et il la suivit jusqu’à ce qu’il arrivât à un puits. Le fils du roi s’assit devant le puits et trois jours et trois nuits durant, il attendait le retour de la biche. Mais ce fut en vain. Comme il avait faim et soif, il se mit en marche et arriva devant la muraille d’une ville sur laquelle quatre-vingt têtes d’hommes étaient fixées. Il demanda à l’un des passants: “Que signifient ces quatre-vingt têtes expo­sées sur la muraille?”

“Dans notre ville”, répondit l’homme, “vit la fille du roi, qui n’a jamais parlé à personne. Lorsqu’on lui adresse la parole, elle ne répond pas. A tous ceux qui ont tenté leur chance avec elle et auxquels elle n’a pas répondu, on a coupé la tête.”

Lorsque le prince eut appris cela, il dit: “Avec moi elle parlera, et je l’épouserai.”

Le prince se rendit chez le roi et lui demanda la permission de parler avec sa fille. Le roi l’avertit que de nombreux hommes avaient déjà tenté leur chance et que tous avaient échoué. “Toi aussi, tu finiras mal”, lui dit le roi.

Mais le prince ne se laissa pas décourager et le roi lui permit finalement d’entrer dans la chambre de la princesse, accompagné de témoins qui diraient si l’homme avait réussi ou non à faire parler la fille du roi.

Le prince entra dans la chambre de la fille du roi et commença à parler. Il parle et parle, mais la jeune fille reste assise, immobile et muette. Sa servante entre et lui apporte à manger. Elle mange, puis d’un coup de pied elle expédie son assiette dans un coin de la chambre.

Lorsque les témoins virent que la fille du roi ne répondait pas, ils s’emparèrent du prince et lui coupèrent la tête.

Dans la capitale on attendait le retour du prince mais il ne revint pas et le figuier qui lui appartenait se dessécha. Les habi­tants comprirent que leur roi était mort et le deuxième monta sur le trône.

Il subit le même sort que l’aîné. Un jour il se promena en dehors de la ville et il vit la biche qui s’échappa. Il arriva lui aussi jusqu’à la princesse, il tenta sa chance, ne réussit point et eut, lui aussi, la tête coupée.

Lorsque dans la capitale, le figuier du deuxième fils fut des­séché, les habitants comprirent que leur roi était mort et le fils cadet monta sur le trône.

Le jeune roi arriva aussi, à l’occasion d’une excursion, devant la tombe de son père; il aperçut, lui aussi, la biche, mais il eut la chance de l’attraper. Il lui dit: ‘"Je ne te laisserai pas partir avant que tu ne me dises qui tu es.” La biche aboya: “Je ne suis pas un animal, mais un esprit.”

Le roi demanda alors à la biche ce qu’il fallait faire pour épou­ser la fille du roi. Elle lui promit de lui dire ce qu’il fallait faire pour obtenir la main de la princesse à condition qu’il lui accorde sa confiance et ne la tue point. Le jeune roi lui promit de la laisser en vie et la biche lui dit: “Mets-toi en route, à la tête d’une grande armée. Va trouver le roi et demande lui de te permettre de parler avec sa fille. Il refusera, mais en fin de compte tu parviendras à t’approcher de la princesse. Ma soeur et moi, nous nous transformerons en pigeons, nous entrerons dans la chambre de la princesse et nous nous cacherons sous son lit. Lorsque la servante apportera, comme d’habitude, le repas, tu prendras l’assiette de sa main et tu mangeras ce qui s’y trouve. Quand tu frapperas sur la table, nous nous transformerons en jeunes gens et nous amènerons des musiciens et des danseurs.”

Le jeune roi remercia la biche et suivit ses conseils. Et tout se passa comme prévu. Après que les pigeons se furent transformés en jeunes gens, le jeune roi leur raconta l’histoire de trois artistes qui étaient venus pour être jugés par lui. L’un avait taillé la silhouette d’un homme dans du bois. Le deuxième l’avait habillé et le troisième lui avait insufflé la vie. Ils demandèrent au jeune roi de décider qui des trois avait droit à la poupée, à la confec­tion de laquelle tous les trois avaient collaboré. Le jeune roi avait accordé la poupée à celui qui l’avait taillée dans du bois.

C’est alors que la princesse se leva et s’écria: “Ton verdict est injuste. C’est celui qui a insufflé la vie à la poupée qui doit en devenir le propriétaire.”

Le jeune roi reconnut que la princesse avait raison. “Mais, dit-il, puisque tu as commencé à parler, tu m’appartiens.”

Le lendemain eut lieu le mariage et le jeune roi prit sa femme avec lui dans son pays où ils vécurent heureux de longues années durant.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965-page 87

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

L’AMOUR FILIAL ACCOMPLIT DES MIRACLES

Il était une fois une jeune fille, enfant unique, qui avait une tête d’animal. Toute sa vie durant, elle avait été enfermée dans sa chambre et il lui était interdit de sortir. Personne n’avait vu son visage et on lui remettait sa nourriture par une petite ouverture pratiquée dans le mur. Mais cette jeune fille était très intelli­gente et elle avait amassé plus de connaissances que les plus grands savants du pays.

Dans un pays voisin vivait un jeune homme, qui étudiait la Tora jour et nuit. Il allait de ville en ville pour entendre les grands érudits et les rabbins fameux commenter la Tora. Un jour, le jeune homme arriva dans la ville où vivait la jeune fille qui se distinguait par son intelligence et que l’on tenait enfermée dans une chambre. Les notables de la ville avaient entendu parler de l’intelligence extraordinaire du jeune homme et le reçurent avec beaucoup d’honneur.

Un jour, le rabbin de la communauté posa une question à ses élèves et demanda qu’on lui fournisse la réponse l’après-midi du même jour. C’était une question très difficile et les élèves étaient incapables de trouver la réponse. Lorsque le jeune homme revint chez le rabbin, il trouva sur sa table une feuille sur laquelle était inscrite la réponse. Il demanda aux élèves: “Qui a écrit la missive que j’ai trouvée sur ma table?”

“La jeune fille qui est enfermée dans sa chambre”, répondirent les élèves. “Elle est très intelligente et sait répondre aux questions et résoudre les problèmes dont nous ne connaissons pas la solution.” “Je la prendrai pour femme”, décida le jeune homme.

Mais ses camarades lui dirent: “Les parents de la jeune fille ne t’accorderont pas sa main car elle est infirme.”

Le jeune homme pria ses camarades d’essayer de convaincre les parents de la jeune fille de lui accorder sa main. Mais les parents refusèrent catégoriquement, sous prétexte qu’il était impossible d’épouser cette fille malheureuse. Le jeune homme in­sista. “Cela m’est parfaitement égal, c’est elle que j’épouserai.” Les parents ne pouvaient plus s’opposer à ce mariage et ils accordèrent la main de leur fille au jeune homme.

La nuit après le mariage, le jeune homme ne resta avec sa femme que jusqu’à l’aurore. La mariée ne cessa de pleurer en raison de son infirmité. Le matin, son mari s’en alla, mais avant de partir, il laissa son alliance et son châle de prières.

Une année passa. Et la femme mit au monde un fils qui gran­dissait chez ses grands-parents. Quand il alla à l’école ses cama­rades se moquèrent de lui et lui dirent: “Ton père est mort et tu as deux mères et un père adoptif.”

L’enfant ne pouvait plus supporter ces insultes et un jour il demanda à sa grand-mère: “Dis-moi, es-tu vraiment ma mère? Ou est-ce que j’ai une mère que je ne connais pas?”

“Je suis ta mère”, répondit la grand-mère pour lui éviter des peines inutiles.

Mais quand l’enfant fut plus grand, la grand-mère ne pouvait plus lui cacher la vérité. Le garçon se rendit chez sa mère et lui demanda: “Chère mère, où est mon père?”

Elle lui répondit: “II est loin d’ici, mais un jour il reviendra.” L’enfant attendait un an, mais lorsqu’il vit que son père ne revenait pas, il décida de se mettre à sa recherche. Et sa mère malheureuse lui donna le châle de prières et l’alliance et lui dit: “Ton père habite une autre ville. Il m’a quittée.”

Le fils prit les affaires de son père et se mit en route. De nom­breux mois passèrent sans que le garçon eût pu trouver son père. Mais finalement, le garçon arriva dans la ville où habitait son père. Il se rendit tout droit à la synagogue et là il rencontra son grand-père paternel. Mais comme ils ne se connaissaient pas ils ignorèrent leur lien de parenté. Le vieillard demanda au gar­çon: “D’où viens-tu et que fais-tu ici?”

“Je suis venu chercher mon père qui a quitté ma mère”, dit le garçon au vieillard qui était son grand-père. Puis il lui raconta toute l’histoire de sa vie.

Le lendemain matin le vieillard demanda à son fils, qui était le père de l’enfant: “Où est ton châle de prières mon fils?”

    Je l’ai oublié quelque part, mon père.

Le vieillard regarda les mains de son fils et demanda: “Et où est ton alliance;, mon fils?”

       En me baignant dans la rivière, la bague a glissé de mon doigt.

Le vieillard demanda alors: “Reconnaîtras-tu ton châle de prières et ton alliance si je les retrouve?”

-— Sans aucun doute.

Le grand-père montra le châle et la bague qu’il avait reçus du garçon et il savait qu’il avait découvert le secret de la vie de son fils. Le vieillard fit appeler son petit-fils et le présenta à son fils.

Le jeune homme demanda à son père de revenir à la maison, mais celui-ci refusa. Le fils dit: “Père, retourne à la maison. Ma­man est la plus belle et la plus intelligente des femmes. Pourquoi ne veux-tu pas vivre près d’elle? Est-ce qu’on t’a obligé à l’é­pouser?”

Le père comprit alors qu’un miracle s’était produit et il dit à son fils: “Rentre à la maison; je viendrai plus tard.”

Le fils se mit immédiatement en route et à mi-chemin il ren­contra un vieillard qu’il n’avait jamais vu auparavant. Celui-ci dit au jeune homme: “Je sais que tu aimes beaucoup ton père et ta mère. Prends cette bouteille et donne-la à ta mère. Lorsqu’elle se lavera avec l’eau de la bouteille, elle deviendra très belle.”

Le jeune homme remercia le vieillard et se dépêcha de rentrer. Il remit la bouteille à sa mère qui se lava avec l’eau qu’elle con­tenait. L’effet fut imédiat. Elle se transforma en une femme jeune, d’une beauté éclatante. Le fils et la mère savaient alors que le vieillard qui avait offert la bouteille avec l’eau miraculeuse n’était autre que le prophète Elie. Le père ne tarda pas à rentrer, lui aussi. Et il était très heureux d’avoir une femme aussi belle et un fils aussi sage, qui avait ramené la paix au foyer et qui avait rendu ses parents heureux.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

contes populaires

LES “DIX JOURS DE PENITENCE”

AU BORD DU LAC DE TIBERIADE

Chaque année, à l'approche des "Dix jours de pénitence”, Rabbi Hayim Ben-Attar quittait Jérusalem. La veille de Roch Hachana, il se retirait seul dans une hutte en bois qui avait été érigée pour lui, au bord du Lac de Tibériade. Là, on pouvait le voir sortir de temps en temps de sa retraite et entrer dans le lac.

Lorsque l’un de ses proches lui demanda pourquoi il entrait dans le lac, à cette époque de l’année, il répondit: “Je fais cela pour aider les âmes saintes qui viennent se purifier dans l’eau du Lac de Tibériade à l’approche de la nouvelle année.”

Les proches du rabbin comprirent que dans la période des “Dix jours de pénitence”, l’auteur de “La Lumière de la vie” était occupé à purifier les âmes.

LA FORCE DU CORPS ET LA FORCE DE L’ESPRIT

En face de la maison de notre Maître Hayim Ben-Attar, habitait un cordonnier qui portait, lui aussi, le nom de Hayim Ben-Attar. Notre Maître était un héros dans le monde de l’esprit et son voisin, un héros par sa force physique.

Le rabbin avait l’habitude de se lever très tôt pour servir le Créateur de l’univers, tandis que son voisin se consacrait dès l’aube à son métier: la confection et la réparation de chaussures. Notre Maître se contentait de peu et chaque jour il n’absorbait qu’un minimum de nourriture. Son voisin, par contre, récitait en vitesse la prière du matin puis se précipitait sur la nourriture. Lorsque le Rabbin Hayim Ben-Attar eut acquis une réputation de sage et que des hommes et des femmes venaient le visiter de loin, il arrivait que des visiteurs se trompèrent d’adresse et frap­pèrent à la porte de Hayim Ben-Attar, le cordonnier. Et, chose curieuse, tous ceux qui exposèrent leurs problèmes et leurs misères à Hayim, le cordonnier, le quittèrent calmes et heureux. C’est ainsi que le cordonnier acquit, lui aussi, une réputation de sage.

Le Rabbin Hayim Ben-Attar dit à son voisin: “Je t’envie, car tu as une nature heureuse et tu es toujours de bonne humeur. Puisque tu manges avec plaisir, le Créateur de l’univers aime ta bonne humeur, car si on peut aussi servir Dieu par le manger c’est comme si on faisait un sacrifice à Dieu.”

Ayant dit cela, le Rabbin Hayim Ben-Attar abandonna l’ascé­tisme et commença à servir Dieu dans la joie.

La réputation de Hayim le cordonnier, qui aimait la bonne chère et qui se distinguait par sa force physique, grandissait, car nombreux étaient ceux qui avaient été secourus par lui. Il décida alors d’étudier lui aussi, la Tora et après plusieurs années, il acquit aussi la réputation d’être un grand érudit.

Le Rabbin Hayim Ben-Attar disait de lui: “En voyant tout ce qu’il a réussi à faire et toutes les connaissances qu’il a pu acquérir dans la joie et la bonne humeur, je suis tenté de me débarrasser de tous mes titres et de ne retenir que la foi candide, car il est écrit: ‘Tu seras candide dans tes relations avec l’Eternel ton Dieu.”

Il est vrai qu’il est écrit: “L’homme candide croit tout ce qu’on lui dit.”

Mais il est écrit également: “Dieu protège les innocents.”

“Je suis prêt à renoncer à toutes les sciences du monde pour être un innocent protégé par Dieu.”

LE RABBIN HAYIM BEN-ATTAR SE CONSACRE A SA MISSION

Avant que le Rabbin Hayim Ben-Attar, l’auteur de “La Lumière de la Vie” ne fut connu et ne devînt célèbre dans le monde il mena une vie errante; pour tout bagage, il ne possédait qu’un châle de prières et des T filin. Au Maroc, il allait de ville en ville et de village en village. Un jour, alors qu’il était en route pour une nouvelle destination, il fut attaqué par un brigand qui lui arracha ses vêtements et voulut le tuer.

Le Rabbin Hayim récita une prière et demanda au brigand de lui laisser la vie sauve. Mais le brigand ne voulait rien entendre. Il avait l’habitude de tuer ceux qu’il volait, de peur que ses vic­times ne le livrent aux autorités.

Le Rabbin Hayim lui dit: “Ecoute moi bien. Je sais faire des miracles et si tu me laisses en vie, je te montrerai un grand trésor que des voleurs ont caché quelque part. Tu pourras y puiser tout l’or qu’il te faut jusqu’à la fin de ta vie.”

Le brigand réfléchit un instant puis il dit: “Je veux être sûr que tu ne me trompes pas. Je te lierai les mains et les pieds et je te mettrai sur un grand arbre et quand tu seras là-haut, tu me diras où se trouve le trésor. Si je le trouve, je reviendrai ici, je couperai les cordes qui te lient et tu seras libre.”

Et ainsi fut fait.

Le brigand se rendit à l’endroit indiqué et y trouva le trésor; il s’en empara et alla s’amuser dans la ville la plus proche, aban­donnant le Rabbin Hayim à son triste sort.

Après trois jours et trois nuits d’attente, le Rabbin Hayim se laissa tomber de l’arbre et Dieu vint à son aide: des hommes qui passèrent par là défirent les cordes qui le tenaient lié.

Le Rabbin Hayim comprit alors que son aventure avec le bri­gand était un avertissement du ciel et que l’heure était venue pour lui de changer son train de vie. Il mit fin à sa vie errante et ses grandes qualités furent rapidement découvertes.

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Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

 

 

contes populaires

L’ARBRE TEMOIN

A l’époque où le Rabbin Hayim Ben-Attar, auteur de “La Lu­mière de la Vie”, exerçait les fonctions de rabbin dans la ville de Salé, près de Rabbat, il arriva qu’un habitant de l’endroit perdit toute sa fortune. L’homme quitta sa ville et, voyageant dans tout le pays, il travailla dur jusqu’à ce qu’il eût réuni une somme importante. Il décida alors de rentrer dans sa ville natale pour y faire l’acquisition d’un terrain.

Sur le chemin du retour, il passa par la ville de Salé où il avait un bon ami et, comme il y arriva la veille du Sabbat, son ami l’invita à rester chez lui jusqu’au début de la nouvelle semaine. L’homme accepta l’invitation et remit même à son ami tout son argent pour qu’il le garde jusqu’à la fin du Sabbat.

A la fin du Sabbat, l’homme demanda à son ami de lui rendre l’argent qu’il lui avait confié, mais celui-ci s’indigna: “Je n’ai rien reçu de toi! Comment oses-tu me demander de l’argent!” L’homme demanda que l’affaire soit jugée par le Rabbin Hayim Ben-Attar. Lorsque les deux parties apparurent devant le rabbin, celui-ci dit à l’homme qui avait abusé de la confiance de son ami: “L’homme que tu as accueilli dans ta maison demande l’argent qu’il t’a remis la veille du Sabbat.”

Mais l’autre continue à nier: “Il ne m’a jamais rien remis et sa plainte n’est pas fondée.”

Le Rabbin Hayim dit alors au plaignant: “Peux-tu procurer un témoin pour soutenir ta cause?”

L’homme répondit: “Il n’y a pas de témoin. Je lui ai remis l’argent devant un arbre.”

“Mais c’est magnifique, s’écria l’auteur de ‘La Lumière de la Vie’. Va chez l’arbre et invite-le à témoigner ici.”

L’homme savait que le Rabbin Hayim savait faire des miracles et il se mit en route sans hésiter et le coeur rempli de joie. Au bout de quelques minutes, le rabbin dit à mi-voix: “Sans doute, le plaignant est déjà arrivé près de l’arbre.”

“C’est impossible qu’il y soit déjà,” réagit l’homme qui avait accueilli le voyageur.

“A toi de rendre immédiatement l’argent!”, ordonna le Rabbin Hayim Ben-Attar, car si tu n’avais jamais reçu l’argent comme tu le prétends, tu ne connaîtrais pas l’endroit où se trouve l’arbre.”

L’homme s’exécuta et rendit tout l’argent qu’il avait reçu.

 

L’ATMOSPHERE DE JERUSALEM

Le Rabbin Hanina Yaguel qui vivait au Maroc, savait faire des miracles. Il aimait beaucoup la ville sainte de Jérusalem et en avait la nostalgie. Mais comme il ne pouvait pas lui-même s’y rendre, il économisa, douze mois durant, de l’argent et le remit à son père pour qu’il fasse le voyage en Terre Sainte.

Le père du Rabbin arriva à Jérusalem et y resta un certain temps, mais il ne pouvait pas s’adapter à la vie de la ville et à son climat et décida de rentrer au Maroc.

De retour chez lui, il expliqua à son fils pourquoi il avait quitté la ville sainte. Le Rabbin Hanina regretta que son père n’ait voulu rester à Jérusalem et dit: “C’est vraiment regrettable, mon père. Ce n’est pas le climat qui t’a incommodé, mais tu n’as pas su apprécier l’atmosphère de Jérusalem, car Jérusalem exige le coeur de l’homme. Si ton esprit s’était accordé avec l’atmosphère de Jérusalem, tous les parfums de la ville seraient parvenus jusqu a toi.

Les paroles de Rabbin Hanina s’imprégnèrent dans le coeur du père et, la même année, il retourna à Jérusalem et y resta jusqu’à la fin de sa vie.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965-page 95

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

contes populaires

LA PRIERE SILENCIEUSE

Le Rabbin Hayim Ben-Attar avait l’habitude de voyager dans tout le Maroc, mais il s’efforçait toujours de passer le Sabbat dans sa maison.

Au cours de l’un de ses voyages il lui arriva des choses im­prévues et le jour du vendredi il était encore très loin de sa ville et de sa maison. Le coeur lourd, il dut se résigner à rester tout seul en plein champ entre deux endroits.

Le matin du jour du Sabbat, il contempla le paysage et vit un jeune berger qui se plia en deux, puis se mit sur la tête et exécuta des mouvements bizarres. C’est de cette manière que le jeune garçon priait et communiquait avec son Père qui était au ciel.

Beaucoup plus tard, le Rabbin Hayim raconta cette petite aventure à ses disciples et il ajouta: “Je fus empêché de rentrer chez moi ce samedi pour que j’observe et voie comment ce jeune berger prie dans la nature dans un silence complet et sans pro­noncer une parole.”

33.

LE RABBIN HAYIM BEN-ATTAR PUNIT UN MECHANT

A Salé, la ville où vécut le Rabbin Hayim Ben-Attar, auteur de “La Lumière de la Vie”, vivait un érudit qui connaissait à fond les sept sciences, mais qui était foncièrement méchant. Cet hom­me fit de son mieux pour détourner les jeunes Juifs du droit chemin.

Les disciples du Rabbin Hayim vinrent trouver leur maître et lui dirent: “Cet homme méchant est rempli de savoir, comme une grenade est remplie de graines et toi, notre maître, tu te tais et tu ne fais rien contre lui.”

Le Rabbin Hayim prononça une formule sacrée et le méchant homme s’adonna à la boisson, se traîna ivre dans les rues et les habitants de la ville avaient honte de le fréquenter.

Et le Rabbin Hayim disait: “La science ne peut demeurer dans une âme méchante.”

 

34.

COMMENT LA FAMILLE SASSON A ACQUIS SES RICHESSES

La famille Sasson est très riche et ses membres sont dispersés dans le monde entier. Au Maroc également se trouve une branche respectée de cette famille.

On se raconte chez nous que le chef de la famille Saïd Sasson était pauvre et malheureux et n’avait ni pain à manger, ni vête­ments à se mettre. Il errait à travers le pays et colportait des marchandises mais ses revenus étaient minimes. Mais il craignait Dieu et lorsqu’il marchait sur les routes, il chantait des psaumes.

Une nuit, il récita des psaumes et lorsqu’il prononça le verset: “Du fond de l’abîme je t’invoque”, il vit un homme dont la face rayonnait d’une lumière très claire, s’approcher de lui. Et l’homme lui dit: “Je te remets une pierre magique qui t’offre deux possibilités. Tu peux, avec son aide, acquérir la sagesse et toi et les générations que tu engendreras serez de grands sages. Mais, si tu le préfères, elle peut te donner la for­tune à toi et à tous les membres de ta famille, de nombreuses générations durant.

Saïd lui dit: “Confie moi la pierre et au bout de trois jours et de trois nuits, je prendrai ma décision.”

Saïd toucha la pierre et la grâce de Dieu descendit sur lui.

Il décida de suite de poser une question dans un rêve et dans son sommeil il se vit lui-même dans un magnifique château où ses yeux étaient aveuglés par l’or et l’argent.

L’homme comprit que le ciel voulait qu’il choisît la pierre de la fortune et il suivit ce conseil.

C’est la raison pour laquelle la famille Sasson est très riche et qu’il y a également parmi ses membres de grands érudits. L’un des membres les plus célèbres de la famille est une femme, Farha Sasson, qui collectionna des livres et fonda de nombreuses yechivoth en Erets-Israel et surtout à Jérusalem.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965-page 98

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965- La fin lamentable du cherif ennemi des juifs

contes populaires

LA FIN LAMENTABLE DU CHERIF ENNEMI DES JUIFS

Il fut un temps où des fonctionnaires du royaume administraient les villes du Maroc. Et dans la ville Casba Tadla régnait un prince musulman, qui avait des pouvoirs illimités. Le prince appli­quait une politique favorable aux Juifs et il demanda même au rabbin de la ville, un savant célèbre, de lui servir de con­seiller pour les questions administratives. Le prince accepta sou­vent les conseils du rabbin et il avait beaucoup d’estime pour lui.

Mais dans la ville Casba Tadla habitait aussi un chérif très fanatique, musulman orthodoxe, qui haïssait les Juifs et qui con­naissait les secrets de la magie. Ce chérif était très aimé de la populace, qui avait en lui une confiance aveugle. Beaucoup de gens étaient persuadés qu’il savait faire des miracles et qu’il avait le pouvoir de monter au ciel, chaque fois que cela lui plaisait. Les hommes simples croyaient que chaque fois qu’il montait au ciel, il y ramassait de l’argent et des pierres précieuses qu’à son retour sur terre, il distribuait parmi ceux qu’il aimait. Le prince se vit obligé de tenir compte de l’influence extraordi­naire du chérif et s’efforçait de le flatter et d’entretenir avec lui, des relations amicales.

Un jour le prince décida de nommer le chérif ministre, afin que tous ceux qui le suivaient sympathisent avec le gouverne­ment. Il envoya son serviteur fidèle chez le chérif pour l’inviter à une réception au palais. Mais le chérif refusa l’invitation. Dans sa réponse, il écrivit: “Prince vénéré et chef des croyants! Je ne peux venir dans ton palais, aussi longtemps que le chien juif est assis près de toi et aussi longtemps que toi, le Musulman, tu acceptes ses conseils. Ce n’est que quand tu auras renvoyé le Juif que j’accepterai ton invitation et que je viendrai dans ton palais.”

Le prince dépêcha un deuxième émissaire et invita le chérif à une entrevue en tête-à-tête. Cette fois-ci le chérif accepta l’in­vitation et se rendit au palais. Au cours de son entretien avec le prince, le chérif continua à insulter le rabbin. “Comment puis-je souffrir la présence de ce Juif dans ta demeure, mon prince, et continuer à lire ce qui est écrit dans le saint Coran? Je suis un croyant fervent et je suis à la lettre l’enseignement du prophète Mahomet et de sa fille Fatima la magnifique; je ne veux pas et ne peux pas prier en la présence d’un mécréant.”

Le prince lui répondit: “Le vénérable Juif qui est le rabbin de la communauté juive de la ville n’a rien fait qui m’autoriserait à l’offenser publiquement après tant d’années de services fidèles. Dis-moi ce que je puis faire pour arranger cette chose d’une manière moins blessante.”

Le chérif proposa ce qui suit: “Lorsque j’entrerai dans la salle des séances et que je verrai le Juif installé à sa place habituelle, je lui dirai: ‘La malédiction d’Allah sur toi, Juif!’ Le rabbin comprendra alors que ce n’est pas toi qui le renvoie, mais moi.” Le prince accepta cette proposition et le lendemain matin, le chérif se rendit au château et entra dans la salle des séances où étaient réunis les ministres du Conseil d’Etat et où le rabbin occupait sa place habituelle. Le chérif dit au rabbin: “La malé­diction d’Allah sur toi, Juif! Fiche le camp d’ici!”

Le rabbin considéra ces paroles comme un affront personnel et comme une insulte à la communauté qu’il représentait. Il se leva et dit: “Je ne puis accepter cette insulte grossière et je prends congé de vous tous.” Et il quitta le palais, furieux.

Le rabbin ne ferma pas l’oeil de la nuit, car de nombreuses questions le préoccupaient: comment pourrait-il se débarrasser de ce méchant homme, qui avait gagné les faveurs du prince et comment le punir? Cet ennemi des Juifs était assoiffé de ven­geance et pourrait faire beaucoup de mal à la communauté de Casba Tadla et à tous les Juifs vivant au Maroc. Le rabbin décida de convoquer tous les hommes de bonne volonté de la ville à une réunion spéciale et surtout les marchands et les bijou­tiers. Car les Juifs de la ville s’adonnaient surtout au commerce des bijoux et parmi les bijoutiers il y avait des artisans, qui con­naissaient leur métier à la perfection.

Le rabbin informa tous les assistants de ce qui s’était passé: “Le chérif magicien est admis à la cour du roi et peut nous faire beaucoup de mal. Nous devons agir pendant qu’il en est encore temps.” Et le rabbin pria tous les assistants de le soutenir comme un seul homme dans toutes les actions qu’il entrepren­drait.

Les notables réunis promirent au rabbin de suivre toutes ses instructions. Il fit venir le Rabbin Yihya, un bijoutier qui était célèbre dans tout le Maroc pour son habileté professionnelle et le pria de confectionner une paire de boucles d’oreilles garnies de pierres précieuses d’une beauté extraordinaire, comme on n’en avait jamais vues dans le pays. Il le pria également de ne jamais faire des boucles d’oreilles semblables et de ne jamais vendre cette paire, même si on lui offrait en échange tout l’or du monde.

Après plusieurs jours de travail acharné, le Rabbin Yihya le bijoutier, remit au rabbin de la communauté une paire de boucles d’oreilles d’une beauté extraordinaire, aux couleurs magni­fiques, garnies de pierres précieuses dont l’éclat aveuglait les yeux. Jamais auparavant on n’avait vu des boucles d’oreilles aussi élégantes, aussi belles et garnies de diamants aussi précieux. Le rabbin mit l’une des boucles d’oreilles dans un écrin de cristal et demanda une audience chez le prince. Arrivé au palais, il s’inclina devant l’homme qui régnait sur la ville et lui dit: “Prince puissant, dont la gloire s’étend sur tout le monde! De nombreuses années durant je t’ai servi fidèlement et je regrette d’avoir été obligé, contre ma volonté, de quitter la place que j’ai occupée près de toi. Je suis parti subitement, sans te remercier de tout ce que tu as fait pour moi. (Ce n’est qu’aujourd’hui que je puis l’exprimer ma reconnaissance par un modeste cadeau. Dans cet ecrin de cristal tu trouveras une boucle d’oreille ornée de pierres précieuses et ton épouse, dont la beauté est célèbre, l’aimera, je l’espère.” Et le rabbin remit l’écrin au prince et prit congé de lui.

La princesse fut éblouie par la beauté du bijou magnifique et le montra à toutes les femmes de la cour. Elle était persuadée que son mari avait aussi la deuxième boucle et qu’aux prochaines réceptions et fêtes, elle pourrait les mettre et provoquer l’envie de toutes les femmes. Elle demanda donc au prince de lui re­mettre également la deuxième boucle. Le prince fit cette réfle­xion: “Le chérif est un homme qui sait tout faire; il monte au ciel et en rapporte de l’argent, de l’or et des pierres précieuses. Il ne refusera pas d’apporter pour moi la deuxième boucle d’oreille, si je lui en fais la demande.”

Le prince appela le chérif et lui raconta comment il avait obtenu la boucle. Puis il dit: “Mon épouse m’a demandé de lui procurer la deuxième boucle et si je ne la lui trouve pas, elle sera mal disposée à mon égard.”

Le chérif ne pouvait pas refuser ce service et il promit au prince de lui procurer le bijou dans un délai d’un mois.

Le rabbin savait que le chérif n’avait aucun pouvoir magique et qu’en fin de compte il viendrait chez lui pour lui demander le bijou qu’il s’était engagé à fournir. Et alors il savait ce qu’il aurait à faire.

Après une semaine d’attente, au milieu de la nuit, le chérif se rendit chez le rabbin, qui avait posté quatre jeunes gens forts et courageux dans le corridor de sa maison. Il leur avait donné l’ordre d’infliger une correction au chérif dès qu’il passerait le seuil de la maison. Le rabbin leur avait ordonné: “Préparez des bâtons souples, mettez-les dans une solution de vinaigre, puis servez-vous en pour administrer chacun trois coups au chérif.” Et les choses se passèrent effectivement ainsi.

Quand l’ennemi des Juifs franchit le seuil de la porte, les jeunes gens le rouèrent de coups et tout le quartier retentit de ses cris. Lorsque le rabbin entendit les cris, il sortit de sa chambre et voyant le chérif humilié, étendu par terre, il lui dit: “Je te salue, mon grand ami! Que fais-tu dans la maison de ce chien de Juif? Je regrette infiniment que les gardiens de ma maison ne t’aient pas reconnu. Tu es venu à une heure inhabituelle et tu ne portais pas tes vêtements magnifiques — tu es venu comme un voleur qui ne veut pas qu’on s’aperçoive de sa présence. Je te demande mille fois pardon. Si tu veux bien, dis-moi pourquoi tu t’es déguisé et pourquoi tu es venu en personne, dans ma modeste demeure.”

Le chérif se fit à lui-même cette réflexion: “Mon coeur se réjouit déjà à l’idée de la satisfaction que j’éprouverai en me vengeant de ce Juif et de sa race après que j’aurai obtenu le bijou qui se trouve encore en sa possession. Son corps, pendu à un grand arbre, témoignera de ma victoire.”

S’adressant au rabbin, il dit: “Bonjour, honorable rabbin, je suis venu te demander une faveur.”

Le rabbin fit entrer le chérif dans sa maison et il lui offrit un verre d’une liqueur très alcoolisée. Le chérif en but un verre, puis un deuxième et un troisième. Il s’approcha du rabbin et lui dit: “Cet idiot de prince, nous le savons tous, est l’esclave de sa femme. Or la princesse désire vivement posséder une boucle d’oreille qui fasse la paire avec celle que tu as offerte en cadeau au prince. Je suis persuadé que tu possèdes cette boucle parmi tes bijoux et je suis prêt à te payer une grande somme d’argent pour cette pièce. Quant au prince, ce mécréant, il connaîtra encore ma puissance, car il ne détiendra plus longtemps le pou­voir. Mais en attendant, je dois le flatter et obtenir la confiance de la princesse.”

En entendant ces paroles du chérif ivre, le rabbin comprit que celui-ci avait l’intention de déclencher une révolte contre le ré­gime du prince. Il lui dit: “Mon cher, je demanderai à l’un de nos bijoutiers de confectionner, pour toi, une boucle d’oreille qui ressemblera en tout point à celle qui se trouve en possession de la princesse. Mais je te prie de me dire comment tu veux t’y prendre pour renverser le régime au pouvoir. Dans trois jours, tu peux m’apporter l’argent pour la boucle que je t’ai promise.

Mais viens seul et à minuit, quand tout le monde dort déjà — tu m’expliqueras alors ton plan d’action.”

Le lendemain matin, le rabbin se rendit chez le prince et l’in­forma de ce que lui avait dit le chérif: “Si tu veux avoir la certitude, mon prince, que je dis la vérité, envoie, je te prie, ton homme de confiance dans ma maison à l’heure de mon rendez- vous avec le chérif. Je le cacherai dans la chambre adjacente et il verra à travers une fente comment le chérif, qui prétend être si pieux, boit de l’alcool et comment il se moque de toi. Il pren­dra également connaissance des plans du chérif pour obtenir que le peuple se révolte contre toi. Je propose que ton homme de confiance vienne muni d’un carnet où il puisse inscrire chaque mot que prononcera le chérif. Tu pourras alors te rendre compte, mon prince, qui sont tes serviteurs fidèles et quels sont ceux qui agissent pour ton bien.”

Le jour et à l’heure convenus, l’homme de confiance du prince vit le chérif boire de l’alcool dans la maison du rabbin. Quand l’hôte du rabbin fut pris de boisson, il commença à insulter le prin­ce et son épouse, et à raconter qu’il incitait les masses pour qu’elles se révoltent contre le régime au pouvoir. L’envoyé du prince nota chaque parole dans son carnet. A la fin de la visite le rabbin remit au chérif la boucle d’oreille que celui-ci était venu chercher.

Quelques jours après ces événements le prince donna une grande réception à laquelle assistèrent, comme d’habitude, le chérif, le Grand Vizir, tous les ministres et juges. A un moment donné, le prince demanda le silence et pria son secrétaire de lire ce que le chérif avait dit après s’être enivré dans la maison du rabbin. C’est ainsi que tous les notables et hommes d’Etat présents prirent connaissance des paroles révoltantes qu’avait pro­noncées le chérif et tous se rendirent compte que c’était un ivro­gne et un scélérat.

Le chérif fut immédiatement arrêté et jugé sur place. Il fut condamné à mort et le verdict précisait qu’il devait être pendu au plus grand arbre de la place centrale, en présence de tous les habitants, puis son corps devait être incinéré.

En apprenant ces nouvelles, les Juifs de Casba Tadla furent au comble de la joie; ils organisèrent une grande fête au cours de laquelle leur rabbin vénéré prit la parole et dit: “Le chérif a péri dans la mer de ses péchés, comme il est écrit: ‘Le juste est délivré de la détresse et le méchant prend sa place.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965 La fin lamentable du cherif ennemi des juifs

 

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965- Le mechant sultan et le sage rabbin

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Le mechant sultan et le sage rabbin

A l’époque où régnait le méchant sultan El Kahil, la sainte fonction de rabbin de la ville de Casba Tadla était remplit par le Rabbin Yihya Ben-Yihya qu’on avait appelé d’Erets-Israël. Avant qu’il ne fût nommé rabbin de la ville, il remplissait les fonctions de membre du Conseil général des Juifs de Magreb (Afrique du Nord) en Erets-Israel. En cette qualité, il allait de ville en ville pour ramasser de l’argent à l’intention des érudits de la Tora.

Le sultan El Kahil était un coureur de filles et un jour, en visitant le Mellah, il vit une femme juive d’une beauté extra­ordinaire. Comme il la désirait vivement, il l’enleva et l’entraîna, malgré sa résistance, jusqu’à son château.

Le sultan était un homme très cruel et la femme savait que si elle s’opposait à ses désirs, il la mettrait à mort. Mais il ne se contenta pas de déshonorer cette femme: après en avoir abusé pendant un certain temps, il se fatigua d’elle, la renvoya et se mit à la recherche d’autres femmes pour satisfaire ses sens.

Avant de quitter le palais de son séducteur, la femme demanda à celui-ci une seule faveur: “Seul un rabbin, dit-elle, peut me purifier de mes péchés et c’est pour cette raison que je désire devenir la femme du rabbin Yihya Ben-Yihya.” Le sultan jura sur la barbe du prophète Mahomet qu’il lui accorderait cette faveur.

Le lendemain, il fit venir à lui le rabbin Yihya et lui dit:

“J’ai une petite faveur à te demander et je te prie de ne pas me la refuser.”

Le rabbin lui promit de faire ce qu’il lui demanderait si cela était en son pouvoir, mais lorsqu’il apprit en quoi consistait cette “petite faveur”, il fut saisi de frayeur. Il savait que s’il ne don­nerait pas satisfaction au sultan il serait sévèrement puni et que tous les membres de sa communauté auraient également à souffrir de son refus. Mais comment donner suite à une telle demande qui était en contradiction avec les prinscriptions de la sainte Tora? Il est vrai que nos sages, bénie soit leur mémoire, ont dit: “Res­pecte les lois de ton pays” [Baba Kama 113-1.] mais ici il s’agissait d’un péché au sujet duquel il est écrit: “Ne transgresse pas, même au risque de ta vie”.[ Passahim 25-2.

Le rabbin savait que plutôt que de se soumettre à la volonté du sultan, il devait rejoindre les nombreux martyrs qui avaient été tués par les rois cruels du Maroc parce qu’ils avaient refusé de déshonorer le nom de Dieu.

Le sultan entra dans une grande fureur lorsque le rabbin lui dit qu’il ne pouvait épouser cette femme et il le condamna à mort par pendaison. Il ordonna également de faire couper en mor­ceaux le corps du sage rabbin et de l’enterrer dans le cimetière musulman. Il fit garder la tombe jour et nuit pour que les Juifs ne s’emparent pas du corps du rabbin, afin de le réenterrer au cimetière juif.

La nuit après l’enterrement, une grande flamme descendit du ciel et entoura la tombe du juste. Le lendemain matin, les gardiens s’aperçurent que les restes des Musulmans enterrés dans le voisi­nage de la tombe du rabbin étaient dispersés sur tout le cimetière. Le même jour, le sultan tomba par terre et toute la partie infé­rieure de son corps était paralysée. Ses esclaves l’étendirent sur son lit, car il était incapable de faire le moindre mouvement.

Le sultan, pris de terreur, fit appeler les notables juifs et les médecins les plus célèbres qui étaient juifs, eux aussi, et les pria de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour le guérir. Les Juifs lui répondirent: “Nous ne pouvons pas te guérir à moins que tu te rendes sur la tombe du rabbin pour lui demander pardon pour tout le mal que tu lui as fait. Ce n’est que si tu regrettes sincèrement tes actes et si tu promets de bien te conduire à l’avenir à l’égard des Juifs, que le rabbin pourra te pardonner et alors tu recouvriras la santé.”

Le tyran se fit porter au cimetière et, étendu devant la tombe du rabbin, il jura d’être juste à l’égard des Juifs. Toute la com­munauté pria alors Dieu de rendre la santé au sultan et après un certain temps, celui-ci se leva de son lit, guéri.

La nuit après la guérison du sultan, plusieurs personnes de la famille du rabbin Yihya Ben-Yihya virent celui-ci en rêve. Il leur dit: “Ne transférez pas mes restes du cimetière musulman au cimetière juif, car ils ne se trouvent plus là-bas. Que tous les Juifs viennent prier à l’endroit situé entre les deux rochers près du “Pont des Portugais”, car c’est là le lieu de mon repos éternel. Mon âme planera jusqu’à la fin des temps au-dessus du Mellah de la ville.

Les Juifs firent construire à l’endroit indiqué une maison qui sert jusqu’à ce jour de synagogue. Les Juifs de tout le Maroc viennent y prier et implorer le sage rabbin qui est mort en sanc­tifiant le nom de Dieu, de leur accorder des faveurs.

Yaacov Alone (narrateur; textes Nos 35 et 36) : Est né, en 1927, à Casba-Tadla dans les montagnes du Moyen Atlas. Son père (Yehouda) qui comptait parmi les notables de la communauté, exerçait la pro­fession de bijoutier. La famille Alone comptait, parmi ses membres, un nombre assez important de fonctionnaires communautaires de plusieurs Kehiloth du Maroc. Yaacov a étudié au héder et à l’Ecole de l’Al­liance, où il fut élève du rabbin de la communauté, Yehouda Aboutboul. Après avoir terminé l’école, Yaacov s’établit à Casablanca, où il poursuivit ses études pendant un an et demi jusqu’à ce que l’éta­blissement dont il suivait les cours fut fermé sur l’ordre des auto­rités de Vichy, en 1942.

En 1948, il décida de s’établir en Israël et il liquida ses affaires. Après un séjour de plusieurs mois en France, il arriva en Israël, en octobre 1948. Il s’engagea dans l’Armée de Défense d’Israël et fut libéré en novembre 1949. En 1951, il se maria et s’établit à Achkélone, où il exerce, depuis 1955, les fonctions de contrôleur des im­pôts.

Depuis son arrivée à Achkélone, Yaacov s’adonne à plusieurs acti­vités publiques et est notamment membre de plusieurs comités s’oc­cupant de l’intégration d’immigrants et directeur de la section d’Achkélone de la Fédération des Immigrants d’Afrique du Nord en Israël. Yaacov, dans ses discours publics et au cours de discussions, aime à expliquer et à illustrer son point de vue par des anecdotes et des his­toires qu’il a entendues durant son enfance. Plusieurs d’entre elles ont été enregistrées par Zalman Baharav.

Kalinkovitchi, Pologne, en 1902. Son père, Dov Ber, tenait un bistrot. Zalman a étudié au héder, puis dans une école fondée par Zalman Epstein (Nahoum Ha-Elkochi), qui fut la première insti­tution éducative de la Diaspora où on enseigna l,hébreu par la méthode directe.

Au cours de la Première Guerre mondiale, Zalman étudiait à la Yechiva “Vida” à Elisabetgrad. Au commencement de la révolution, il entra au mouvement “Tseïré Tsiyone” et en 1922, l’organisation “Hé-halouts” l’envoie dans une ferme d’entraînement et c’est avec une partie de ce groupe qu’il arrive en Erets-Israël. En 1923, il est envoyé au Kibouts Tel Hai, en Haute-Galilée où il plante des arbres et garde les moutons. Trois ans plus tard, il se fixe à Jérusalem et participa aux excavations organisées par l’Université Hébraïque. Après les troubles de 1929 et la destruction de Beer Touvia, il participa aux travaux de reconstruction de ce mochav dont il devint membre en 1931.

Après l’établissement de l’Etat, quand les premières grandes vagues d’immigrants arrivèrent en Israël, il rejoint l’organisation “Chahal” dont les membres se rendirent dans le sud et dans le Néguev pour venir à l’aide des nouveaux immigrants. En 1950, il est instructeur agricole, puis il s’occupe de l’intégration d’immigrants à Achkélone. Depuis quelques années, il consacre une grande partie de son énergie et de son temps à des activités en relation avec la culture et la litté­rature populaire des immigrants des différentes communautés. Il a enregistré de nombreux contes populaires racontés par des habitants d’Achkélone qu’il connaît bien. Aux Archives se trouvent 122 his­toires enregistrées par lui, la plupart racontées par des membres des communautés orientales vivant aujourd’hui à Achkélone.

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  Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965- LE CHEIKH DE SUIRA ET LE RABBIN HAYIM PINTO

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37.

LE CHEIKH DE SUIRA ET LE RABBIN HAYIM PINTO

Le rabbin Hayim Pinto fut le berger fidèle de la communauté juive de la ville de Suira. Ce fut un homme aux manières mo­destes, le plus grand sage de son époque, un homme qui, par son comportement, était un modèle pour tous. Toutes les paroles qu’il prononçait servaient la vérité et la justice et ceux qui essayaient de porter atteinte à son honneur, étaient punis par le ciel.

Un jour, le rabbin rencontra dans la rue le cheikh arabe qui régnait sur la ville. Lorsqu’il vit le rabbin, dans sa longue robe, il se mit en colère, appela l’un de ses serviteurs et lui dit: “Va dire au rabbin que je ne veux plus le voir dans sa tenue spéciale. Si je le vois encore une fois ainsi, je le ferais mettre en prison.” En rentrant chez lui, dans le quartier juif, le rabbin Pinto se dit: “Comment ferai-je pour obliger cet homme à respecter la religion des Juifs? Je dois lui donner une leçon dont il se sou­viendra jusqu’à la fin de ses jours. Il doit être puni et il faut qu’il vienne chez moi pour se faire pardonner son arrogance.” Le soir du même jour, le cheikh, après avoir fait un bon repas dans son palais, se retira dans sa chambre à coucher. Comme tous les soirs il fuma son narghilé, se déshabilla et se mit au lit. Mais quand il s’apprêtait à s’endormir, des esprits vinrent l’importuner -— ils lui enlevèrent sa chemise de nuit, fouettèrent son corps nu et disparurent.

Le cheikh se tourna et se retourna dans son lit et son corps lui faisait tellement mal qu’il ne put s’endormir jusqu’à minuit. Il appela ses sénateurs et ceux-ci constatèrent que leur maître avait des plaies saignantes. Et dans toute la ville on ne trouva pas de médecin capable de guérir ses blessures. Mais le fait que les ser­viteurs du cheikh ne savaient pas qui l’avait frappé et comment ceux qui l’avaient blessé étaient entré dans sa chambre, avait pro­voqué un grand étonnement général.

La nuit d’après, la même scène se répéta dans la chambre du cheikh, mais, cette fois-ci, ses douleurs étaient plus grandes encore, car les blessures de la veille n’étaient pas encore guéries.

Le lendemain, le cheikh fit venir tous les médecins et tous les magiciens de sa ville, mais ni les uns, ni les autres ne purent mettre fin à ses souffrances. Il fit alors appeler le pacha (chef religieux des chérifs et guide spirituel de la communauté) qui, en voyant le maître de la ville étendu sur son lit, lui demanda: “Que t’arrive-t-il, comment as-tu été blessé? Et pourquoi?”

Le cheikh ne savait que répondre. Il savait que des esprits ve­naient l’attaquer, mais il ignorait pourquoi.

Le pacha interrogea alors le cheikh sur ses activités au cours des derniers jours: “As-tu fait du mal à quelqu’un? As-tu insulté un homme?”

Le cheikh répondit: “Je n’ai fait de mal à personne. Il est vrai qu’avant-hier j’ai rencontré un Juif habillé d’une longue robe. Je me suis fâché contre lui, parce qu’il se montrait dans une tenue particulière dans une ville musulmane et je lui ai donné l’ordre de ne plus se promener dans cette tenue. Je l’ai également menacé de le faire jeter en prison, si je le voyais encore une fois habillé de cette manière.”

Le chef des chérifs dit alors au cheikh: “Tu as eu le malheur d’insulter le sage Hayim Pinto et tu subis maintenant les con­séquences de cet acte. Tu ne pourras mettre fin à la punition qu’en demandant pardon au sage Juif. Remets-moi un cadeau pour le Juif. J’essayerai de l’apaiser et d’obtenir qu’il te pardonne.”

Le cheikh ouvrit son coffre-fort et en sortit un petit sac con­tenant 300 réals et des billets signés par le pacha. Avec cette somme le pacha acheta huit coqs gras, un mouton et plusieurs bouteilles de vin; puis il alla chez le rabbin, déposa les cadeaux devant la maison et frappa à la porte.

La servante du rabbin entendit la voix du pacha qui deman­dait à être admis dans la maison du rabbin. Elle lui demanda: “Que viens-tu faire ici.”

“Je demande à être reçu par le rabbin Hayim,” dit l’homme qui remplissait une des plus hautes fonctions dans la ville.

Le rabbin dit à sa servante: “Va dire au chef des chérifs que je n’ai pas l’habitude d’accepter de cadeaux. Qu’il reprenne tout ce qu’il m’a apporté et le rende au cheikh et je promets à celui-ci que les esprits ne viendront pas l’importuner cette nuit, car je leur demanderai d’avoir pitié de lui.”

Le pacha était fort étonné que le rabbin sache qu’il était venu et qu’il lui avait apporté des cadeaux. Il retourna au palais et passa toute la soirée près du lit du cheikh. Il raconta à celui-ci ce que le sage rabbin Pinto avait fait en faveur des deux com­munautés de la ville, juive et musulmane. Le cheikh demanda alors qu’on inscrive en grandes lettres sur les portes de la ville ce texte: “Celui qui porte atteinte à l’honneur du rabbin Hayim Pinto sera jugé comme s’il avait porté atteinte à l’honneur du cheikh de la ville, car le cheikh a éprouvé sur son corps le pou­voir du rabbin.”

Tous les habitants de Suira lurent le texte inscrit sur les portes de la ville et la recommandation du cheikh s’inscrivit dans leur mémoire.

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965 LE CHEIKH DE SUIRA ET LE RABBIN HAYIM PINTO

 

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Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965Le Rabbin Hayim Pinto et les colporteures de Suira

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LE RABBIN HAYIM PINTO ET LES COLPORTEURS DE SUIRA

Quand le fils du cheikh de Suira se maria, celui-ci offrit un grand dîner en l’honneur de l’événement. Les colporteurs de la ville décidèrent d’apporter des cadeaux dans le palais du cheikh. Chacun d’eux fit l’acquisition d’une grosse dinde et, portant l’animal sur le dos, ils se rendirent ensemble, en procession joyeuse, au palais du cheikh. Ils se mirent en route à midi et il faisait très chaud. Subitement, les colporteurs aperçurent Hayim Pinto, le rabbin de la ville, qui avançait à l’ombre des maisons. Ils le bous­culèrent en s’écriant: “Avance de ce côté-là, sale Juif qui empeste l’air de notre sainte ville. Ne t’approche pas trop des maisons des croyants, qui servent Allah et son prophète Mahomet.”

Le rabbin jeta un coup d’oeil sur les animaux que ces hommes portaient sur le dos et toutes les dindes crevèrent immédiatement. A la même heure, le cheikh sortit dans la rue et il vit les colpor­teurs portant sur le dos des dindes crevées. Il les frappa de son fouet et ils lui racontèrent ce qui s’était passé. Le cheikh s’age­nouilla devant le rabbin et lui demanda pardon. Le rabbin lui dit qu’il ne devait pas se faire de souci: “Fais porter les dindes à l’abattoir pour que le choheth juif les tue selon la loi juive et ne frappe pas ces gens, car comme tu peux t’en apercevoir les dindes sont bien en vie à présent.”

Le cheikh fit ce que le rabbin lui avait dit et depuis ce jour le rabbin fut honoré par tous et bien entendu toute la commu­nauté juive de la ville en profita.

 

LA BONTE DES HABITANTS DE SUIRA

Dans la période qui se situe entre les fêtes de Pourim et de Pessah, le rabbin Hayim Pinto avait l’habitude de s’asseoir devant les portes de la ville de Suira, et de demander à chaque Juif qui passait de faire un don pour que tous les Juifs pauvres de la ville aient des matsoth pour Pessah.

Quatre jours avant la fête de Pessah, un Juif riche mais très avare, passa devant le rabbin. Celui-ci lui demanda de faire un don de 5 réals d’or pour les pauvres, mais malgré les insistances du rabbin, l’homme refusa de donner l’argent.

Le rabbin dit alors à son serviteur : “Suis cet avare sans coeur et lorsqu’il entrera dans sa maison, tu y entreras également et tu prononceras trois fois la prière “Ecoute Israël”, puis tu quitteras la maison.”

Le serviteur fit ce que le rabbin lui avait dit et, au moment où il quitta la maison du riche, celui-ci mourut. A l’enterrement de l’avare, le rabbin Pinto prononça une oraison funèbre au cours de laquelle il dit: “Je savais que cet homme devait mourir. Et je lui ai demandé une obole pour lui offrir l’occasion de racheter sa vie par une bonne action. Mais il refusa de faire le moindre sacrifice et il mourut. Tous les Juifs doivent accomplir de bonnes oeuvres et soutenir les pauvres pour qu’ils vivent long­temps et heureux.”

Les Juifs de Suira prirent bonne note des paroles du Rabbin Pinto et se montrèrent généreux envers les pauvres de sorte qu’on disait d’eux dans tout le Maroc: “Les Juifs de Suira sont des hommes généreux, descendants d’hommes généreux.”

Chimone (ben Yitshac ben Mahlouf ben Avraham) Ouaknine (narrateur; textes Nos. 37 à 39) ; né en 1915 à Talouat, près de Marrakech, rési­dence du fameux Pacha Galaoui, héros de nombreuses légendes et connu comme un grand ami du peuple juif. La famille possédait un grand atelier pour la confection de selles et d’attelages en cuir et four­nissait ses articles, qui étaient de qualité réputée, au sultan. Yitshac le père de Chimone, est aujourd’hui âgé de 90 ans, et habite chez son fils.

En 1925, la famille s’établit à Marrakech pour permettre aux fils de suivre les cours d’une école française.

Après l’établissement de l’Etat d’Israël, Chimone qui était en con­tact avec des émissaires d’Erets-Israël, transporta, dans son camion, des communautés juives entières à différents ports du Maroc où elles s’embarquèrent pour Israël. En 1954, il fut arrêté par la police se­crète du Maroc et des Arabes fanatiques brûlèrent son camion et tout ce qu’il possédait. Deux ans plus tard, il émigra en Israël et s’établit à Achkélone.

Chimone consacre une grande partie de son temps à des activités en faveur de la communauté nord-africaine; il suit des cours et des séminaires pour compléter son éducation et élargir ses connaissances. De nombreux amis et connaissances se réunissent souvent chez lui pour l’écouter raconter des histoires sur sa vie, les rabbins et les communautés juives du Maroc.

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COMMENT LES MARANNES D’ESPAGNE ARRIVERENT EN ALGERIE

Cela s’est passé à l’époque de l’Inquisition. De nombreux Marannes peuplaient la prison centrale d’Espagne et les prêtres au service de 1 Inquisition, les gardaient.

Dans cette prison, les reclus se mirent à creuser un long tunnel souterrain et Dieu les aida dans leur entreprise – tous les prisonniers réussirent à s’échapper. Ils arrivèrent jusqu’au port où ils furent aides par des amis. Ils louèrent un bateau qui les trans­porta jusqu’à la côte de l’Algérie.

L'ambassadeur de Turquie qui régnait alors sur l’Algérie au nom du sultan de Constantinople, était en train de prier à la mosquee, à l’heure où arriva le bateau des Marannes. Parmi ces derniers se trouvaient de nombreux ducs et comtes et deux d’entre eux, Harchorech et Arivas — étaient de grands érudits.

Les réfugiés avaient à peine eu le temps de descendre du ba­teau quand surgirent des bateaux de guerre espagnols qui avaient poursuivi 1’embarcation des Marannes. L’ambassadeur de Tur­quie reçut une délégation d’Espagnols, qui lui demandèrent d’arreter les fugitifs. “Ces hommes, déclarèrent-ils, sont des sujets espagnols qui se sont soulevés contre leur roi.” Ils insistèrent qu’on, leur livre en premier lieu Harchorech et Arivas qui se trouvaient a la tete des rebelles.

L’ambassadeur dit aux membres de la délégation: “La marine militaire de votre pays est grande et puissante. Envoyez tous vos bateaux pour ramener les Juifs.”

Lorsque les bateaux espagnols se trouvèrent en haute mer, l’am­bassadeur fit monter Harchorech et Arivas sur une embarca­tion spéciale, placée sous les ordres d’un capitaine habile et expé­rimente. Celui-ci avait reçu l’ordre de remettre les deux hommes aux Espagnols à bord de l’un de leurs bateaux. Les deux notables juifs Prirent avec eux un tuyau et quand leur embarcation s’ap­procha du bateau espagnol, ils le jetèrent à la mer. Une tempête se déchaîna immédiatement et les bateaux des espagnols sombrè­rent avec leurs équipages et leurs armes.

Les sages Harchorech et Arivas réussirent à gagner la côte et s’établirent à Alger. Les Juifs de ce pays leur donnèrent le surnom de “Sages de la Sidra”. Ceux-ci fondèrent des yechivoth et en­seignèrent la Tor a dans toute l’Algérie.

41.

”JUDA EST PAREIL A UN JEUNE LION”

Voici ce qui arriva à rabbi Eliezer Davila, qui ne respectait pas les sages. L'n jour, à la synagogue, il jeta un regard sur les notes de rabbi Yehouda Ben-Attar. Il trouva l’une des phrases, qu’il y lisait, contraire à ses opinions et dans un geste de mépris il jeta le livre par terre.

Lorsqu’il se redressa, il vit devant lui un lion rugissant. Rabbi Eliezer éclata en sanglots et demanda à Dieu d’avoir pitié de lui. Au bout d’une heure, le lion s’en alla. Rabbi Eliezer courut alors au marché et se mit à crier: “Serviteurs de l’Etemel, avez-vous vu le lion terrible?”

On lui répondit: “Nous n’avons rien vu.”

Rabbi Eliezer alla alors chez sa mère et lui raconta ce qui lui était arrivé. Sa mère lui dit: “As-tu porté atteinte à l’honneur d’un sage? Va à la synagogue et regarde ce qui est écrit à l’en­droit où tu étais assis.”

Rabbi Eliezer se rendit à la synagogue et à l’endroit même où il avait lu les notes de rabbi Yehouda Ben-Attar, il vit l’inscrip­tion: “Juda est pareil à un jeune lion”.

Yehouda Sabbah (narrateur; texte No. 41) ; né à Rabat, Yehouda Sabbah, est âgé d’environ 70 ans; il est le fils de feu Rabbi David Sabbah qui était Dayane à Rabat. Dans sa ville d’origine, Yehouda était em­ployé de la société funéraire. A Jérusalem, où il vit aujourd’hui, il gagne sa vie comme journalier. C’est du sage Rabbi Chlomo Dagone, Grand Rabbin de Fez, que Yehouda Sabbah a entendu une partie de ses histoires, que Issachar Ben-Ami a enregistrées.

 

 

Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965

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Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965-L’erudit mechant et le boucher vertueux

contes populaires

L’ERUDIT MECHANT ET LE BOUCHER VERTUEUX

Un erudit avait une fille d’un premier lit. Comme il devait faire un long voyage, il demanda a sa deuxieme femme de prendre soin de sa fille. Il prit conge de sa femme, monta sur son cheval et se mit en route.

Apres plusieurs heures de voyage la jument entendit une voix qui emanait de la terre. Elle s’arreta et commenca a creuser le sol. Elle creusa et creusa jusqu’a ce qu’apparut une caisse a 1’interieur de laquelle se trouvait la tete d’un homme, dont le front portait cette inscription: “Cet homme est ne a Bagdad et est mort dans le quartier des Sept Portes de la ville Sale.” L’erudit expedia la caisse par la poste a son adresse. Lorsque sa femme le recut, elle pensa: “Est-ce que mon mari a des secrets devant moi?”

Elle se rendit chez sa voisine et lui raconta ce qui etait arrive. La voisine lui conseilla: “Ouvre la caisse et vois ce qui s’y trouve.” La femme ouvrit la caisse et elle y apercut la tete d’un homme. Elle remit celle-ci a sa fille pour qu’elle la jette au four. En sentant l’odeur de la tete la fille devint enceinte et lorsque l’erudit rentra de voyage, elle ne lui souhaita pas la bienvenue. Il demanda a sa femme: “Pourquoi ma fille ne vient-elle pas me voir?” “Il est arrive quelque chose et ta fille est devenue enceinte”, repondit la femme.

“Tu m’avais promis de la surveiller.”

“Elle n’a jamais quitte sa chambre”, repondit la femme. Durant toute la periode de sa grossesse, la fille ne quitta jamais sa chambre et les anges du ciel lui apportaient a manger.

Au bout de neuf mois, elle donna naissance a un fils, qui au bout de sept jours commenga a marcher. Le meme jour, l’erudit et le boucher de la ville moururent subitement. Le premier fut enterre en grande pompe, tandis que le boucher fut conduit a sa demiere demeure sans aucune ceremonie. 

L’enfant alla chez les habitants de la ville et leur demanda: “Qui est mort ici aujourd’hui?”

“L’erudit et le boucher.”

Il leur dit: “Venez avec moi”.

L’enfant les conduisit au cimetiere. Arrive devant la tombe de l’erudit, l'enfant se mit a crier: “Debout, mechant. Debout, mechant. Debout, mechant.” Et voici, l’erudit se leva.

L’enfant demanda: “Q’as-tu fait tous les jours de ta vie?” L’erudit repondit: “J’ai transgresse toutes les prescriptions de la Tora.”

L’enfant conduisit les hommes vers la tombe du boucher et se mit a crier: “Leve toi, homme vertueux. Leve toi, homme vertueux. Leve toi, homme vertueux.” Et voici, le boucher se leva. Et l’enfant lui demanda: “Qu’as-tu fait tous les jours de ta vie?” “Tous les jours de ma vie, repondit le boucher, etaient consacres a l’aide aux necessitcux.”

L’enfant dit alors: “Raconte nous l’une des bonnes actions que tu as faites.”

“Un jour je me rendis au marche et j’y apercus une petite fille parmi les prisonniers. Je demandai: “Que fait cette enfant ici?” On me repondit: ‘C’est une petite Juive que des Arabes ont enlevee et maintenant elle est offerte comme marchandise aux passants.’ Je demandai: ‘Est-ce que je peux l’acheter?’ On me repondit: ‘Si tu paies tu peux l’emmener’.

“J’ai achete la petite fille et je l’ai prise avec moi. Je l’ai aimee comme si e’etait ma propre fille et je l’ai gatee. Elle grandit et je vis qu’elle etait jolie et avait bon coeur. Et je decidai de la donner a mon fils en mariage. Je me rendis donc chez mon fils et lui dis: ‘Mon fils, veux-tu me faire plaisir?’ ‘Ce que tu diras, sera!’, repondit mon fils. ‘Je veux te donner cette fille pour que tu l’epouses.’ ‘Ainsi sera fait, mon pere.’

“Je preparai une grande reception a laquelle j’invitai tous les pauvres de la ville. Je fis de mon mieux pour que tous mes hotes se regalent et soient heureux et il en fut ainsi. Mais lorsque j’arrivai a l’une des tables, je m’apercus que l’un des invites ne touchait a rien.  Etonne, je demandai: ‘Pourquoi cet homme ne mange-t-il pas?’ On me repondit: ‘Il est tellement triste qu’il n’a pas envie de manger.’ Je demandai a l’homme pourquoi il ne mangeait rien et il me repondit qu’il ne pouvait pas me le dire. Je lui dis: ‘Parle et ne crains rien.’ L’homme me dit: ‘Je suis malheureux parce que la jeune fille qui m’etait destinee comme femme se marie aujourd’hui.’ ‘S’il en est ainsi, lui repondis-je, ne t’en fais pas. Bois et mange. Et ce que tu desires, tu l’obtiendras.’ “J’allai trouver mon fils et lui dis: ‘Mon fils, j’ai un service a te demander — ‘Parle mon pere, ce que tu diras, sera.’ Je lui dis: ‘Je veux t’enlever ta fiancee et la donner a un autre homme.’ ‘Fais comme tu penses, mon pere.’

“Je courus immediatement chez l’un de mes amis et lui demandai la main de sa fille pour mon fils. Et le meme soir les invites assisterent a deux mariages ..

L’enfant dit: “Voyez-vous maintenant, qui des deux fut l’homme vertueux et qui fut l’homme mechant.”

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