Contes populaires racontes par les Juifs du Maroc-Dr Dov Noy-Jerusalem 1965- La fin lamentable du cherif ennemi des juifs

contes populaires

LA FIN LAMENTABLE DU CHERIF ENNEMI DES JUIFS

Il fut un temps où des fonctionnaires du royaume administraient les villes du Maroc. Et dans la ville Casba Tadla régnait un prince musulman, qui avait des pouvoirs illimités. Le prince appli­quait une politique favorable aux Juifs et il demanda même au rabbin de la ville, un savant célèbre, de lui servir de con­seiller pour les questions administratives. Le prince accepta sou­vent les conseils du rabbin et il avait beaucoup d’estime pour lui.

Mais dans la ville Casba Tadla habitait aussi un chérif très fanatique, musulman orthodoxe, qui haïssait les Juifs et qui con­naissait les secrets de la magie. Ce chérif était très aimé de la populace, qui avait en lui une confiance aveugle. Beaucoup de gens étaient persuadés qu’il savait faire des miracles et qu’il avait le pouvoir de monter au ciel, chaque fois que cela lui plaisait. Les hommes simples croyaient que chaque fois qu’il montait au ciel, il y ramassait de l’argent et des pierres précieuses qu’à son retour sur terre, il distribuait parmi ceux qu’il aimait. Le prince se vit obligé de tenir compte de l’influence extraordi­naire du chérif et s’efforçait de le flatter et d’entretenir avec lui, des relations amicales.

Un jour le prince décida de nommer le chérif ministre, afin que tous ceux qui le suivaient sympathisent avec le gouverne­ment. Il envoya son serviteur fidèle chez le chérif pour l’inviter à une réception au palais. Mais le chérif refusa l’invitation. Dans sa réponse, il écrivit: “Prince vénéré et chef des croyants! Je ne peux venir dans ton palais, aussi longtemps que le chien juif est assis près de toi et aussi longtemps que toi, le Musulman, tu acceptes ses conseils. Ce n’est que quand tu auras renvoyé le Juif que j’accepterai ton invitation et que je viendrai dans ton palais.”

Le prince dépêcha un deuxième émissaire et invita le chérif à une entrevue en tête-à-tête. Cette fois-ci le chérif accepta l’in­vitation et se rendit au palais. Au cours de son entretien avec le prince, le chérif continua à insulter le rabbin. “Comment puis-je souffrir la présence de ce Juif dans ta demeure, mon prince, et continuer à lire ce qui est écrit dans le saint Coran? Je suis un croyant fervent et je suis à la lettre l’enseignement du prophète Mahomet et de sa fille Fatima la magnifique; je ne veux pas et ne peux pas prier en la présence d’un mécréant.”

Le prince lui répondit: “Le vénérable Juif qui est le rabbin de la communauté juive de la ville n’a rien fait qui m’autoriserait à l’offenser publiquement après tant d’années de services fidèles. Dis-moi ce que je puis faire pour arranger cette chose d’une manière moins blessante.”

Le chérif proposa ce qui suit: “Lorsque j’entrerai dans la salle des séances et que je verrai le Juif installé à sa place habituelle, je lui dirai: ‘La malédiction d’Allah sur toi, Juif!’ Le rabbin comprendra alors que ce n’est pas toi qui le renvoie, mais moi.” Le prince accepta cette proposition et le lendemain matin, le chérif se rendit au château et entra dans la salle des séances où étaient réunis les ministres du Conseil d’Etat et où le rabbin occupait sa place habituelle. Le chérif dit au rabbin: “La malé­diction d’Allah sur toi, Juif! Fiche le camp d’ici!”

Le rabbin considéra ces paroles comme un affront personnel et comme une insulte à la communauté qu’il représentait. Il se leva et dit: “Je ne puis accepter cette insulte grossière et je prends congé de vous tous.” Et il quitta le palais, furieux.

Le rabbin ne ferma pas l’oeil de la nuit, car de nombreuses questions le préoccupaient: comment pourrait-il se débarrasser de ce méchant homme, qui avait gagné les faveurs du prince et comment le punir? Cet ennemi des Juifs était assoiffé de ven­geance et pourrait faire beaucoup de mal à la communauté de Casba Tadla et à tous les Juifs vivant au Maroc. Le rabbin décida de convoquer tous les hommes de bonne volonté de la ville à une réunion spéciale et surtout les marchands et les bijou­tiers. Car les Juifs de la ville s’adonnaient surtout au commerce des bijoux et parmi les bijoutiers il y avait des artisans, qui con­naissaient leur métier à la perfection.

Le rabbin informa tous les assistants de ce qui s’était passé: “Le chérif magicien est admis à la cour du roi et peut nous faire beaucoup de mal. Nous devons agir pendant qu’il en est encore temps.” Et le rabbin pria tous les assistants de le soutenir comme un seul homme dans toutes les actions qu’il entrepren­drait.

Les notables réunis promirent au rabbin de suivre toutes ses instructions. Il fit venir le Rabbin Yihya, un bijoutier qui était célèbre dans tout le Maroc pour son habileté professionnelle et le pria de confectionner une paire de boucles d’oreilles garnies de pierres précieuses d’une beauté extraordinaire, comme on n’en avait jamais vues dans le pays. Il le pria également de ne jamais faire des boucles d’oreilles semblables et de ne jamais vendre cette paire, même si on lui offrait en échange tout l’or du monde.

Après plusieurs jours de travail acharné, le Rabbin Yihya le bijoutier, remit au rabbin de la communauté une paire de boucles d’oreilles d’une beauté extraordinaire, aux couleurs magni­fiques, garnies de pierres précieuses dont l’éclat aveuglait les yeux. Jamais auparavant on n’avait vu des boucles d’oreilles aussi élégantes, aussi belles et garnies de diamants aussi précieux. Le rabbin mit l’une des boucles d’oreilles dans un écrin de cristal et demanda une audience chez le prince. Arrivé au palais, il s’inclina devant l’homme qui régnait sur la ville et lui dit: “Prince puissant, dont la gloire s’étend sur tout le monde! De nombreuses années durant je t’ai servi fidèlement et je regrette d’avoir été obligé, contre ma volonté, de quitter la place que j’ai occupée près de toi. Je suis parti subitement, sans te remercier de tout ce que tu as fait pour moi. (Ce n’est qu’aujourd’hui que je puis l’exprimer ma reconnaissance par un modeste cadeau. Dans cet ecrin de cristal tu trouveras une boucle d’oreille ornée de pierres précieuses et ton épouse, dont la beauté est célèbre, l’aimera, je l’espère.” Et le rabbin remit l’écrin au prince et prit congé de lui.

La princesse fut éblouie par la beauté du bijou magnifique et le montra à toutes les femmes de la cour. Elle était persuadée que son mari avait aussi la deuxième boucle et qu’aux prochaines réceptions et fêtes, elle pourrait les mettre et provoquer l’envie de toutes les femmes. Elle demanda donc au prince de lui re­mettre également la deuxième boucle. Le prince fit cette réfle­xion: “Le chérif est un homme qui sait tout faire; il monte au ciel et en rapporte de l’argent, de l’or et des pierres précieuses. Il ne refusera pas d’apporter pour moi la deuxième boucle d’oreille, si je lui en fais la demande.”

Le prince appela le chérif et lui raconta comment il avait obtenu la boucle. Puis il dit: “Mon épouse m’a demandé de lui procurer la deuxième boucle et si je ne la lui trouve pas, elle sera mal disposée à mon égard.”

Le chérif ne pouvait pas refuser ce service et il promit au prince de lui procurer le bijou dans un délai d’un mois.

Le rabbin savait que le chérif n’avait aucun pouvoir magique et qu’en fin de compte il viendrait chez lui pour lui demander le bijou qu’il s’était engagé à fournir. Et alors il savait ce qu’il aurait à faire.

Après une semaine d’attente, au milieu de la nuit, le chérif se rendit chez le rabbin, qui avait posté quatre jeunes gens forts et courageux dans le corridor de sa maison. Il leur avait donné l’ordre d’infliger une correction au chérif dès qu’il passerait le seuil de la maison. Le rabbin leur avait ordonné: “Préparez des bâtons souples, mettez-les dans une solution de vinaigre, puis servez-vous en pour administrer chacun trois coups au chérif.” Et les choses se passèrent effectivement ainsi.

Quand l’ennemi des Juifs franchit le seuil de la porte, les jeunes gens le rouèrent de coups et tout le quartier retentit de ses cris. Lorsque le rabbin entendit les cris, il sortit de sa chambre et voyant le chérif humilié, étendu par terre, il lui dit: “Je te salue, mon grand ami! Que fais-tu dans la maison de ce chien de Juif? Je regrette infiniment que les gardiens de ma maison ne t’aient pas reconnu. Tu es venu à une heure inhabituelle et tu ne portais pas tes vêtements magnifiques — tu es venu comme un voleur qui ne veut pas qu’on s’aperçoive de sa présence. Je te demande mille fois pardon. Si tu veux bien, dis-moi pourquoi tu t’es déguisé et pourquoi tu es venu en personne, dans ma modeste demeure.”

Le chérif se fit à lui-même cette réflexion: “Mon coeur se réjouit déjà à l’idée de la satisfaction que j’éprouverai en me vengeant de ce Juif et de sa race après que j’aurai obtenu le bijou qui se trouve encore en sa possession. Son corps, pendu à un grand arbre, témoignera de ma victoire.”

S’adressant au rabbin, il dit: “Bonjour, honorable rabbin, je suis venu te demander une faveur.”

Le rabbin fit entrer le chérif dans sa maison et il lui offrit un verre d’une liqueur très alcoolisée. Le chérif en but un verre, puis un deuxième et un troisième. Il s’approcha du rabbin et lui dit: “Cet idiot de prince, nous le savons tous, est l’esclave de sa femme. Or la princesse désire vivement posséder une boucle d’oreille qui fasse la paire avec celle que tu as offerte en cadeau au prince. Je suis persuadé que tu possèdes cette boucle parmi tes bijoux et je suis prêt à te payer une grande somme d’argent pour cette pièce. Quant au prince, ce mécréant, il connaîtra encore ma puissance, car il ne détiendra plus longtemps le pou­voir. Mais en attendant, je dois le flatter et obtenir la confiance de la princesse.”

En entendant ces paroles du chérif ivre, le rabbin comprit que celui-ci avait l’intention de déclencher une révolte contre le ré­gime du prince. Il lui dit: “Mon cher, je demanderai à l’un de nos bijoutiers de confectionner, pour toi, une boucle d’oreille qui ressemblera en tout point à celle qui se trouve en possession de la princesse. Mais je te prie de me dire comment tu veux t’y prendre pour renverser le régime au pouvoir. Dans trois jours, tu peux m’apporter l’argent pour la boucle que je t’ai promise.

Mais viens seul et à minuit, quand tout le monde dort déjà — tu m’expliqueras alors ton plan d’action.”

Le lendemain matin, le rabbin se rendit chez le prince et l’in­forma de ce que lui avait dit le chérif: “Si tu veux avoir la certitude, mon prince, que je dis la vérité, envoie, je te prie, ton homme de confiance dans ma maison à l’heure de mon rendez- vous avec le chérif. Je le cacherai dans la chambre adjacente et il verra à travers une fente comment le chérif, qui prétend être si pieux, boit de l’alcool et comment il se moque de toi. Il pren­dra également connaissance des plans du chérif pour obtenir que le peuple se révolte contre toi. Je propose que ton homme de confiance vienne muni d’un carnet où il puisse inscrire chaque mot que prononcera le chérif. Tu pourras alors te rendre compte, mon prince, qui sont tes serviteurs fidèles et quels sont ceux qui agissent pour ton bien.”

Le jour et à l’heure convenus, l’homme de confiance du prince vit le chérif boire de l’alcool dans la maison du rabbin. Quand l’hôte du rabbin fut pris de boisson, il commença à insulter le prin­ce et son épouse, et à raconter qu’il incitait les masses pour qu’elles se révoltent contre le régime au pouvoir. L’envoyé du prince nota chaque parole dans son carnet. A la fin de la visite le rabbin remit au chérif la boucle d’oreille que celui-ci était venu chercher.

Quelques jours après ces événements le prince donna une grande réception à laquelle assistèrent, comme d’habitude, le chérif, le Grand Vizir, tous les ministres et juges. A un moment donné, le prince demanda le silence et pria son secrétaire de lire ce que le chérif avait dit après s’être enivré dans la maison du rabbin. C’est ainsi que tous les notables et hommes d’Etat présents prirent connaissance des paroles révoltantes qu’avait pro­noncées le chérif et tous se rendirent compte que c’était un ivro­gne et un scélérat.

Le chérif fut immédiatement arrêté et jugé sur place. Il fut condamné à mort et le verdict précisait qu’il devait être pendu au plus grand arbre de la place centrale, en présence de tous les habitants, puis son corps devait être incinéré.

En apprenant ces nouvelles, les Juifs de Casba Tadla furent au comble de la joie; ils organisèrent une grande fête au cours de laquelle leur rabbin vénéré prit la parole et dit: “Le chérif a péri dans la mer de ses péchés, comme il est écrit: ‘Le juste est délivré de la détresse et le méchant prend sa place.

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