L'esprit du Mellah-J.Toledano


L'esprit du Mellah-J.Toledano

 L' EPICERIE DU MALHEUR

Une brave Sefraouie avait bien des soucis pour la sante de son fils, elle l'amena donC chez  medecin qui lui fit une analyse d'urine et y decouvrit du sucre. Bien, cela se soigne. Au bout d' un mois le fils est de nouveau malade, de nouveau analyse: exces de clacaire, il a trop de lait. Un mois plus tard revisite, reanalyse: cette fois e'etait un exces de sel. Alors la mere dit au medecin.

    Ce brave cheri il lui faut encore un peu d'huile et il peut ouvrir une epicerie!

Hdi a'la shteq — Ktar m'ala skarteq Veille plus sur ta sante — Que sur ta bourse

La peur de mourir est plus forte que la peur de manquer d'argent, il faut veiller plus a sa sante qu'a sa fortune. C'est la l'avis unanime de la Medina et du Mellah. La Bible d'ailleurs recommande expressement: "et vous veillerez sur vos ames", l'homme n'est pas libre de disposer de sa vie et de son corps, c'est un bien qui lui est donne en depot, il doit y veiller et ne pas le negliger.

" Nqa ka izid fel-a'mar                                                       La proprete ajoute a la  longevite

La limpieza media-riqueza _                                         La proprete — moitie de la richesse.

Contrairement a la legende complaisamment propagee par les chroniqueurs europeens et les mauvaises langues de la Medina, les Juifs au Maroc, n'etaient pas moins convaincus que les Musulmans des bienfaits de l'hygiene. Disciples de Maimonide, qui fit de la prophylaxie l'axe de la medecine, les Juifs vouaient un culte a la proprete ne serait-ce que pour des motifs religieux: ablutions des mains zvant chaque repas et au sortir des toilettes, bains rituels, interdiction de consommer des aliments avaries etc. . . II est vrai que l'hygiene publique, celle des rues, elle laissait plus qu'a desirer en raison de la promiscuite et du manque de service de nettoyage. Se basant sur ce signe exterieur les observateurs superficiels en ont tire des conclusions sur l'hygiene privee oubliant la lecon du Talmud qui dit: "il ne faut pas regarder le vase mais ce qu'il contient".

JAMAIS AVANT VENDREDI

Vendredi, la veille du Shabat etait le jour de la grande toilette pour recevoir dignement le jour du Seigneur. Pas question donc de se changer ou de se laver en profondeur avant ce jour, car seul le shabat merite un tel effort. C'etait la regle dans le Maroc archai'que d'avant la modernisation,  mais les habitudes prennent du temps a changer et les Juifs a se…. changer

Un jour qu'un  malade juif fut amene a la Clinique du Dr. Cornet, l'infirmiere qui le deshabillait, s'indigna de la salete des sous-vetements et commenca a divaguer sur la salete des Juifs lorsqu'une aide Israelite benevole lui dit dans son francais approximatif: II va venir  le vendredi et il va se laver

L'esprit du Mellah-J.Toledano

L'esprit du Mellah – Joseph Toledano

Humour et folklore des juifs du Maroc

A la mémoire de Rabbi Yedidia et son fils Abraham qui :

S'ils avaient pu jusqu'à ce jour vivre

Auraient mieux que moi ecrire ce livre

 HDI RASSEK, MEFIE-TOI

—    A 'mel mi a'mlou nas                      Qui a ne pas faire comme les autres s'entete Lama tbqj bla ras                             Risque fort d'y laisser sa tete

C'est le devoir de conformisme. Au premier sens conformisme politique: il ne faut pas se joindre a la rebellion. car comme nous l'avons vu les rebelles tues au combat risquaient fort de voir leurs tetes exposees sur la place publique. Dans le Vieux Maroc, les Juifs prives, pour des raisons religieuses, de la participation a la gestion du bien public, n'etaient jamais meles aux intrigues politiques et ce proverbe ne s'adressait pas a eux. Au sens figure c'est un appel au conformisme social, a faire comme tout le monde et la il a un frere jumeau dans le Talmud qui recommande aux fideles de ne jamais "sortir du commun" (Brachot 29)  C'est l'equivalent du proverbe francais "A Rome conduis-toi comme un Romain". La tradition juive egalement recommande de se plier aux coutumes locales. Un Juif qui passe d'une ville ou d'un pays a l'autre, est tenu en arrivant de respecter les coutumes locales. C'est parce qu'ils ne l'ont pas fait et on essaye — et reussi — d'imposer leurs propres coutumes, que les Megurachim, les Expulses d'Espagne, entrerent en conflit ouvert avec les autochtones, les Tochabim, a Fes au debut du 16eme s. comme nous le verrons dans la troisieme partie.

—     Ghrra douz e'l dib — ka yihfdha        On ne peut jouer un tour au renard qu'une fois. Un homme averti en vaut deux, l'experience sert.

—    Di rito saket                                  Si tu le vois assis tranquillement Ah khrito nabet                              C'est qu'il couve ses excrements

La naissance de ce proverbe est aussi vieille que la naissance de 1'homme et il etait avant tout utilise en _puericulture: si tu vois qu'un bebe est trop tranquille c'est qu'il faut verifier immediatement ses couches. Au sens figure il est l'equivalent du proverbe francais: "Mefie-toi de l'eau qui dort" ou encore "Trop poli pour etre honnete".

La scatologie est la forme la plus primitive de l'humour, quand la seule evocation de la m. . . suffit a declencher l'hilarite generate et nous retrouverons souvent cette matiere premiere dans la suite des proverbes.

ON VA Y ARRIVER

"Nous allons arriver a la m. . ." etait l'expression employee pour dire: on est arrive a la limite de la bienseance, si vous continuez on va la depasser. Tout le monde connaissait cette expression et Joha encore mieux que tous. Un jour qu'il etait particulierement fauche. il emplit deux jarres d'excrements et au-dessus une couche du miel le plus succulent. II se presenta avec sa marchandise au marche. Les gens passaient et mettaient le doigt pour gouter. Un client plus serieux gouta a plusieurs reprises, bien plus souvent que ne le permet la coutume. Alors Joha lui dit — Ya Sidi, nous allons arriver a la merde!

L'autre s'arreta de gouter et acheta les deux jarres. Vous devinez la suite l'affaire est portee devant le tribunal et le Pacha dit a Joha "qu'as-tu a dire pour ta defense?" — Mais je l'ai parfaitement averti de ce qui l'attendait, ne lui ai-je pas dit a plusieurs reprises —ya Sidi nous allons arriver a la merde? Est-ce qu'il peut nier? Et c'est ainsi qu'encore une fois Joha gagna un proces!

 

 

L'esprit du Mellah-J.Toledano

L'esprit du Mellah – Joseph Toledano 

Humour et folklore des juifs du Maroc 

A la mémoire de Rabbi Yedidia et son fils Abraham qui  

S'ils avaient pu jusqu'à ce jour vivre

Auraient mieux que moi ecrire ce livre 

Ouqt siyada                                           C'est au moment de chasser

Msa el kelb ikhra                                    Que le chien a envie de chier 

Le palisie et les affres de la chasse  etant de tout temps interdits au peuple juif, ce proverbe ne peut  pretendre etre ne au Mellah mais il y etait fort prise. Sons sens est clair: il ne faut pas compter sur les autres c'est juste au moment ou on a besoin d'eux qu'ils ont autre chose a faire. Comme dit le proverbe  francais: il ne faut compter que sur soi! Et encore 

 La meme idee est reprise dans le proverbe suivant

-1 Ouqt htztheq ya ouzhi                                      Au moment ou j'ai eu besoin de mon visage

Khhstha el qtta                                                 Le chat l'avait griffe 

Za ibouss bnou — a'mah                         II a voulu embrasser son fils — il l'a aveugle

C'est un des proverbes les plus populaires, souvent cite meme par ceux qui frayaient peu avec ce genre de litterature, tellement il est parlant en mettant en garde contre les bonnes intentions qui tournent mal. Ses equivalents en francais sont nombreux: l'enfer est pave de bonnes intentions, le remede est pire que le mal, qui trop embrasse mal etreint.

Di yibeb elhem ytnilou                                                       Qui veut ses soucis multiplier

Ymsi al khtab yssoulou                                                      N'a qu'a interroger le sorcier

Les Marocains aiment se gaver de surnaturel, la frontiere entre la realite et l'imaginaire est plus que permeable dans la societe traditionnelle. C'est dans ce domaine de la magie, des sorciers, des devins, de croyance au surnaturel que le Mellah a le plus subi l'influence de la Medina. La religion juive en effet reprouve tres fortement le recours aux sorciers et devins, mais les rabbins etaient bien impuissants a ramener leurs brebis sur le chemin de l'orthodoxie: "Notre maitre Maran a clairement condamne le recours aux sorciers, magiciens et devins car il est ecrit "Tu seras integre avec ton Dieu". Certes d'autres rabbins ont emis l'avis contraire, mais outre qu'ils ont moins d'autorite, ils l'ont fait a mon avis a leur corps defendant, simplement pour justifier une conduite qu'ils etaient incapables d'endiguer etant donne l'attrait de ces pratiques sur le simple peuple. Tout homme craignant Dieu se doit de suivre a la lettre ces interdictions. D'ailleurs l'experience prouve, aussi bien en Orient qu'en Occident, qu'il ne s'agit en fait que de mensonge et supercherie. L'argent gaspille a de telles consulations pourrait etre bien mieux utilise a accomplir des misbot. . . (Rabbi Y. Messas: Le Tresor ies Lettres, I., lettre 1829).

Mais comme le souligne le rabbin Messas il y a des limites a l'influence des rabbins et l'attrait du fruit defendu n'ajoutait que plus au mystere. L'exotisme ajoutant au mystere, il y avait un chasse-croise-,les habitants du Mellah etant convaincus qu'il n'y a de bons sorciers et de bons devins qu'en Medina et vice-versa. Aussi proches qu'elles 1'etaient, les deux communautes se connaissaient peu en fait et chacune exercait sur l'autre une sorte de fascination, la fascination devant l'inconnu: "On le repousse, on le maltraite, on le meprise, mais on ne peut se passer de lui. On le regarde comme un sorcier. . . Le sorcier juif est encore de nos jours litteralement assiege par une foule presque exclusivement composee de fatmas qui lui supposent plus de pouvoirs que ses collegues musulmans. . . (J. Benech) 

Au Mellah la sorcellerie, la magie, la lecture des astres avaient recu une sorte de legitimation religieuse dans la Kabala, cette science du mystere. A cote de la Kabala philosophique recherchant la raison de 1'etre, le secret de la creation, s'est en effet developpee la Kabale pratique avec ses talismans, potions, amulettes, et autres recettes  magiques.Au total c'est le success de ces pratiques qui amene le proverbe a mettre en garde contre leur exes

Di srak beda ysrek zmel                     Qui vole un œuf volera un chameau

Di frass ezmel-frass zmalla                 Ce qui eat dans la tete du chameau- Est dans la tete du chamelier

Equivalent du proverbe francais " a malin malin et demi " ou en langue populaire " a moi on ne me la fait pas, ce que tu penses je le sais, car le bon chamelier sait ce qui trotine dans la tete de son chameau

L'esprit du Mellah-J.Toledano

  • Di a'ddo el hens ikbof ml ebbel Mordu par un serpent craint la corde
  • Equivalent du nroverbe frangais avec changement des personnages selon le folklore: "Chat echaude craint l'eau froide"
  • טולידאנו

    A 'mal lil mthka Inhar         Travail de nuit honte du jour

Dans l'ancien temps quand l'eclairage etait rudimentaire — bougie ou chandelier — il etait fortement deconseille de travailler de nuit car on voyait tres mal et ce n'est que lendemain, a la lumiere du jour, que les defauts apparaissaient. Meilleur exemple: les travaux de couture, grande specialite juive. Au sens figure chaque chose doit etre faite en son temps

  • Ida rit tawil ka izri            Si tu vois courir le grand

           A 'rf el ksair milorah                C'est que le petit est derriere lui

II ne faut pas se fier aux apparences. Tout le monde croit qu'un homme petit est obligatoirement plus faible qu'un grand et dans la pratique il s'avere souvent que c'est bien le contraire.

DE TOUTES LES TAILLES

On raconte qu'un nouvel emissaire d'Israel venait d'arriver et pour etaler ses connaissances de frangais demanda a un candidat a l'immigration de bien vouloir preciser son poids et sa hauteur. Offusque, son collegue le corrigea — On ne dit pas la on ne dit pas la hauteur-on dit l'altitude

UNE GRANDE BOUTEILLE

Taille moyenne ou petite – telle etait la norme dans les Mellahs 

 A quel point la grande taille denotait – cette petite histoire garantie authentique

 Au debut des annees trente vivait a Meknes "un instituteur terrible" dont la grande taille intimidait encore plus. Appelons-le Prosper 

Un jour arriva titubant, au vieux Mellah, un legionnaire passablement emeche et reclamant a grands cris une grande bouteille de vin. A l'epoque bien peu parlaient frangais et nul ne comprenait ce que voulait ce soldat perdu qui commencait a devenir menacant. Miracle un passant pretendit parler frangais, on l'amena au legionnaire et il lui demanda "quoi tu veux toi?" Et le legionnaire de hurler une GRANDE bouteille de vin!

Notre passant se releva l'air satisfait de celui qui vient de resoudre une grande enigme: — C'est bien simple il veut voir Prosper C.

il dit tout le temps grand c'est qu'il veut parler a Prosper C.

ET TON PERE

Toujours a Meknes mais a l'autre bout de l'echelle. Un des grands notables de la ville etait un tout petit bout d'homme d'a peine un metre cinquante. Mais comme la valeur n'attend pas le nombre de centimetres, il etait un des dirigeants de la communaute. C'etait periode electorale et il servait de conseiller intime au pretendant au poste de President de la communaute. Ayant peu d'occasions de manifester leurs talents democratiques, les Juifs se passionnaient pour ces elections. La veille du scrutin notre candidat voyant la victoire lui echapper. envoya son serviteur reveiller son conseiller pour tenter de redresser la barre. Le serviteur sonne et sonne jusqu'a ce que le maftre de maison se leve et vienne ouvrir. Le serviteur excede d'avcu taut attendu dans l'obscurite, rudoya le petit

 Va reveiller ton pere, vite nous sommes presses

Notre homme qui etait habitue a de telles meprises, ne perdit pas sa bonne humeur et lui repondit candidement

— Mon pere cela fait dix ans qu'il est au cimetiere et qu'il n'habite plus ici

L'esprit du Mellah-J.Toledano

As yi'bi el mbrd mlbrd                   Que peut tirer la lime de la lime

Gber slaba ouqlt el'ar                      Si ce n'est l'insolence et l'effronterie

Que peut sortir du frottement de deux matieres aussi dures si ce n'est des etincelles? Sachant quel sera le resultat d'un heurt avec une personne mal elevee, le proverbe conseille done d'eviter d'user avec elle de ses propres armes car que peut sortir d'une telle rencontre si ce n'est de l'insolence et de l'effronterie? Moralite: au fer il faut opposer la douceur, il faut refuser de jouer le jeu de l'adversaire. Notre professeur de philosophic nous disait "si vous avez une discussion avec un aveugle ne le laissez pas vous mener dans une cave obscure car alors vous jouerez selon ses propres regies

  • Mdar el bgar t'abi tben        Ce n'est pas de l'etable que tu auras du foin

Se dit d'un mauvais calcul, d'un mauvais choix: ah pour ca vous avez bien choisi votre objectif, si c'est du foin que vous cherchez, ce n'est vraiment pas a l'etable qu'on vous le donnera — on en a besoin plus que vous! Moralite: il faut savoir bien choisir son objectif et ne pas chercher midi a quatorze heures ou chercher la piece de monnaie perdue justement sous le lampadaire parce que la ou elle est tombee il n'y a pas de lumiere! Autres sens possible: si e'est de la reconnaissance que vous cherchez vous etes bien mal tombe: ce n'est pas de l'etable que vous aurez de la paille

ET TOURNE LA CHANCE

                    Tout est question de chance            Koulsi bel-mzal

Hatta el Sefer Tora fel heikhal       Meme pour le Sefer dans l'Arche

Cada cozza y su mazal                    Chaque chose et son sort

Hatta el sefer en el heikhal

Jusqu'au Rouleau de la Loi dans le tabernacle

Le melange d'hebreu, arabe et Hakitia signe l'origine juive de ce proverbe qui cultive le paradoxe, car s'il est un lieu ou on n'attend pas la chance c'est bien le Tabernacle. Les Rouleaux de la Loi sont autant sacres quelle que soit leur taille ou leur age. Et pourtant. . . il y a en qui sont mieux vetis que d'autres, ceux qu'on utilise tous les jours et ceux reserves uniquement aux jours de fete, meme dans le tabernacle la chance trouve ou se nicher, alors ailleurs

LES HABITS NEUFS DU SEFER

Le Rouleau de la Loi devait dater de plusieurs centaines d'annees et ses vetements aussi. Ils ont du etre magnifiques dans leur jeunesse mais maintenant la couleur du

velours avait passe, les fils d'or des inscriptions s'etaient effiloches.

Mais cet aspect miserable n'otait rien a sa magnificence car nos ancetres ne nous ont-ils pas appris que ce n'est pas le vase qu'il faut regarder mais ce qu'il contient. Quand le Sefer s'approcha de la. Azara des femmes. Aicha se tourna vers le ciel

— Mon Dieu, faites que mon mari trouve un meilleur travail. que Youssef mon fils gagne a la Loterie, que Messaouda ma fille trouve un riche mari, et que la prosperite enfin visite notre maison.

Abraham qui entendait tout ce chapelet de priere  et exede par tant de demandes, se tourna vers Aicha  

 Tu ne vois pas dans quel etat il est, s'il avait les moyens le Sefer s'habillerait d'abord plus decemment  lui meme

LA CHANCE ET LE ROI SALOMON

            Si Dieu veut te donner des fonds        Ida iheb rbi ighnini

Itkab skaf oui3tini       II fera un trou même au plafond

S Dieu veut veut envoyer du ciel de l'argent à un homme, rien ne peut s'y opposer et s'il le faut, il fera meme un trou au plafond pour faire parvenir la chance à sa destination. Devant le sort, impossible n'est pas arabe.

 A 'tini nekta ml-a 'mar            Donnez-moi une goutte de vie

Oulouhouni fiqa ' el bhar        Et jetez-moi au fond du puits

Dame una onza de mazzal      Donnez-moi une once de chance

Y echame a fondinas de la mar           Et jetez-moi au fond de la mer

Tout est écrit, mektoub. On ne peut rien contre le sort, celui qui a de la chance toujours s'en sortira. La même croyance dans le destin unit le Judaïsme et l'Islam comme le montre ce conte populaire sur la polémique entre la chance et le Roi Salomon.

LA CHANCE ET LE ROI SALOMON

La chance vint un jour au Roi Salomon pour le provoquer et se vanter qu'elle était seule à déterminer le destin des hommes. "Et le travail, l'intelligence, le talent, la persévérance?" s'indigna le grand Roi. Mais la chance ne voulut pas s'avouer vaincue et proposa de faire un pari: "Prenez un homme et essayez de le faire réussir à votre manière et nous verrons si vous y arriverez!" Le Roi Salomon choisit donc un pauvre hère de porteur d'eau pour en faire un homme riche, et pour l'aider à démarrer lui remit une grosse somme. Heureux de cette aubaine inattendue, notre homme s’empressa donc de se rendre à la boucherie et d'acheter

les plus relevés des morceaux. En entrant il annonça la bonne nouvelle à sa femme qui mit ces paroles sur la fortune descendue du ciel, sur le compte de l'alccol. Aussi au lieu de rester à la maison surveiller la chemise aux poches pleines d'argent comme le lui avait demandé son mari, alla-t-elle comme à l'ordinaire commettre avec sa voisine le péché de commérage. Par l'odeur alléché, un chien errant s'infiltra dans la cuisine et emporta la chemise avec la viande et l'argent. Désespoir du porteur d'eau en rentrant chez lui le soir de voir la fortune si facilement acquise, si rapidement envolée. Le lendemain la chance et le Roi se rendirent chez notre porteur revenu à son activité peu rénumératrice. Il explique ce qui lui était arrivé et le Roi Salomon accepta de lui donner une seconde chance. Plus prudent cette fois, notre homme cacha sa fortune dans une vieille caisse, mais n'en parla pas à sa femme. Un marchand passant dans la rue, la femme lui vendit pour un sou, la caisse et son contenu

Le lendemain le même dénuement choqua le Roi Salomon qui, magnagnime, accepta de lui donner une troisième chance. Le porteur devenu méfiant cacha son argent dans un vieux sac et n'en souffla mot à sa femme. Le hasard voulut que le même jour un marchand de vieux sacs passe dans le quartier et la femme, pour quelques sous, se débarassa de tout ce qui traînait à la maison.

Le lendemain le Roi Salomon dût s'avouer vaincu et demanda à la chance de prendre la relève. Mais au lieu d'offrir au pauvre de l'argent, la chance le convainquit de changer de métier, lui faisant valoir que bûcheron était un métier plus rentable. Notre homme abandonna ses seaux pour la hache et effectivement il en tira un plus grand bénéfice et comme un sou ne vient jamais seul, l'affaire se développa et prit de l'ampleur

Un jour en parcourant la forêt à la recherche de nouveaux arbres à abattre, il fut attiré par une odeur de charogne. En cherchant dans les broussailles il retrouva sa chemise que le chien avait amené là avec le morceau de viande. Le viande avait disparu et n'en restait que l'odeur, mais l'argent était là. La richesse donne des idées: il offrit un bon prix pour toute vieille caisse et à la  fin retrouva la sienne avec la fortune cachée. Encouragé, il en fit de même avec les vieux sacs et sa fortune était maintenant triplement faite. La chance vint voir le Roi Salomon et lui demanda qui avait raison. Vous avez par trois fois fait la fortune de cet homme et par trois fois il l'a perdue; alors que moi sans investir un sou, j'en ai fait un homme riche. Et pour une fois le Roi Salomon dût s'avouer vaincu et admettre que sans la chance il n'y a rien à faire

L'esprit du Mellah-J.Toledano..Tajer ida tlab loulad —izih el mal


  1. Tajer ida tlab loulad —izih el mal

 El msquin ida talb elmal iztoueb  loulad

Le riche s'il prie pour des enfants — aura de l'argent Le pauvre s'il prie pour de l'argent aura encore des enfants.

Sans commentaire.

LA CHANCE DU PAUVRE

Qu'est ce que c'est que d'avoir de la chance pour un pauvre? aimait à dire Abraham Tolédano: c'est de retrouver le poulet qu'il avait perdu la veille!

MEME DANS LE MALHEUR. . .

Sur le même thème, une variante avec l'accent Yidich.

Un couple de jeunes Israéliens de mes amis connurent le plus grand des malheurs: un enfant retardé mental. Ils durent se résoudre à quitter à regret leur quartier, non qu'il fut luxueux, mais ils s'y étaient habitués. Sans moyens ils se résignèrent à acheter une bicoque dans une banlieue éloignée. Les années passèrent et cette banlieue devint le quartier le plus chic de Tel-Aviv, les prix étant multipliés par cent. Sa femme me dit un jour: tu vois même dans le malheur il faut avoir de la chance. . .

LE PARTAGE DE DIEU

El mal izib el mal, l'argent amène l'argent est le titre de l'une des plus célèbres chansons du folklore musical marocain moderne. Et le manque d'argent. . . exactement le contraire! L'argent dit-on n'a pas d'odeur, c'est faux. Pour la même somme le riche recevait plus que le pauvre. Ce n'est pas pour rien qu'on disait que les bouchers iraient tous en enfer. Systématiquement ils favorisaient les riches, leur réservant les meilleurs morceaux, vendant au même prix les plus mauvais morceaux aux pauvres. Devant ce scandale, les notables de Méknès décidèrent au début des années quarante du siècle dernier de charger un des leurs de réformer ces moeurs. Tous les jours il se rendait au marché de viande surveillant la qualité des produits servis. Un jour un boucher lui avoua son dilemme: le grand rabbin venait de commander une quantité astronomique de viande: 30 kilos et il ne pouvait lui donner que les meilleures pièces, que le rabbin sans doute voulait partager entre les membres de sa famille. Notre inspecteur prit son courage à deux mains et alla en faire reproche au grand rabbin: Comment pouvez-donner ainsi le mauvais exemple, comme il est écrit "Si dans les cèdres a pris le feu, qu'en sera-t-il alors des broussailles?"

Le rabbin qui manquait d'excuses mais pas d'humour, l'invita a s'assesoir et lui raconta l'histoire suivante. Un jour mourut un grand commerçant musulman sans laisser de testament. Ses enfants ne parvenant pas à un accord sur le partage des biens, décidèrent de s'adresser à un homme de Dieu, un fquih, pour les départager. Le saint homme avant d'accepter demanda: "Voulez-vous que je juge selon la loi de Dieu ou selon la loi des hommes?". La réponse naturellement fut unanime: selon la loi de Dieu. Bien dit alors le fquih l'aîné aura la maison, le magasin, les bijoux, les terrains et les autres se partageront les meubles. Comment, quelle injustice dirent les héritiers spoliés? Mais c'est vous qui avez choisi le partage de Dieu et Dieu comment partage-t-il la richesse, la beaute et l'intelligence a l'un il donne tout et à l'autre rien, n'est-ce pas ce que vous avez voulu?

Notre inspecteur saisit l'allusion et se leva comprenant que contre les caprices de la Providence il était bien peu armé et c'est ainsi que les bouchers continuèrent à mériter, à la sueur de leur front, leur place en enfer!

 Tali sa do a'li                         Le sort du dernier est le plus enviable.

Fsma kaylali                           Au ciel il est palpable.

C'etait une manière de consolation à celui que le sort a mis en dernier, peu importe dans quel domaine. Il ne faut pas croire que les premiers servis sont toujours les mieux servis. On employait ce proverbe par exemple pour la dernière fille d'une famille quand toutes ses soeurs se sont mariées et qu'elle reste la dernière.

Dans leur ironie les enfants avaient adopté ce proverbe même dans les résulats scolaires, faisant la joie des cancres, des derniers de la classe, sans savoir parfois à quel point ils avaient raison.

La pyramide renversee

Un ancient instituteur de l'Alliance m'a confie un jour qu'en regardant les photos de ses anciennes classes il pouvait les yeux fermes vous dire qui a reussi dans la vie. Il suffit de retrouver les cancres, les derniers de la classe. Comme ils n'avaient aucune pretention intellectuelle, ils se sont mis dsns les pas de leurs parents et sont devenus commercants, hommes d'affaires, tandis que les premiers eux etaient devenus, professeurs, fonctionnaires, petits cadres. Vous voyez " les derniers ont le plus de chance ", jamais proverbe n'a ete dementi !

L'esprit du Mellah-JosephToledano-QUI AIME BIEN CHATIE BIEN

QUI AIME BIEN CHATIE BIEN

  • El a'ssa ma tkhli min yia'ssa Le bâton empêche de durcir

Rien de nouveau sous le soleil, le Roi Salomon avait déjà fait l'éloge de la manière forte en matière l'éducation et des mérites du bâton pour faire pousser droit les enfants: "Car celui qu'il aime l'Eternel le châtie, tel un père le fils qui lui est cher (Proverbes 3:12) ou encore "Ménager les coups de verge c'est hai'r son enfant, mais avoir soin de le corriger, c'est l'aimer" (13:24).

  • Minsghor ka it'ouez el fkos                          Du début le concombre se tord

Proverbe emprunté au folklore agricole et qui sent bon le terroir marocain. Si on n'y prend garde tant qu'ils sont encore petits, les enfants ne pousseront pas droit.

Ma iqdi m3a al 3assi – Gher el 3assi

  • Qui refuse de marcher comme il se doit
  • Aux coups seulement a droit

Textuellement "Au dur ne conviennent que les coups de bâton" et on peut dire que dans ce domaine l'imagination était vraiment au pouvoir. Les classes surpeuplées du Talmud Tora avaient bien souvent des allures de petites chambres de torture. Le maître, c'était l'enfance de l'art, était arme d'un bon bâton, de préférence pour les plus sadiques, un nerf de boeuf bien trempé dans l'eau pour le durcir encore plus, etdont il usait avec generosite. Le plus begnin eait de tendre la paume de la main pour y recevoir un nombre de coups proportionnel a la faute. Il faillait non seulement souffrir mais le faire avec stoicisme: le reflexe naturel de l'enfant est d'enlever la main quand il sent le coup arriver et pour chaque ratage le maitre doublait le coup perdu. Plus spectaculaire encore etait le second degre dans la punition: thmila, recevoir les mêmes coups mais sur la plante des pieds. Pour cela il fallait attacher les pieds au moyen de la falaqa, une corde reliée aux deux bouts à un bâton. Le nombre de coups était fixé à l'avance, mais pas pour les fortes têtes, le rabbin promettait de ne cesser que quand le récalcitrant aura "mordu la terre", exprimant par là son remords. Enfin, dernier raffinement dont les maîtres n'avaient pas l'exclusivité puisque les familles "chic" en avaient à la maison: el arma, un étau mis aux chevilles et qui paralysait l'enfant puni.

Ces méthodes étaient dans l'ancien temps la norme mais la justice impose d'ajouter que d'autres maîtres et d'autres parents — en minorité — condamnaient ces méthodes barbares.

UNE PITIE BIEN PLACEE

Souvenir d'enfance pendant la guerre quand la misère avait comment dire un. . . visage. Un jour donc, une des fortes têtes de la classe qui devait compter quatre-vingt petits garnements, à raison de huit heures d'études par jour, fut condamné à quarante coups sur la plante des pieds, ce qui était le maximum. Mais comme c'était un beau voyou, personne n'osa lui attacher les pieds pour recevoir la punition de crainte d'évidentes représailles après le cours. Il fallut donc menacer de thmila eux-mêmes les volontaires désignés. Quand on réussit enfin à lui attacher les pieds, sa blouse retomba et découvrit, ô horreur, son derrière et son zizi. Trop pauvre sa famille ne pouvait lui acheter de culotte. Dilemme du rabbin, déchiré entre l'horreur du nu et la crainte de passer pour un faible. Le garnement aurait pu résoudre le problème en s'excusant, mais il ne fallait pas y compter. Finalement l'horreur du spectacle offert à quatre-vingt paires d'yeux innocents fut le plus fort, et le rabbin trouva une échappatoire élégante: — Je vois dans ses yeux le remords et sur ses lèvres le repentir, lâchez-le!

L'esprit du Mellah-Joseph Toledano

 Ma iqudi l-fta bas tfta                                 Pour que le navet puisse un jour être bien cuitlesprit-du-mellah L'esprit du Mellah

            Gher el berd ousta             II a besoin pour pousser de froid et de pluie 

Les coups peuvent paraître désagréables comme le sont le froid et la pluie, mais ils sont aussi indispensables pour donner un bon produit. La fin justifie les moyens.

LE BATON BALADEUR

Frappez, frappez il en restera toujours quelque chose. Au Talmud Tora nous avions un maître particulièrement sadique. Son invention la plus géniale — et dont il détenait heureusement l'exclusivité — était de lancer de temps à autre son bâton sur la salle. Il fermait les yeux et criait sous forme d'avertissement: fas ma zat a'zat, ce qui veut dire avec la rime en moins, là ou ça tombe tant pis, car il y a une justice et la tête qui reçoit le coup c'est qu'elle le mérite bien! Un peu comme le proverbe arabe qui recommande de battre sa femme tous les soirs même si on ne sait pas pourquoi — parce qu'elle, elle le sait!

             Khla' hsen mbl'a                        La peur des coups vaut mieux que les coups

C'est le slogan du libéralisme en matière d'éducaton. La menace vaut mieux que son execution. Donner des coups ne fait que durcir l'enfant et plus il s'y habitue moins  ils sont efficaces. La meilleure méthode est de faire peur, c'est le principe de la dissuation. Le pacificateur du Maroc, le maréchal Lyautey fit de ce principe la base de sa politique: il faut montrer sa force pour ne pas savoir a s'en servir

LES INJURES QUI TUENT?

Mieux que les coups — les injures. Le Martien qui aurait débarqué au Mellah, en se fiant au déluge d'injures déversées par les mères sur leur marmaille, aurait conclu que les mères vouaient à leurs enfants la plus implacable des haines. C'est dans les injures que l'arabe dialectal épuisait sa vitalité — mais avec quel brio! Une liste qui n'a rien d'exhaustif: que tu sois dans le dénuement complet! Que tu ne vois aucune réjouissance! Que tu partes la main sur le coeur! Que tu meurs jeune! Que tu ne grandisses pas! Que tu étouffes, que tu ais la fièvre! Que je te vois brûlé! Que la cécité te frappe! Et puis avec la modernisation la gamme s'est élargie: que le chemin de fer passe sur toi, qu'une voiture t'écrase, qu'un car de CTM t'écrabouille! Une seconde après, la même maman, si elle craignait vraiment que son enfant ait le moindre bobo, l'étouffait d'affection et de bénédictions: que je meurs pour toi, que je parte kapara pour tes yeux . . .

TAPE FORT IL LE MERITE

L'enfant avait été particulièrement insupportable et méritait des coups mais le père était trop tendre. Après que l'enfant se soit mis au lit, la mère convainquit le père de lui donner les coups qu'il méritait. Mais de sa chambre l'enfant avait entendu la menace. Il alla voir le domestique et pour un rial ce dernier accepta de prendre sa place au lit. Une heure plus tard le père entra dans la chambre et se mit à faire pleuvoir sur le lit de son fils les coups promis. Le domestique ne comprenant pas ce qui lui arrivait se mit à crier, alors le fils dit au père: — Tape fort il est payé pour cela!

            Di rqued — t'assa                        Qui dort dîne

            C'est par amour nous l'avons vu que les parents ne ménageaient pas leur verge à leurs enfants, mais il y  avait d'autres façons d'exprimer cet amour et d'abord par l'inquiétude. C'est sous toutes les latitudes la premiere qualite de la mere juive qui passe sa vie a  s'inquieter, a se faire des soucis pour ses enfants.

Premier souci: bien les nourrir, qu'ils ne ratent aucun repas et si par hasard l'enfant s'est endormi sans manger elle court le réveiller. Mais le proverbe l'arrête en route: qui dort dine, si l'enfant est arrivé à s'endormir c'est qu'il n'a pas faim, car la faim empêche de dormir. Le proverbe était également une mise en garde contre le chantage des enfants. Sachant leurs mères inquiètes, les enfants  en profitaient sadiquement en faisant semblant de dormir sans manger pour qu'on vienne les supplier de se lever. Non dit le proverbe qui dort dine, ne vous laissez pas prendre au chantage et s'il a vraiment faim il se réveillera!

             Mnin ka ihdro el kbar               Quand les grands parlent

            Ka tzi nzla al sghar                      Les petits sont paralysés

L'esprit du Mellah-JosephToledano

Qui veut les nouvelles de la loge :  Les enfants interroge.lesprit-du-mellahL'esprit du Mellah

Di heb khbar dar – Yisksi drari sghar

Les enfants se taisent quand les grands parlent mais cela ne kes empeche pas d'entendre et de repeater.

La verite sort de la bouche des enfants.

Am ahares – bia el mkanes

Qui des etudes n'a pas la bosse-Se fera marchand de brosses

Le resultat d'une mauvaise education: l'analphabetisme. Dans la tradition juive l'ignorant c'est le am haares textuellement le "peuple de la terre " le paysan. Qu'est ce qu'un am haares demande leTalmud ? "Celui qui n'éduque pas ses enfants dans la Tora (Brachot 47). Pour le plaisir de la rime le proverbe accolle à l'ignorant le métier peu reluisant et de peu de rapport de marchand de brosses, de balais. C'était l'avertissement des parents aux enfants qui rechigniaient à étudier: tu sais bien quel est le sort de l'ignorant, vendre des balais.

            La petite souris est revenue à son trou

            Et si elle le mérite, elle recevra des coups

 Rzaa el qtiet lrmadou – ouida a'melsi yithemmel

Le diminutif est toujours signe d'affection en arabe dialectal, la petite souris, c'est la souris chérie. Les coups étaient nous l'avons vu, la norme, la normale en matière d'éducation, mais il y avait des périodes de grâce pendant lesquelles les coups étaient interdits de séjour: par exemple quand l'enfant est malade, qu'il fait sa communion, qu'il prépare un examen. Pour signifier que cet état de grâce était maintenant terminé et qu'on revenait à la normale on invoquait ce proverbe sous forme d'avertissement: désormais toute faute sera punie comme elle le mérite.

MAINTENANT TU AS GRANDI

Dans l'esprit de ce proverbe une histoire dont le moindre charme est d'être authentique. Pour une société aussi matérialiste que la société juive traditionnelle, l'art pour l'art était la perte du temps pour la perte du temps. Apprendre à jouer du violon dans le début des années quarante apparaissait au Mellah de Meknès comme un caprice de jeunesse qui passera à l'âge adulte. Heureusement au Conservatoire il n'y avait qu'un seul petit juif à s'adonner à une telle frivolité. Mais petit garçon devient grand et ô scandale, il continuait à jouer! Puis arriva l'âge du mariage. Le lendemain de la noce, sa femme qui avait elle les pieds bien sur terre, lui dit gentiment: — Yioua daba mon chéri tu as grandi, tu est es devenu intelligent, alors cette viole, dik el kamnza khbyiha, il est temps de la cacher!

PLAIDOYER POUR LE RIRE

  • Thak ka yinssi el bmoum Le rire fait oublier les soucis.

Les vertus thérapeutiques du rire sont maintenant scientifiquement reconnues, mais l’empirisme a depuis longtemps devancé la science. La psychiatrie connaît bien les vertus du rire pour guérir les névroses et les dépressions, mais nous on le savait déjà. Mais attention trop c'est trop!

  • Thak bla mhal — Mquelt el a'qal Rire sans retenue — Par manque de tenue.

Textuellement: rire sans mesure, par manque de cervelle. Si parmi le commun on aimait à rire sans retenue, il était très mal vu dans les élites de rire aux éclats, et de manifester trop bruyamment sa joie car tout dans cette société policée devait se faire avec dignité et retenue. Aux éclats de rire on préférait le sourire de l'ironie comme l'a si bien décrit le grand journaliste des années trente, J. Ohayon, en visitant Fès:

"Dans ce centre où la culture juive a été prospère et l'est encore, fleurit une ironie légère et sans amertume, où un enthousiasme raisonné est tempéré par le plus aimable des scepticismes. Pas de mouvement ardent et par là saccadé et incohérent, mais une discipline raisonnée, cultivée par des études classiques et talmudiques (L'Avenir Illustré, 1931).

L'esprit du Mellah-JosephToledano

  • lesprit-du-mellahElli thak — thak m'ah    
  • Ris avec les rieurs

Oula bka bki m'ah..

Et avec les pleureurs..pleure

Double moralité: il faut savoir s'adapter aux circonstances et se joindre à l'esprit general du moment' il faut etre poli et ne pas contrarier ou vexer les autres.

Si votre interlocuteur est de mauvaise humeur, il serait mal venu de ne pas participer a sa peine

Miroir d'Israel

Les nouvelles qui venaient d'Israël en ces années cinquante étaient contradictoires et on ne savait plus qui croire: ceux qui disaient du mal ou ceux qui disaient du bien. Notre coiffeur qui était aussi notre troubadour trouva la solution: Israel disait-il est comme un miroir, ris-lui elle te rit, pleure-lui elle te pleure.

Thket el zman – ouzman houa dithak 3alia

J'ai cru du temps me moquer

Et c'est lui qui de moi s'est bien moqué

Rira bien qui qui rira le dernier. 

׳ di 3aoudha outhkla

׳fhal di khraba ougls a 'liha

Qui raconte une histoire et en rit de plus belle

Est comme celui qui chie et s'asseoit sur elle

Une bonne histoire doit être bien racontée. Premier  principe, celui qui raconte ne doit pas être le plus enthousiaste de sa propre blague et en rire avant ou autant que les autres. Le Talmud ne dit-il pas "que ce n'est pas ta bouche qui doit vanter tes propres mérites". Le conteur doit donc en quelque sorte rester neutre, en dehors du coup, pince-sans-rire. D'expérience chacun sait que la même histoire peut faire rire aux éclats ou à peine sourire: tout dépend de celui qui la raconte.

LA MANIERE C'EST L'ESSENTIEL

lnvité dans la ville voisine, Abraham qui aimait contrairement à l'adage biblique se retrouver au  milieu des moqueurs, se dit qu'il avait eu une bonne idée de venir ici. Tous les soirs ses amis se reunissaient à tour de rôle chez l'un d'eux et passaient la soirée à se tordre de rire. Mais le plus etrange est que l'hilarité générale se déclenchait sans que nul ne raconte une histoire. Il suffisait se proclamer un numéro et le succès était assuré. Intrigué il demanda la clef de l'énigme:

  • C'est bien simple, comme nous nous connaissons tous, au lieu de perdre le temps à raconter les histoires on les a classées par numéro et il suffit de dire le numéro pour que chacun comprenne de quelle blague il s'agit!

Abraham trouva l'idée géniale et se mit à son tour à étudier par coeur les numéros. Le soir il se mêla à l'assemblée et lança le numéro de la blague la plus amusante. Aucune réaction. Il essaya un autre, rien pas un sourire! Le lendemain il en demanda la raison à son ami qui lui répondit comme si c'était évident:

  • Il n'y a pas que l'histoire, il y a aussi la manière de raconter. . .

Elliyhbek ya'mlek a'las tbki     Qui t'aime vraiment te fera pleurer

Ouliy ykrhek y a 'mlek a 'las thak            Qui te hait te fera rire

Qui aime bien châtie bien, ne cherche pas la popularité à tout prix, à ceux qu'il aime il fait des reproches quitte à les faire pleurer, tandis que celui qui ne cherche que son interet vous fera rire car "tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute". Plus grave encore celui qui vous hait vous fera rire pour mieux endormir votre vigilance. Vous voilà avertis, mais si je ne vous fais que rire (?) n'en tirez pas de conclusions hâtives sur mes intentions dans ce livre. .

LA GRANDE HCHOUMA OU LES BONNES MANIERES

lesprit-du-mellahLA GRANDE HCHOUMA OU LES BONNES MANIERES

Derekh eretz qadma la Tora – La politesse a précédé la Tora Le Talmud

DE LA POLITESSE EN SOCIETE

Rajel msouab had ma ysdlou bab   L'homme poli — Partout bien accueilli

Textuellement: "A l'homme poli nul ne ferme la porte". La politesse est la clef de l'harmonie en société, l'huile qui rend les rouages sociaux moins broyants, facilite les rapports sociaux en établissant des barrières et des balises que l'homme n'a qu'à suivre pour être assuré d'être partout bien reçu. Toute délimitation entre domaine religieux et domaine civil étant aussi vaine en Médina qu'au Mellah, la crainte de Dieu, le respect de ses commandements est la base de la politesse. A quoi il faut ajouter la plus marocaine des institutions: la houchma qu'on peut traduire textuellement par la honte, mais qui est plus que cela, l'instinct de ce qui est faisable ou non face à l'oeil omniprésent de l'opinion publique, la crainte de choquer, d'être ridicule. La pire des injures est d'être sans hchouma, d'avoir comme on disait en arabe "le visage lavé à l'urine", de ne pas tenir compte de l'opinion des autres, d'aller au-delà des convenances. La religion relayée par la tradition — la kaïda ont fixé une bonne fois pour toutes ce qui est convenable, faisable et il n'y a qu'à suivre les sens interdits tracés  pour arriver à bon port et pour ne trouver nulle part porte fermée.

Entre les quatre murailles du Mellah. délimitant une seule et grande famille, aucun anonymat ne peut etre respecté et la Houchma pouvait régner en maître: "Tu seras la risée de tout le Mellah" voulait dire de tout l'univers et suffisait en general a ramener dans le droit chemin qui pouvaient  etre tentés de s'en éloigner. La force de la pression sociale dans un cadre aussi etroit que le Mellah est difficile a imaginer pour qui n'a pas connu sa dictature.

Di 3amel di 3azbou, khellea nassyuta 3ezbou

Qui n'en fait a sa tete, laisse les autres tout betes

Textuellement: "qui fait ce qui lui plaît, laisse les autres étonnés. Les règles de la politesse laissent peu de place à la fantaisie individuelle, offrant un moule à toutes les situations. Le conformisme est la rançon de la politesse et celui qui n'en fait qu'à sa tête devra s'attendre à l'étonnement, l'incompréhension et en fin de compte à la désapprobation et à la condamnation des autres.

  • Ida fatek el klam — qol sme3t Si un mot t'a échappé dis j'ai entendu
  • Ida fatek t3am qol sbe 3t Si le plat est passé dis je suis rassasié

Entre l'ignorance, la faim et la politesse il faut choisir la dernière. Il ne faut pas se croire au centre du monde et si au cours d'une conversation un mot vous a échappé, il est inconvenant d'arrêter le cours de la discussion pour revenir sur ce mot. Au contraire si on vous interroge faites semblant d'avoir bien entendu. De même dans une réception quand le plat passe d'une main à l'autre, si par hasard on a sauté votre tour, ne réclamez pas à grands cris, faites semblant d'être rassasié. Un autre proverbe dit d'ailleurs que le timide ne sera jamais rassasié, mais entre le danger de rester affamé et celui de braver la hchouma, il faut choisir le moindre mal, avant le ventre il fait sauver la face!

Suab di bla flous — ktterfeh Politesse qui ne coûte-n'en sois pas avare

  • טולידאנו

    Suab di bla flous — ktterfeh   Politesse qui ne coûte-n'en sois pas avare

La politesse coûte, elle est contrainte, effort, renoncement et c'est ce qui en fait au total la valeur. Mais parfois elle ne coûte rien, elle ne demande rien, alors vraiment il faudra être bête pour en être parcimonieux. Un exemple?

  • Di a'tak fmou — e'teh oudnek Qui te donne sa bouche — donne-lui ton oreille…….

Bel exemple de politesse qui ne coûte rien: si quelqu'un veut se confier à vous, vous raconter sa vie et ses malheurs, tendez-lui l'oreille, ce n'est pas un si grand effort. A vous cela ne coûte rien et au conteur quel soulagement! Ce qu'on veut c'est uniquement votre oreille sans exiger une participation active.

MICHEL (BEN) SIMON

Dans un de ses meilleurs films sur un asile d'anciens acteurs, Michel Simon jouait le rôle d'un grand cabotin qui prétendait avoir eu une brillante carrière, alors qu'il n'était jamais monté sur les planches et que tout le monde le savait. Un jour quelqu'un lui fit remarquer qu'il devrait s'arrêter parce que vraiment personne ne croyait à ses histoires et il eut cette réponse que l'on pourrait croire tirée de ce proverbe: "Je ne vous demande de me croire, je vous demande de m'écouter!, donnez-moi seulement votre oreille!"

 El kebrir ma fina —                  Le plus respectable d'entre nous ………

Nsthouh                                      il ne nous reste qu'à le faire danser!

Ce proverbe au Mellah était censé symboliser le comble du ridicule. Pour le comprendre il faut connaître la honte et le dédain dans lequel était tenu le corps humain dans cette société juive. L'âme est l'essentiel et le corps n'est qu'une charge dont à la rigueur on aurait pu se passer. La danse par exemple, autrefois partie de la liturgie au temps du Temple, était devenue totalement prohibée dans les Mellahs des cités traditionnelles ("notons que dans les villages de l'Atlas, sous l'influence berbère, danse était restée à l'honneur parmi les Juifs).

Autrefois la danseuse était assimilée à la prostituée et jamais une femme honnête n'aurait accepte de danser en public. Ce n'est qu'avec la modernisation et la libéralisation des moeurs que la danse du ventre a fait, son apparition dans les Mellahs et est devenue partie intégrante du folklore des réjouissances. Mais même après cette libéralisation il était parfaitement impensable qu'on puisse voir un respectable rabbin se couvrir de ridicule et danser en public. Le propre du rabbin, du notable est la dignite, la retenue, ce qui est permis au commun n'est pas permis " au plus respectable d'entre nous " 

LE RIRE DES MATHEUX

Les gens instruits doivent donner l'exemple de la politesse, de la retenue, du savoir vivre: c'est l'évidence même. D'eux on attend de ne pas se joindre aux plaisanteries du bas peuple. La médisance était au Mellah sport national surtout chez les jeunes, par manque de distractions. Un jour que nous étions comme à l'accoutumée, à monter des blagues à un camarade particulièrement naif mais pas niais — il se vexa d'une plaisanterie particulièrement lourde, mais pas trop, sachant d'où cela venait. Mais ce qui le surprit et le heurta au plus haut point c'est de voir se joindre au cercle des railleurs un brillant camarade qui passait son bac en mathématiques élémentaires, réputée la classe des génies. Et avec un étonnement mêlé de mépris , il se tourna vers lui et lui dit:

— Asnou hada, hta matelem ka ithak!!?     Comment même un math élém rigole de ca?

Loqfa kter ml-glsa                        Debout plus longtemps qu'assis…………

La politesse exige après une réception, après un thé (assis naturellement), de ne pas partir précipitamment comme si on était pressé, mais d'ajouter quelques mots de separation, debout, près de la porte. Mais il ne faut pas que le temps passé se séparer soit long que le temps rete assis. Le  proverbe montre qu'il connaît bien son public: les Juifs aiment beaucoup parler, de telles exceptions n'étaient pas dans la pratique aussi exceptionnelles et fallait a chaque reception prévoir un fameux supplément pour les compliments "à la debout".

PARTIR A L'ISRAELIENNE

L'unite du peuple juif quel que soit le pays de Diaspora, se reconnaît aux petits détails, cette habitude des parlottes debout a donné en Israël une succulente définition. Savez-vous quelle est la différence entre filer à l'anglaise et filer à l'israélienne? Filer à l'anglaise c'est partir sans dire au revoir, et filer à la juive? c'est dire au revoir sans partir!

Hta hzak                                                          Ce n'est qu'après avoir pété

A 'd smmt qu 'ao                                              qu'il a serré les fesses.

Il faut faire attention avant et non après si on veut éviter les catastrophes ou les impairs. La ré­flexion doit précéder l'action — comme recommande le dicton hébraïque: sof massé bémahehava téhila; "la fin d'un acte dans la manière dans laquelle il a été pensé". Ce proverbe définissait donc aussi bien le manquement aux règles de la convenance qu'à celles de la logique.

La politesse comme la pornographie, est une question de topographie. Au Mellah roter était le comble de l'inconvenance alors qu'en Médina c'était le comble du raffinement, après un bon repas. Par contre le pet en horreur en Médina bénéficiait d'une plus grande tolérance au Mellah surtout chez les enfants. La scatalogie on le sait est le plus gros fournisseur de blagues et le pet était toujours le bienvenu quand il s'agissait de faire rire, soit en en parlant ou encore mieux en le faisant entendre. Les enfants avaient même composé un poème en son honneur, bien dans l'esprit des Lumières: " Le pet est un gaz mystérieux qui sort d'une caverne et qui annonce avec fracas l'arrivée du Maréchal caca."

PAS LA PEINE DE POUSSER

Un jour une mouche particulièrement affamée et entreprenante se posa sur le derrière d'un âne et par l'odeur attirée voulut même s'aventurer plus loin lorsqu'un pet retentissant la projeta dehors avec fracas. Alors elle dit:

  • Dites qu'il n'y a pas de travail mais ce n'est pas la peine de pousser! Depuis c'était devenu une expression consacrée avec le sens: "dites le fermement mais poliment!"

DEPUIS LE PREMIER

L'envie le prit soudain de se dégager et ayant scruté l'horizon et n'ayant vu aucun visage connu donna libre cours à son échappement. Léger et court vêtu il allait à grands pas . Un moment en se retournant il vit un coréligionnaire derrière lui. Inquiet il lui demanda:

  • Depuis quand me suivez-vous?
  • Depuis le premier pet, Monsieur!

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