ממזרח וממערב-כרך ד'- מאמרים
ממזרח וממערב כרך רביעי
קובץ מחקרים בתולדות היהודים במזרח ובמגרב
בעריכת
שמעון שורצפוקס
הוצאת אוניברסיטת בר-אילןרמת גם – תשמ"ד
PROFIL INTELLECTUEL DU LETTRÉ JUIF ET DE SON CONGÉNÈRE MUSULMAN, AU MAGHREB (du 16e au 20e siècle)
HAÏ M ZAFRANI
On retiendra, à titre principal, le cas du talmid hakham, et, subsidiairement celui de l'aadib/faqih, son congénère musulman.
ITINÉRAIRE INTELLECTUEL DU LETTRÉ IUIF
Tout lettré est, obligatoirement et avant toute chose, le produit d'une formation effectuée dans le cadre de renseignement traditionnel et de la culture ancestrale.
De cette formation et de cette culture traditionnelles nous avons eu l'occasion de parler, ces questions ayant été traitées dans notre enquête sur l'enseignement de l'hébreu et du judaïsme au Maroc.
Nous y avons examiné successivement les principes fondamentaux de la tradition enseignante juive aux époques biblique, talmudique et gaonique, exposé les "conceptions idéalistes de l'enseignement" et procédé à une description détaillée de l'école traditionnelle juive au Maroc, de l'enseignement élémentaire du heder à celui "académique" de la yeshibah, évoquant aussi "l'instruction continue" par la prédication des jours solennisés (sabbats et jours de fêtes) et durant les séances noc- turnes au cours desquelles on se livre régulièrement à l'étude de la Bible, de la halakhah, du Talmud et du Zohar, du musar (éthique rabbinique), du midrash (homilétique et légendes) et des piyyutim (poésie associée au chant et à la musique), soit à la synagogue, soit dans le cadre des corporations d'artisans et de commerçants, ou au sein de confréries spécialisées
LES CONCEPTIONS IDÉALISTES DE L'ENSEIGNEMENT
Après que les premiers rabbins décisionnaires, tels Maïmonide dans ses Hilkhot Talmud Thora, eurent codifié l'héritage pédagogique des périodes talmudique et gaonique, d'autres penseurs juifs du Moyen-Age réfléchirent à ces problèmes, formulèrent des théories, construisirent des systèmes, s'inspirant des sources fondamentales de la tradition, mais empruntant aussi aux théories philosophiques de leurs contemporains.
Naturellement, ces systèmes n'ont jamais été appliqués à la lettre. L'idéal de haute culture prôné par un philosophe juif du 12è ou 13è siècle ne pouvait s'adresser qu'à une petite élite en mesure de se consacrer, la vie durant, à l'étude. On trouve un type de programme idéal d'enseignement dans un ouvrage rédigé en 1250, Ya'ir Natib dont l'auteur, Rabbi Yéhudah Ben Samuél Ben 'Abbas, vécut en Espagne :
"A l'âge de trois ans, ou au plus tard à trois ans et demi, on doit commencer l'enseignement de la lecture [lettres, voyelles, syllabes], suivi, à quatre ans et demi, par celui des premiers livres de la Torah, chaque semaine étant consacrée à la péricope qui lui correspond, avec cantilation et traduction en langue étrangère [en l'occurence l'arabe],
A six ans et demi, l'étude du Pentateuque doit être reprise, accompagnée de la traduction araméenne [Targum Onqelos] qui est une initiation à la langue du Talmud. Immédiatement, doit suivre l'étude des Prophètes dans l'ordre que nous connaissons, puis celles des Hagiographes, et toujours avec la traduction araméenne et arabe.
Au terme de ce premier cycle, l'enfant atteint l'âge de treize ans. Il doit alors aborder l'étude de la grammaire dans les ouvrages de Rabbi Yonah Ibn Janah, R. David Qamhi, Yéhudah Hayyuj et R. Abraham Ibn 'Ezra.
En même temps, une partie de son horaire doit être consacrée au Talmud dont l'enseingement doit débuter, dans le texte babylonien, par le traité de Berakhot, le plus facile du Seder Zera'im et se poursuivre progressivement par Seder Mo'ed, Seder Nashim, Seder Neziqin, Seder Taharot, Seder Qodashim, avec le commentaire de Rashi [le seul valable aux yeux de l'auteur.]"
L'auteur préconise ensuite "l'étude du Mishneh Torah, de Rambam, d'ouvrages de musar indispensables à une éducation morale fondamentale, tels que Mibhar Hapninim [dont l'auteur présumé est Salomon Ibn Gabirol], Marpe' hanefashot de Rabi Yosef ben 'Aqnin.