Guy Knafo L'Alliance de Casablanca

Guy Knafo

L'Alliance de Casablanca

Je n'ai fréquenté l'Alliance à Casablanca que pendant deux périodes ; en 1933 (j'avais 6 ou 7 ans) et pendant quelques mois seulement. Mon père étant fonctionnaire aux services municipaux, il a pu me faire entrer au lycée, où je suis resté jusqu'en 1942. Vichy nous a fichus à la porte !

Mes quelques mois dans les petites classes m'ont laissé des de profonds souvenirs. Le directeur de l'école était une femme de petite taille, un peu épaisse, avec une voix qui retentissait d'un bout à l'autre de l'école ! Elle avait une réputation affreuse ! Tout le monde la craignait ; c'était Mme Tadjouri. Son mari était aussi directeur avec un titre assez important. Aussitôt la rentrée des classes annoncée par la cloche, tous les élèves s'alignaient devant leur classe. En attendant l'inspection par Mme Tadjouri. Elle inspectait toutes les classes, élève après élève ! Et si quelque chose ne lui convenait pas, on pouvait entendre ses cris de loin. L'inspection comportait les ongles, la tête, le tablier et les chaussures ! Quelle corvée ! Malheur à ceux qui ne répondaient pas à ses critères ! C'était une claque sur la joue ! Personne n'y échappait ! Il va sans dire que nous avions une peur bleue, d'elle. Comme tout le monde, il a fallu que je me rase la tête ! L'Inspection le voulait.

Etre en retard était un risque ; car Mme Tadjouri était toujours aux aguets ! J'avais trouvé le moyen d'échapper à ce problème ; quand j'étais en retard, je demandais à ma mère de me donner un poisson, ou quelques légumes ! Et affronté par l'institutrice, je lui disais que j'avais perdu du temps en cherchant quelque chose pour la "leçon de choses" ! C'est ainsi que j'échappais aux remontrances de l'administration.

Nous avions un instituteur qui s'appelait-me semble-t-il- Monsieur Bensabbat, il enseignait l'hébreu ; et chaque jour il nous faisa:: répéter un passage qui ressemblait à une incantation. Ce passage que je ne comprenais pas, puisqu'il n'y avait pas de traduction. Ce passage je l'entends encore (maintenant que j'ai une base de Judaïsme assez maigre je l'avoue, je me souviens du texte : « Dieu a parlé à Moise… »).

Ce M. Bensabbat enseignait une autre matière (je ne me souviens plus de laquelle) et il avait l'habitude de donner des coups de bâton sur les mains et sur les pieds à quiconque créait des problèmes.

Voilà pour ma première rencontre avec l'École de l'Alliance.

Et voici mon expérience, 10 ans après, lorsque Vichy nous a forcés à retourner à l'Alliance.

Expérience merveilleuse qui m'a permis de rencontrer des amis superbes et d'apprendre à travailler.

J'ai plusieurs commentaires à faire à propos de mes professeurs : (Sutton en littérature et Arabe classique ; Sabetay en sciences, mathématiques, histoire juive ; Benarroya en musique et art, et Mme Ohio (mariée à un catholique) en histoire et géographie.

Tous professeurs extraordinaires, chacun avec ses dadas.

Mon dernier passage à l'Alliance (1942-43) a duré un an. J'en ai des

souvenirs très agréables : professeurs extraordinaires, élèves d'un niveau supérieur ; une année spéciale dans des conditions difficiles.

Nous arrivâmes à l'Alliance (la moitié de la classe) après avoir été exclus de nos lycées.

Arrivés à l'Alliance, nous sommes reçus avec beaucoup de dédain par les professeurs ! Ils nous faisaient sentir que nous étions inférieurs ; Ils ont même essayé de nous maintenir une année de plus au même niveau d'où nous venions !

Pour une raison que j'ignore, tout s'est arrangé. Donc nous voilà dans un système différent usant de méthodes différentes.

La classe est divisée en deux groupes : ceux qui venaient des lycées et ceux de l'Alliance. Durant des mois on nous le fit sentir.

Nos professeurs étaient tous de l'Alliance, à part Mme Ohio qui venait probablement d'un lycée de filles.

Monsieur Sutton, hautain, très imbu de ses connaissances littéraires. Il s'était marié avec l'une de ses élèves.

Nous étudiions à fond toutes les pièces de Racine. Il insistait pour que nous retenions par cœur vingt vers par jour, même les jours où n'avions pas littérature au programme ! Cent vers par semaine ! Et lors des contrôles trimestriels, il nous demandait de réciter quelques-uns des 1200 vers que nous étions supposés connaître par cœur !

Un fait amusant : dix ans après, je le rencontre à Paris. Et comme je ne suis plus son élève (j'ai choisi la carrière d'ingénieur), je lui demande la raison pour laquelle il nous forçait à apprendre par cœur une si grande quantité de vers ! Il a été indigné par ma question !

J'étais pourtant son meilleur élève en arabe classique. J'avais une concurrente en arabe ; une élève du nom de Dorfshneder, une bonne amie. Mais je la devançais d'un demi-point à chaque examen ! Au dernier examen, la même chose ! Elle se mit à pleurer ! Alors M. Sutton lui augmenta sa note pour qu'elle puisse me devancer. Un homme très lettré, poète. Mais difficile à digérer.

  1. Sabetay avait une expression favorite : « Je vous casserais la tête contre le mur ! ». Au cas où nous ne faisions pas de problèmes extra !

Il était très fort en mathématiques, et il insistait pour que nous fassions tous les exercices du chapitre !

Pour toutes les autres matières qu'il enseignait, il se contentait de lire mot à mot dans les livres, et nous étions sensés le suivre. C'était une mauvaise méthode d'enseignement, mais malheur à nous si le lendemain nous ne connaissions pas à fond le sujet.

Malgré ses méthodes, il a réussi à nous inculquer les sujets qu'il enseignait. Un dimanche, après avoir étudié toute la journée, quatre de mes amis de classe et moi étions sortis pour une promenade. Pour notre malheur, nous apercevons au loin M. Sabetay, marchant dans notre direction. Instinctivement nous fîmes un détour pour l'éviter. Le lendemain, pendant le cours de math, vers la fin de la leçon, il s'adressa à nous, d'une voix pleine d'indignation.

« Comment avez- vous eu l'audace de vous cacher ! »

Il avait une manière d'enseigner que je n'appréciais pas ; pourtant les résultats prouvaient que sa méthode et ses menaces donnaient finalement de bons résultats.

Mme Ohio ne venait pas du même milieu. Très belle femme, élégante, sévère. Très éprise de l'histoire de France ; elle nous faisait apprendre tous les événements de la Révolution française ; toutes les dates ; toutes les guerres de Napoléon ! Les examens que nous subissions tous les trois mois, étaient souvent surprenants.

Un jour, quelques élèves avaient su que le sujet d'examen était sur son bureau et avaient réussi à le lire. Mme Ohio s'en était rendu compte. Elle était très vexée, et pendant des semaines elle entrait en classe en nous tournant le dos !

Il a fallu longtemps pour que les relations redeviennent normales. Evidemment, ses efforts ont donné des résultats extraordinaires lors de l'examen du brevet : toute notre classe a réussi et nous étions les mieux classés. Et cela grâce à tous ces professeurs que nous craignions tellement ! Il y avait encore M. Benarroya qui enseignait la musique et l'art. Je lui dois de pouvoir faire de la peinture sans trop de don il est vrai. Il y avait enfin Mademoiselle Afriat en anglais. Je n'arrivais jamais à comprendre ses dictées !

Un jour, à Long Island, j'attendais qu'un ami me rejoigne. Et…qui arrive devant moi sur une bicyclette ? Mademoiselle Afriat ! Je ne l'ai pas arrêtée !

Voilà quelques anecdotes de mon court passage à l'Alliance, avec des bons souvenirs de mes compagnons de classe et de mes professeurs, même si je n'étais pas toujours d'accord avec leurs méthodes.

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