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Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo

Le cloisonnement

Loi d'airain de toute activité clandestine, le cloisonnement était l'une des caractéristiques de la Misguéret au Maroc. C'était bien un corps unique, organisé pour atteindre un même objectif, mais composé de membres qui ne se connaissaient pas. Les officiers étaient inconnus des simples soldats, et ceux qui prenaient part à une opération ne connaissaient que ceux qui y participaient aussi, et encore, seulement sous leur pseudonyme. Il y avait plusieurs autorités, mais aucune ne pénétrait dans le domaine de l'autre. Tel était le schéma du travail.

Mais dans le feu de l'action, les frontières ne sont pas toujours claires, quelquefois c'est le cours des événements qui oblige à faire des changements aux plans établis, et quelquefois on le faisait exprès pour montrer, ne serait-ce qu'un peu, la force de la Misguéret, ce qui n'était possible qu'en sortant de l'ombre pour un temps. Parlant du cloisonnement, il ne faut pas oublier qu'on pouvait être brûlé: cela signifiait que les services de sécurité marocains avaient mis la main sur un ou sur plusieurs militants de la Misguéret. On comptait parmi eux tous ceux qui étaient connus des "brûlés", car on prenait en considération qu'après l'enquête, les services de sécurité sauraient les trouver.

La Misguéret envoyait les "brûlés" en dehors des frontières du Maroc, soit provisoirement jusqu'à ce que les choses deviennent plus claires, soit définitivement. Dans la plupart des cas, ces militants immigraient en Israël, ce qui était de toute façon leur projet.

Souci pour un camarade "grillé"

Eliezer Gabbay

En 1959 Eliezer Gabbay apprit qu'il était "grillé" et qu'il devait donc rapidement quitter le Maroc. Eliezer avait eté recruté en 1956 dans les rangs de Gonen et avait été ensuite transféré à la Makéla, dans laquelle il était chargé de contacter les candidats au départ et d'accompagner les familles des olim, en voiture ou en train, jusqu'à leur remise entre les mains des contrebandiers à la frontière marocaine ou à la côte d'Haluccimas d'où partait clandestinement pour Gibraltar le bateau Pisces-Egoz   

Dans la clandestinité, j'ai fait la connaissance de Steeve et Ramon qui me donnaient les ordres, et dont je ne connaissais pas la véritable identité.

Ce n'est qu'en Israël que j'ai appris que Ramon c'était Méir Knafo et le véritable nom de Steeve je ne le connais pas encore à ce jour. Ils devaient tous les deux m'aider à fuir du Maroc. Ils m'avaient amené à Larache, dans la maison d'un employé d'une station d'essence (il s'agit de Raphaël Kanalés).

J'y suis resté avec ma famille douze jours, jusqu'au moment où un bateau de pèche nous mena dans l'enclave espagnole de Ceuta. Cela ne devait pas être une épreuve facile de rester enfermés dans une chambre pendant plusieurs jours avec trois enfants en bas âge. Avant le départ, devait se joindre à nous un autre camarade, un chauffeur, "grillé" lui aussi. Nous sommes arrivés en Israël le 8 décembre 1959. J'ai eu l'occasion de revoir Steeve (Gad Oren), cet homme extraordinaire, dans le cadre de mon travail à la centrale de recherches atomiques du Neguev. où j'ai travaillé 40 ans. Ceci illustre à quel point le cloisonnement était strict et le souci de faire partir rapidement les camarades "grillés".

La confiance en l'Etat d'Israël et en ses émissaires

Il y a des anecdotes émouvantes sur la manière dont ces hommes et ces femmes simples exprimaient cette confiance et il serait trop long de les rapporter toutes. Les défits du travail étaient quotidiens: comment d'abord repérer les candidats au départ; comment ensuite les avertir de la date de leur départ; comment se préparer à partir à la date convenue – souvent après un préavis de quelques heures seulement. On avait l'impression qu'ils étaient prêts ainsi que leurs valises et leur colis depuis des milliers d'années, n'attendant que le retentissement du son du chofar et l'arrivée du Messie. Et quand le signal a été donné, ils se sont levés et sont partis.

Dans nombre de cas la famille était prête au départ en quelques heures seulement, que ce soit pendant la journée ou en pleine nuit.

Il y a une profusion d'histoires sur la confiance mise par ces juifs dans les "sionistes". Toutes ces histoires ont pour dénominateur commun, l'aspiration à la Alyah et la confiance en Israël. Il ne faut pas perdre de vue que cela signifiait pour ces hommes le déracinement de lieux qui les avaient abrités eux et leurs ancêtres depuis des siècles. De la maison de leurs parents, des tombes de leurs disparus, de leur mode de vie séculaire. Ils quittaient les paysages qui les avaient vu naître et grandir, des souvenirs sacralisés avec le temps, laissant derrière eux une partie d'eux-mêmes. Il fallait donc des raisons déterminantes pour prendre le bâton de pèlerin. Il fallait un but sublime, une croyance enracinée et la candeur de la foi. Pendant des siècles, ils avaient été habités d'un feu tranquille devenu une flamme incandescente avec l'annonce de la délivrance. La sortie précipitée, fut-elle dans les meilleures conditions de prudence, laissait grande impression sur les restants. Au fur et à mesure qu'augmentait le nombre des partants – atteignant avec les années plusieurs milliers par mois – le vide laissé se faisait encore plus durement sentir. Ce déracinement revêtait des faces rieuses ou pleureuses, mais toujours accompagnées de tristesse. C'est la tristesse de tout homme qui connaît le déracinement. Mais cette tristesse était équilibrée par le sentiment d'accomplissement, sachant qu'elle n'était que l'introduction à l'intégration au pays rêvé.

Les maillons faibles du mouvement de masse

Il ne faut pas naturellement ignorer les maillons faibles de la société juive. Il y a eu aussi ceux qui ont profité de la candeur des gens du peuple pour l'exploiter, et parmi eux de vils escrocs. Les dimensions populaires, larges, du mouvement de la Alyah et le travail dans la clandestinité, ne pouvaient que laisser des brèches dans lesquelles se sont engouffrés des hommes peu scrupuleux, se présentant comme des émissaires de la cause pour dépouiller les olim. Ce phénomène devait parfois gêner considérablement la marche normale de l'opération de Alyah – et même provoquer des arrestations, mais il ne devait jamais prendre une grande ampleur.

Les cas ont été rares, l'exception confirmant la règle. Comme dans le cas de ce réseau de religieux extrémistes à la tête duquel se trouvait un certain Rotchild avec la complicité de deux juifs locaux: l'astrologue Georges Harar et le dentiste Abraham Abikhzer ־ qui avaient des relations avec les employés du port de Casablanca. Avec leur aide, largement rétribuée, ils faisaient partir des groupes de juifs du Maroc. Pas des familles, mais des étudiants pour les yéchivot orthodoxes en dehors d'Israël. Ni les mises en garde des gens de la Misguéret de mettre fin à des pratiques nuisibles à l'ensemble de la communauté, ni les requêtes de l'Agence Juive en Israël, n'avaient eu d'effets. Leur trafic ne devait prendre fin qu'après le démantèlement du réseau par les autorités marocaines, avec l'arrestation d'un fonctionnaire corrompu, un proche de famille du gouverneur de la région. Ce fut ensuite le tour des complices de Rotchild d'être arrêtés. La colère des autorités ne devait pas non plus épargner la Alyah Guimel. Pendant des mois tous les départs du port de Casablanca furent suspendus, contraignant les responsables à revenir pour un temps à la Alyah clandestine. Mais encore une fois, ces abus devaient rester des cas isolés.

Quel rapport entre la Alyah Bet et la Alyah Guimel?

Si on convoquait en même temps deux commandants de la Misguéret qui étaient en mission pendant ces neufs années, l'un pendant la période de la Alyah clandestine, l'autre au cours de l'opération Yakhine, il est douteux qu'ils trouvent le même langage pour parler de leur travail.

Voici ce que dira certainement le premier, qui a travaillé entre 1956 et 1961 : "Nous étions à la recherche permanente de nouvelles voies de sortie, et nous voyions dans le départ de chaque juif comme le sauvetage d'une âme. Nous appliquions à la lettre l'adage talmudique que "celui qui sauve une âme d'Israël est comme s'il avait sauvé l'humanité entière".

De ce fait, nous étions contraints parfois par les circonstances, de séparer des enfants de leurs parents et d'avancer le départ d'une partie de la famille. Il y avait des voies de sortie qui ne convenaient – et encore difficilement – qu'à des adultes et impraticables pour des enfants. Quand de telles voies s'ouvraient, nous en profitions sans délais. En faisant partir ces immigrants on ne pensait que plus tard à leurs bagages. Les doutes ne nous quittaient pas: comment est-il possible de mesurer la souffrance d'une mère séparée de ses enfants chéris?

C'était cela en résumé l'époque: le danger permanent, les efforts physiques harassants, les arrestations, la main dure des autorités – et de l'autre côté nous voyions des portes fermées et d'autres qui se fermaient l'une après l'autre. Mais malgré cela, des milliers de juifs ont réussi à monter en Israël et notre action avait un poids spécifique indéniable – c'est grâce à ces milliers de olim clandestins que des dizaines de milliers d'autres sont à leur tour partis pour Israël dans le cadre de la Alyah Guimel."

Et voilà ce qui lui répondrait le responsable de l'époque de la Alyah Guimel d'après 1961: "Notre mission aura été de mener à son terme ce qui a débuté avant nous. Vous vous êtes occupés de sauvetage d'âmes – et il y avait dans votre action un peu de la libération de prisonniers – et nous avons été les acteurs du transfert en Israël de presque toute une communauté dans son ensemble. Nous sommes arrivés jusqu'aux villages les plus reculés du sud marocain, et le résultat a été "que leurs jeunes et leurs vieux" ont quitté leurs villages; ils sont montés en masse en Israël et nous leur avons montré le chemin. Le travail dur que nous avons dû investir pour donner un contenu à l'accord passé avec les autorités, et les efforts déployés pour que les quotas mensuels fixés soient remplis et que tous ceux qui figurent sur le passeport collectif partent effectivement – tout cela n'a pas été un travail de tout repos."

A-Etant de nationalité russe, la famille appartenait à un pays ennemi. Ségéra, aujourd'hui Ilania, se trouve en Galilée. Ce village est connu surtout parce que Ben Gourion y a passé un certain temps après son immigration en Erets-Israël (n.d.l.t.).

B-Il ne faut pas oublier que cela se passait avant la fondation de l'Etat d'Israël – ces fonctions étaient quasi-clandestines (n.d.l.t.).

C-Célébration annuelle de la date du décès de rabbins célèbres et respectés. C'est pour la communauté marocaine l'occasion de se rendre sur les tombes de ces rabbins, dont certaines étaient un objet de culte aussi pour la population musulmane.

 

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo-page 94

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo- La création de la Misguéret-Isser Harel

 

La création de la Misguéret

Isser Harel

Isser Harel était le patron légendaire du "Mossad". Né en 1912 comme Isser Halperin à Vitbesq en Russie Blanche. Son père était un rabbin. A la fin de ses études secondaires, il s'est joint à un groupe de pionniers dans une ferme de préparation près de Riga et un an plus tard il débarquait à Jaffa. Un des fondateurs du kibboutz Shfaïm, où il devait rencontrer son épouse, Rivka.

Comme membre du kibboutz, il s'engagea dans la Hagana et trouva sa voie dans le service de renseignements clandestin (Le Shaï). En 1947, il fut nommé chef des Services de Sécurité au district de Tel-Aviv.

En juin 1948 il fonda le Chabak (D.S.T.) et en septembre 1952 il accéda au commandement du Mossad et du Chabak.

En 1963 il devait rencontrer Méir Knafo et accepter de l'aider à renforcer l'organisation qu'il venait de créer en Israël avec les anciens de la clandestinité et d'en être le guide spirituel.

Depuis les premiers jours de l'Etat d'Israël, et surtout depuis ma nomination à la tête du Mossad, j'ai été le témoin attentif de l'évolution des relations entre le peuple juif et l'Etat juif. Quelles sont leurs obligations réciproques? Les juifs de la diaspora sont censés, naturellement, monter en Israël et participer à sa construction, alors que les juifs d'Israël se doivent de les accueillir et de les intégrer avec joie jusqu'à ce qu'ils ne forment qu'une seule entité. Mais jusqu'à ce que la majorité des juifs montent dans leur pays, quel sera le sort des communautés juives dans les zones de danger et de détresse? Quel est le devoir de l'Etat juif envers eux? Doit-il rester sur la touche ou se porter à leur secours de toute manière possible? Ma réponse était que l’Etat d'Israël ne pourra jamais rester indifférent en cas de tel danger et de telle détresse.

Ces idées, je les ai exposées au début des années cinquante aux deux chefs du gouvernement sous lesquels j'ai servi, David Ben-Gourion et Moché Sharet. Tous les deux étaient absolument d'accord avec elles et avaient adopté ma position de fixer parmi les fonctions du Mossad de telles missions nationales.

Le chef de la junte militaire égyptienne, le colonel Abdel Nasser, s'était imposé comme le chef du monde arabe, du monde islamique et du continent africain.

Il n'avait épargné aucun moyen pour arriver à ce but. Son slogan – qui à ses yeux devait lui permettre d'atteindre l'objectif visé – était la destruction de l'Etat d'Israël. Et c'était bien son intention. Sa propagande virulente contre Israël était arrivée jusqu'en Afrique du Nord. Au Maroc, sa propagande était relayée par le parti nationaliste extrémiste de l'Istiqlal. L'hostilité à Israël, s'était muée, sous l'impulsion de Nasser, en une campagne contre les juifs du Maroc, qui ne cachaient pas leur lien et leur sympathie pour l'Etat d'Israël. Cette communauté était forte en 1954 de quelques 200,000 âmes.

Le pouvoir au Maroc était entre les mains des Autorités Françaises, mais toutes les parties menaient leur politique dans la perspective de l'indépendance jugée à terme inéluctable. Comme je connaissais bien les tendances de Nasser et ses combinaisons, j'étais arrivé à la conclusion qu'avec l'indépendance, la grande communauté juive marocaine pourrait se trouver confrontée à un danger physique. Dans le temps qui restait à notre disposition jusqu'à cette indépendance annoncée, nous avons décidé de prendre les mesures nécessaires pour y faire face. Il fallait d'abord vérifier de près et de manière approfondie deux questions: les juifs d'Afrique du Nord – et les juifs du Maroc en particulier – avaient-ils le même sentiment du danger potentiel? Et dans l'affirmative, y avait-il une infrastructure suffisante au sein de la jeunesse juive pour construire une force d'auto défense? Je décidai d'envoyer en Afrique du Nord, un homme compétent pour mener cette enquête. Son séjour en Tunisie, Algérie et au Maroc dura plusieurs mois et est revenu avec des conclusions positives sur les deux questions. D'abord, il y avait bien dans ces communautés un sentiment d'appréhension et de crainte de ce qui suivra le départ des Français. Secondo, il y avait bien dans ces pays une excellente jeunesse sur laquelle il sera possible de construire le programme d'auto défense. Cette seconde réponse était particulièrement importante et encourageante.

Sur la base de ces données, j'ai décidé de préparer l'équipe israélienne avec pour mission de poser les bases de l'organisation d'auto défense. Vingt volontaires ont été sélectionnés, tous anciens de Tsahal, avec un passé de combattants et l'expérience de l'activité clandestine, parlant français, certains originaires des pays arabes. Au cours de l'année 1955, après un entraînement intensif, ils étaient dépêchés en Afrique du Nord, la majorité au Maroc, et là ils se sont attelés à poser les bases de la Misguéret (nom de code donné à l'auto défense).

Début 1956, l'activité pratique de la Misguéret a commencé. Des jeunes volontaires locaux ont été recrutés, au départ essenciellement parmi les membres des mouvements de jeunesse sionistes.

Des cadres ont été désignés et envoyés suivre des cours, au début en France, puis en Israël, en profitant des vacances d'été. L'accent était mis sur la clandestinité et la jeunesse locale devait faire preuve d'une maturité et d'une discipline exemplaires. En Israël les recrues ont subi un entraînement intensif – dans le cadre du Mossad et de Tsahal – incluant une préparation militaire et l'usage des armes, le travail dans la clandestinité, parallèlement à des activités éducatives et idéologiques. Tous les instructeurs ont été impressionnés par la qualité et le niveau des volontaires. A ma demande, le chef du gouvernement David Ben-Gourion, devait accepter de venir parler devant eux, ce qui devait leur causer une grande émotion. Ben-Gourion de son côté, devait être impressionné du projet et de ce qu'il avait vu. A leur retour dans leurs villes, ils devaient insuffler leur enthousiasme à leurs camarades. Malgré la clandestinité, la création de la Misguéret ne devait pas rester un secret parmi les communautés juives, ce qui devait accroître leur sentiment de sécurité et de fierté. Ainsi était atteint, déjà à ce stade, l'objectif de base pour lequel avait été créée l'organisation d'autodéfense.

Début 1956, les Français quittaient le Maroc, et au milieu de l'année, les autorités marocaines donnèrent l'ordre de faire cesser la Alyah officielle. Les juifs du Maroc se trouvaient d'un coup coupés de l'Etat d'Israël. Dans le monde juif, et plus particulièrement en Israël, ce fut une grande inquiétude quant à leur sort. La décision de faire sortir les juifs du Maroc par tous les moyens possibles fut donc prise en Israël. La responsabilité de l'application de cette décision fut confiée au Département de la Alyah de l'Agence Juive et à celui qui était à sa tête, Zalman Shragaï.

Après maintes recherches et bien des hésitations,

Zalman Shragaï s'est adressé à moi et a proposé que le Mossad se charge de cette mission. Je n'ai pas hésité à lui répondre positivement et avec enthousiasme. Nous avons conclu entre nous que le Département de la Alyah sera l'instance suprême et exclusive sur le plan politique, et le Mossad le responsable exclusif de l'application sur le terrain.

Il devait s'avérer que c'était le meilleur arrangement possible entre deux organismes partageant le même objectif sacré: tout faire pour sauver les juifs du Maroc et les faire monter en Israël.

En Shragaï j'ai trouvé le partenaire idéal sur tous les plans: il était passionné pour

la Alyah, il aimait les olim, dévoué à la cause et de plus un homme fidèle et loyal. Un lien aussi rare devait beaucoup contribuer au succès de toute l'opération.

Les hommes de la Misguéret au Maroc accueillirent avec enthousiasme la nouvelle mission. L'heure était arrivée pour eux de mettre en pratique ce qu'ils avaient appris à faire en cas de danger. Cela devait être le début de l'une des opérations les plus extraordinaires et les plus passionnantes, une opération qui devait durer neuf ans et produire des fruits incomparables: la sortie de plus de 100,000 juifs – hommes, femmes et enfants – et leur arrivée au pays de leur rêve et de leur choix: Israël. Au départ, on se servit de passeports déjà utilisés et adaptés par nous aux nouveaux besoins et aux nouveaux candidats. Cette méthode était par nature limitée à quelques individus et il fallait trouver les voies pour la sortie de milliers de juifs. La solution fut trouvée dans la ville de Tanger qui avait encore un statut international – et dans les deux présides espagnoles de Ceuta et Mélilia. Alors commença le passage clandestin d'immigrants vers ces villes, par voie de terre et de mer, et on y établit des centres de transit temporaires dans lesquels ils furent logés jusqu'à leur départ vers la colonie britannique de Gibraltar ou l'Espagne. Les autorités anglaises et espagnoles étaient disposées à apporter leur aide à cette opération secrète, malgré les protestations des autorités marocaines. Aussi bien à Gibraltar qu'en Espagne, les autorités devaient faire preuve d'un grand humanisme, sans obstacles bureaucratiques, permettant ensuite aux olim de partir pour Marseille et de là vers Israël, par voie aérienne ou maritime.

Une des missions principales de la Misguéret était d'établir le contact avec les candidats au départ, de les préparer, d'assurer leur transport et de les infiltrer dans les enclaves. Il n'y avait aucune difficulté à recruter ces candidats. Au contraire; l'aspiration au départ pour Israël était supérieure aux possibilités de la Misguéret de la mettre en pratique. C'était une sorte de mouvement messianique, sans calculs, sans conditions, sans exiger de préavis plausible pour liquider les affaires. Et il faut se souvenir qu'il ne s'agissait pas d'individus isolés, mais de familles entières avec leurs personnes âgées et leurs enfants.

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo La création de la MisguéretIsser Harel-page 98

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo- L'operation Yakhine -Isser Harel

L'operation Yakhine

Malgré les succès sur le terrain, j'étais parfaitement conscient que par ces seules voies on n'arriverait pas à résoudre le problème des juifs du Maroc. Début 1961. le roi Mohammed V disparut soudainement et son fils Hassan monta sur le trône. Après une période de tâtonnement, le nouveau souverain essaya de se forger une nouvelle ligne politique indépendante. Il devait essayer, avec prudence, de se détacher des liens trop étroits avec Nasser et sa politique violemment anti­occidentale. Il avait besoin du soutien économique de l'Occident et était arrivé à la conclusion qu'il lui fallait améliorer l'image de son pays aux Etats-Unis et en Europe – mais sa politique envers Israël et la Alyah ne subit aucun changement à ce stade. C'est pourquoi nous avons poursuivi notre double pression sur le jeune roi: en continuant la Alyah clandestine et en faisant appel à l'opinion internationale.

Je pensais que notre activité clandestine et les persécutions contre les juifs finiraient par devenir un fardeau insupportable pour le nouveau régime. Il était indispensable de briser le cercle vicieux et d'arriver à un arrangement quelconque avec le gouvernement du nouveau roi.

Par l'intermédiaire de personnes juives et de personnes de bonne volonté non- juives, nous avons établi des liens avec des personnalités hauts-placées de l'entourage du souverain. Ce fut le début de négociations secrètes harassantes, au cours desquelles nous devions en permanence être sur le qui-vive de crainte qu’on n'essaye de nous mener en bateau.

Nos interlocuteurs marocains nous avaient posé quatre conditions:

La sortie des juifs serait officiellement dirigée vers un autre pays, autre qu'Israël.

La sortie doit se faire le plus possible dans le secret.

Paiement d'un dédommagement financier important.

Cessation des activités clandestines jusqu'à l'accord.

Les trois premières conditions ne nous posaient pas de problème. Par contre la quatrième nous mettait face à un grave dilemme – de crainte qu'on ne s'en serve uniquement pour nous tromper – mais nous avons fini par l'accepter, le coeur lourd, afin de ne pas manquer cette occasion historique.

Les négociations prirent ensuite un cours pratique. Il fut conclu que la réalisation de la Alyah du Maroc sera confiée à l'organisation juive américaine, la HIAS. Les hommes de la Misguéret devaient occuper en fait les postes de commandement. Il fut aussi conclu que les départs se feraient avec des passeports collectifs, chose qui était en notre faveur. Puis ce fut l'heure de la première épreuve. Les Marocains avaient exigé un premier versement important sur le compte des opérations futures. Je me suis adressé au ministre des Finances Levy Eshkol qui m'a dit simplement: "d'abord je ne dispose pas d'une telle somme, et second, qui me garantit qu'on ne va pas nous mener en bateau?"

J'ai demandé alors l'aide de Ben-Gourion qui m'a posé la question: "quelle preuve as-tu que ce n'était pas une tromperie?"

Je lui ai répondu qu'il n'y avait aucune garantie mais que cela valait la peine de ne pas rater une occasion aussi historique. Sur le champ, Ben-Gourion a appelé Eshkol et lui a intimé l'ordre devant moi de trouver la somme nécessaire. L'opération " Yakhine" pouvait commencer.

Malgré nos doutes, les Marocains ont tenu parole et respecté leurs engagements et au bout d'un certain temps la merveilleuse opération prit son envol. Alors des milliers de olim ont entamé leur sortie du Maroc par avions par bateaux, et après un court transit en Europe, arrivaient en Israël.

Sous la pression de l'opposition marocaine et de la propagande de la Ligue Arabe, il y eut des périodes d'arrêt et de suspension; des périodes de grande tension, mais après chaque interruption l'opération devait reprendre jusqu'au départ du dernier juif qui le désirait. Quant à ceux qui restaient, ils pouvaient également être sûrs de pouvoir partir quand ils le voudraient; l'obtention de passeports ne posait plus de problème.

Au cours de l'opération Yakhine quelques 85,000 juifs marocains sont montés en Israël et dans le cadre de la Alyah clandestine, quelques 25,000 juifs avaient quitté le Maroc; soit au total 110,000 depuis l'indépendance marocaine. Il est difficile de décrire la coopération et l'atmosphère de délivrance qui emporta le judaïsme marocain – des juifs qui étaient disposés dans toutes les circonstances et dans toutes les conditions de répondre à l'appel de Sion.

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo L'operation YakhineIsser Harel-page 103

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo- Gonen – Les Unités Spéciales de l'Autodéfense des Juifs en Afrique du Nord.

 

 

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Gonen – Les Unités Spéciales de l'Autodéfense des Juifs en Afrique du Nord

"Je fais serment d'être prêt à tout moment d'exécuter les ordres de 1'organisation, dans le cadre De ma fonction, qui me seront transmis par mon Commandant. De même, je suis prêt à sacrifier mon temps, mes biens et même ma vie pour sauvegarder l'honneur de mon peuple, ses biens et son existence".

Introduction

Il est possible que l'histoire ne soit pas condamnée à revenir sur elle-même, et qu'arrivera un jour le temps de la paix absolue, mais c'est encore loin d'être le cas aujourd'hui. Bien au contraire, les périls sont partout dans le monde et tout caprice des autorités peut avoir des conséquences qu'il est difficile de prévoir. L'adage "Malheur aux faibles", non seulement n'a rien perdu de son actualité, mais est encore peut-être plus grave que par le passé. Rien dans le monde n'est définitivement stable: ce qui existe aujourd'hui peut être demain emporté par le vent.

L'expérience du passé – et plus particulièrement la catastrophe qui s'est abattue sur les communautés juives en Europe nazie – est la meilleure illustration que des modes de vie forgés à grande peine pendant des siècles, peuvent être emportés jusqu'à la racine par une mauvaise vague irrésistible. En ce sens, la situation des communautés juives depuis le début de l'exil et de la diaspora n'a jamais fondamentalement changé. La création de l'Etat d'Israël a certes provoqué un changement dans le sentiment, la sensation des juifs – mais la diaspora reste la diaspora, la minorité reste la minorité et la haine de l'étranger, en particulier du juif, demeure une haine. La logique de la renaissance de l'Etat d'Israël est avant tout d'avoir tiré la leçon de la réalité qui n'a pas changé depuis les débuts de l'histoire humaine.

Ces remarques ont été placées au début de ce chapitre pour éviter d'avoir à

expliquer et à justifier à nouveau par la suite pourquoi l'Etat d'Israël a éprouvé le besoin d'envoyer ses émissaires pour éveiller les juifs du Maroc à la nécessité d'organiser leur autodéfense.

Et encore quelques mots sur la discussion étemelle entre deux conceptions du monde. Pour les uns, l'autodéfense d'une minorité est impossible face à l'effondrement de régimes établis et à des spoliations arbitraires. Et au fond, de quelle force peut disposer une minorité face au déchaînement de forces de destruction infiniment plus puissantes – et plus particulièrement quand il s'agit du déchaînement ravageur de masses fanatisées, lancées dans le pillage et la tuerie?

Il est même possible que la petite minorité qui se lève pour se défendre éveille par son action les plus bas instincts de l'homme. Cette conception, défendue par beaucoup, est teintée d'une grande dose de fatalisme et ne mérite pas d'être discutée sérieusement.

Pour d'autres par contre, il est préférable de résister, de tomber les armes à la main. Et encore plus en temps normal – ou ce qu'on définit ainsi – qui lui – même n'est pas dépourvu de malheurs plus ou moins grands. Dans une telle situation les armes entre les mains des défenseurs sont déterminantes le juif doit s'y préparer à temps pour ne pas être l'éternel victime expiatoire. Avec les armes à la main et de la détermination, même une minorité peut imposer son désir de vivre. Une telle conception rejette toute forme de fatalisme. Bien au contraire, elle invite l'homme à prendre en mains son destin. C'est une telle conception de vie qui est à la base de l'existence de l'Etat d'Israël et son devoir est de la répandre dans les communautés de la diaspora.

La guerre d'indépendance des pays d'Afrique du Nord et les tensions internes dans ces pays annonçaient l'arrivée de changements décisifs. Ceux qui refusaient la politique de l'autruche pouvaient aisément prévoir la fin prochaine de la domination française.

Que ces pays obtiendraient l'indépendance pour laquelle ils se battaient, et qu'auparavant les désordres se multiplieraient, le sang coulerait et que les juifs se trouveraient comme toujours pris entre les deux feux. Si on veut porter contre l'Etat d'Israël des accusations sur ce qu'il fait ou sur ce qu'il ne fait pas, celle d'être intervenu avant qu'il ne soit trop tard dans ce pays, l'Etat d'Israël l'assumera avec joie. Plus encore, cette intervention préventive est une justification supplémentaire de son existence. La responsabilité pour le sort des juifs du monde, Israël l'assume – et continuera à l'assumer, tant que ces juifs le lui demandent publiquement ou discrètement – et elle ne peut être sujet à discussion. Les habitants de l'Etat d'Israël,

eux-mêmes en majorité des immigrants, n'ont aucune difficulté à comprendre le sens et la portée de cette responsabilité, incluant le devoir de rassemblement de dispersés et la responsabilité pour le sort des juifs où qu'ils se trouvent- les deux éléments qui ont permis la réalisation du rêve des générations. Et s'ils ne le comprenaient pas ce serait désespérer de leur bon sens. Quant aux citoyens nés et éduqués dans le pays, il leur suffit de réfléchir un peu pour comprendre aussi que sans cette responsabilité pour le sort des juifs du monde, Israël perdrait sa raison d'être.

 L'envoi d'émissaires israéliens en Afrique du Nord pour mettre sur pied des cellules d'autodéfense à l'heure de la montée menaçante des périls, était donc un geste naturel qui allait de soi. De même que l'envoi d'émissaires en Egypte, Syrie, Irak et même au Maroc au cours de la seconde guerre mondiale et à la suite. Ainsi que l'envoi de parachutistes dans les pays d’Europe occupés par les nazis. Le sens de la responsabilité qui avait animé les dirigeants du Yichouv a été hérité par les dirigeants de l'Etat d'Israël souverain – et de même que la récompense de celui qui remplit sa mission est le fait même de la remplir, l'Etat d'Israël aussi en est sorti récompensé.

Au milieu de l'année 1955, les premiers émissaires arrivèrent au Maroc (le lecteur doit avoir à l'esprit que ce livre ne traite que de l'époque 1955-1964 et non des époques précédentes). Bien que le Maroc fût encore sous protectorat français et espagnol, ces émissaires devaient travailler dans la clandestinité. Les autorités françaises n'ont pas été consultées quant à l'action d'agents israéliens sur le territoire marocain, ni demandé leur avis – qui sans aucun doute aurait été refusé de toute façon.

Il n'y a pas de statistiques précises sur le nombre de juifs au Maroc à l'époque, estimé à 230,000, la majorité habitant dans les grandes villes: Casablanca, Marrakech, Fès, Meknès, Tanger, Tétouan, dont entre 70,000 et 80,000 dans les villages et les petites villes. La question de la défense des juifs des grandes villes se posait en d'autres termes que celle des habitants des villages. Il est rapidement apparu que s'il était possible de trouver des solutions pour les grandes villes, il n'y avait pas de réponse satisfaisante pour les villages dispersés dans tout le pays et éloignés des grands centres.

Même en sachant d'avance que les possibilités d'autodéfense étaient de toute façon relativement limitées, il n'y avait aucune possibilité de l'organiser dans les villages reculés, souvent inconnus des juifs du reste du pays eux-mêmes. Sans la solution radicale donnée avec les années, la Alyah en Israël, ils seraient restés encore aujourd'hui à la merci du destin.

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo

Gonen – Les Unités Spéciales de l'Autodéfense des Juifs en Afrique du Nord.

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo- Les moyens de securite dans la Misgueret.

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Les moyens de securite dans la Misgueret

Bien que tout le complexe de la "preparation a la clandestinite" prodiguee aux

recrues de la Misgueret, ne devait etre que l'introduction a leur principale mission, il convient de s'y attarder quelque peu pour les raisons suivantes:

 

Pendant son service au sein de la Misgueret dans la clandestinite. le volontaire etait tenu de changer d'identite et d'adopter un mode de vie et des habitudes compatibles avec sa nouvelle identite. Plus ce nouveau mode de vie devenait une routine, mieux il pouvait remplir sa fonction. II ne fallait donc pas qu'il y ait de hiatus entre l'activite et la nouvelle identite adoptee.

II etait habituel que l'activiste de la Misgueret se serve de sumoms differents selon les periodes pour ne pas trahir sa veritable identite et ne pas faciliter ainsi la tache a la police qui cherchait a retrouver ses traces. II disposait d'un passeport de securite pour le cas de la decouverte de son activite par les services de securite et a partir de ce moment il ne pouvait plus utiliser son ancien passeport. Il etait comme l'acteur qui, plut-il s'identifie a son role au fur et a mesure de la multiplication des representations, plus la representation n'est meilleure. Il est souvent arrive que meme apres avoir retrouve sa veritable identite civile, il continue a porter son sumom de clandestinite – et s'en trouvait bien.

 

Le temps reserve au sujet de la securite, etait relativement large. Tout activiste doit y penser en permanence, consciemment ou inconsciemment. Cela dependait aussi de l'attitude du partenaire d'en face: les services de securite marocains, l'etat d'esprit politique dans les hautes spheres, l'atmosphere generate dans la population musulmane et la necessite de rester actif dans les coulisses de la rue juive.

 

Agents, ou emissaries d'Israel?  Il y avait un conflit permanent entre le souci de securite, la voix de la conscience et les ordres venant d'Israel ou de Paris exigeant de veiller inconditionnellement a la vie de chaque juif. dans toutes les circonstances. Il arrivait a l'activiste d'etre pris entre deux exigences: celle de veiller a la securite des olim et celle de s'occuper de la securite de la Misgueret. La corde etait souvent tres tendue.

 

Si en matiere de surete, il n'y avait pas besoin d'etudes poussees chacun comptant sur ses instincts naturels – en matiere de securite il fallait apprendre sans cesse sans jamais atteindre la perfection. C'est le metier des agents secrets travaillant dans la clandestinite dans tous les pays, bien que le terme "d'agents" ne convienne pas exactement aux emissaires israeliens et aux activistes de la Misgueret au Maroc. Les candidats a une mission au Maroc recevaient une formation preliminaire en Israel avant leur depart. Cette preparation incluait une introduction au pays de mission et a la communaute juive avec laquelle il devait travailler, ainsi que les rudiments de l'activite clandestine. II est douteux que cette preparation soit suffisante et la rencontre avec la realite devait toujours leur reserver bien des surprises.

 

Des recits des emissaires dans ce bapteme de feu, nous apprenons a quel point cette preparation etait insuffisante et ne leur inculquait pas plus que quelques generalites qu'il etait necessaire de completer par l'experience personnelle sur le terrain.

Un des emissaires – sous un nom d’emprunt comme ses collegues – raconte que lorsque le policier charge du controle des passeports l'appela par son nouveau nom, il le corrigea en declinant sa veritable identite. Pour sa chance, la stupefaction du fonctionnaire fut assez longue pour lui permettre de se "racheter" (il s'agit de Moshe Amon). Les emissaires et les activistes locaux, quand leur mission se prolongeait, changeaient de temps a autre de nom. Il en etait de meme des noms de code donnes aux villes et aux lieux de rencontre. Certains, comme nous l'avons dit, devaient garder leur sumom jusqu'a ce jour.

 

Avec le temps, des regies furent fixees en cette matiere de changement d'identite. La routine etait qu'avant d'arriver au Maroc, les emissaires passent par Paris ou se trouvait l'etat-major de la Misgueret pour les trois pays d'Afrique du Nord – et la-bas on revisait avec lui sa nouvelle identite et sa couverture professionnelle. Il devait les connaitre en details avant de partir pour sa mission comme s'il venait de naitre a nouveau.

Nombre d’emissaires ont decrit leur nervosite dans leurs premiers pas au Maroc dans l'attente de leur premiere rencontre avec l'homme de liaison – dont l'identite israelienne avait ete effacee totalement – en un lieu convenu: hall d'hotel ou cafe. C'est seulement par un signal convenu que tombaient les barrieres entre les interlocuteurs qui souvent se voyaient pour la premiere fois. En cas de retard, pour une raison quelconque, les moments d'attente nerveuse paraissaient comm eternite.

En conclusion de cette epoque, on peut dire qu'il n'y a pas eu de bavures dans ce  domaine, les anciens comme les nouveaux venus ont reussi a se reconnaitre soit  parce que les rencontres avaient ete organises comme il se doit, soit en raison du haut sens de responsabilite des anciens, ou grace a l'instinct de conservation qui est ancre en chacun de nous.

Le changement d'identite de l’emissaire n'etait pas un evenement unique, mais une realite de tous les instants, depuis l'adresse de son domicile, aux relations avec les voisins, en passant par l'epicier et le coiffeur, … S'il a pris l'identite d'un homme jeune, il devait se conduire en consequence en matiere de ses relations avec les femmes et de boisson par exemple. S'il se presente comme un commerqant ou comme representant d'une grande societe, il faut savoir etre large en matiere de depenses.

 

Il s'ensuit que l’emissaire ne pouvait tout accepter. Il ne pouvait accepter de vivre dans n'importe quelles conditions, ni se livrer a une metamorphose trop poussee. L'ordre du jour des hommes de la Misgueret incluait un grand souci des conditions de securite en matiere de logement, de lieux de rencontre. Savoir ou et quand fallait- il se taire et ou il etait permis de parler; comment etablir une liaison; comment transferer des documents secrets. Il fallait choisir avec grand soin des cachettes pour les armes, les postes de transmission et les documents. Il y eut des echecs – du le plus souvent a l'intensite du travail. Une telle mission, quand elle se prolonge pendant des annees, inclut des convocations frequentes aux services de securite qui cherchent a mettre la main sur des suspects – et quand le travail se transforme en routine la tendance va vers la negligence par manque d'attention.

 

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo Les moyens de securite dans la Misgueret.

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