Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo- La création de la Misguéret-Isser Harel

 

La création de la Misguéret

Isser Harel

Isser Harel était le patron légendaire du "Mossad". Né en 1912 comme Isser Halperin à Vitbesq en Russie Blanche. Son père était un rabbin. A la fin de ses études secondaires, il s'est joint à un groupe de pionniers dans une ferme de préparation près de Riga et un an plus tard il débarquait à Jaffa. Un des fondateurs du kibboutz Shfaïm, où il devait rencontrer son épouse, Rivka.

Comme membre du kibboutz, il s'engagea dans la Hagana et trouva sa voie dans le service de renseignements clandestin (Le Shaï). En 1947, il fut nommé chef des Services de Sécurité au district de Tel-Aviv.

En juin 1948 il fonda le Chabak (D.S.T.) et en septembre 1952 il accéda au commandement du Mossad et du Chabak.

En 1963 il devait rencontrer Méir Knafo et accepter de l'aider à renforcer l'organisation qu'il venait de créer en Israël avec les anciens de la clandestinité et d'en être le guide spirituel.

Depuis les premiers jours de l'Etat d'Israël, et surtout depuis ma nomination à la tête du Mossad, j'ai été le témoin attentif de l'évolution des relations entre le peuple juif et l'Etat juif. Quelles sont leurs obligations réciproques? Les juifs de la diaspora sont censés, naturellement, monter en Israël et participer à sa construction, alors que les juifs d'Israël se doivent de les accueillir et de les intégrer avec joie jusqu'à ce qu'ils ne forment qu'une seule entité. Mais jusqu'à ce que la majorité des juifs montent dans leur pays, quel sera le sort des communautés juives dans les zones de danger et de détresse? Quel est le devoir de l'Etat juif envers eux? Doit-il rester sur la touche ou se porter à leur secours de toute manière possible? Ma réponse était que l’Etat d'Israël ne pourra jamais rester indifférent en cas de tel danger et de telle détresse.

Ces idées, je les ai exposées au début des années cinquante aux deux chefs du gouvernement sous lesquels j'ai servi, David Ben-Gourion et Moché Sharet. Tous les deux étaient absolument d'accord avec elles et avaient adopté ma position de fixer parmi les fonctions du Mossad de telles missions nationales.

Le chef de la junte militaire égyptienne, le colonel Abdel Nasser, s'était imposé comme le chef du monde arabe, du monde islamique et du continent africain.

Il n'avait épargné aucun moyen pour arriver à ce but. Son slogan – qui à ses yeux devait lui permettre d'atteindre l'objectif visé – était la destruction de l'Etat d'Israël. Et c'était bien son intention. Sa propagande virulente contre Israël était arrivée jusqu'en Afrique du Nord. Au Maroc, sa propagande était relayée par le parti nationaliste extrémiste de l'Istiqlal. L'hostilité à Israël, s'était muée, sous l'impulsion de Nasser, en une campagne contre les juifs du Maroc, qui ne cachaient pas leur lien et leur sympathie pour l'Etat d'Israël. Cette communauté était forte en 1954 de quelques 200,000 âmes.

Le pouvoir au Maroc était entre les mains des Autorités Françaises, mais toutes les parties menaient leur politique dans la perspective de l'indépendance jugée à terme inéluctable. Comme je connaissais bien les tendances de Nasser et ses combinaisons, j'étais arrivé à la conclusion qu'avec l'indépendance, la grande communauté juive marocaine pourrait se trouver confrontée à un danger physique. Dans le temps qui restait à notre disposition jusqu'à cette indépendance annoncée, nous avons décidé de prendre les mesures nécessaires pour y faire face. Il fallait d'abord vérifier de près et de manière approfondie deux questions: les juifs d'Afrique du Nord – et les juifs du Maroc en particulier – avaient-ils le même sentiment du danger potentiel? Et dans l'affirmative, y avait-il une infrastructure suffisante au sein de la jeunesse juive pour construire une force d'auto défense? Je décidai d'envoyer en Afrique du Nord, un homme compétent pour mener cette enquête. Son séjour en Tunisie, Algérie et au Maroc dura plusieurs mois et est revenu avec des conclusions positives sur les deux questions. D'abord, il y avait bien dans ces communautés un sentiment d'appréhension et de crainte de ce qui suivra le départ des Français. Secondo, il y avait bien dans ces pays une excellente jeunesse sur laquelle il sera possible de construire le programme d'auto défense. Cette seconde réponse était particulièrement importante et encourageante.

Sur la base de ces données, j'ai décidé de préparer l'équipe israélienne avec pour mission de poser les bases de l'organisation d'auto défense. Vingt volontaires ont été sélectionnés, tous anciens de Tsahal, avec un passé de combattants et l'expérience de l'activité clandestine, parlant français, certains originaires des pays arabes. Au cours de l'année 1955, après un entraînement intensif, ils étaient dépêchés en Afrique du Nord, la majorité au Maroc, et là ils se sont attelés à poser les bases de la Misguéret (nom de code donné à l'auto défense).

Début 1956, l'activité pratique de la Misguéret a commencé. Des jeunes volontaires locaux ont été recrutés, au départ essenciellement parmi les membres des mouvements de jeunesse sionistes.

Des cadres ont été désignés et envoyés suivre des cours, au début en France, puis en Israël, en profitant des vacances d'été. L'accent était mis sur la clandestinité et la jeunesse locale devait faire preuve d'une maturité et d'une discipline exemplaires. En Israël les recrues ont subi un entraînement intensif – dans le cadre du Mossad et de Tsahal – incluant une préparation militaire et l'usage des armes, le travail dans la clandestinité, parallèlement à des activités éducatives et idéologiques. Tous les instructeurs ont été impressionnés par la qualité et le niveau des volontaires. A ma demande, le chef du gouvernement David Ben-Gourion, devait accepter de venir parler devant eux, ce qui devait leur causer une grande émotion. Ben-Gourion de son côté, devait être impressionné du projet et de ce qu'il avait vu. A leur retour dans leurs villes, ils devaient insuffler leur enthousiasme à leurs camarades. Malgré la clandestinité, la création de la Misguéret ne devait pas rester un secret parmi les communautés juives, ce qui devait accroître leur sentiment de sécurité et de fierté. Ainsi était atteint, déjà à ce stade, l'objectif de base pour lequel avait été créée l'organisation d'autodéfense.

Début 1956, les Français quittaient le Maroc, et au milieu de l'année, les autorités marocaines donnèrent l'ordre de faire cesser la Alyah officielle. Les juifs du Maroc se trouvaient d'un coup coupés de l'Etat d'Israël. Dans le monde juif, et plus particulièrement en Israël, ce fut une grande inquiétude quant à leur sort. La décision de faire sortir les juifs du Maroc par tous les moyens possibles fut donc prise en Israël. La responsabilité de l'application de cette décision fut confiée au Département de la Alyah de l'Agence Juive et à celui qui était à sa tête, Zalman Shragaï.

Après maintes recherches et bien des hésitations,

Zalman Shragaï s'est adressé à moi et a proposé que le Mossad se charge de cette mission. Je n'ai pas hésité à lui répondre positivement et avec enthousiasme. Nous avons conclu entre nous que le Département de la Alyah sera l'instance suprême et exclusive sur le plan politique, et le Mossad le responsable exclusif de l'application sur le terrain.

Il devait s'avérer que c'était le meilleur arrangement possible entre deux organismes partageant le même objectif sacré: tout faire pour sauver les juifs du Maroc et les faire monter en Israël.

En Shragaï j'ai trouvé le partenaire idéal sur tous les plans: il était passionné pour

la Alyah, il aimait les olim, dévoué à la cause et de plus un homme fidèle et loyal. Un lien aussi rare devait beaucoup contribuer au succès de toute l'opération.

Les hommes de la Misguéret au Maroc accueillirent avec enthousiasme la nouvelle mission. L'heure était arrivée pour eux de mettre en pratique ce qu'ils avaient appris à faire en cas de danger. Cela devait être le début de l'une des opérations les plus extraordinaires et les plus passionnantes, une opération qui devait durer neuf ans et produire des fruits incomparables: la sortie de plus de 100,000 juifs – hommes, femmes et enfants – et leur arrivée au pays de leur rêve et de leur choix: Israël. Au départ, on se servit de passeports déjà utilisés et adaptés par nous aux nouveaux besoins et aux nouveaux candidats. Cette méthode était par nature limitée à quelques individus et il fallait trouver les voies pour la sortie de milliers de juifs. La solution fut trouvée dans la ville de Tanger qui avait encore un statut international – et dans les deux présides espagnoles de Ceuta et Mélilia. Alors commença le passage clandestin d'immigrants vers ces villes, par voie de terre et de mer, et on y établit des centres de transit temporaires dans lesquels ils furent logés jusqu'à leur départ vers la colonie britannique de Gibraltar ou l'Espagne. Les autorités anglaises et espagnoles étaient disposées à apporter leur aide à cette opération secrète, malgré les protestations des autorités marocaines. Aussi bien à Gibraltar qu'en Espagne, les autorités devaient faire preuve d'un grand humanisme, sans obstacles bureaucratiques, permettant ensuite aux olim de partir pour Marseille et de là vers Israël, par voie aérienne ou maritime.

Une des missions principales de la Misguéret était d'établir le contact avec les candidats au départ, de les préparer, d'assurer leur transport et de les infiltrer dans les enclaves. Il n'y avait aucune difficulté à recruter ces candidats. Au contraire; l'aspiration au départ pour Israël était supérieure aux possibilités de la Misguéret de la mettre en pratique. C'était une sorte de mouvement messianique, sans calculs, sans conditions, sans exiger de préavis plausible pour liquider les affaires. Et il faut se souvenir qu'il ne s'agissait pas d'individus isolés, mais de familles entières avec leurs personnes âgées et leurs enfants.

Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo La création de la MisguéretIsser Harel-page 98

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