Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo- Gonen – Les Unités Spéciales de l'Autodéfense des Juifs en Afrique du Nord.
Gonen – Les Unités Spéciales de l'Autodéfense des Juifs en Afrique du Nord
"Je fais serment d'être prêt à tout moment d'exécuter les ordres de 1'organisation, dans le cadre De ma fonction, qui me seront transmis par mon Commandant. De même, je suis prêt à sacrifier mon temps, mes biens et même ma vie pour sauvegarder l'honneur de mon peuple, ses biens et son existence".
Introduction
Il est possible que l'histoire ne soit pas condamnée à revenir sur elle-même, et qu'arrivera un jour le temps de la paix absolue, mais c'est encore loin d'être le cas aujourd'hui. Bien au contraire, les périls sont partout dans le monde et tout caprice des autorités peut avoir des conséquences qu'il est difficile de prévoir. L'adage "Malheur aux faibles", non seulement n'a rien perdu de son actualité, mais est encore peut-être plus grave que par le passé. Rien dans le monde n'est définitivement stable: ce qui existe aujourd'hui peut être demain emporté par le vent.
L'expérience du passé – et plus particulièrement la catastrophe qui s'est abattue sur les communautés juives en Europe nazie – est la meilleure illustration que des modes de vie forgés à grande peine pendant des siècles, peuvent être emportés jusqu'à la racine par une mauvaise vague irrésistible. En ce sens, la situation des communautés juives depuis le début de l'exil et de la diaspora n'a jamais fondamentalement changé. La création de l'Etat d'Israël a certes provoqué un changement dans le sentiment, la sensation des juifs – mais la diaspora reste la diaspora, la minorité reste la minorité et la haine de l'étranger, en particulier du juif, demeure une haine. La logique de la renaissance de l'Etat d'Israël est avant tout d'avoir tiré la leçon de la réalité qui n'a pas changé depuis les débuts de l'histoire humaine.
Ces remarques ont été placées au début de ce chapitre pour éviter d'avoir à
expliquer et à justifier à nouveau par la suite pourquoi l'Etat d'Israël a éprouvé le besoin d'envoyer ses émissaires pour éveiller les juifs du Maroc à la nécessité d'organiser leur autodéfense.
Et encore quelques mots sur la discussion étemelle entre deux conceptions du monde. Pour les uns, l'autodéfense d'une minorité est impossible face à l'effondrement de régimes établis et à des spoliations arbitraires. Et au fond, de quelle force peut disposer une minorité face au déchaînement de forces de destruction infiniment plus puissantes – et plus particulièrement quand il s'agit du déchaînement ravageur de masses fanatisées, lancées dans le pillage et la tuerie?
Il est même possible que la petite minorité qui se lève pour se défendre éveille par son action les plus bas instincts de l'homme. Cette conception, défendue par beaucoup, est teintée d'une grande dose de fatalisme et ne mérite pas d'être discutée sérieusement.
Pour d'autres par contre, il est préférable de résister, de tomber les armes à la main. Et encore plus en temps normal – ou ce qu'on définit ainsi – qui lui – même n'est pas dépourvu de malheurs plus ou moins grands. Dans une telle situation les armes entre les mains des défenseurs sont déterminantes le juif doit s'y préparer à temps pour ne pas être l'éternel victime expiatoire. Avec les armes à la main et de la détermination, même une minorité peut imposer son désir de vivre. Une telle conception rejette toute forme de fatalisme. Bien au contraire, elle invite l'homme à prendre en mains son destin. C'est une telle conception de vie qui est à la base de l'existence de l'Etat d'Israël et son devoir est de la répandre dans les communautés de la diaspora.
La guerre d'indépendance des pays d'Afrique du Nord et les tensions internes dans ces pays annonçaient l'arrivée de changements décisifs. Ceux qui refusaient la politique de l'autruche pouvaient aisément prévoir la fin prochaine de la domination française.
Que ces pays obtiendraient l'indépendance pour laquelle ils se battaient, et qu'auparavant les désordres se multiplieraient, le sang coulerait et que les juifs se trouveraient comme toujours pris entre les deux feux. Si on veut porter contre l'Etat d'Israël des accusations sur ce qu'il fait ou sur ce qu'il ne fait pas, celle d'être intervenu avant qu'il ne soit trop tard dans ce pays, l'Etat d'Israël l'assumera avec joie. Plus encore, cette intervention préventive est une justification supplémentaire de son existence. La responsabilité pour le sort des juifs du monde, Israël l'assume – et continuera à l'assumer, tant que ces juifs le lui demandent publiquement ou discrètement – et elle ne peut être sujet à discussion. Les habitants de l'Etat d'Israël,
eux-mêmes en majorité des immigrants, n'ont aucune difficulté à comprendre le sens et la portée de cette responsabilité, incluant le devoir de rassemblement de dispersés et la responsabilité pour le sort des juifs où qu'ils se trouvent- les deux éléments qui ont permis la réalisation du rêve des générations. Et s'ils ne le comprenaient pas ce serait désespérer de leur bon sens. Quant aux citoyens nés et éduqués dans le pays, il leur suffit de réfléchir un peu pour comprendre aussi que sans cette responsabilité pour le sort des juifs du monde, Israël perdrait sa raison d'être.
L'envoi d'émissaires israéliens en Afrique du Nord pour mettre sur pied des cellules d'autodéfense à l'heure de la montée menaçante des périls, était donc un geste naturel qui allait de soi. De même que l'envoi d'émissaires en Egypte, Syrie, Irak et même au Maroc au cours de la seconde guerre mondiale et à la suite. Ainsi que l'envoi de parachutistes dans les pays d’Europe occupés par les nazis. Le sens de la responsabilité qui avait animé les dirigeants du Yichouv a été hérité par les dirigeants de l'Etat d'Israël souverain – et de même que la récompense de celui qui remplit sa mission est le fait même de la remplir, l'Etat d'Israël aussi en est sorti récompensé.
Au milieu de l'année 1955, les premiers émissaires arrivèrent au Maroc (le lecteur doit avoir à l'esprit que ce livre ne traite que de l'époque 1955-1964 et non des époques précédentes). Bien que le Maroc fût encore sous protectorat français et espagnol, ces émissaires devaient travailler dans la clandestinité. Les autorités françaises n'ont pas été consultées quant à l'action d'agents israéliens sur le territoire marocain, ni demandé leur avis – qui sans aucun doute aurait été refusé de toute façon.
Il n'y a pas de statistiques précises sur le nombre de juifs au Maroc à l'époque, estimé à 230,000, la majorité habitant dans les grandes villes: Casablanca, Marrakech, Fès, Meknès, Tanger, Tétouan, dont entre 70,000 et 80,000 dans les villages et les petites villes. La question de la défense des juifs des grandes villes se posait en d'autres termes que celle des habitants des villages. Il est rapidement apparu que s'il était possible de trouver des solutions pour les grandes villes, il n'y avait pas de réponse satisfaisante pour les villages dispersés dans tout le pays et éloignés des grands centres.
Même en sachant d'avance que les possibilités d'autodéfense étaient de toute façon relativement limitées, il n'y avait aucune possibilité de l'organiser dans les villages reculés, souvent inconnus des juifs du reste du pays eux-mêmes. Sans la solution radicale donnée avec les années, la Alyah en Israël, ils seraient restés encore aujourd'hui à la merci du destin.
Le Mossad et les secrets du reseau juif au Maroc 1955-1964 – Michel Knafo–
Gonen – Les Unités Spéciales de l'Autodéfense des Juifs en Afrique du Nord.