Com.juives saha..M. Abitbol


Communautes juives sahariennes

 

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Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb

Edite par M. Abitbol

Institut Ben zvi pour la recherche sur les communautes juives d'Orient

Yad Itshak Ben-Zvi et l'Univesite Hebraique de Jerusalem

PREFACE

Le recueil d'articles que nous présentons constitue l'essentiel des Actes du Colloque sur les communautés juives des marges saharien­nes du Maghreb, tenu en mars 1980 à Jérusalem, à l'initiative du Centre de Recherches sur les Juifs d'Afrique du Nord (Jérusalem) et de l'Institut de Recherches Méditerranéennes (Aix-en-Provence).

Tout comme lors des précédentes rencontres, organisateurs et partici­pants ne prétendent guère donner un tableau complet de l'évolution de ces communautés dont les origines remontent probablement aux débuts de la présence juive en Afrique du Nord et dont l'extrême dispersion géographique — de l'Anti-Atlas aux confins dela Cyré-naïque — les rendent aussi omniprésentes qu'insaisissables. 

Omniprésentes — ces communautés le sont tout d'abord dans la mémoire collective ou dans l'imagination des Juifs maghrébins qui firent du Dra' marocain, le berceau d'un "royaume" juif du Haut Moyen-Age, de Tamentit au Touat, — ravagé au XVIe siècle par les appels au Jihad d'al-Maghili — une "nouvelle Jérusalem" et de Djerba, l'île-refuge des Cohanim chassés de Palestine après la des­truction du Temple. 

Omniprésentes, elles le sont aussi dans les chro­niques arabes, dans les sources rabbiniques, dans les traditions locales et dans les relations de voyageurs européens que le hasard, l'aventure ou l'intérêt conduisirent à la lisière du Grand Désert.

 On ne s'éton­nera guère par conséquent de l'immense variété des sources dans lesquelles les auteurs ont puisé leur informations. Nous mentionne­rons en particulier l'usage intensif fait des sources rabbiniques dans la partie historique du recueil (M. Abitbol, M. Ben-Sasson, N. Levtzion, Rosen-Goldberg).

S. Shwarzfuchs évoque les écueils méthodologiques et autres presentes par la manipulation de telles sources. Mais ny-t-il que les textes qui exigent de telles precautions ? Cela ne vaut-il pas pour toute autre source historiquw et notamment pour la geste hilalienne et pour les litteratures dialectales examinees  respectivement par L.Saada et H.Zafrani?

La littérature orale, explique H. Zafrani, "est en quelque sorte le lieu de rencontre privilégié des deux communautés (juive et musul­mane) qui réalisent dans ce domaine précis de la culture, une véritable symbiose".

 Passant en filigrane à travers bon nombre de communica­tions, la problématique des relations judéo-musulmanes au sud du Maghreb a suscité, de nouveau, d'interessants débats: s'il est indéniable, comme l'ont souligné R. Goutalier, P. Shinar, A. Udovitch, L. Valensi — et comme cela a été amplement confirmé dans les études-témoignages de S. Amsellem et D. Iancu — que la contiguïté séculaire et la même histoire ont fini par produire une frap­pante identité des structures sociales entre les deux communautés, il reste que chacune d'elles a raffiné par un luxe de détails, ses diffé­rences par rapport à la seconde.

 Différences qui puisent certes leurs sources dans des fonds culturels et religieux distincts mais qui s'ex­priment tant par des symboles extérieurs d'identification ethnique que par des activités professionnelles spécifiques.

Solidement implantés le long de la lisière prédésertique du Magh­reb, depuis le Vème siècle, les Juifs du Sud étaient éparpillés à travers des dizaines de petites communautés qui ne comptaient, le plus sou­vent, que quelques dizaines d'habitants.

 La question des circonstances de leur présence dans cette région a donné lieu à des appréciations contradictoires (L. Saada, G. Camps, M. Shatzmiller), mais qu'ils fussent autochtones ou étrangers, ils étaient exclus, en règle générale du jeu tribal et du contexte social ambiants, tant du fait de leur ,marginalité religieuse que du particularisme de leurs activités économi­ques.

Artisans et commerçants, politiquement et ethniquement "sans couleur", les Juifs du Maghreb méridional pouvaient circuler libre­ment d'une zone politique à l'autre et d'une aire géographique à l'autre — Sahara et Sahel exceptés depuis le XVe siècle — étant à peu près sûr de trouver, à chacune de leur halte, un mellah et des correspondants de même confession, de même langue et de même statut avec lesquels ils partageaient les mêmes activités.

 Jouissant généralement de l'appui des pouvoirs locaux, ils constituèrent une trame essentielle du système d'échanges qui s'instaura au Maghreb à travers les siècles. Les études présentés par R. Simon et D. Schroeter illustrent avec précision certains des mécanismes économiques et so­ciaux qui, au XIXe siècle, facilitèrent la montée du capitalisme judéo- nord africain, décrit par J. L. Miège.

Cette mobilité et cette ouverture sur le monde extérieur a permis aux communautés du Sud de puiser dans les civilisations urbaines immédiates ou lointaines, divers emprunts artistiques et techniques qui devaient les singulariser davantage encore par rapport à leurs voi­sins (H. Camps-Faber, A. Muller-Lancet).

 Au cours de l'époque coloniale, elles montrèrent aussi peu de résistance devant les apports de la modernité: M. Laskier, pour le Sud marocain, R. Goutalier, D. Iancu et P. Shinar pour le Sud algérien apportent des données d'une grande précision sur le processus de modernisation de ces com­munautés.

Le dernier thème abordé dans ce recueil concerne la vie religieuse et la création littéraire des Juifs du Sud maghrébin. Ce sujet méritait certainement une plus grande attention, mais vues l'originalité et la richesse des communications présentées (R. Attal, J. Chétrit, E. Hazan, F. Raphaël et J. Tobi), nous avons bon espoir de voir s'amplifier, dans un proche avenir, la recherche dans ce domaine.

Nous voulons remercier ici tous ceux qui ont pris part à la rédac­tion de ce recueil ou qui ont participé au Colloque, Notre reconnais­sance va en premier lieu à tous les organismes universitaires et publics dont le concours généreux a permis la réalisation de cette rencontre et la publication de ces actes.

Michel Abitbol Jérusalem 1982

 

Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb

 

Haï m Zafrani 

LITTERATURES POPULAIRES ET DIALECTALES DU JUDAÏSME D'OCCIDENT MUSULMAN

L'ECRIT ET L'ORAL

Notre exposé constituera, en quelque sorte, la présentation du troi­sième volet de la tétralogie que nous consacrons à la vie intellectuelle juive au Maroc de la période qui se situe entre la fin du XVe siècle marquée par l'exil d'Espagne et le début du XXe siècle qui a connu les mutations consécutives à l'avènement du Protectorat français.

Ce troisième volume est la suite logique du second, dédié au piyyut à dominante religieuse, à la poésie d'expression hébraïque. Nos travaux sur la pensée juridique et les environnements socio-économiques et religieux du droit avaient donné naissance au premier intitulé Les Juifs du Maroc. Vie sociale, économique et religieuse. Etudes de Taqqanot et Responsa. Nous examinerons, dans le quatrième, les écrits kabbalistiques et la vie mystique du judaïsme d'Occident Musul­man.

Nous avons réuni sous le titre de Littératures populaires et dialec­tales, des études inédites ou déjà publiées. Notre intérêt pour ce mode d'expression de la pensée a grandi, et notre champ d'investigation s'est élargi à des domaines dont nous ne soupçonnions guère la ri­chesse et la fécondité, à l'origine de notre entreprise, au point de départ de nos enquêtes.

 Du centre d'intérêt exclusivement juif, textes bibliques et mishnaïques, compositions liturgiques, hagiographiques, etc…, dont nous avons, du reste, développé les chapitres et pro­longé le propos par de nouvelles études et de curieuses découvertes (notre sermon de bar-mitzva et ses préliminaires homilétiques, une ketubbah originale en judéo-arabe, une qasida historique qui raconte, sous forme de complainte, une incursion de la tribu des Qudaya dans Fas-al-zdid), nous sommes passé à l'univers d'une culture laïque et profane, pour ainsi dire symbiotique, où Juifs et Musulmans se ren­contrent et se reconnaissent, partagent les mêmes préoccupations et obéissent aux mêmes impulsions (la qasida dumahbub "ballade de ),amant", la composition 'arubidu "caftan", les modèles arabes de la création poétique hébraïque et de la musique juive). . .s

Au demeurant, la documentation, ici rassemblée, ne représente que de manière partielle et fragmentaire les genres multiples et variés de la production intellectuelle judéo-arabe et judéo-berbère.

Dans l'océan de la littérature d'expression dialectale, nous avons été obligé non d'opérer un choix, mais de distinguer des manières de dire, correspondant à des fonctions différentes, et d'en présenter un nombre limité de paradigmes, de types de discours que nous avons, de façon générale, soumis à une investigation littéraire et occasion­nellement à un examen linguistique, l'entreprise ayant toujours été conduite avec la rigueur qui convient à ce genre de travaux.

Dans notre analyse du document écrit ou sonore, nous nous sommes efforcés de créer une intimité profonde avec le texte, d'y retrouver une ambiance et de revivre la situation qu'il décrit.

Comm. juives sahariennes

 En disserter est un jeu d'écriture, une opération qui n'en reste pas moins, cependant, une tâche difficile, parfois ingrate, quand l'analyse doit sonder les profondeurs du discours, y reconnaître le trait allusif, en percevoir la charge culturelle, en saisir la dimension et l'interpréter correcte­ment, l'épreuve finale consistant dans la recherche et la localisation des sources, la découverte des références à la "mémoire collective", aux traditions écrites et orales, aux cultures et civilisations avec les­quelles notre document entretient constamment des rapports étroits, une solidarité active.

Nous avons, momentanément et à regret, laissé à l'écart de notre présentation le monde merveilleux et fascinant du conte et de la lé­gende, l'univers érudit ou ludique des proverbes et des sentences populaires, la littérature épistolaire, les genres mineurs que cultivent indifféremment Juifs et Musulmans et très en faveur dans la société féminine et enfantine, plus spécialement: as-slâmât "salutations, billets doux et autres messages aigres-doux"; al-lagza "énigme"; al-huzzaya "devinette"; al-ma'âni "jeux de mots et de langage"; al-mayàr "réprimande"; al-a'ayyu' "chansons de circonstance, couplets géné­ralement improvisés, humoristiques et sarcastiques"; lâ-grta, al-gannaya "chansonnettes, berceuses, chansons de l'escarpolette (matesa chez les Musulmans, sabuka chez les Juifs)" et celles accompagnant d'autres jeux; ad-d'a "invocations à Dieu, aux anges, aux héros bibliques, aux saints palestiniens et aux santons locaux"; divers types de malhùn et 'arûbi, d'historiettes (hrâfât et hkâyàt), de chants à caractère polémi­que ou politique composés à l'occasion des guerres ou des luttes contre divers־ envahisseurs du pays, etc…

De même avons-nous renoncé à consacrer un chapitre entier au tableau inventaire des œuvres, contrairement à nos habitudes. Pour le présent ouvrage, dédié à la littérature d'expression dialectale, un tel inventaire eût été bien plus malaisé à établir que pour la pensée juri­dique ou pour la création poétique, en raison de la plus grande diversité de la matière et de sa dispersion, de l'étendue considérable du corpus, de la quantité et de la variété des pièces à recenser, celles que nous connaissons ou qui sont en notre possession, et celles qui restent encore à découvrir dans les archives et papiers éparpillés à travers le monde ou à recueillir par voie orale dans la mémoire des rares témoins qui en conservent le souvenir et qui acceptent de se prêter au jeu de l'enquête.

 Quoi qu'il en soit, l'entreprise eût été impossible dans le cadre de la présente étude, contraints que nous sommes de la réduire à des dimensions raisonnables, mesurées à l'aune de la place imposée par le temps et les exigences de l'édition.

A ce titre, comme à d'autres, nous tenons la présente étude pour une tentative fragmentaire, la considérant comme un commencement, une contribution modeste et préliminaire tant à l'étude de la dialecto­logie marocaine qu'à la connaissance des littératures maghrébines, juives et musulmanes, d'expression dialectale.

 Dans ce domaine assez peu connu, nous croyons que notre entreprise a néanmoins sa justifi­cation.

Nous avons défini ailleurs le concept de "totalité" de la pensée juive et posé le principe de son unité organique; nous affirmions la solidarité active qui domine les rapports de la vie intellectuelle juive au Maroc avec les manifestations de la pensée juive universelle; mais nous ajoutions aussitôt que le judaïsme marocain est partie intégrante du paysage culturel et linguistique de l'Occident musulman.

Dans l'espace intellectuel ainsi défini, il serait au demeurant hasardeux de vouloir dissocier les "humanités juives", la littérature classique tra­ditionnelle d'expression hébraïque, de la création écrite et orale d'ex­pression dialectale.

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 La seconde sert, bien souvent, à la première, d'outil d'interprétation et d'auxiliaire pédagogique; c'est elle qui lui donne sa dimension existentielle, locale et maghrébine, et confère une identité socio-culturelle originale à ceux qui en transmettent la mémoire.

Si la littérature d'expression hébraïque concerne, d'une façon géné­rale, le savoir écrit, la science élitaire d'une société lettrée se recrutant quasi exclusivement parmi les hommes, la création littéraire d'expres­sion dialectale s'adresse, elle, à tout le monde, aux catégories de la population insuffisamment alphabétisées ou médiocrement instruites, spécialement aux femmes et aux enfants.

 L'une et l'autre participent, au demeurant, à la transmission du savoir, de la coutume et des usages, et remplissent, à des niveaux et des degrés différents cependant, les mêmes fonctions initiatiques, pédagogiques et liturgiques.

 La seconde est, par ailleurs, la fidèle gardienne des traditions non écrites, constitue l'instrument d'information par excellence et possède, en outre, en certains de ses aspects laïques et profanes, une vertu remar­quable, celle d'un pouvoir intégrateur et socialisant, comme en portent témoignage certaines des compositions présentées dans notre ouvrage.

On ne peut cependant échapper à l'impression qu'il existe comme un divorce entre "l'écrit" hébraïque et "l'oral" dialetctal L'hébreu, langue du Livre et du Rituel, sert à communiquer avec Dieu. C'est en judéo-arabe et en judéo-berbère (en haketiya "judéo-espagnol"dans les sociétés hispanophones) qu'on communique avec les hommes, son parent et son prochain, et la littérature dialectale est le miroir où l'on se regarde; elle est l'expression de l'âme profonde, des manifes­tations de la vie quotidienne, profanes, voire religieuses, de toutes sortes de choses qu'il est interdit ou qu'on est dans l'impossibilité de dire dans la langue sacrée.

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Cette littérature dialectale, comme l'autre d'expression hébraïque, il convenait aussi de la mettre au jour, de la recueillir et de la fixer, de réunir, de la sorte, une documentation écrite et sonore indispen­sable à la connaissance d'un monde peu exploré quand il en était encore temps et condamné désormais à disparaître, irrévocablement, en raison du déracinement et de la dispersion des communautés juives maghrébines, plus spécialement celles établies depuis des siècles, sinon un ou deux millénaires, dans les montagnes de l'Atlas et aux confins du Sahara, porteuses d'antique mémoire et de vieilles cultures.

Au plan linguistique, les documents écrits et sonores mis en œuvre appartiennent à divers registres dialectaux. On retiendra que la langue de la qasida, représentative d'un certain niveau de culture populaire, est un idiome littéralisant, conservateur, caractérisé par des archa­ïsmes, un substrat morpho-syntaxique et un fonds lexical actuellement disparus de l'usage, du parler familier et quotidien, et qu'on ne re­connaît et comprend plus guère, ni en milieu juif citadin, ni dans la société cultivée musulmane elle-même formée à l'école moderne de la langue classique et littéraire que diffusent l'enseignement officiel, la presse, la radio et la télévision, la langue du malhun, voire celle du conte populaire devenant petit à petit l'apanage d'un petit nombre de spécialistes, chercheurs universitaires ou bardes et conteurs am­bulants.

Encore quelques brèves réflexions sur le genre de création littéraire que nous étudions, sur ses rapports avec la tradition et le folklore, sur les grandes fonctions que nous lui connaissons dans les sociétés juives du Maroc.

Notons d'abord que les littératures d'expression dialectale sont orales, essentiellement. S'il en est d'écrites, elles le sont accessoirement et occasionnellement; elles sont reproduites pour mémoire, au hasard des circonstances, par le scribe musulman en caractère arabes, et par le copiste juif en caractères hébraïques.

La littérature orale est une matière immense et difficile à délimiter. Elle intéresse le folklore, mais ressortit aussi à la sociologie, à l'ethno-anthropologie, voire à l'histoire. Tout ce qui a été dit et ensuite recueilli par la mémoire collective appartient à son vaste domaine.

 Qualifiée généralement de populaire, elle s'enrichit continuellement aux dépens des créations des lettrés qu'elle assimile très rapidement. On peut donc légitimement en déduire que les littératures orales et populaires conservent et transmettent, outre l'héritage des cultures préhistoriques, les créations des civilisations historiques. Cette survi­vance et cette transmission se conforment cependant à certaines règles et obéissent au fonctionnement des mentalités populaires.

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L'analogie des structures mentales des populations juives et musul­manes — arabes et berbères — a donné naissance, au Maghreb, à une littérature et à un folklore où le substrat culturel juif et l'héritage arabo-berbère s'associent en une création originale. Notons ici que les grandes pièces historiques de la littérature orale d'expression dialectale, les chroniques prophétiques de la Haggadah juive et des Qisas musulmanes, appartiennent à la mémoire collective du monde sémitique qui en a recueilli des versions multiples et variées et les a fa­çonnées à partir d'une tradition écrite. Citons, à titre d'exemples, les récits légendaires qui circulent sur la vie d'Abraham et de Joseph, la mort de Moïse, l'aventure de Job, en Orient et au Maghreb, dans les divers dialectes éthiopiens, coptes, arabes, morisques et berbères. 

Pour ce qui concerne plus spécialement le judaïsme, disons que le "folklore" s'associe et s'identifie à la "tradition"; et la "tradition" c'est le "reçu" et le "transmis" tels qu'ils sont notés par les termes hébraïques kabbalah et masoret et dont les premiers mots du Traité des Pères donnent l'expression: "Moïse a reçula Loi du Sinaï et la transmit à Josué; Josué la transmit aux Anciens etc.           

" Il s'est ainsi constitué dès l'origine, à la naissance du judaïsme, une conscience communautaire et une mémoire collective, une tradition faite de tous les enseignements reçus et transmis et dont la continuité a été assurée grâce à une chaîne de transmetteurs-créateurs. Il s'agit bien de trans­metteurs-créateurs, car, si le message transmis trouve, dans les œuvres traditionnelles, les modèles exemplaires de sa création, s'il s'inspire d'un réservoir de pensées déjà formulées, il est aussi constamment réinterprété, actualisé, fécondé et nourri par de nouvelles perspectives, engendrant de nouvelles créations. 

Cette dimension du "folklore-tradition", on peut la mesurer et l'ap­précier à la lumière des rapports qu'il entretient avec la pensée juive et ses divers modes d'expression, d'une part, à l'importance des liens intimes qui le rattachent à l'environnement culturel et socio-linguis­tique, aux usages et coutumes du milieu où il se développe, d'autre part.

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L'examen des compositions poétiques et des autres pièces documen­taires présentées dans notre étude révèle un pouvoir de suggestion virtuellement illimité, une pensée fortement condensée, une accumula­tion d'émotions, un réseau serré de références, de formules tendant à la plus haute concentration possible de sens, de connotations renvoyant hors des frontières du texte, à un univers symbolique et allé­gorique très allusif, à des traditions littéraires et des paysages culturels qu'on a plaisir à découvrir — notre travail visant précisément à la recherche du substrat traditionnel, au collationnement et à l'interpré­tation des sources.

 Chaque mot de cette culture intériorisée est un écho répondant directement ou allusivement à un appel, à un besoin de dire et de s'exprimer. On y perçoit, par ailleurs, le soin d'adapter l'élément exotique, parfois mythique au paysage maghrébin et aux traditions de l'espace environnant, le souci de procéder, en quelque sorte, à son éthnicisation, d'intégrer un événement et un personnage étrangers dans l'univers local, de manière à rendre l'histoire plus familière.

 Il en va ainsi, dans nos pièces judéo-arabes du Maroc, des héros exemplaires bibliques ou des saints et thaumaturges palestiniens (le Mardochée de notre Mi-kamoha, le Job de notre chronique histo­rique, le Bar-Yohay de notre qissa de Tingir etc….), de l'iconogra­phie de la Haggadah de Pesah (Sefo/ç, simple forme verbale hébraïque y devient, dans l'imagination populaire, tantôt un saint vieillard légen­daire, tantôt une figure démoniaque).

 Les traductions elles-mêmes dela Biblesont une vision autochtone des textes scripturaires sacrés, une manière personnelle de les lire, de les concevoir et de les interpréter, intégrées qu'elles sont au cadre de la vie existentielle, à l'environne­ment linguistique et socio-confessionnel, à une aire géo-politique déterminée. 

Tous les textes retenus racontent, à leur façon, une histoire. La dominante religieuse, dont nous avons noté l’emprise sur toute la création poétique hébraïque émerge ici dans les genres à caractère pédagogique et didactique cultivés en tant qu'auxiliaires de l'enseigne­ment scolaire, biblique et talmudique, qui se prolonge par celui des adultes au moyen de la prédication et de la littérature éthique et homilétique; elle culmine dans les pièces liturgiques. L'intérêt porté aux événements en tant qu'hisoire humaine est assez remarquable.

LITTERATURES POPULAIRES ET DIALECTALES DU JUDAÏSME D'OCCIDENT MUSULMAN L'ECRIT ET L'ORAL

LITTERATURES POPULAIRES ET DIALECTALES DU JUDAÏSME D'OCCIDENT MUSULMAN

L'ECRIT ET L'ORAL

 Outre les pièces dites "historiques", les compositions laudatives et hagiogra­phiques, et plus nettement encore les complaintes, prennent leur source dans une certaine historicité. Mais la réalité historique ne tarde pas à être transfigurée par la mémoire collective; métamorphosée par l'imagination populaire, elle débouche, au bout d'un certain temps, dans les catégories du mythe et de la légende. Avec la confusion des époques et des dates, c'est la chronologie qui, la première, fait les frais de cette mythicisation. Comme d'autres compositions, notre "Histoire de Job" pullule d'anachronismes.

 On a fait de notre héros biblique le contemporain des patriarches, un conseiller à la cour de Pharaon au temps de Moïse; il aurait connu l'époque de David, de la reine de Saba ou même celle d'Assuérus; il serait retourné avec les exilés de Babylone et aurait fondé une académie à Tibériade…

Il arrive parfois qu'on surprenne sur le vif la mutation d'un événe­ment en récit légendaire. En témoigne cette histoire que nous raconta, il y a quelques années, un peintre visionnaire, Joseph Manor, juif originaire d'Irak, vivant à Paris: "Son grand-père, disait-il, avait maîtrisé la démone Lilith responsable de la mort, à Bagdad, des en­fants juifs de sexe mâle; il lui arracha son épée meurtrière qu'il confia à la famille où on la garde encore précieusement".

 Au dire de notre interlocuteur, son grand-père, maître de kabbale pratique (science confinant à la magie), opérait fréquemment des guérisons miraculeuses. L'histoire originelle, fondée sur la destinée réelle et tragique des nou­veaux-nés juifs de Bagdad, importe moins, aux yeux de notre infor­mateur que le mythe qu'elle a engendré. Le souvenir historique dis­paraît; la légende vivante se substitue à l'histoire.

Toute cette production littéraire même celle, "folklorique", qui ne semble viser qu'à divertir et amuser (les pièces parodiques de Pùrîm, par exemple), poursuit l'instruction de son auditoire et participe a son initiation. La fonction initiatique est, en effet, primordiale. II suffit de rappeler le scenario des fiancailles enfantines du kuttab et le ceremonial, grave et solennel de bar-mitzva dont l'element essentiel est le "sermon" que prononce l'adolescent effectivement promu a la majorite religieuse.

Il arrive aussi, et plus frequemment qu'on ne le croit, que la production litteraire juive d'expression dialectale quitte le domaine du sacre pour se livrer a d'autres genres et a d'autres themes, moins polarises sur la religion et la liturgie, relevant d'une litterature popu- laire commune aux societes juives et musulmanes, dans laquelle on ne perfoit rien qui en rappelle 1'origine confessionnelle ou ethnique.

 II en est ainsi des genres poetiques representes ici par la qasida de "1'Amant", par la ballade dediee au "Caftan" et par les nombreuses compositions evoquees dans les "Modeles arabes de la poesie hehra- !que et de la musique juive" que nous avons recenses.

Juifs et Musulmans se retrouvent la, ainsi que dans le vaste domaine du conte et de la legende, de la chanson populaire et de la musique classique heriltee du patrimoine andalou, pour se divertir, exaJter l'amour, le vin et la bonne chere, chanter les parures de la femme, pleurer la douleur de la separation et la peine des amants malheureux, etc uti'lisant la meme langue et le meme discours, les memes symboles et representations mythiques, les memes techniques de l'art poetique du malhun, la meme esthetique, les memes motifs et les memes themes.

Cette litterature est, en quelque sorte, le lieu de rencontre privilegie des deux collectivites qui realisent, dans ce domaine precis de la culture, une veritable symbiose.

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Edite par M. Abitbol

Institut Ben zvi pour la recherche sur les communautes juives d'Orient

Yad Itshak Ben-Zvi et l'Univesite Hebraique de Jerusalem

PREFACE

Si, au temps de Page d'or de l'Occident musulman, cette symbiose se faisait au niveau du savoir ecrit, de I'adab, des humanites et des sciences naturelles, les Juifs rivalisant alors avec les Musulmans dans les domaines de la philosophie, de la grammaire, des mathematiques, de la medecine, de 1'astronomie, etc

Apres l'exil d'Espagne qui fut le sort commun des Arabes et des Juifs, durant la periode dite de "decadence et de repli sur soi, les deux societes ont continue, sur sol maghrebin hospitalier, a se rencontrer au niveau du folklore et de ses manifestations multiples, des croyances populaires, du savoir oral et de la production intellectuelle dialectale. L'examen de bon nombre de compositions montre que nous sommes, bien souvent, en presence d'une meme creation litteraire, d'un meme texte, d'un meme discours auxquels 1'une ou 1'autre des deux societes a apporte des modifications mineures. C'est dans ce genre de litterature que L'on percoit la permeabilite des frontieres confessionnelles et socio- culturelles; par son truchement, s'effectue une communication aisee entre les masses populaires et s'opere une fecondation mutuelle de leurs folklores. Le dialogue des cultures y remplace l'affrontement des ideologies et des consciences religieuses. Les deux societes vivent certes dans la difference jalouses de leur identite, intransigentes sur leurs croyances; mais elles se rejoignent dans une meme forme d'expression de la pensee, dans 1'intimite du langage, dans la fusion des mentalites, voire le rapprochement des cceurs, et coexistent, somme toute, paisiblement.

Socialisante et integratrice au niveau de la communaute juive d'une part, et des deux groupes confessionnels juifs et musulmans d'autre part, la creation litteraire dialectale est le lieu d'un compromis, l'espace d'une convergence ou s'est elaboree une identite socio-culturelle originale, authentique.

 Elle a marque de son empreinte indestructible la personnalite judeo-maghrebine; tant et si bien que son echo resonne encore dans 1'ame deracinee des emigres etablis en Israel et ailleurs, retentit dans leur musique et leur chant, leur folklore et leurs rites, leur mal du pays, leurs regrets melancoliques, leurs cris amers ou nostalgiques, leurs ecrits violents ou discrets. Elle s'exprime plus subtilement dans la creation litteraire hebraique, encore tres modeste de quelques auteurs maghrebins d'Israel et plus particulierement dans la sensibilite de jeunes poetes dont le message mediatise assez remarquablement l'ame meurtrie, la culture occultee ou humiliee et les dures et difficiles conditions d'existence d'une diaspora "seconde" dont nous avons connu naguere, sur le sol marocain, le visage fascinant, la chaleur affective, les joies et les peines.

Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb

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Edite par M. Abitbol

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Lucienne Saada

UN TYPE D'ARCHIVE "LES CHANSONS DE GESTE"

Dans les societes juives et musulmanes d'Afrique du Nord on ren- contre des usages de poesies chantees rapportant des faits historiques globa'lement denomes par les mots de contes ou de gestes; on en a denombre quelques lines qui sont: la geste de la conquete de 1'Ifriqya dont il existe au moins une version en Tunisie, une geste de la Kahena1 que Ton peut localiser en Algerie, des variantes de la geste hilalienne en nombre impressionnant et non encore calcule et enfin une geste du Joseph biblique que j'ai recueillie a Djerba dans le quartier le plus ancien, celui de Hara Seghira

            Kahena: Ce prenom est aujourd'hui interdit en Algerie pour les filles.

            Joseph biblique: Dans le milieu musulman et ibadite de Ghardaya, ce prenom masculin n'est pas donne volontiers aux garcons, le Joseph biblique ayant eu de gros problemes

La geste des Banu Hilal, la seule que j'ai etudiee est contenue dans un texte poetique tantot ecrit, tantot oral aux multiples variantes et connu de tout le monde arabe depuis les Emirats jusqu'aux confins occidentaux du Maroc. Le fait que ce texte etait deja, du temps d'Ibn Khaldoun, chante dans les campements d'Ifriqya, incite a croire qu'il avait ete fixe voila au moins six cents ans; il rapporte pratiques et proces d'une quinzaine d'annees de vie sociale stricte, dense et agitee, vue a travers un voyage oriente; lorsqu'on dit que ce texte est connu, on peut preciser qu'il 1'est avec reserve, reticence voire mefiance et sans conviction; pour ceux qui n'ont pas eu a faire exister ce docu- ment, la geste est, comme dit Braudel, le fait divers qui ne fait pas de bruit; en effet, sous une couverture litteraire, le texte cense rapporter des evenements du Haut Moyen-Age et maintenu au cours des siecles comme genre litteraire, a tout de meme charriee faits politiques et in formations sur les relations humaines.

 On verra le rapport que cette chanson de geste entretient avec les choses et les gens des marches sahariennes et non sahariennes et le lieu des traces de Hilaliens Juifs subsistant de nos jours; neanmoins, l'evenement accepte et classe demeure presque ignore.

Comment est-on arrive a 1'ouverture de cette problematique simple en prise directe avec les "structures totalisantes du sens"? D'abord en multipliant le nombre des variantes puis en reflechissant sur les faits mal expliques ou lacunaires, en se laissant interpeler par un texte dont les acteurs ant une grande "surface sociale", en effectuant un va et vient entre les deux "tandems", observation et langage oral, observation et langage ecrit, en bousculant les idees recues, en inver- sant les images toutes faites, enfin en deplacant son propre regard, de sorte que l'on a ete amene a chercher une "typologie des pratiquessignifiantes" de la civilisation decrite par la geste; de plus, des travaux d'approche sur le geste, 1'euphemisme, les proverbes, et d'autres litte- ratures marginalisees comme celle du bon usage dans la langue arabe, devaient conduire, face au texte complexe de la geste, a etudier son rapport avec l'histoire et a la considerer comme objet d'archive; enfin "l'illusion de la transparence quotidienne" fonde en quelque sorte la ideologie a travers un texte qui, dans une forme narrative lyrique et polemique est a la fois une communication et une pratique.

Lucienne Saada UN TYPE D'ARCHIVE "LES CHANSONS DE GESTE"

Lucienne Saada

UN TYPE D'ARCHIVE "LES CHANSONS DE GESTE"

On devait decouvrir au cours de ce travail, qu'un grand historien comme Ibn Khaldoun, affirme que "la poesie est de toutes les formes du discours, celle que les Arabes ont regarde comme la plus noble; aussi en firent-ils de depot de leurs connaissances et de leur histoire, le temoin.. ."4 Le depot et le temoin, c'est la une sorte de definition de l'archive.

Mais qu'il s'agisse de gestes ou d'histoire evenementielle, il faut se garder d'omettre d'autres archives; ce sont les textes absents (de gueniza ou d'archives familiales), les textes absentes, marginalises, enfin les textes impubliables dans un contexte politique donne, et, si l'on ne peut les atteindre, au moins, les cerner.

Apres ces quelques generalites sur 1'objet de la recherche et la me- thode, on voudrait evoquer des types de problemes et des types d'archives reperees et terminer par des exemples concrets, tous, tires du commerce avec la geste hilalienne.

Meme si d'aucuns pensent qu'elles ont ete occultees, mal posees ou mal connues, les grandes options socio-historiques au Maghreb passent par ces trois faits historiques: le role des Hilaliens, le statisme de la culture arabe au Maghreb, et les relations entre Juifs et Musulmans au cours des siecles de leur coexistence dans ce pays. On ne peut bien sur traiter de tous ces problemes et c'est pour effectuer une percee dans le mystere controverse des relations entre Juifs et Musulmans que j'ai mis en chantier la collecte et l'etude de series de parlers et de series de corpus poetiques presque tous recueillis aux environs de ces marches sahariennes.

En ce qui concerne les parlers mon but principal etait de proceder a un sauvetage afin d'effectuer un jour un classement meme provisoire de parlers de Juifs dont devra tenir compte une future histoire de la langue arabe; le but secondaire est de voir clair dans l'origine des Juifs de langue arabe a travers leurs usages (voir tableau ) linguistiques et ethnographiques.

 En ce qui concerne la serie de corpus poetiques que comportent les variantes des gestes hilaliennes, outre qu'elles retentissent presque toutes sur des faits ou exploits de heros juifs, celui que j'ai recueilli, en Israel, a 17 kilometres de Dimona, donne des Hilaliens une image bien sur differente de celles que l'on connait par les autres variantes et par l'histoire "officielle". En outre, on peut facilement imaginer l,importance de tous ces parlers de la geste qui sont un tresor de vocabulaire et d'usages quelquefois isoles; notons en passant, que le parler de la G. I. est interessant par son archaisme et celui de la G. XVI. a cause d'une caracteristique atteignant les sifflantes dans un parler de Musulmans. Si plus de quatre milles fiches existent sur le parler de la geste principale aucune etude n'est encore faite sur cette unite dialectale.

Les Hilaliens ou Banu Hilal ou Beni Hilal (arabe: بنو هلال) étaient les membres d'une tribu arabe qui émigra vers l'Afrique du Nord auxie siècle.

Origine

Selon Ibn Khaldoun1, les Hilaliens étaient accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, lorsqu'ils sont venus au Maghreb. Ils se sont installés au Maghreb et se sont mêlés aux tribus berbères nomades ou semi-nomades.

Ibn Khaldoun décrit leur généalogie, deux tribus mères: Hilal et les Banu Sulayms. Ces deux tribus originaires du Nejd avaient comme ancêtre commun Mansour. Les Hilal et les Sulyams avaient comme cousin commun la tribu de Al Yas qui est une branche desQuraych tribu du prophète de l'islam 1. Les Hilal au départ de leur immigration étaient formés de trois familles : Athbedj, Riyah et Zughba.

Histoire

Originaire de la région du Nejd en Arabie, ils ont d'abord émigré dans le sud de l'Égypte avant de partir pour le Maghreb. Menés parAbu Zayd al-Hilali, le nombre de Banu Hilal à s'être établis en Afrique du Nord varie entre 70 000 personnes et 200 000 personnes. Il y aurait eu 50 000 guerriers et 200 000 arabes5. Les Fatimides les utilisèrent pour réprimer les Zirides (berbères) d'abord alliés puis vassaux des premiers ; ceux-ci leur abandonnèrent le pouvoir après la conquête de l'Égypte et la fondation du Caire, mais ces Zirides devenaient de plus en plus indépendants et allèrent jusqu'à abandonner le chiisme. Ils reconnurent le califat Abasside, ce que les Fatimides ne pouvaient accepter. Les Fatimides, du même coup, débarrassaient leur territoire de Haute-Égypte d'une tribu particulièrement difficile à contrôler. Les Zirides furent vaincus rapidement et leurs voisins Hammadides et Zénètes considérablement affaiblis. La dernière bataille sera fatale, la coalition Hilaliens-banu Suleim Zughba décapite le chef Abou Soda de l'armée berbère composée des Ifrenides en 1058. Les Berbères s'enfuirent et livrèrent le pays aux Hilaliens.

Après avoir réglé provisoirement la situation en AndalousieAbd al-Mumin (premier sultan de la dynastie berbère Almohade), dont les forces s'étaient accrues, décida de frapper un grand coup dans le Maghreb central. Il se dirigea, à marche forcée et dans le plus grand secret vers Bejaïa. Son avant-garde entra, sans coup férir, dans Alger et dans Bejaïa, d'où Yahya s'était enfui, puis son fils prit et saccagea la Qalaa (1151). Mais les Arabes comprirent vite le péril. En effet, devant eux, ils retrouvaient des berbères fortement organisés et capables de leur disputer les avantages qu'ils avaient pu arracher à la faiblesse des gouvernements. Les cheikhs d'Ifriqiya, renonçant pour un temps à leur rivalité, décidèrent de s'unir pour rejeter, par leurs propres forces, l'ennemi dans son Far-West. Ils se concentrèrent près de Béja et se dirigèrent, en grand désordre, vers Bejaïa. Abd al-Mumin, qui retournait au Maghreb extrême, fit volte-face dans la Mitidja et entraîna l'ennemi jusqu'à Sétif. Les Hilaliens sentaient qu'ils jouaient leur va-tout. Ils avaient amené leurs femmes et leurs enfants, qui devaient servir d'enjeu à la bataille. Pour ne pas être tentés de reculer, ils avaient même entravé leurs chameaux. Après quatre jours de tuerie, la discipline almohade l’emporta et les Arabes s'enfuirent harcelés jusqu'à Tébessa (1152). Abd al-Mumin n'usa pas de représailles. Il partagea le butin entre ses compagnons, mais rendit leurs familles aux vaincus, dont il reçut honorablement les cheikhs.

Organisation sociale

Plusieurs tribus vivent dans les zones arides et semi-désertiques. Ils sont doués pour l'élevage des caprins. Ils étaient très peu portés sur l'agriculture. Les Hilaliens ne sont pas très conservateurs même si la religion de l'islam est le dogme de la majorité de la population. Au départ, ils étaient des chiites, mais au Maghreb, les Hilaliens se sont "convertis" au régime malikite sunnite.

Les Hilaliens sont patriarcaux et chaque tribu a un chef qui décide du sort des autres. Les autres tribus ont arabisé une grande partie des Berbères nomades et semi-nomades en Afrique du Nord. À l'origine, les Hilaliens sont des nomades et habitent des tentes. Lors de leur arrivée, les Hilaliens ont pris des villes en Algérie comme Ouargla, Biskra, El Oued Souf, Djelfa, Bou-Saâda, Chlef et Tiaret.

Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb

 

Communautes juives des marges sahariennes du Maghreb

Edite par M. Abitbol

Institut Ben zvi pour la recherche sur les communautes juives d'Orient

Yad Itshak Ben-Zvi et l'Univesite Hebraique de Jerusalem

Types de problemes 

  1. Jusqu'a il y a quelques annees le classement des parlers juifs etait place pour moi dans une perspective nord-sud et se structural ainsi:

Kairouan, Mahdia et Sousse (Port de Kafrouan), Tunis etant un melange de parlers.

Djerba dont les habitants sont venus de Canaan, d'Arabie (Yemen) et du Djebel Nefoussa, puis ont rayonne vers les communes du sud tunisien, algerien et probablement marocain.

Ayant reflechi et interroge sur le terrain a propos du corpus de la geste, de ses heros et d'usages extra linguistiques, et ceci non seulement en Afrique du Nord mais aussi en Israel (au Negev), je devais decouvrir qu'il existait un noyau dur dans les parlers des marches ouest et sud-ouest de la Tunisie ou j'ai pu isoler in extremis des elements de parlers du Kef juif, du Sers juif, de Tozeur et de Nefta juifs, de sorte que j'ai ete amenee a supposer que ces luifs qui marchent d'est en ouest et qui chantent, s'ils sont venus en partie, d'Arabie, comme les Hilaliens, n'ont pas tous la meme origine.

A travers cette disposition des parlers structures selon cette marche depuis l'Arabie (Damar, Arhab, Taez) jusqu'a Imi Ntanout au Maroc (ce sont les limites de mon information), les parlers des Juifs du sud ne sont pas homogenes, ce que leur grand nombre laissait prevoir; de plus ils se groupent comme dans le tableau II.

Peut-etre l'etude d'une autre geste, plus ancienne, celle de la conquete de l'IIfriqya, ou bien d'autre documents pourront-ils determiner par difference, si l'on peut, avec une marge raisonable de securite, classer les parlers juifs en prehilaliens, ce que l'on a deja fait, mais aussi en hilaliens.

 L'archive n'est pas seulement en effet point du depart, elle est aussi point d'arrivee qui suggere et autorise des verifications; en d'autres termes, si les chansons de geste que j'ai etudiees ont focalise ces types d'interrogation sur langage et societe, identite juive et relations humaines en milieu hostile (car les migrations ne vont pas sans contacts culturels), c'est sur elles que j'ai dirige des recherches purement formelles comme celles du fonds linguistique commun a ce genre de poesie et aux parlers, fonds decele en onornastique, en toponymie et a travers les redondances du lexique technique de ces chansons, voir plus loin a exemples concrets.

II. Types d'archives

Ces chansons de geste, hilaliennes ou non hilaliennes ne sont pas les seuls documents non exploites concernant les Juifs; il existe a Djerba juif et ailleurs, des guem'zot que je n'ai pas pas encore inventees mais simplement inventoriees; normalement cette nouvelle scientifique de vrait suffire a declencher des recherches de possibilite de travail en commun si elle etait comprise, c'est a dire concue dans les limites tres necessaires d'une deontologie de la recherche.

A cote de ces types d'archives il faudrait denombrer, repertorier et etudier les cimetieres juifs et anciens qui jalonnent ces marches. On a trouve au Kef, (frontiere de 1'est tunisien) un cimetiere de montagne ou les inscriptions hebrai'ques recouvrent de precedentes inscriptions romaines.

It reste aussi les archives communautaires, les bibliotheques juives, et les bibliotheques privees en milieu ibadite; ce sont les moins accessibles; le milieu ibadite est un peu comme le milieu juif de Djerba, a la fois orthodoxe et soucieux de tenir a jour les evenements quotidiens de la communaute; on peut remarquer en passant, que souvent hors des villes, les communautes juives les plus orthodoxes, vivent precisement dans les communautes musulmanes orthodoxes; e'est au moins le cas de Djerba, Tozeur, Nefta, Ghardaya et peut-etre etait-ce le cas de quelques groupements juifs tripolitains. Pourquoi? Il faudrait l'etudier en ayant present a 1'esprit que les "hommes elaborent leur propre projet d'existence."

En resume, parmi ces types de documents les archives litteraires orales, transmises de generation en generation et ayant un fondement historique que sont les chansons de geste il en est qui constituent des attestations relativement claires bien qu'indirectes pour favoriser la formulation d'hypotheses de travail; c'est a propos de ce genre d'informations qu'Henri Marrou parle de degre superieur de verite, parce que, dit-il, le temoin ne sait pas qu'il temoigne.

C'est peut-etre beaucoup disserter pour dire que l'associaticm de la discipline linguistique aux autres disciplines sociales est le meilleur si non le seul bon usage de la recherche, ce que tout le monde sait, mais pour aller un peu plus loin on peut ajouter sous une autre forme que l'histoire doit collaborer avec d'autres disciplines ou devenir une ideologie.

Apres ces generalites et ces quelques propos sur les types de problemes et les types d'archives, nous allons passer a des exemples concrets. Debarquer comme ca, a froid, dans un millieu humain a la recherche du meilleur document, de la meilleure archive, du meilleur temoinage qu'est ce qui legitime cela?

Une chose tres simple qui n'est ni l'attrait pour la communication ou pour la difference, voire l'exotisme, ni les examens de ce que l'on appelle les structures so ciales (lesquelles ouvrent les voies a l'etude d'un univers mental), meme pas une recherche d'identite; cette chose tres simple c'est le postulat de l'unite profonde de la gestualite humaine a l'interieur de choix et de modalites diverses.

II va sans dire que ces differences options preposuppositionnelles, methodologiques et deontologiques determinent et definissent a leur tour un type de recherche.

com.juives sahariennes.M. Abitbol

Communautes juives des marges sahariennes du Maghren

Edite par M. Abitbol

Institut Ben zvi pour la recherche sur les communautes juives d'Orient

Yad Itshak Ben-Zvi et l'Univesite Hebraique de Jerusalem

La_Grande_Mosquée_de_Testour-croppedLes exemples concrets

Ce sont les Juifs des marches sahariennes qui occupent l'informatton dans ce colloque; toute reflexion faite qu'est ce qui transpire de l'enquete sur les gestes et des gestes elles-memes? Des gestes elles-memes, on apprend que parmi les quatre tribus hilaliennes seule celle des Drid etait venue d,Arabie avec ses Juifs. Par l'enquete sur les gestes on apprend que les Juifs connaissaient et creaient des chansons de geste et en faisaient usage. De plus, aujourd'hui. encore, il est possible de trouver au moins en Tunisie, des descendants de ces Drid de confession juive. Parmi ces Juifs des marches sahariennes ou auters que l'on designe et qui se designent par les noms de 'ibri a Tozeur et Djerba (dans le langage utilise devant les Musulmans), de hud a Sera (parler de Musulmans), de bzaq (avec le sens de crachat) dans le parler musulman de Ghardaya, ceux du Sers seraient des Drid authentiques ainsi que la branche des Mimoun venus de Souk Ahras en Algerie qui ont fui !'occupation franfaise dans ce pays. Tous les Mimouni sont des Drid affirme mon informateur qui, lui, a vecu a Testour; Mimoun est d'ailleurs le nom d'un des heros de la geste XI; Ibn Khaldoun a parle de ces Hilaliens charges de surveillance aux postes frontieres et precisement dans ccttc region; il existe aussi des Drid a Toujane (sud tunisien).

Les Juifs de Testour, appellent ceux du Sers, Bahus, ou bedouins juifs, bedwi ihudi, ihud a'rab, par opposition a ihud mselmin dont on park a Ghardaya; Voiraussi G. IV.

Testour (تستور) est une ville de Tunisie septentrionale, située à 77 kilomètres au sud-ouest de Tunis.

Rattachée au gouvernorat de Béja, elle constitue une municipalité de 12 732 habitants en 20041 et constitue le chef-lieu d'une délégation de 23 500 habitants. Elle a été bâtie, au début du XVIIe siècle (vers 1609), sur la Medjerdaen lieu et place du village romain de Tachilla2.

Elle est devenue l'une des grandes villes maures après la migration de ces derniers vers la Tunisie aux environs de 1580. Sa Grande Mosquée bâtie durant le premier tiers du XVIIe siècle, probablement avant 16313, ses ruelles et ses maisons de plus de 600 ans en font l'une des villes les plus anciennes de Tunisie.

La ville abrite un festival international de malouf et de musique arabe et traditionnelle depuis 19674.

Mais laissons parler Monsieur Menna'i, mon informateur musulman et Hilalien du Sers, apres tout ce genre de documents sur les Juifs n'est pas courant: ihud drid qaymin bessija hadi u nas ahl Su'am u ya'rfu lemnataq li zemlu a'leha 'ala ezznatiyya u zemlu 'ala lah- laliyya ya'rfuhem beddat wessifa yahku a'lihem; ihud drid yelbsu kifnd u iwessmu u indh.hu essuf u yahsdu; fard makla ktma la'rab idayyfu. ettarifa ma yakluhas bark yedbhu bidihem. Au dire de mon informateur qui avait 83 ans a 1'epoque de Fenquete en 1976, "les Juifs Drid sont venus de Khaybar; on les nomme Zarab ihud ou ihud edrid ce sont eux qui ont donne de la puissance aux tribus Drid; ils vivaient en confederations de tribus; ils parlaient comme les Arabes (fard lahza) et non avee les particularites dialectales (bellsdn) et s'habillaient comme eux; les hommes transhumaient, labouraient la terre et pratiquaient l'elevage mais savaient aussi travailler le cuir et exergaient le metier de teinturier; c'etaient de bons cavaliers!, des poetes, des gens nobles; ils ne mangeaient pas de tarija et tuaient les betes a consommer de leurs propres mains. Les femmes voilees et tatoueestissaient des tentes et des effets de la vie domestiques."

On retrouve une gestuelle semblable chez les femmes juives d'Aflou/ Ghardaya lors des ceremonies de mariage 0!u de mort: avec une allumette on trace un double trait vertical allant depuis la levre inferieure au bas du menton d'un melange fait de safran pur (en cheveux) et de parfum.

Voici quelques prenoms d'hommes et de femmes en usage chez eux: prenoms masculin: Musi, So'a, Yusef … prenoms feminins: S'eda, Freha… et le nom en entier d'un Juif hilalien fourni par un Juif du Kef, M. Saba: Liyahu Errahem.

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