Brit-La vie Juive a Mogador


Brit-La vie Juive a Mogador-Les villageois

brit-la-vie-juive-a-mogadorLes villageois

Quant aux villageois, leur gagne-pain provenait de petits métiers. En premier lieu, le métier de savetier : les indigènes usaient rapidement leurs savates Blgha étant donné qu'ils marchaient beaucoup sur des routes qui n'existaient pour ainsi dire pas.

Les hommes préféraient user la plante de leurs pieds plutôt que le fond de leurs savates. Les femmes également usaient leurs savates brodées, richement ou pauvrement, selon la situation du mari. Ceci amena un nouvel article d'importation. C'est le cuir fait de peau de buffle, qui tout en étant dur, épais et durable, était assez souple et maniable après avoir été trempé dans l'eau. (Par la suite, il fut remplacé par les pneus des voitures automobiles).

Un autre métier consistait à fabriquer le bât des bourricots et les harnais pour mulets et chameaux. Il y avait parfois des villageois qui pratiquaient deux métiers. Le matelassier était également fabricant de harnais. D'aucuns fabriquaient d'affreux bijoux en cuivre ou en argent. Les tailleurs ou plutôt faiseurs de confection débitaient des cotonnades blanches et bleues ainsi que des burnous en laine blanche. Ainsi les colporteurs de Douar en Douar (petit village) vendaient les épices, quelques petits articles de bonneterie et des breloques.

Les souks se tenaient une fois par semaine, dans chaque région, et prenaient le nom de l'endroit où ils avaient lieu, par exemple : le dimanche, le souk se tenait dans la région du Drâa, (ne pas confondre avec la grande région du Dra) on disait El had dl Drâa ; le lundi on disait Tnin d'Imin-Tlit, le mardi on disait Tlata des Helchane et ainsi de suite. Dans ces souks, dis-je, les Juifs avaient des magasins ou des étalages et là, on faisait des échanges de marchandises, on vendait les calicots, l'épicerie, le sucre, le thé et les bougies et surtout la confection dont je parlais. En retour, on achetait des amandes, des œufs, des gommes, de la cire d'abeille en brèches etc. Dans chaque région, existait un Mellah, où habitaient les Juifs, avec leurs synagogues, leurs boutiques et leurs ateliers. En principe, ils étaient protégés par le Caïd (gouverneur) local mais seulement dans les limites de son territoire. Passé ce territoire, il ne répondait plus de la vie de "ses" Juifs. Si par malheur un Juif était volé ou même tué par les Arabes sur un territoire appartenant à un autre caïd, il était presque impossible de trouver le coupable, par conséquent il n'y avait pas lieu de prétendre à des indemnités. A la campagne, le problème commercial se posait dans les mêmes termes pour les indigènes du bled et ceux de la ville. L'Arabe était obligé de cacher sa richesse à cause de la grande part qu'il était sommé de payer au Caïd, alors il avait toujours recours aux Juifs. Il se faisait remettre une somme par le Juif devant notaire et s'engageait à faire bénéficier le Juif du résultat des moissons ou de l'élevage du bétail. Lorsque le Caïd faisait le recensement des récoltes, le propriétaire déclarait que tout appartenait au Juif. Il payait alors une dîme, et il était quitte en donnant bien entendu, sa part au Juif. Il y avait des propriétaires riches et respectés par le Caïd, qui se faisaient adjoindre un Juif par ce qu'ils croyaient que l'argent du Juif leur porterait bonheur.

Il y avait aussi des cas sociaux.

Il me semble que la mendicité, inéxistante au début, a pris de l'extension au fur et à mesure que le progrès scientifique a été introduit au Maroc.

Car tous ces portefaix, ces petits artisans ont perdu leur raison d'être. Les charrettes, les camions ont tué les transporteurs, les charretiers, les âniers etc.

Les machines ont fait de même pour la main d'œuvre. L'ouverture de deux ou trois tanneries dans notre ville, a diminué l'exportation, bien que la main d'œuvre dans l'industrie locale ait augmenté. L'importation des petits objets fabriqués, jadis faits sur place, a anéanti la petite industrie. Le pourcentage même approximatif de ces cas sociaux, secourus par la communauté juive, est difficile à évaluer. Cela dépendait de la ville, des moissons, de la période ou de l'époque. Le chiffre des cas sociaux qui n'étaient que de cinq à dix pour cent de la population est arrivé à vingt-cinq pour cent. Il faut dire aussi que le nombre allait en augmentant, car les secours étaient considérés comme un bien individuel, transmis par voie d'héritage. Quand "le cas social" décédait, il léguait la pension qu'il recevait à ses héritiers directs.

Les recettes qui alimentaient la caisse communautaire seront indiquées dans la question organisation.

La vie Juive a Mogador-Logement

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Je ne peux parler de cette question que dans la limite de Mogador, actuellement Essaouira, si l'on veut dire son nom de toujours en Arabe, car on est partagé sur la dénomination de Mogador.

Il y a plusieurs légendes qui courent sur l'origine des deux noms. Je ne citerai que celles qui sont les plus répandues.

On prétend que le Sultan qui a fondé la ville, Sidi Mohamed Ben Abdallah, en fermant la ville d'Agadir, port principal du Sud, lança une pioche pour choisir la parcelle du terrain sur laquelle on posa la première pierre. Alors par hasard, quelqu'un émit un mot considéré néfaste – Y a Khali ! (Qui a deux sens : 1. Ah mon oncle maternel ! 2. C'est la ruine !) Alors on passa à un autre endroit, cette fois la pioche fut lancée juste à l'endroit qui apparut tel un paysage de carte postale.

D'autres disent qu'une apparition se présentait chaque fois sous l'image d'une femme qui allait d'un point à un autre, jusqu'à l'endroit où est tombée la pioche en dernier. Juste à ce moment quelqu'un a interpellé son ami en disant : Eh ! Embark ! – Ce qui veut dire "chanceux" ־ et là, on construisit la ville.

Mais pour être plus terre à terre, le nom d'Essaouira, qui veut dire image, peut s'appliquer à la ville de Mogador à cause de son aspect extérieur. Pour accéder à la ville on grimpe d'abord sur une colline qui surplombe la ville distante de six kilomètres, de là on domine la vue générale et quand il fait beau elle apparaît comme une tasse dans sa soucoupe, avec ses minarets blancs et ses hautes constructions blanchies à la chaux, entourées de hautes murailles crénelées. Le tout est plongé dans la mer calme et bleue ou houleuse et toute blanche d'écume pendant l'équinoxe quand elle est démontée. Alors là, elle a vraiment l'aspect d'une carte postale en couleurs, et les premiers touristes ou visiteurs ont dit : cela est beau comme une carte postale.

Le nom de Mogador, lui a été donné par les Français, (car comme on le sait, le plan de la ville a été conçu par un architecte français, qui s'appelait "Cornut"), à cause d'un saint enterré à deux kilomètres de la ville appelé : Sidi Mogdoul.

Comme je vous l'ai déjà dit, la ville a commencé par une espèce de château fort entouré d'une haute muraille. Ensuite les Juifs venus des autres villes se sont agglomérés d'un côté de la ville donnant sur la plage de Safi. Car la ville avait deux plages : une du côté de la route de Marrakech et l'autre de celle de Safi. Celle de la porte de Marrakech, s'étendait à perte de vue et si on le suivait à pied on arrivait à Agadir.

Après quoi, on a entouré le quartier juif qu'on appelait Mellah d'une autre muraille ; quelque temps après on construisit des maisons spacieuses du côté sud, que l'on a appelé Jdida ou nouvelle. Car la première partie est appelée Kdima (ancienne). Au bout on a la suite du Mellah. Des Arabes sont venus s'agglomérer eux aussi, au nord de la ville. Mais il paraît que les Arabes avaient protesté et n'ont pas voulu habiter après les Juifs. Alors le Sultan avait ordonné que l'échange soit fait entre Arabes et Juifs, ce qui fait que les Arabes sont venus occuper le Mellah d'alors et les Juifs sont allés occuper les logis arabes. C'est pour cela qu'on trouve encore les noms des rues du Mellah en Arabe comme, Derb El Hadj Taïbi, qui était obscure comme un four ou Derb Zouînat "jolies femmes" le quartier des belles péripatéticiennes.

Brit Revue des Juifs du Maroc-Presente et annote par Asher Knafo-La vie juive a Mogador

Brit

Revue des Juifs du Maroc

Numero special

Salomon Hai Knafo

La vie juive a Mogador

Presente et annote par

Asher Knafo

Ot Brit Kodesh

Hiver 2008

Les quartiers de la ville

La ville se divisait ainsi en quelques grands quartiers :

*Le quartier du port, la maison de l'Achour (Dar l'Assor), "douanes", la Scala, caserne fortifiée au bord de la mer et faisant suite à la fortification du port.

*Le nouveau quartier jumelé avec le Méchouar, espèce de place publique, contenant une mosquée immense pour le sacrifice du mouton. La partie commerciale de la ville : ce sont des rues plus ou moins spacieuses, contenant de chaque côté des rangées de magasins ou boutiques dont quelques-uns abrités par des arcades, soutenus par des colonnes en pierres de taille. Hdada (forge), avec les commerçants en gros : Souk Jedid, marchands de tissus : Souk Smata, babouches et Chkara- sacs en cuir, que portaient les indigènes sur le côté opposé au poignard traditionnel. Souk Oika : épiceries. Quelques rues latérales comprenant des habitations indigènes, plus ou moins luxueuses, tout au moins à l'intérieur. Le marché abritait les marchands de toutes sortes, ainsi que les boucheries juives et indigènes, les vendeurs de poissons, les ferblantiers, les potiers, les savetiers, les tailleurs indigènes Juifs et Arabes, les bijoutiers, les marchands de tapis à la criée, les écuries pour les voyageurs, et plusieurs mosquées.

En principe, dans tous les marchés, il y a une nouvelle corporation, composée presque exclusivement d'Arabes, et reconnue de notoriété publique. Le Déllal (vendeur à la criée) passe dans la rue avec l'objet à vendre en criant le prix offert par un acheteur. Cet objet est adjugé à l'avant-dernier offrant, mais au prix du dernier. Si la dernière offre est de cinquante et un francs, ce sera le prix à payer. Cette différence servait à régler le Déllal et les droits de marché.

* L'ancien Mellah contenant des rangées infinies de boutiques avec toutes sortes de marchandises, sans que l'une fasse concurrence à l'autre. Toutes étaient plus ou moins bien achalandées. Dans les rues latérales, se trouvaient plusieurs habitations et mosquées plus ou moins bien faites.

* Le Mellah proprement dit : quartier juif, tel qu'il est dans les grandes villes marocaines, avec portes blindées fermant la nuit, avec un Caïd et un gardien de nuit dormant dans les alcôves emménagées sous l'arcade surmontée elle-même d'une tour gardant l'unique entrée du Mellah.

Ces habitations juives du Mellah de Mogador sont en en général assez bien agencées et proprement conçues pour être aérées naturellement. De chaque côté de la rue, les maisons sont accotées les unes aux autres, de façon à ce qu'elles communiquent toutes par les terrasses. Ces maisons sont composées de plusieurs étages, parfois plus de trois : une entrée unique à chaque maison, un escalier avec palier à chaque étage, (je n'ai connu qu'un escalier en colimaçon). Chaque étage carré ou rectangulaire était à ciel ouvert. Une galerie tout autour avec garde fou, une ou plusieurs pièces de chaque côté de la galerie. La terrasse renferme une ou plusieurs buanderies plus une pièce pour Soucca et parfois des W-C.

Fait curieux, la plupart des maisons, quoique des plus luxueuses, n'ont pas de W-C. Pour gagner de la place on a aménagé sur un des paliers, une marche plus haute au bout de laquelle on a percé le mur et installé une espèce de guérite et c'est dans cette guérite carrée, que l'on a installé le W-C. Au dehors, on voit ce balcon fermé et flanqué d'un mur supplémentaire déformant la façade de la maison. C'était original, mais cela enlaidissait les bâtiments. Les chambres étaient très spacieuses et hautes, percées de grandes fenêtres. Les femmes ne sortaient pas beaucoup, pour ne pas dire jamais, sauf dans des cas très importants ; mariages, décès ou pour aller à la synagogue.

Les murs étaient faits de pierre et de mortier, les ouvertures encadrées par des pierres de tailles. Le plancher était en terre battue et blanchi à la chaux. Les gens aisés couvraient le plancher avec des nattes en Halfa (crin), plus ou moins bien dessinées et peintes ou avec des carpettes ou des tapis. Les matelas étaient posés à même la terre.

Le lit était composé de deux matelas, l'un rembourré de paille et l'autre, celui du dessus, rembourré de laine, le tout couvert de draps blancs et de couvertures grandes et chaudes en laine blanche de fabrication locale. Les dessins, l'épaisseur et la qualité de ces couvertures, changeaient suivant l'état des finances du chef de la famille ou de la richesse du trousseau de la femme.

Souvent, comme il ventait presque toute l'année à Mogador, on fixait des rideaux en toile blanche qui descendaient du plafond jusqu'au garde-fou. Ils étaient enroulés sur des tiges en bois avec un système simple pour rouler ou dérouler le rideau, cela formait une boite carrée blanche au milieu de la galerie.

La plupart des maisons abritaient plusieurs familles, non par pauvreté, mais surtout par manque de maisons.

En effet, la ville étant petite, le nombre de maisons était limité par le peu de terrains disponibles. Les pères de famille mariant leurs enfants, faisaient habiter les jeunes mariés avec eux dans la même maison. De sorte que même les plus aisés se contentaient d'un étage pour toute la famille. Heureux encore si l'étage comprenait cinq ou six pièces. Par contre, il y avait des familles qui se contentaient d'une seule pièce pour toute la famille. Au rez-de-chaussée de chaque maison, le côté formant façade était percé d'ouvertures qui donnaient sur des magasins ou boutiques pour le petit commerce : alimentation générale, farine, semoule, sucre, thé, café, huile, lait en conserve, biscuits, sucreries, etc. Il y avait des espèces de kiosques dans lesquels se vendaient des boissons fortes, des vins en bouteilles ou au verre. Quelques-uns avaient quelques places assises.

Tout près, il y avait des marchands qui vendaient le matin, la soupe, le thé, le café, les beignets dont la consommation était très répandue et le soir ils vendaient des grillades de viande, des poissons frits, (Le poisson salé n'était pas connu chez nous), des piments piquants, des fruits en saumure, tels que les olives vertes et noires, les câpres, les figues séchées, les oignons, les aubergines etc.

Le Mellah où habitait la majorité des Juifs comptait chez nous jusqu'à vingt synagogues. Un autre fait existait au Mellah et même dans certains des quartiers que j'ai cités plus haut : les maisons étaient hautes, c'étaient les gratte-ciel de l'époque, (dans les autres grandes villes, à Marrakech notamment, les maisons ne comportaient qu'un rez-de-chaussée ou au plus un étage au dessus ce rez-de-chaussée.)

Le nombre de familles augmentant on a trouvé alors une solution. Dans certains passages où les murs avaient l'air de se pencher l'un vers l'autre, on a construit des arcades qui devaient les soutenir. On eut donc l'idée de poser sur ces arcades des plafonds en apposant des pierres supplémentaires. Certains passages ressemblaient maintenant à des tunnels. C'est pour cela que les rues étaient devenues obscures et humides.

Salomon Hai Knafo-La vie juive a Mogador-Pesente et annote par Asher Knafo-Ot Brit Kodesh-Hiver 2008

La vie au Mellah était bien tranquille et les Juifs y vivaient heureux. Tout le monde se connaissait et vivait comme une seule famille, les disputes étaient rares, la débauche n'existait pas, sauf quelques cas exceptionnels. Les personnes reconnues coupables d’avoir transgressé l’honneur, étaient mises à l’index.

La vie juive à la Casba était quelque peu différente. D’abord, les habitants de la Casba se considéraient comme des nobles. Ils ne se mêlaient pas aux Juifs du Mellah, sauf avec quelques familles reconnues de bonne souche ou ayant eu dans le passé, une lignée de Grands Rabbins.

Les maisons de la Casba en général, étaient plus spacieuses que celles du Mellah, quoique la plupart n'eussent que deux étages, les chambres étaient immenses.

Certaines maisons contenaient des pièces dont on a fait ces derniers temps, un appartement de trois pièces et une cuisine. Il y en a une qui a été occupée par l’école de l’Alliance Israélite et dont chaque classe contenait jusqu’à 200 personnes qui écoutaient des conférences. Dans la cour, 400 personnes assises à l'aise pouvaient écouter les discours des Rabbins.

D’ailleurs au premier étage, l’école n’occupait qu’une seule aile de la maison. Le rez-de-chaussée était occupé par une maison de commerce où étaient installés les bureaux et les entrepôts pour les marchandises à expédier et à recevoir, ainsi que par la Banque d'Etat du Maroc. Une autre partie du rez-de-chaussée était toujours occupée par des familles juives aisées.

Depuis la deuxième guerre mondiale, l’immeuble entier fut mis à la disposition de la police.   

D’autres immeubles moins grandioses servaient d’habitation à la population juive de la Casba. En principe chaque famille occupait tout l’immeuble, dont le rez-de-chaussée servait de bureaux et d'entrepôts et les étages d'appartement privés.

La construction était plus riche. Les planchers étaient de vrais planchers, c'est-à-dire en bois. La grandeur des chambres et des pièces changeait avec une moyenne variable de 4 x 6 mètres jusqu’à 6×12 mètres.

Dans quatre ou cinq maisons où j’ai habité moi-même avec mes parents, j’ai connu des cuisines où des tables de mariage pouvaient être dressées. Des salons dans les appartements privés pouvaient contenir tous les invités du mariage. Dans beaucoup de maisons on a installé des synagogues, il est vrai que les synagogues de Mogador n’étaient pas très grandes. Les synagogues de la Casba étaient faites pour quinze à vingt familles de quatre à cinq personnes. Les plus grandes synagogues étaient celles du Mellah, mais elles non plus, ne contenaient pas plus de deux cents personnes.

La majorité des habitations, surtout les grandes, contenaient à part la Soucca construite, le mikvé pour les bains rituels.

Il est probable qu’on attachait beaucoup plus d’importance au bain rituel qu’aux bains ordinaires, car les baignoires à la mode alors, n’étaient pas très connues du public. Il n’y avait qu’une élite qui en possédait. Chauffer la baignoire était difficile : on avait recours souvent à des moyens très rudimentaires.

Il y avait bien pour toute la population juive deux ou trois bains maures. Il y avait des personnes qui ne s'y rendaient qu'à des occasions très importantes, comme lors d'un mariage ou d'un décès. C'était le cas pour les hommes, quant aux dames mariées, si elles ne disposaient pas de bains rituels à la maison, elles devaient s'y rendre.

Le quartier Chabanaî a servi, je crois, de dépotoir (dont l’accès se faisait à gauche de la porte principale de la ville, face à la porte du Mellah) accolé à la muraille, il donnait sur la terre ferme.

Là-bas, on trouvait les industries, qui sentaient mauvais comme les tanneries, les presses à cire d’abeille, les pressoirs pour vin et les alambics pour la distillation de l’eau de vie… et aussi, des femmes de mauvaises mœurs. Quelques rares familles avaient osé habiter ce quartier.

Le quartier Bni Antar était un quartier presque entièrement arabe, mais où les Juifs ont fini par occuper quelques maisons.

Ce quartier habité de beaucoup d’indigènes était en concurrence avec le quartier précédent. Pendant les quinze jours qui précédaient la fête de Achoura, à la veillée, ses habitants se réunissaient en plusieurs groupes et allaient s’installer au Mechouar dont j’ai parlé plus haut et chantaient en s’accompagnant d’une sorte de tambourin qu’on appelle Agual ou Thâruza, en consommant force thé et gâteaux.

A la fin de la nuit, vers l’aurore, se formaient deux groupes antagonistes, ceux du Chabanat et ceux du Bni Antar. Les uns devaient donner la réplique à coup de tambourins en échangeant des calembours chantés. Ils se joutaient mutuellement, à l'image des deux quartiers opposés par leur situation géographique et sociale. Les plus forts devaient parvenir à refouler leurs opposants vers leur quartier ; alors, on déclarait vainqueurs, ceux qui étaient arrivés à la porte du quartier opposé.

Un bon nombre de Thâruza se brisaient et on comptait même quelques personnes blessées. Le lendemain on recommençait jusqu’à l'Achoura.

Les amis Juifs y étaient conviés et assistaient en spectateurs en buvant du thé à la menthe, verre sur verre.

A la demande des notoriétés juives, le Sultan avait autorisé l'utilisation d'un espace situé derrière les magasins du marché, au devant du quartier Chabanat pour y créer un nouveau quartier juif nommé Mellah Jedid. Trente à quarante maisons ainsi qu’une synagogue et un four public y furent construits dans le même style que celui du Mellah. Tout cet ensemble était entouré de murailles fortifiées et des portes bien solides.

Le rôle du four était très important. Chaque famille juive tenait à faire son pain elle-même pour plusieurs raisons, en voici les trois principales :

La religion exige qu’on emploie la farine exempte de vers et d’autres vermines.

Il fallait prélever la Trouma comme l'exige la Thora.

C’était plus économique que le pain fabriqué par le boulanger, en ces temps-là, quelques sous économisés chaque jour comptaient beaucoup.

Et bien sûr il y avait d’autres avantages : la propreté, la qualité, chaque famille se plaisait à faire du pain à sa façon selon le goût de chacun des siens.

Le samedi, la préparation du plat rituel était respectée par toutes les familles pauvres ou riches. Il n’y avait que le contenu du plat qui changeait suivant le nombre de personnes et l’état des finances. Voici en quoi consistait le plat du Shabbat :

Dans une marmite en poterie on entasse la viande, les pommes de terre, les pois chiches, des œufs, de l’eau, de l’huile, des saucisses farcies de viande hachée avec graisse et épices. On ajoute des condiments, tels que le curcuma, le poivre et surtout beaucoup d’ail. Ceci est la base la plus ordinaire. Lorsqu'on a des invités ou en cas de fêtes familiales on enrichit le plat rituel. On y ajoute des poules farcies, des pieds de bœuf, des poulardes, du riz cuit dans un sac de tissu ou des haricots secs, du blé dur ou des petits pois. Et on y ajoute du safran. Fermée hermétiquement avec une pâte de farine et d'eau. La marmite était marquée d’une marque spéciale. Chaque famille procédait alors à l'envoi au four public.

Du nombre considérable de marmites que l’on y entassait résultait un goût spécial. Du coup, les plats des plus pauvres étaient eux aussi enrichis par ce goût, puisque ces plats restaient enfermés depuis le vendredi à treize heures, jusqu'au samedi même heure, soit une journée entière !

L’emploi du four était donc chose obligatoire. Pour Pessah, on y cuisait le pain azyme fait à la main. Chaque famille, apportait la quantité de semoule qu’elle voulait transformer en galettes de Pessah et trouvait au four une équipe d'ouvriers qui lui faisait le travail moyennant un prix débattu longuement et âprement.

L’enfourneur ne faisait que cuire ; il recevait, bien entendu, son salaire à part avec les galettes toutes faites. C’était une corporation qui a disparu presque entièrement. Je dis presque, car jusqu’à présent il y a des familles très religieuses qui continuent à faire leurs galettes, surtout celles que l’on nomme la Matsa Chmoura. Celles dont la farine employée a été gardée à vue depuis la moisson, jusqu’à la cuisson, en passant par toutes les opérations faites en présence d’un surveillant juif religieux, afin qu’elle ne soit pas touchée par la moindre goutte d’eau ou de pluie de peur qu’elle ne lève, ce qui serait contraire aux ordonnances de la Thora.

Au début de ce siècle, une famille juive assez moderne est venue s’installer à Mogador dans le quartier Hamouth nom de son créateur. N’ayant pas trouvé de maisons vides à l’intérieur, il acheta un grand terrain à un kilomètre de la ville, au bord de la plage qui allait jusqu’à Agadir.

Il avait commencé par y construire une grande maison de deux étages, et au fur et à mesure que ses enfants se mariaient, il ajoutait d’autres maisons. Tout autour de ces habitations il y avait un terrain très vaste transformé en jardins potagers, assez fertiles. C’est la seule famille qui ait osé s’installer en dehors de la ville.

A part deux quartiers, à l’extérieur de la ville, tous les quartiers que j’ai cités, se touchaient presque, séparés uniquement les uns des autres par des portes solides qui se fermaient la nuit et dont les clefs étaient cachées chez le gouverneur de la ville, en l'occurrence le Pacha… maître absolu de la ville après Dieu et parfois après le Sultan.

Dans l'un des deux quartiers en dehors de la ville, il y avait des jardins potagers qui fournissaient les légumes nécessaires à la vie quotidienne. Les jardiniers étaient en majorité juifs. Ils vendaient eux-mêmes leurs légumes au marché surtout aux consommateurs Juifs. Car les Arabes n’étaient pas amateurs de légumes. Quelques légumes rares comme le céleri et les laitues étaient revendus à l’extérieur, dans d'autres grandes villes du Maroc.

Ces jardins servaient souvent de lieu de plaisance aux Juifs.

Dans le second quartier situé hors de la ville se trouvaient les deux cimetières juifs, l’ancien et le nouveau, le cimetière européen, le cimetière arabe se trouvant isolé de l’autre côté des jardins.

Il y avait là aussi quelques moulins à vent, un four de poterie indigène (ou deux ?).

Un autre quartier adjacent au quartier Hamouth, cité plus haut, servait de marché pour les peaux de bêtes, fraîches et salées.

Entre ce quartier et les deux autres quartiers dont j'ai parlé, s'étendait la lagune : un grand terrain bordé au nord de dunes immenses (annonçant le Sahara).

Des courses de chevaux appelées fantasia s'y passaient, les jours de grandes fêtes et de réception de souverains. Ces courses ressemblaient un peu aux tournois de l'ère féodale. Y participaient des Caïds et leur suite venus des alentours de Mogador et de toutes les autres régions.

Chaque Caïd formait un groupe de cavaliers bien habillés tout en blanc ou blanc et noir. Ces cavaliers au nombre de quinze à vingt montaient des chevaux de race, caparaçonnés de selles couvertes de drap aux couleurs vives ou tendres, munis chacun d’un Mouqquala, ancien fusil à poudre. Chaque Caïd avait une couleur différente pour ses chevaux, leurs ornements et pour les costumes. Imaginez, chacun devait maîtriser sa monture qui piaffait d'impatience en attendant de prendre part à la course.

Au signal convenu, le premier groupe conduit par son chef se détache des autres groupes, tout d’abord doucement et s'élance. Leur chef crie : "Ah ! Le Caïd Embark En’neknafi" (Ah ! Voici le glorieux Caïd tel et tel). Le groupe accélère de plus en plus.

Arrivé à une ligne imaginaire, le Caïd pousse un ordre rapide à sa suite qui s’élance en un élan fougueux vers le côté opposé. Tous le suivent ; ils poussent leurs montures en un galop endiablé. Brusquement, ils appuient tous en même temps sur la gâchette de leurs fusils. Tous les fusils partent à la même seconde ! On croirait qu’un seul fusil avait tiré !

Pendant ce temps un autre groupe se prépare. Ceux qui ont couru font un grand tour et viennent se placer derrière le dernier groupe et ainsi de suite. Parfois, il y avait des cavaliers qui réalisaient de véritables prouesses sur leur cheval. C’était très impressionnant de voir ces cavaliers barbus vêtus tout de blanc galoper à bride abattue, virevolter et galoper encore…

C'était une des meilleures distractions de cette époque. Le spectacle était permis aux juifs bien qu'il leur fut interdit de monter à cheval.

Salomon Hai Knafo-La vie juive a Mogador-Pesente et annote par Asher Knafo-Ot Brit Kodesh-Hiver 2008-page 46-50

Structures et organisation de fa communauté juive de Mogador Fondation de Mogador-Salomon Hai Knafo

Structures et organisation de fa communauté juive de Mogador

Fondation de Mogador :

Ce texte a été écrit en 1963.

J’ai dit que la construction de la ville datait d’environ deux cents ans. Ceci est vrai pour la nouvelle Mogador, car d'après les recherches effectuées aux environs de la ville et dans l'île de Mogador qui se trouve à vingt minutes en barque du port, il s’avère que la ville existait ou a existé déjà il y a deux mille ans.

Mais l’histoire qui nous intéresse pour le moment se rapporte à la nouvelle Mogador.

Le Sultan, Sidi Mohamed Ben Abdallah, ayant fermé le port d’Agadir au commerce extérieur, voulut créer un autre port pour servir de centre commercial avec l’étranger. Certains disent pour servir de refuge à ses bateaux pirates. Pour peupler la nouvelle ville, il pensa aux Juifs, entreprenants et ambitieux. Il fit appel à diverses familles de Marrakech et d'autres villes marocaines. Ainsi on retrouve parmi les familles qu'il fit venir les Corcos, Elmaleh, Afriat, Aflalo, Cabessa, Levy, Acoca, Zagury, Pinto et d'autres. Ces familles furent investies d’un pouvoir presque illimité. Il mit à leur disposition terrains, finances et pouvoir, avec pour mission de commercer avec l’étranger, et de prendre part à la direction de la ville.

Ainsi, le commandant du port était juif. Les droits de porte, les impôts directs étaient perçus par les Juifs. Donc ces Juifs, étant installés dans la première enceinte de la ville appelée Essaouira, attirèrent d’autres Juifs qui s'installèrent comme je l’ai dit plus haut, à côté de cette enceinte, d’autres se sont ajoutés après puis les Arabes aussi.

Les Arabes étaient tous des fonctionnaires ou des soldats au service du Sultan. Ce n’est que bien plus tard que la ville s'est peuplée de Musulmans qui n'étaient pas forcément au service du Sultan.

C’est donc cette élite juive qui avait formé le Comité de la communauté juive.

Au commencement, cela marchait tout seul, le besoin d’un comité ne se faisait pas sentir, comme dans l’histoire juive à la période de Joseph avec Pharaon.

Ce n’est qu’à la mort du Sultan, avec l’extension de la population juive, que le besoin de s’organiser commença à se faire sentir. Tout de suite, deux clans se formèrent. Les habitants de la Casba d’un côté, et ceux du Mellah d’un autre.

Le pouvoir est resté longtemps aux mains des Casbaouis, les habitants de la Casba. Comme ils finançaient la caisse communautaire, ce sont eux qui dirigeaient la population juive. Leur premier acte important fut l'institution d'une caisse de bienfaisance.

Ils se cotisèrent et chacun fit don d’une somme importante. Avec le capital recueilli, ils achetèrent des bâtiments dont la population pauvre pouvait avoir besoin : le cimetière, la synagogue, les maisons d’hôtes, les établissements scolaires. Ils avaient formé une société commerciale dont le bénéfice était versé à la Yechiva où les nécessiteux séjournaient pour l'étude du Talmud.

Quand les besoins de la communauté grandirent, ils établirent une taxe sur l’importation, sur le sucre, le thé et les produits de luxe ainsi que sur la viande. Toutes ces taxes alimentaient la caisse.

L’instauration de cette caisse n’empêcha pas les riches de continuer à donner individuellement. Car malgré le rapport des taxes diverses, la caisse ne pouvait pas faire face à tous les besoins de la population. L’argent de cette caisse, suffisait pour la distribution toutes les semaines et tous les mois aux pauvres et aux étudiants de la Thora. Bientôt les diverses institutions demandèrent de l’aide et même, des sommes importantes. Mais les fonds ne suffisaient pas aux besoins de ces institutions, comme par exemple, la Hevra Kadicha, qui s’occupait des morts et qu’on appelait Hevrat Hessed Veemet, – Société de bienfaisance et de vérité. Cette Hevra s’occupait aussi des malades et des agonisants.

Il en était de même pour les écoles de l’Alliance qui, au début couvraient la totalité des dépenses grâce à l'argent venant des fonds de l'A.I.U (l’Alliance Israélite Universelle) mais quand l'école grandit, elle se trouva devant de tels besoins qu'elle finit par obtenir le versement d'une participation prise sur les collectes faites pour les Rabbins de Jérusalem, envoyés à Mogador pour ramasser de l'argent afin de le redistribuer aux résidents de la Terre Sainte.

Cette collecte tenait une place importante dans la vie mogadorienne. Elle pouvait durer plusieurs jours ou plusieurs semaines, parfois plusieurs mois. Le Rabbin dit Rav del Colel, restait chez une famille aisée, mangeait, dormait, était soigné et dorloté. Parfois, parce qu'il comprenait qu'il n’était pas une charge légère, il changeait de famille. Quand c’était le même qui revenait après une période relativement longue, il s'adressait à la même famille en disant du maître de céans : Baal habaït cheli – C’est mon hôte. L’arrivée d'un ou de plusieurs Rabbins à la fois, souvent il en arrivait tellement que l’on ne savait plus à qui imposer ces dépenses, donnait un air de fête à la ville. Car pour obtenir plus d’argent, ces Rabbins choisis par ceux qui les envoyaient, déployaient une verve étourdissante, se faisaient inviter par les synagogues pour y faire des discours avec force Pilpulim. Plus ils étaient érudits, plus les dons étaient importants Les plus admirés étaient reçus à des dîners dans les grandes familles qui considéraient que c’était un honneur d’avoir hébergé tel ou tel Rabbin.

Si la famille n’était pas tellement riche, elle déployait tout de même un effort pour élever le niveau de vie quotidien.

Il n’était pas rare qu’un de ces Rabbins prenne femme chez nous et s’installe définitivement dans la ville.

A part ces Rabbins officiels si l’on peut dire, il en venait d’autres pour leur compte personnel : ils venaient d'Israël, de Pologne, d’Allemagne, de Russie, de pays arabes ou balkaniques ou même d'autres villes du Maroc. Ces Rabbins devaient déployer encore plus d'érudition au cours de leurs joutes oratoires pour convaincre les habitants de leur mérite.

Tous ces Rabbins, grâce à leurs sermons, leurs enseignements et leurs discours, maintenaient un niveau moral assez élevé au sein de notre ville. De plus, ces voyageurs apportaient des nouvelles fraîches de ce qui se passait au-delà de Mogador et cela était important car les moyens de communication n’existaient pas encore et la télégraphie n’est apparue qu’avec l'avènement du protectorat français au Maroc.

A ce propos, à Marrakech, un peu avant le protectorat, le Dr Marchand avait été assassiné parce qu’il avait un poteau télégraphique sur sa terrasse.

Le Pilpoul est une des maîtrises de l'étude du Talmud qui consiste à discuter un problème jusque dans ses détails les plus infimes.

Après quelques générations, la direction de la communauté n’était plus le monopole des descendants des protégés du Sultan.

D'autres familles s'étaient substituées à ces anciennes familles et avaient pris des fonctions au sein de la communauté en formant un comité. Les membres de ce comité assistés du Grand Rabbin, procédaient à la distribution de dons à la population. Ces distributions se faisaient presque exclusivement au profit des familles issues du Mellah.

Quoique la population du Mellah se soit développée, la direction des affaires est restée très longtemps entre les mains des gens de la Casba. Il semble que la tendance à cette séparation dont je parlais au début devait aller en s'accentuant. Les différences entre les personnes âgées n'étaient pas trop grandes, les gens de la Casba pouvaient rencontrer ceux du Mellah à la synagogue ou dans le commerce et la vie courante. Les choses changèrent quand les Casbaouiins qui avaient peu d'enfants, les envoyèrent faire des études en Europe où ils subirent l’empreinte du modernisme.

Les filles allaient dans les écoles anglaises créées par des dames venant d’Europe. Ainsi les mœurs changèrent et le snobisme s'est introduit et développé et atteignit des sommets…

Alors se forma une société presque fermée aux gens du Mellah. Les langues, l’éducation, les amusements, tout devenait européen. La musique et la danse se sont implantées dans les "bonnes familles". Des clubs se sont créés et il était bon d’y adhérer et de se frotter aux Européens. Il y eut même quelques mariages mixtes, mais très peu, quoique les liens entre Européens et Juifs aillent en augmentant.

Les gens du Mellah, eux, semblent avoir subi l’influence des nouveaux habitants venant des villes du sud marocain où les choses allaient de mal en pis pour eux.

L’influence du Sultan ne s'étendait pas jusque là, et les gouverneurs ou Caïds se conduisaient avec les Juifs comme bon leur semblait.

Il y avait aussi des régions qui n’avaient pas de Caïd détenant son pouvoir de la grâce du Sultan. Elles se gouvernaient elles-mêmes, comme des petites républiques. Elles ne reconnaissaient le pouvoir du Sultan que dans leur prière. En effet, il y a une prière ou tout Musulman doit citer le Sultan. Mais à part cela, elles ne lui obéissaient pas.

Les Juifs étaient donc protégés par ceux qui les abritaient et dans le territoire contrôlé par eux. S'ils passaient d’un endroit à l’autre, ils étaient toujours en danger, car il suffisait que deux tribus soient en désaccord pour que l’une attaque les Juifs de l’autre.

Structures et organisation de fa communauté juive de Mogador

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La vie juive a Mogador-Salomon Haii Knafo-Presente et annote par Asher Knafo

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Aussi nombre de Juifs préféraient changer d’air à Mogador, car c’était le passage vers les autres régions. Comme le climat y était doux et l’atmosphère politique plus saine, ils s’y installaient pour de bon. Ces Juifs amenaient avec eux d’autres mœurs et d’autres idéaux. Même l’Arabe parlé par eux était mitigé de Berbère. Ceux qui avaient quelque argent s’arrangeaient dans le commerce et y faisaient fortune. Ils étaient destinés à devenir les nouveaux riches et à prendre la place des riches qui avaient perdu leur fortune pour diverses raisons. Ceux qui n'apportaient rien avec eux, se mettaient à faire des petits métiers, domestiques, portefaix, etc.

La plupart, démunis de tout, s’adressaient au comité de la communauté qui les ajoutait à la liste déjà longue des nécessiteux.

Cela étant, la vie menée au Mellah n’était pas sans charme. Seulement, au lieu de cheminer vers le modernisme à grands pas, on y allait tout doucement. La vie n’y était pas moins spirituelle qu’à la Casba, avec cette différence qu’à la Casba l’éducation se faisait en langues étrangères tandis qu'au Mellah, on continuait à enseigner et à parler l'Hébreu et le Judéo- arabe.

C’est pour cela que tous les grands Rabbins étaient presque uniquement issus du Mellah. Toutes les autres fonctions religieuses, les Hazanim – officiants, les Paytanim – chanteurs, les Chohatim – égorgeurs de volailles et de bétail, les écrivains publics et les comptables étaient également remplies par les ressortissants du Mellah.

La Hevra Kadicha était exclusivement composée de Mellahiin – habitants du Mellah. Le Cheikh juif de la ville était choisi parmi les habitants du Mellah. Le Cheikh était un personnage très important. C’'était le chef de la population juive reconnu par les autorités locales. C’'était lui qui intervenait auprès du Pacha pour toutes les démarches concernant cette population. Toutes les instructions adressées aux Juifs passaient par lui. Tous les différends entre Juifs lui étaient soumis en premier lieu. C’est quand il ne parvenait pas à mettre d’accord les protagonistes qu’il soumettait le cas à qui de droit.

L’artisanat était venu du Mellah, tandis que les gens de la Casba se dédiaient au commerce sauf certains qui étaient fonctionnaires.

Coutumes particulières

Pour commencer il y a des coutumes qui leur ont été imposées par les Arabes.

D’abord, pourquoi appelait-on le quartier juif 'Mellah' ? Il y a divergence de points de vue sur l’explication de ce mot. Certains disent que ce nom loue les Juifs. Les principales raisons sont celles qui se basent sur le mot lui- même.

Le mot Mellah vient du mot Melh qui veut dire sel. Quand on veut dire de quelqu’un qu'il est sympathique, on dit qu'il est Melh de même que lorsqu'un aliment n’a pas bon goût, on dit de lui qu’il manque de sel. Pour donner du goût au pain ou à un plat on y ajoute du sel. La population juive sert de sel à la population musulmane. Une ville sans un Mellah peuplé de Juifs manquerait de goût.

Une autre explication dit que lorsque le Sultan faisait couper la tête aux condamnés à mort, il envoyait faire saler leurs têtes pour les pendre à la porte de la ville. On dit que l'acte de salaison des têtes était fait par les Juifs, d'où le nom de Mellah donné au quartier où habitaient ces Juifs. Heureusement, cette coutume n’a pas été suivie jusqu’à nos jours, et probablement, n’a-t-elle existé que dans l’imagination de ceux qui se plaisaient à en parler.

Les costumes

Il semblerait que l’habillement des Juifs était le même partout. Pour les hommes, la Zlabiya – djellaba, en drap pour les riches, en coutil noir pour les pauvres, le Cftane – caftan, blanc bleuté de préférence, ou de couleurs claires. La Bdiîya – gilet avec des boutons ronds en tissu comme chez les Arabes. Le Sroual – saroual qui arrivait aux genoux.

Pour les cérémonies, Bar-mitsva ou mariage, la djellaba est remplacée par la Zoukha – sorte de caftan en drap noir dont les pans flottaient librement devant. Les manches doublées en couleur étaient en partie retournées sur l'avant-bras. Une large ceinture -Hzam complétait le costume. Cette ceinture faisait plusieurs fois le tour de la taille sur le caftan. Elle était filée d’argent ou d’or et était utilisée par les hommes ainsi que par les femmes. En principe un homme ne se faisait faire ce type de costume que deux fois dans sa vie.

Pour les femmes, le costume de gala était ainsi fait : une pièce de drap ou de velours rouge ou vert rectangulaire, drapée autour de la taille qui descendait

jusqu’aux chevilles, bordée sur les côtés au-devant et tout autour en bas par une bande tressée de fils d’or ou d’argent.

Sur la poitrine, un plastron brodé entièrement couvert d’or ou d’argent, retenu par un boléro de velours rouge ou vert dont les pans et l’encolure étaient brodés de même. Les manches très amples étaient en tulle couvrant les épaules et descendant jusqu’aux poignets.

La tête était couverte par une espèce de foulard en tissus de soie légère et brodée d’or, descendant derrière la tête jusque dans le dos.

Une bande blanche brodée de perles véritables ceignait le front et s’attachait derrière la tête. Le tout était surmonté d'une mitre tissée d’or et sertie de pierres précieuses

Les boucles d’oreilles s’adaptaient à la couleur du velours : rubis avec le velours rouge, émeraudes avec le velours vert.

Pour sortir dans la rue, tout le corps est couvert par un drap de laine blanche, à la façon arabe et on ne voyait plus de la femme qu’un seul œil, même en écartant un peu le drap de la figure, on ne voyait rien, car la figure elle- même était couverte par un mouchoir de soie, comme chez les Arabes.

Une vieille coutume pour les hommes consistait à se couvrir la tête par­dessus la Sassia – chéchia noire avec un foulard bleu foncé à pois blancs. Ce foulard était attaché sous le menton. De nos jours très peu de vieillards ajoutent le foulard au port de la chéchia.

On suppose que la méchanceté des Arabes envers les Juifs était l’origine de cette mode. Pour se moquer d’eux, les arabes se permettaient d'arracher leur chéchia aux Juifs. Afin d'éviter ce genre d'aventure et surtout par piété – car un Juif ne doit jamais rester nu-tête – ils ont instauré le port de ce foulard qu’ils nouaient sous la barbe et qui tenait leur chéchia solidement fixée sur leur tête.

Il y avait un autre costume, d’origine algérienne me semble-t-il, en drap brodé pour les hommes, qui comprenait un gilet, un boléro et un saroual bouffant. Les jours de fête on portait par-dessus un burnous très ample.

Les Rabbins se distinguaient par la chéchia rouge qui était bordée d'une bande de soie noire. Ils portaient un châle en couleur, rouge, marron, ou ocre sur les épaules. Une canne complétait le costume rabbinique.

Les marchands qui se déplaçaient en dehors de la ville pour affaires, ainsi que les artisans et les ouvriers portefaix, portaient sur le côté une espèce de cartable en cuir Chkara ou Aquerab suspendu par une courroie ou par un gros cordon sur l’épaule gauche et qui pendait sur le côté droit. On y enfouissait tous les objets de valeur ainsi que les papiers et l’argent. Les papiers étaient enroulés et gardés dans des tubes en fer blanc, l'argent était posé au centre d'un mouchoir dont on réunissait les quatre coins pour les attacher solidement.

Les autres costumes seront décrits dans l’article sur la vie familiale. Cette vie familiale consistait en un ensemble de coutumes qui caractérisaient aussi bien les Juifs de Mogador que ceux des autres villes du Maroc.

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La vie familiale :

L'ordre du jour du père de famille différait quelque peu entre les gens de la Casba et les gens du Mellah.

 

A la Casba

Leve le matin – pas trop tot, le pere de famille faisait sa priere, puis dejeunait : the anglais, lait, tartines de pain grille et beurre frais. Puis il descendait au bureau – la plupart des commercants avaient leur bureau au rez-de-chaussee – prenait connaissance du courrier, le cas echeant, consultait son comptable. II recevait les clients, les courtiers, et traitait quelques affaires avant de sortir faire un tour. II allait a la plage ou au port et prenait ]'aperitif au club. La, on discutait ferme les affaires, la politique, les journaux etrangers, car il n’y avait pas encore de joumaux locaux au Maroc. Ce n’est que vers 1880, que quelques petits journaux apparurent a Tanger.

L’Alliance Israelite publiait son "Paix et Droit". Un journal en Judeo-arabe, Elhouria – "La Liberte", parut au debut du xx° siecle

Apres quoi, il participait au repas en famille. Les repas etaient legers mais coutaient relativement cher. Ils se composaient d'oeufs, de poissons a chair blanche comme la sole ou le mulet, de poulets, de pigeons, de cailles et de perdrix (la chasse etait ouverte toute l’annee et les oiseaux etaient pris au filet car le gibier blesse ou tue n’est pas Cacher). Ajoutez a cela les salades vertes, les fruits, le cafe, mais pas d'alcool pendant la semaine. Enfin, sieste, the et retour au bureau vers quinze heures.

Certains allaient d’abord au club faire une partie de bridge ou de solo – jeux anglais.

Au bureau il fallait terminer les affaires en cours. A dix-huit heures, retour au club ou a la promenade.

Pendant ce temps, les employes continuaient jusqu’a dix-neuf ou vingt heures, si des bateaux etaient en rade ils restaient jusqu’a la fin de 1’emballage et de 1’embarquement de la marchandise. Et s’il le fallait, ils veillaient toute la nuit.

Les femmes de la Casba organisaient ou participaient a des receptions reservees aux dames. Elles buvaient du the et mangeaient quantite de gateaux. Il faut dire que les dames de Mogador excellaient en patisserie et leurs gateaux, surtout ceux aux amandes, aux noix, a la noix de coco, au sesame, etaient incomparables. L’apres-midi, se passait a la plage et quand il faisait beau, se continuait par une promenade sur la place publique le long de l'avenue du Chayla ou Dar Laassor comme on l'appelait avant l’arrivee des francais

.

Au Mellah

Leve de bonne heure, de tres bonne heure, le pere de famille allait faire la priere du matin a la synagogue avant 1’aurore.

Puis il buvait une coupe de Lhsso, soupe de semoule, a laquelle on ajoutait du poivre, des poivrons, du persil et de la coriandre. Cette soupe piquante raclait la gorge et rechauffait le corps, surtout pendant les matins d’hiver. Puis il allait au travail, aux marches proches ou lointains, a dos d’ane ou de mulet. Ceux qui travaillaient loin partaient pour toute la semaine Ceux qui allaient en ville ou seulement a quelques kilometres, revenaient vers quinze heures. Le pere de famille, de retour chez lui, faisait une simple toilette ou prenait un bain puis mangeait l'unique repas de la joumee. Au travail, il avait bu un verre de the ou de cafe et a la maison ou chez un fabricant, un petit coup de Mahia – eau de vie distillee. Le repas etait plutot copieux et compose de viande, rotie ou grillee, rarement du mouton, foie, poissons (souvent bleus) salade a la tomate, piments piquants, plats de legumes, pommes de terre, choux, choux fleurs, radis, navets, celeris, cardes et artichauts en quantites, sauces rouges et piquantes. II s'agissait souvent de Couscous agremente de boyaux farcis. Parfois, il y avait de la viande conservee a la mode ancienne et des ceufs, et rarement du mouton. Les plus aises mangeaient des truffes, quand on en trouvait. Le dessert variait selon la saison, pasteques, melons, concombres, raisins, dattes fraiches, figues, figues de Barbarie appelees par les Juifs : Crmoss Delmeslmin (figues des Arabes) et par les Arabes Crmoss Dnssara (figues des Chretiens).

Ce repas etait pris par le mari seul avec des amis, des associes ou des employes.

Quant a la femme et aux enfants, ils prenaient un repas bien plus simple a midi ; les enfants repartaient a leurs etudes, et les femmes s'occupaient du menage. Les femmes ne travaillaient jamais a l’exterieur, meme pas les plus pauvres. Les femmes tres pauvres ou sans mari faisaient des travaux chez elles. Il n’etait pas rare de voir la femme chez elle avec ses outils de travail, machine a coudre, quenouille, planches fixant les babouches a broder, entouree d’une marmaille affamee et a cote, en train de cuire, le plat familial. Chacun attendait que la mere depose son outil pour s’occuper de lui.

La femme ne faisait pas le marche ; c’etait le pere de famille qui s'en chargeait. Celui qui etait assez fortune, avait un commissionnaire pour ce genre d’affaires.

Au marche, il y avait une foule de porteurs qui, moyennant de la menue monnaie, transportaient les produits sur leurs epaules jusqu’a la maison.

 

Chez nous, on respectait la recommandation des Rabbins concemant les depenses faites en l’honneur du Shabbat, qui dit : si le pouvoir d’achat journalier d’un homme, est de cinq sous, il doit faire en sorte de n'en depenser que quatre, de cette facon le vendredi il aura economise cinq sous. Ces cinq sous ajoutes aux cinq du vendredi faisaient dix pour le samedi. Il fallait se contenter de n’importe quoi pendant la semaine pour ne manquer de rien le Shabbat.

C’est ce que faisaient nos peres et nous suivons toujours ce principe.

La veille des fetes, il y avait affluence chez les maraichers, les bouchers, les marchands de poulets, d’oeufs et de poisson. Un monde fou grouillait sur le marche et les marchands ne savaient plus ou donner de la tete. Ces jours la ils faisaient des affaires d'or.

La veille des fetes, acheteurs et vendeurs veillaient toute la nuit. On n'aurait jamais cru, a voir cette foule se jeter farouchement sur la marchandise, qu’il y avait parmi eux beaucoup de malheureux. Mais il fallait reconnaitre la, les bienfaits de la communaute qui avait pris soin, avant les fetes, de distribuer des dons a tous les pauvres, ceux connus comme tels et ceux qui, par fierte, cachaient leur pauvrete.

Une anecdote, pour illustrer cette action de dons discrets : c'est l'histoire d'un fabricant de bougies en cire qui n’eut pas de commandes toute la veille de Pessah et par consequent, resta totalement sans fonds pour faire face aux nombreuses depenses de la fete. Il n'avait meme pas de quoi acheter les legumes qui etaient moins chers que le poisson et la viande.

Pour donner le change aux voisins et meme a sa femme et ses enfants, il prit en main un grand panier et s'en alia au souk, comme s’il allait faire le marche. Arrive au marche, il fait le tour en demandant le prix de chaque chose, il fait le tour la premiere fois, et sort de la ville, au bout de quelques minutes, il revient, fait un deuxieme tour et sort de meme ; il refait le tour une troisieme fois et revient encore et toujours le panier qui se balance vide au bout de son bras.

 

Le president du comite observait a la derobee, dans un coin en retrait. II remarque les faits et gestes de notre fabricant de bougies qu’il connaissait tres bien pour lui avoir commande plusieurs fois des bougies. II le savait aise. II donne l’ordre a un de ses employes de le suivre discretement et de voir ce qu’il achete et ce qu’il fait apres. L’employe suit discretement le fabricant. Celui-ci, ne se sachant pas suivi, va jusqu’au cimetiere, se rend directement sur la tombe d’un grand Rabbi, et se met a pleurer. Au bout de quelques minutes, il se leve et revient au souk.

Le president ecoute le rapport de son employe et en deduit que l’etat des finances de notre artisan est au plus mal. II sait que celui-ci n’acceptera pas d'aumone, le fait appeler et lui dit : j’ai besoin de tant de kilos de bougies, peux-tu faire ce travail pour moi ? Je te paye d’avance, je te connais, je sais que tu me feras du bon travail. L'artisan saisit a dix doigts la perche qu’on lui tend. II fait un calcul rapide et dit : "Ca fera tant", et 1’autre de lui tendre la somme en lui disant : 'Prends ton temps, je ne suis pas presse". Le fabricant fait son compte, emploie juste ce qu’il gagne dans l’affaire et achete ce qu’il lui faut pour la fete. Apres la fete, il fabrique la quantite de bougies commandee et va voir son acheteur, celui-ci, repond qu’il n’a pas besoin de marchandise pour le moment, il la lui reclamera quand il en aura besoin. Cependant, il ne la demanda jamais. Ce qui a permis a l’artisan de travailler avec ce capital et de ne manquer de rien.

 

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Brit Mila

La naissance d’un enfant male, donnait 1’occasion de faire plus de fetes et rejouissances qu'a celle d’une fille.

Cela se comprend, car pour le garcon, il y a trois Mitsva : la circoncision, le Pidione Haben et la Bar Mitsva.

Pour la fille, il n’y a que le Tssmia – L'acte de donner le nom a une petite fille, cette ceremonie se nomme en hebreu Zeved habat et elle n'est pas consideree comme une Mitsva.

D'autant plus que le garçon perpétue le nom de famille du père ; quant à la fille, elle prend le nom de son mari. Il y a des familles qui donnent des grandes fêtes aussi bien, pour la fille que pour les garçons, mais ce n’est pas habituel surtout s'il s'agit d'une fille qui n'est pas l'aînée.

Donc, à la naissance d’un enfant, avant de savoir si c’est un garçon ou une fille, à l’approche de la délivrance et surtout pour le premier enfant, la mère de la future maman, prépare le petit trousseau. La préparation du trousseau est l’occasion d'une fête familiale.

La famille la plus proche, surtout les dames, est conviée à prendre part à la petite cérémonie qui consiste à découper les tissus et les langes. On offre du thé et des gâteaux, et parfois on convoque la sage femme de la famille.

Si c’est un garçon qui naît, il est tout de suite annoncé par le youyou de la sâge femme. La joie éclate dans la maison et chez les membres de la famille qui s’y trouvent. On court donner la bonne nouvelle au mari s’il n’est pas rrésent. Alors, il donne une récompense au porteur de la bonne nouvelle et dès qu’il rentre chez lui, à la sage femme.

Sans attendre, il va au marché et achète tout ce qu’il faut pour les fêtes et ־rejouissances que l’on va décrire :

Le soir on reçoit la famille et les amis intimes qui ont entendu la bonne ouvelle. On sort le thé, les gâteaux, les apéritifs. Mais la fête ne dure pas rngtemps. Tous rentrent chez eux hormis la famille qui veille toute la nuit pour garder l’enfant contre Lilit[Du mot 'nuit', l'ange du mal de la nuit.] et les mauvais esprits qui l’accompagnent.

On dit que le premier soir, le bébé est comme un hôte de passage. Mais à partir du deuxième soir, on procède à une fête tout à fait spéciale. Cette fête, qui à compter de la deuxième nuit dure cinq nuits, s’appelle : Ettehdid du mot Hdid ou Hdada qui veut dire fer ou frontière. Car le mot fer, Hdid . comme en français signifie la guerre, les armes, mettre aux arrêts, mettre fin a quelque maladie, calamité ou autre fléau.

La croyance de nos anciens, voyait dans le garçon qui vient de naître, tant qu'il n’a pas été circoncis et n'a pas reçu de nom, une proie facile pour les mauvais esprits. Aussi pour les éloigner, il faut dresser une frontière entre les mauvais esprits et l’accouchée et son enfant.

Les esprits ne régnent qu’à partir de la tombée de la nuit jusqu’à minuit. Tout d’abord, on prenait une précaution élémentaire contre le mauvais oeil, en marquant l’entrée de la chambre par une main de Fatma, avec ses cinq doigts écartés. (Cette marque était répandue chez les plus arriérés seulement). Puis, on collait sur le mur, des deux côtés du lit ou on épinglait sur la moustiquaire des feuilles de papiers, où étaient inscrits certains versets, certaines prières, et quelques noms des anges les plus puissants. Un  avertissement aux esprits et à Lilit d’avoir à s’écarter de ce lit, autrement on – r pelierait tous les saints, dont ils ont une grande peur.

Quand tous les invités étaient présents, le dirigeant de la cérémonie, (cela peut être n’importe qui, mais plutôt la personne qui a l’esprit entreprenant et qui sait lire et chanter ou qui a une influence sur les présents), entame un verset de la Thora, où il est dit qu’après l’entrée de tous les êtres et couples de la création dans l'Arche de Noé, Dieu ferma sur lui la porte de l’arche.

Et, en effet, on ferme les portes de la chambre de l’accouchée et de l'enfant. Le dirigeant et une partie des invités se mettent à chanter quelques Piyoutim, chants religieux où sont évoqués la création du monde, l’alliance de Dieu avec Abraham Avinou et l’espoir de voir l’enfant circoncis et florissant dans sa vie.

Après, tout en reprenant un verset de Tehilim – Les Psaumes, pour la sauvegarde de nos âmes contre les mauvais esprits, il fait le tour de la chambre et trace avec une arme, un sabre ou un coutelas, sur les murs et autour des têtes de la mère et son enfant, une ligne imaginaire. En faisant cela, il a tracé une frontière que les mauvais esprits n’ont pas le droit de franchir.

Il entreprend alors un dialogue chanté avec les personnes restées en dehors de la chambre et fait toutes sortes de vœux et bons souhaits pour l’accouchée, le fils, les parents, les voisins et les amis. Après cela, on ouvre les portes de la chambre et s’il y a un orchestre indigène, il joue, éventuellement en arabe, des morceaux choisis en rapport avec la circonstance. La fête comporte alors l'apéritif, les gâteaux, voire même des repas froids ou chauds, le tout selon l'état des finances du père. Même les plus pauvres offrent du thé ou de la limonade et un gâteau qu’on appelle Palébé, une espèce de cake dont mon père, qui aimait rechercher les origines des mots qui n’ont pas d’explication en arabe, disait que son nom devait provenir du français “pain levé”, car on y mettait de la farine, des œufs et du sucre, le tout bien mélangé et bien battu.

La plus grande de ces soirées que l’on appelle Khams El Kbir – le grand cinquième, se passe l'avant-veille de la circoncision. La fête y atteint son point culminant.

La veille de la circoncision, on fait venir de la synagogue, un grand siège, que l’on appelle le siège d'Eliahou, Kissé Eliahou, c’est là que le Sandac, le parrain, qui tiendra l’enfant, s'assoit. On décore ce siège de belles couvertures, tapis et foulards de soie.

Derrière le siège, on a eu soin de fixer au mur la Parokhét, le rideau en velours brodé d’or qui est devant l'Armoire de la Thora à la synagogue, et on a ajouté de chaque côté les "Robes de la Thora", brodées d’or aussi, qui recouvrent les rouleaux de la Thora. On attachait tellement d’importance à ces ornements, que chaque personne de l’assistance, devait accrocher un de ces objets ou clouer un clou au mur sans oublier d'offrir une obole qui allait à la caisse de Hevrat Eliahou [. La compagnie d'Eliahou qui avait pour but d'aider les parents à mener à bien la circoncision des garçons-nouveaux nés de la ville].

Le lendemain matin, jour de circoncision, le père allait obligatoirement à la synagogue ; le Hazan et le Chamach de la synagogue ainsi que les parents l’accompagnaient, un des garçons de la famille tenait un coussin brodé, sur lequel le nouveau-né sera circoncis.

Une petite procession va ainsi au son des violons et tambourins jusqu’à la synagogue. Après la prière, c'est le retour à la maison de la même manière. Accueilli par les youyous des femmes, le père s’occupait de ses invités qui sont arrivés entre temps. A l’heure dite, (rarement respectée,) les gens de la Hevrat Eliaou commençaient à chanter pendant que le Mohel préparait ses instruments et que l’on vendait aux enchères la Mitsva du Sandac. Le produit de la vente revenait au Hazan de la synagogue, et si le papa voulait honorer son père ou quelque personnage respectable, il devait indemniser le Hazan car il arrivait des fois que cette vente rapportait une petite fortune. Comme par exemple, si une circoncision tombait un jour de Kippour, quand il y avait dans l’assistance des personnes aisées, en mesure d'acheter aux enchères à un prix élevé cette belle Mitsva.

L’acheteur, ou l’heureux élu à qui le père a offert ce beau cadeau, s'assoit sur le Kissé Eliahou et reçoit l’enfant des mains du papa. Ce dernier avait lui-même reçu l'enfant des mains de la sage-femme, ou d’une femme qui a été gâtée par le sort toute sa vie et qui porte- bonheur à tout ce qu’elle touche. Après la prière spéciale, le Mohel procède à la Brit, acte qui ne dure généralement que quelques secondes. Si l'acte se passe très rapidement, c'est le signe que tout est dans l'ordre. Si cela dure plus, c’est qu’il y a eu quelque difficulté et l’on n'est tranquille que quand l’enfant sort des mains du Sandac, bien bandé et bien portant.

En général, le Mohel est accompagné par un disciple qui veut apprendre le métier. Pour le moment, il ne s’occupe que du bébé et des soins qu’il viendra lui donner bénévolement pendant la semaine qui suit l’opération. Le Mohel et son assistant œuvrent uniquement pour la Mitsva et non pour recevoir un salaire. Même si le père offre une petite somme, elle allait à la Hevrat Eliaou ou aux pauvres.

Chaque fois que le Mohel arrivait à sa centième circoncision il offrait aux Rabbins et aux pauvres une Séouda – Repas de remerciements à Dieu.

On n’a jamais vu un Mohel se faire payer, sauf quand il allait en Espagne, où il y avait une petite communauté juive qui n'avait pas de Mohel, et qui invitait le Mohel quand il y avait plusieurs enfants à circoncire. Ainsi, parmi ces enfants, il y en avait qui étaient âgés d'un an, deux ans ou plus. Quand le Mohel revenait d'Espagne, il était nanti d’une belle somme et de nombreux cadeaux.

La fête dure toute la journée, car on déjeune et on assiste au dîner fait avec tout le faste dont on est capable.

Les amis et les parents apportent de nombreux cadeaux car c’est une honte de venir à une circoncision sans cadeaux.

Comme il était d’usage, la maison ne désemplissait pas de parents, d’amis, d’assistants bénévoles, de cuisinières et pâtissières professionnelles payées pour toute la semaine. Tout ce monde là, mange, dort, travaille, cause un dérangement considérable. La maison étant petite par rapport aux gens présents, on répète les uns aux autres en guise d’excuse que, la place est dans le cœur.

Le Shabbat d'avant la circoncision se passe dans l'allégresse.

Le papa va à la synagogue, on l'assied à la place d’honneur. Un grand nombre d'amis et de parents abandonnent leur synagogue pour venir prier avec lui.

D’autres personnes viennent vers la fin de la prière et restent là jusqu’au moment où ils quittent la synagogue, et tout ce monde l’accompagne à la maison, avec le Hazan et le chanteur, car dans toute cérémonie, on a recours aux chanteurs à qui on fait des dons au même titre qu'au Hazan et aux œuvres de bienveillance.

A la maison, on sert l'apéritif au grand public, eau de vie, vins, bières, cognac, whisky et même champagne chez les moins religieux, poisson, saucissons, œufs, petits pains, etc. Les plus intimes sont retenus pour déjeuner.

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Pidion Haben

Passons au Pidion Haben qui se passe comme on le sait, la veille du 31ème jour après la naissance d'un garçon aîné. On compte 30 jours révolus. Le Pidion est le rachat du garçon aîné des mains du Cohen. C'est une Mitsva de la Thora : comme les aînés auraient dû être consacrés à Dieu et qu'ils ont été remplacés par le Cohen, le père doit racheter l'enfant du Cohen. Cette cérémonie se passe dans une pompe encore plus grande que pendant la circoncision car cette fête est rare, puisqu'il faut que le garçon soit l'aîné, que sa mère n’ait pas fait de fausse couche avant sa naissance, que ni la femme ni le mari ne soient Levy ou Cohen.

Ettehfif

Vous croyez que c'est tout pour le garçon jusqu’à sa Bar Mitsva ? Non ! Il y a encore une autre cérémonie qui n’a pas de base religieuse. Quand l’enfant  a un an, on fait une autre fête, que l’on appelle : Ettehfif la coiffure.

 Le coiffeur familial vient le coiffer à la maison ou plutôt lui couper les cheveux, on fabrique pour lui un couvre-chef, qui a la forme d’un tarbouch rodé d’or. Il le portera pendant toute sa prime jeunesse. C’est une des choses que l’on n’aime pas enlever à l’enfant quand il est gâté. Le berceau en est une autre, il y a des enfants qui ne veulent pas quitter le berceau pour coucher dans un grand lit.

Instruction de l'enfant

Pour instruire les garçons, on faisait venir un rabbin à la maison, quand on en avait la possibilité, quand on n'en avait pas, on l'envoyait au Heder. les premiers temps, l'enfant allait au Heder accompagné, mais quand il prenait l’habitude, il y allait seul.

les filles ne recevaient pas d’instruction religieuse, elles étaient éduquées par leurs mamans.

les écoles comme celles de notre temps, n’existaient pas. Les écoles de l'Alliance ne sont apparues au Maroc que vers 1860/1870. On y apprenait trois langues ou plutôt deux langues vivantes, le français et l’anglais plus l'hébreu qui était considéré comme langue morte. La langue espagnole était assez répandue et on l’apprenait dans la rue au contact des nombreux Espagnols qui habitaient le Maroc, surtout à Mazagan, Safi, Mogador et bien entendu à Tanger et la zone espagnole.

Bar Mitsva

Le garçon arrive finalement à sa Bar Mitsva, on lui apprend à faire un discours – Darouch. S'il est avancé dans les études talmudiques, son Rabbin ne fait que le guider dans les idées, les sujets et leurs développements, sinon le Rabbin écrit en judéo-arabe tout sur une feuille, le sujet, l’introduction versifiée en hébreu, puis il le lui fait apprendre par coeur.

Cela se passe régulièrement un lundi ou un jeudi puisque ce sont les jours pendant lesquels on sort le Sefer Thora, où il doit lire le passage qu'il a préparé. Cette Mitsva donne lieu à une cérémonie préliminaire. Le coiffeur vient la veille lui couper les cheveux, et tous les invités pour le lendemain veulent aussi y assister. Musique, repas chauds, chanteurs, rien n’y manque. Le lendemain, synagogue. On y va en cortège accompagnés de musiciens. Deux amis portant des grands bougeoirs mènent la marche, un autre les suit en portant un coussin sur lequel sont présentés les objets du culte, Tsitsit, Tefilin, livre des prières. Après l'office, le retour à la maison se fait de la même manière sauf que maintenant le Bar Mitsva porte sur lui le Talith et les Tefilin qu'il n'enlèvera qu'à la maison. A la maison on sert le repas du matin et l’après-midi des gâteaux.

Après la Bar Mitsva, l'enfant continue ses études rabbiniques si on veut en faire un Rabbin – à l’école, si on veut en faire un "moderne". Si l’on veut qu’il devienne commerçant ou artisan on le prend avec soi pour lui apprendre le métier que l’on exerce.

Certaines familles riches envoyaient leurs fils continuer leurs études à Paris, Londres, Hambourg ou Rotterdam. On voulait tellement faire les choses en grand pour fêter une Bar Mitsva, que certains laissaient passer le temps prescrit par la Thora afin de mieux se préparer ou pour réunir les fonds nécessaires pour faire une fête à la mesure de leurs aspirations. Des fois, à force de remettre à plus tard, ils finissaient par emmener leur fils à la synagogue, lui faisaient porter les Tefilin et l'affaire était conclue.

Parfois, malgré la crainte du mauvais œil, on fêtait la Bar Mitsva de deux frères à la fois, même s’ils n'étaient pas jumeaux.

Après les réjouissances et au moment où les invités veulent sortir de la maison, ils passent à côté d’une petite table où sont déposés les Tefilin, Talit et le livre de prière, ainsi que le cahier où est écrit le discours que le Bar Mitsva a appris et qu’il venait de répéter, car il le prononce trois fois : la veille à la maison, le matin à la synagogue, et une dernière fois dans la matinée à la maison pour ceux qui n’ont assisté ni le soir ni le matin. En passant à côté de la petite table auprès de laquelle est assis le rabbin qui a préparé l'enfant à la Bar Mitsva, chacun dépose son obole. Cela constituait pour le rabbin une de ses principales recettes, et il vivait dans l'attente de ce jour.

Le jour de sa Bar Mitsva le garçon sort se promener vers le soir avec ses amis et parfois, il va rendre visite aux personnes qui n’ont pu assister à sa fête à cause d’un deuil ou pour autres raisons.

Il est chaleureusement accueilli et on lui offre des cadeaux. Il ne sort jamais d’une maison les mains vides.

A partir de ce jour, il a le droit de participer aux réjouissances des autres familles. Il est invité personnellement, car sur l’enveloppe des cartes d’invitation, il est écrit : M. et Mme Tel et famille. Or, le Bar Mitsva, est déjà un homme à part, et si l’on ne veut pas froisser la famille, il faut lui envoyer une carte individuelle.

Les réjouissances ne se limitant pas seulement à bien manger et à bien boire, il y a toujours des personnes qui forment des groupes divers suivant les goûts.

Les uns qui aiment la musique arabe, écoutent les musiciens chanter et jouer. L’orchestre se composait de cinq à six musiciens, parfois plus, mais jamais moins de quatre. Un violoniste chef, un guitariste, un tambourin et un chanteur. Le chanteur qui battait la mesure, avec ses mains ou sur le tambourin, recevait les dons des mains des invités et devait dire à haute voix, le nom du donateur et en l’honneur de qui le don était donné.

En général, les dons étaient faits en l’honneur de la famille qui donnait la fête, des fois en l’honneur d'un ami présent, souvent en l’honneur d’un être cher, éloigné de la maison pour quelque raison. Les personnes citées se sentent obligées de répondre par d’autres dons.

D’autres préfèrent se réunir dans un salon pour participer à un des nombreux jeux de société, ou pour jouer aux cartes.

D’autres enfin, les jeunes, forment un groupe qui danse au rythme de la musique du piano jouée par une ou plusieurs jeunes filles présentes.

 

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Rapports avec les Musulmans

Ce n’est pas à Mogador que l’on distinguait des différences de rapports avec les Musulmans. Dans d'autres villes et villages qui nous entouraient, dans les régions du sud, ces rapports changeaient presque du tout au tout.

La vérité est que les Juifs ont pu vivre pendant des siècles avec les Arabes, et qu'ils n’ont jamais connu de pogroms comme dans les pays européens.

Il y a eu des petites exceptions, qui provenaient comme je l’ai dit plus haut du régime féodal qui existait au Maroc jusqu’à sa pacification par la France. Chaque région se conduisait différemment avec les Juifs. Ceux-ci savaient se rendre utiles aux Arabes, qui de leur coté savaient qu’ils avaient besoin des Juifs et les laissaient vivre à leur guise.

Les Juifs vivaient dans le Mellah et menaient leur vie comme un petit état dans un grand. Individuellement, les Arabes avaient le dessous chaque fois qu’ils entraient en conflit contre les Juifs.

Ainsi à Marrakech, la ville la plus populeuse et des plus anciennes, la population juive vivait du point de vue commercial et social, très

normalement avec les Arabes. Pourtant, les Arabes n’avaient pas accès au Mellah qui était bien gardé par fonctionnaire arabe. Les marchés arabes étaient ouverts aux Juifs. Il n’y avait que la question religieuse qui gênait les Juifs. Les Arabes de Marrakech étaient fanatiques, ils avaient décrété que les Juifs devaient traverser pieds nus les quartiers considérés saints par les Arabes. Même le Cheikh des Juifs, malgré l'autorisation qu'il avait du Sultan à marcher chaussé, enlevait ses babouches pour passer dans la Médina

Les pachas de Marrakech, très puissants, tenaient d'une main ferme leurs administrés et ils faisaient respecter les Juifs. Cependant, la meilleure période des Juifs de Marrakech, est celle des 50 ou 60 dernières années de ce siècle.

Le pacha El-Glaoui régnait en maître absolu. Pendant la période qui a précédé El-Glaoui, du temps du Sultan Moulay Hassan, les Juifs de Marrakech ainsi que des villes dépendant de son autorité, reçurent la liberté de vivre comme de vrais citoyens.

Un trait particulier des relations entre Arabes et Juifs marocains : on sait que l'homme marocain est un mari très jaloux qui ne permet à sa femme d'ouvrir sa porte qu'à lui ou à ses parents. Pourtant, les Juifs, et encore plus les femmes juives, ont le droit de pénétrer dans le foyer arabe.

 

Un petit fait à signaler à cette occasion : mon aïeule, c'est à dire, la grand mère de ma mère, qui a vécu 105 ans, nous racontait que ses grandes sœurs, faisaient de la couture au palais du Sultan, père de Moulai Hassan le grand ; elles allaient dans les appartements privés du Sultan, s’amusaient et dormaient à même le lit de la préférée du Sultan.

Un autre fait significatif : une des coutumes que je n’ai pas fini de citer, voulait que la soirée qui clôturait la fête de Pessah, soit autant fêtée que la première soirée de la fête. Voici comment :

A la synagogue où on a chanté comme pour la fête, on cite quelques passages des lectures que l’on va lire les samedis qui vont de pâques à Tichea béav  le 9 Av. Puis on va à la maison, où l’on trouve les tables déjà préparées. Les bougies étaient allumées dans de grands bougeoirs posés sur la table. Sur la table il y avait aussi des fleurs à profusion, des plantes de toutes sortes, des épis de blé et d’orge, des fèves vertes, des laitues, des amandes, des dattes, du lait, du sucre, des gâteaux, des boissons, de la farine, des galettes (pain azyme, pour ceux qui ont coutume de ne pas encore manger le Hamets)…

La plupart de ces produits était offerte par des amis arabes qui connaissent cette coutume. Il est vrai que les Juifs avaient pris soin d’envoyer des Matsot et des gâteaux à leurs amis arabes pendant la fête.

Le plus vénérable membre de la famille, en général le grand-père chez qui la famille se réunit, bénissait tous les membres de la famille, présents et absents en leur donnant une datte ou de la laitue avec du miel, symbole de bonheur pour l’année à venir. Ensuite, la famille se dispersait pour permettre à chacun de rendre visite à d'autres familles. Les visites réciproques se pratiquent également à la seconde soirée de Pessah.

Quelques fois, des amis arabes assistent aux fêtes familiales, mariages, circoncisions, mais ne viennent ni à la synagogue, ni au cimetière en cas de décès. Ceci se dit d'autrefois ; de notre temps, depuis la domination française, ils viennent nous rendre visite dans nos maisons et assistent aux enterrements. Les Juifs, eux, quand ils accompagnent les morts arabes, ils n'arrivent que jusqu’au mur du cimetière.

J'ai parlé déjà des relations commerciales entre Juifs et Arabes ; je dois rapporter ici, quelques détails supplémentaires et un changement survenu après l’occupation française.

Parmi les métiers exercés par les Juifs, il y en avait quelques-uns pratiqués aussi par les Arabes : les boutiques voisinaient et les relations étaient amicales.

Par contre, il y avait des métiers exercés exclusivement par les Arabes. Les forgerons, le tailleur indigène qui ne faisait que les habits en laine blanche assez grossière, la construction des bateaux à voile et à rames et des barcasses, les marins et les pêcheurs aux filets.

En conclusion, le commerce et grand nombre de métiers étaient exercés par les Juifs, presque exclusivement, et cet état de chose s’appliquait en général à Mogador, car la population arabe était tout entière au service du Sultan, soit en tant que fonctionnaires, soit en tant que soldats.

Au début donc, les Juifs étaient des protégés directs du Sultan, et à cet effet, la population indigène était subordonnée aux Juifs.

Ce n’est qu’après plusieurs générations, que les indigènes commencèrent à se considérer supérieurs aux Juifs (du moins les hauts fonctionnaires), mais la richesse était restée longtemps le monopole des Juifs.

Il y a un fait historique, qui a relevé le prestige des Juifs marocains. C’est la visite qu'a faite Sir Mosés Montifiore au Sultan, où, grâce à son influence personnelle et le prestige de l’Angleterre, il a obtenu que la bastonnade des juifs soit supprimée.

Car le Pacha avait le droit de donner la bastonnade pour un oui ou un non, à route la population qu'elle soit indigène ou juive.

Mais depuis cette visite, les Juifs ne reçurent plus de bastonnade qui fut remplacée par la prison ou par le payement de fortes amendes au Pacha. Plutôt des amendes, car le Pacha y gagnait. Alors, imaginez-vous l’état d’esprit d’un Arabe en désaccord avec un Juif qui est condamné tout au plus à un court séjour en prison, alors que lui, il reçoit la bastonnade !

Autre fait : un Juif pouvait être protégé par une nation étrangère, ce qui lui donnait une liberté entière et lui permettait d’être supérieur socialement aux indigènes même les plus hauts placés.

A partir du moment où un Juif était protégé par une des puissances étrangères, moyennant une redevance annuelle pas très lourde, lui et son entourage devenaient sacrés. Lorsque l'on obtenait cette protection, gare à celui qui osait s’attaquer à ce Juif ! Le Pacha lui-même, risquait sa place s’il faisait, même par mégarde, subir un mauvais traitement à un Juif protégé ! D’ailleurs, un protégé ne répondait jamais à la convocation du tribunal du Pacha. Il y avait même des personnes qui n’étaient nullement protégées et pour lesquelles le Pacha n’avait pas vérifié la véracité de leur protection déclarée ! Il craignait de se voir tomber dans des complications politiques. Il y eut quelques erreurs de la part de certains Pachas, et les Juifs les mirent dans le pétrin.

Les protections les plus efficaces furent celles de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la France, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, des Etats Unis, de la Suisse, de la Hollande, de la Belgique.

Il semble que l’Allemagne et l’Angleterre, étaient plus aimées et craintes par les indigènes, car, au cours des relations des derniers siècles, elles s'étaient montrées d’une prodigalité extrême.

Les touristes anglais aimaient jeter de l’argent à la population. Ils visitaient les écoles et jetaient des pièces de monnaie aux écoliers à même la terre. Et ils étaient tout joyeux de voir l'inextricable mêlée, des mains, des pieds, des têtes, pour ramasser les pièces de monnaie.

Ils achetaient toutes sortes de choses fabriquées localement, tels que les petits meubles en bois d'Arar ; c’est un bois lourd, dur et cassable, mais qui était plus facile au travail que le bois ordinaire ; c’était une des spécialités de Mogador. Et aussi, les bijoux, les poufs en cuir ou en drap aux couleurs vives ; des pièces de monnaie indigène, des poignards aux manches faits en bois d’ébène incrusté de nacre, des vieux fusils à poudre restés en usage jusqu’à notre temps… Tous à des prix supérieurs à leur valeur.

Les allemands de leur côté, se montraient bons commerçants, achetaient et vendaient tous les produits marocains et appliquaient des prix battant toute concurrence.

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En dernier lieu, avec le protectorat français, des compagnies allemandes achetaient des terrains à n’importe quel prix et sans la moindre garantie d’authenticité de documents.

Quand quelqu'un leur proposait un terrain, il suffisait qu'il produise douze témoins, (moyennant quelque menue monnaie), qui déclaraient connaître l’endroit proposé. L'affaire était faite tout de suite et il recevait sur l’heure le montant de la vente.

Toutes les familles juives, possédaient des tableaux de la famille impériale allemande, et certaines familles seulement des tableaux des souverains anglais.

Il y eut le bombardement de Tanger, et surtout de Mogador, en 1844, par le bateau de guerre français commandé par le Prince de Joinville, qui a laissé un mauvais souvenir dans l’esprit des Juifs et surtout des Arabes. Ce bombardement a donné lieu au saccage de la ville par les tribus avoisinantes ; le quartier juif a été pillé et les Juifs l'ont évacué. Ce fut la ruine de plusieurs grandes familles. Ce qui signifie que la population n’a connu la France que par cet aspect brutal, et elle a gardé son amour à l'Allemagne et à l'Angleterre.

Les valeurs traditionnelles

Les traditions chez nous se confondent avec les coutumes, qui sont surtout basées sur la religion.

La croyance en Dieu, et en son assistance est demeurée intacte depuis les premiers siècles après la destruction du Temple jusqu’à nos jours.

Sans cette conviction, les Juifs se seraient assimilés aux Musulmans qui n’avaient d’autre ambition que de faire d'un Juif, un croyant en leur prophète. Quand un Juif, embrassait la religion islamique, on lui faisait une vie honorable pourvu, qu’il se montrât fidèle à sa nouvelle religion. On lui accordait, travail, argent, femme, et parfois il devenait Hadj (ce titre s’applique à celui qui a fait le pèlerinage à la Mecque et en Terre Sainte, et cela lui était facilité).

Quand c’était une femme, elle avait le droit de respecter sa religion, car en général, la femme qui épouse un Musulman n’a pas besoin d’adopter la religion musulmane.

Néanmoins, on ne voyait pas beaucoup de Juifs devenir Musulmans. Un ou deux cas dans chaque génération peut être, et encore, la majorité de ces cas n’étaient pas spontanés, mais sous la pression d’un puissant, ou à la suite d’un faux témoignage. Il suffisait de dire, par exemple, publiquement : "La Illaha lia Allah, O Mohamed Rassoul Allah", pour que l’on devienne Musulman ou bien, lorsque quelqu’un pris de panique s’enfuyait et trouvait refuge dans une mosquée : il en ressortait Musulman, bon gré, mal gré.

Donc, si les Juifs ne devenaient pas fréquemment Musulmans malgré toutes ces facilités et pressions, c’est que vraiment, ils étaient attachés au judaïsme.

Les Rabbins, étaient très respectés et craints, parce qu’on leur attribuait Le pouvoir d'influencer les décisions célestes. Quand un grand Rabbin passait dans la rue, tous se précipitaient pour lui baiser la main. Le Rabbin était servi le premier, souvent bénévolement, et les premières places étaient toujours pour lui. Mais il n’abusait pas de cette situation, et n’allait pas jusqu’à se faire vénérer comme chez certaines communautés juives de l‘Europe.

Un Rabbin qui se respecte ne tire pas profit de son savoir de la Thora.

Grands Rabbins

Il y avait un grand nombre de grands Rabbins dont les livres faisaient autorité, et étaient reconnus dans le judaïsme mondial. Par contre, il y en avait d’autres, qui n’ont rien laissé de leur science qui cependant était étendue. Il y eut également des publications qui sont malheureusement épuisées et n'ont pas été rééditées

A Mogador par exemple, il y eut un fait qui a appauvrit la ville de livres très importants. Une des grandes familles dont l’aïeul n’était autre que le célèbre Rabbin, Rabbi Yossef Elmaleh, auteur d’un livre très estimé, "Tokfo Ckel Yossef', cette grande famille dis-je, entretenait jadis une grande Yéchiva, où l’on étudiait le Talmud et les hautes études hébraïques.

Rabbi Yossef Elmaleh. (Site Mogador – Haïm Melca) Fils de Rabbi Aharon Elmaleh et petit fils de Rabbi Yossef Elmaleh auteur de "Tokpo Chel Yossef". Né à Rabat en 1809 il fut Grand Rabbin de Mogador à partir de 1840. Décédé en 1886 à Londres.

Cela veut dire, que cette famille payait les Rabbins et les élèves ainsi que toutes les dépenses qui s’ensuivent. Il y avait dans cette Yéchivah, une bibliothèque très riche en livres anciens, des recueils de lois talmudiques et des manuscrits etc.

Malheureusement, la chance a déserté cette famille et elle a été d’abord obligée de fermer la Yéchivah puis, de vendre pour une bouchée de pain ce puits de science qu'était la bibliothèque. La personne qui l’a achetée est devenue riche en la revendant en Amérique.

Nos synagogues

Nos synagogues ne sont ni belles ni grandes. Cela vient du fait que comme je l’ai dit, chaque famille en avait une, par conséquent on n’avait besoin ni Le grandeur ni de richesse. C'est seulement quand des Juifs venus d'Europe "en mêlèrent que nous eûmes quelques synagogues de beau style.

A Mogador, il existe une jolie petite synagogue dont le plan ainsi que tous les ornements ont été exécutés à Londres. On peut dire sans crainte d’être démenti que c’est la plus jolie synagogue du Maroc si ce n’est de l’Afrique du Nord. Les bancs et la Téva, le Hekhal, sont en palissandre massif sculpté à la main. Les candélabres en argent, terminés en verre demi-cristal en forme de tulipes qui étaient prévus pour y installer l’électricité. Des lustres qui descendent et montent vers le plafond très haut par un système facile et discret. Une jolie galerie pour les dames (qui venaient assister à l’office du matin et à qui on servait une légère collation).

"Les Rabbins de la ville viennent saluer le Sultan" (Mogador 1933) De gauche à droite : Rabbi Chlomo Benbenisti, Rabbi Abraham Ben Shoshan, Rabbi David Knafo, Rabbi Hdane Ben Abbo,

Rabbi Moché Ben Simhon

 

L’office s’y passait d’une façon très ordonnée, chose inconnue à l’époque au Maroc. Les chants, les parties chantées, étaient exécutés par une chorale de jeunes garçons choisis pour leur belle voix.

Quoique sans musique instrumentale, sans chef d’orchestre, cela donnait l’impression qu’il y en avait. Les non Juifs, s’arrêtaient fréquemment pour écouter. Tous les mouvements étaient réglés et fixés d’avance, l’ouverture du Tabernacle, la sortie du Sefer Thora, la Hagbaha, ceux qui lisaient la Thora ; tout cela se passait cérémonieusement et tout paraissait important et imposant sans donner le sentiment d'une mise en scène. Chacun de ces acteurs, se sentait vraiment honoré d’avoir été choisi pour l’acte qu’on lui demandait d’exécuter.

La question de l’argent y était secondaire car le propriétaire du Temple réglait toutes les dépenses. Par la suite, cette synagogue a servi d’exemple pour de nouvelles synagogues, mais aucune n’a atteint son élégance et sa noblesse.

Une autre synagogue a été commencée par un Juif d'Europe, mais pendant l'exécution des travaux, il est devenu fou. Aussi, elle a été terminée par d'autres entrepreneurs, ce qui l'a rendue moitié européenne, moitié marocaine. Elle aussi était belle mais sa beauté s’arrêtait au bâtiment. Les fidèles s’y comportaient comme dans les synagogues ordinaires.

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La musique marocaine juive

Je ne sais si j’ai parlé de la musique marocaine juive. Cette musique, était toute vocale, pareille à celle des Musulmans. Elles étaient sœurs, comme la langue hébraïque est sœur de la langue arabe. Certains prétendent, que c’est la même musique. Voici comment ils expliquent cela.

Les musiciens écoutaient le vent chanter en passant par les branches des arbres. Ils s'aperçurent que la musique du vent était différente à chacune des 24 heures de la journée. Ils arrivèrent à la capter et à ordonner une musique qui e divisait en 24 séries d’airs différents les uns des autres. La mesure qui se faisait à la main se divisait pour ainsi dire en cinq clés.

Chaque heure avait sa musique. Et certains disent que l’on ne doit pas mélanger la musique du soir avec celle du matin ou le contraire.

Donc, primitivement, la musique se divisait en 24 heures ou Nouba. Par la suite, treize de ces Noubas se sont perdues, et il ne nous reste en mains que onze Noubas.

Et je ne sais vraiment comment, mais les Juifs marocains ont hérité de cette musique. Mieux encore, ils ont adapté cette musique à la poésie juive.

Même les Poèmes de Rabbi Yéhouda Halevy, Rabbi Abraham Ben Ezra, ou Rabbi Chlomo Eben Guébirol, ne se chantaient plus que sur les airs arabes. Les chanteurs juifs, prétendent, que les treize Noubas oubliées par les Arabes, n’ont pas été complètement perdues. Car, il existait chez nous, les Juifs du Maroc, deux catégories de musique. L’ancienne et la nouvelle. La nouvelle, c’est exactement celle que l'on entend chez les Arabes, alors que l'ancienne leur est inconnue. Il faut dire cependant qu’à quelques nuances près, elles sont très proches.

La question est si l’ancienne musique encore chantée chez nous, ne serait ras composée des treize noubas oubliées par les Arabes ? Ces airs se sont perpétués chez les Juifs, grâce à une tradition très ancienne. On se levait très tôt le samedi, vers deux heures du matin, on allait à la synagogue, et sous la direction d’un "Maître chanteur" au sens littéral des mots, on exécutait des beaux morceaux de musique, en chœur ou individuellement, à mur de rôle avec des paroles hébraïques sur des airs arabes, sauf bien entendu, quand il y avait innovation de la part d’un invité d’honneur d’un autre pays ou d’une autre ville.

Au début, cette musique se transmettait de génération en génération ainsi que nous l'avons dit plus haut, dans les réunions familiales et dans les synagogues. Dans les prières et les Pïyowfïm-poèmes chantés, on employait l’ancienne musique. Les chanteurs n’étaient pas obligés de savoir les deux musiques, mais il y avait des cas, rares il est vrai, où un maître de musique savait les deux et même un peu de musique européenne.

Je disais qu’au début, cela se transmettait oralement, mais depuis trois ou quatre générations, certains chanteurs professionnels se sont réunis et ont publié des ouvrages contenant uniquement les prières de l’aurore et les morceaux de chants qu’il fallait chanter, chaque samedi matin dans les synagogues, avant l’office matinal du samedi.

Le dernier ouvrage, Chir Yédidot, a été publié à Marrakech par trois auteurs de Mogador ; Rabbi David Elkaïm, Rabbi David Yflah et Rabbi Haim Afriat qui demandèrent à un tres jeune homme de Marrakech, Rabbi Haïm Attar de superviser le travail de l'imprimeur. Cet ouvrage fait loi depuis, d'abord dans tout le Maroc puis ici en Israël et dans les communautés juives de la Diaspora. Les Piyoutim réunis dans ce livre sont d'auteurs bien connus, comme Halévy, Eben Guébirol, Eben Ezra etc. et d'auteurs marocains et nord africains, tels que Rabbi Haïm Pinto, Rabbi David Elkaïm de Mogador, et Rabbi David Hassine de Meknès, et beaucoup d’autres.

A Mogador a vécu Rabbi David Yflah – plus connu sous le nom de Cheikh David , le plus grand chanteur du Maroc juif ou arabe. Il était d’une famille de chanteurs qui savaient par cœur des milliers de poésies, aussi bien en musique ancienne qu’en nouvelle. Il est mort il y a une vingtaine d’années. Les plus grands chanteurs de la génération de Moulai Hassan jusqu'au règne de Sidi Mohamed V venaient de toutes les grandes villes chez le 'Cheikh David' pour faire revivre, ou raviver certains airs oubliés.

Le chanteur le plus connu actuellement est Rabbi David Bouzaglo, il vit encore à Casablanca.

'Cheikh David' Il était connu aussi du nom de Rabbi David Ben Baroukh, (son nom et celui de son père) mais pour ne pas confondre avec Rabbi David Ben Baroukh, le saint de Taroudant, on l’appelait Cheikh David, car il était le cheikh (chef) des Juifs du Mellah

 

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Quand les femmes sortaient de chez elles

Simhat Thora

Nous avons dit que les femmes ne sortaient pas souvent. Cependant, a part les fetes familiales ou elles pouvaient s’exhiber habillees selon la mode de l'epoque, il y avait une autre occasion a laquelle toutes les femmes pouvaient sortir: c’etait la veille de Simhat Thora. Elies venaient a la synagogue, amenant leurs enfants a leurs maris, plutot leurs bebes, pour faire les Hakafot.

C’est une ceremonie qui existe dans les communautes juives du monde entier, chez nous, c'etait grandiose. Les synagogues etaient decorees, chacune selon le gout de ses dirigeants et de leur richesse. L’allumage a giorno, les Sefarim, en plus de leurs ornements ordinaires, etaient surcharges de foulards en soie bariolee, de ceintures dorees comme celles que j’avais deja decrites. Apres la priere du soir, on tourne autour de la Teva, oil la personne la plus venerable de l',assistance tient dans ses bras un Sefer Thora. Chacun des fideles prend a son tour, pour un petit moment, un Sefer Thora, pour danser, chanter et tourner autour de la Teva. Les enfants, eux, tournent aussi autour de la Teva en brandissant des bougies allumees a la grande joie de l'assistance.

Les femmes venaient jusqu'a l'entree de la synagogue pour admirer le spectacle, les jeunes filles entraient dans la synagogue, et les fillettes se melaient aux petits garcons pour aller vers leur papa.

Le lendemain, dernier jour de la fete, etait le jour le plus anime. A la synagogue, on faisaient monter au Sefer Thora, comme Hatanim, ceux qui uvaient ete elus, et ceux qui s'etaient maries au courant de l'annee. On invitait aussi a lire dans la Thora les enfants – nouveaux Bar Mitsva de  l'annee, et avec eux tous les enfants ages de 6 a 12 ans pour lire, chacun a son tour, un passage dans le Sefer Thora.

Mais avant le passage de chacun des invites a lire dans la Thora, le Pay tan – chanteur de la synagogue chantait un Piout qu'il avait specialement adapte a chacun d'eux.

Alors qu'un Hatan ou un enfant disait les benedictions de la Thora, ses parents passaient entre les fideles avec des plateaux charges de bonbons, gateaux, sucreries et d'autres charges de boissons fortes comme de l'eau de vie. du cognac, ou autres.

On ne terminait cet office que vers 13 heures ou plus. Apres la synagogue, on se rendait visite mutuellement pour prendre de riches aperitifs.

Traduction litterale de Hatan : Le marie. Au figure, le Hatan est celui qui a ete elu pour terminer la lecture de la Thora, ou pour en commencer la lecture. A Simhat Thora il y a trois Hatan : Le Hatan Thora, elu pour terminer le cycle de la lecture de la Thora : le Hatan Meona, elu pour lire le passage qui debute par le mot Meona (c'etait en general un enfant) et enfin le Hatan Berechit elu pour commencer le nouveau cycle de la .Thora

On passait l’apres-midi a rendre visite aux membres de la famille ou aux amis qui etaient venus nous voir pendant la fete.

La sortie de la fete etait fastueuse egalement. Certaines families allumaient des feux de joie, les jeunes gens ou meme les hommes murs qui se sentaient encore assez jeunes pour le faire, sautaient par dessus les flammes a tour de role, jusqu’a une heure avancee de la nuit.

L'auteur de ces lignes m'a raconte qu'a cette occasion on brulait les branches qui couvraient le toit de la Soucca. Cette ceremonie s'appelait: Tabrianeut.

Yom Kippour

Une autre joumee ou il etait permis aux femmes et aux jeunes filles de sortir etait le jour de Kippour. En ce jour, les hommes sont pour ainsi dire prisonniers de leurs synagogues (la bienseance voulait que l'on ne sorte pas de la synagogue), les dames sortaient de leurs maisons. Les mariees, allaient a l'Azara, l'endroit de la synagogue reserve aux femmes ; et les jeunes filles allaient faire un tour aux environs de la synagogue. C’est alors que les jeunes hommes risquaient un regard hardi vers la rue. Certains osaient sortir carrement de la synagogue et observaient les jeunes filles qui elles aussi jaugeaient les jeunes gens.

Le lendemam, jour de Simhat Cohen , jour de fete aussi, surtout au marche. Apres la priere du matin, tous les fideles couraient acheter ce qu'il fallait pour la fete de Souccot, les cedrats, les branches de palmiers, les roseaux et les genets pour construire leur Soucca, d’autres encore, se depechaient d'acheter poulets, viande, poisson, fruits et legumes.

Et pendant tout ce va et vient, ils demandaient des renseignements, sur telle jeune fille ou tel garqon. Arrivee la fete de Souccot, les demandes en mariage se multipliaient. En fait, ce jour de Kippour etait le jour unique ou les jeunes filles etaient remarquees par les jeunes gens, du moins, pour ceux qui etaient bien intentionnes.

Bien sur, ce n’est pas seulement comme cela que se faisaient les mariages. II etait courant que l'on se marie entre parents, cousins germains, cousins par alliance, meme dans des cas qui ne sont pas recommandes par la raison, comme deux freres epousant deux soeurs ; un frere et soeur epousent la soeur et le frere d’une autre famille. Les oncles epousant leurs nieces, (les neveux ne peuvent en aucun cas epouser leurs tantes).

II y a des families ou les liens familiaux sont tellement enchevetres, que l’on est souvent embarrasse pour faire les presentations, et on ne sait plus ce qu’est parent pour l’autre. Par exemple. la femme peut etre en meme temps cousine, niece et epouse de son oncle. Si l'on faisait des recherches, et qu'on examinait tous les liens de famille, on trouverait que tous les habitants  constituaient les membres de quatre ou cinq families.

Je veux dire par la, que les mariages provenaient aussi d'arrangements entre familles, afin de ne pas introduire un etranger dans la famille, car on ne savait sur quel genre d’homme ou de femme on pouvait tomber. Le mariage entre families etait presque garanti. (J’ai lu demierement dans un Selection" que les Rotchild n’epousaient pas d'etrangers. D'abord, car il n’y . qu’une Rotchild qui puisse apporter une dote a un Rotchild, et ensuite rarce qu'ils ne veulent pas que le secret de leur fortune passe a des etrangers !)

Ansi, les "bonnes" families de Mogador en faisaient autant : d'abord, elles se consideraient comme nobles et ne voulaient pas s’abaisser a prendre un parvenu, (en admettant, que le pretendant soit riche).

Elles ne consentaient a un mariage avec un pretendant de rang inferieur que si celui-ci avait recu une education superieure et demontre son erudition.

Redacteur:Asher Knafo-Structures et organisation de fa communauté juive de Mogador

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