Il etait une fois le Maroc david bensoussanTemoignage du passe judeo-marocain David Bensoussan

Il etait une fois le Maroc

david bensoussanTemoignage du passe judeo-marocain

David Bensoussan

Être au service du Souverain pouvait comporter des risques

Romanelli fut un voyageur italien qui vécut au Maroc à la fin du XVIIIe siècle. Dans son ouvrage Massa' Be'arav, il décrivit ainsi la dépendance à l'égard du sultan des célèbres Négociants du Roi qui furent en charge du commerce portuaire à Mogador : « Tant que le sultan s'en sert, ils sont pareils à ces rares ustensiles auxquels le vulgaire qui ne sait pas les manier se brûle dès qu'il y touche, mais il suffit que le sultan les écarte pour qu'ils soient perdus pour toujours… Si haute que soit leur situation, l'abîme reste toujours sous leurs pieds; ils savent qu'il suffit d'une parole du souverain pour qu'ils y soient engouffrés… L'exécution, l'exil, l'expropriation, les châtiments de toutes sortes, tel est le sort ordinaire de cette classe de gens qu'on appelle communément au Maghreb Shab es-Soultan.» Le sociologue Michaux-Bellaire a pu retracer la fin tragique de nombreux représentants et employés juifs du sultan dans son étude Le Gharb Al Ksar. Ainsi, Salomon Nahmias qui servit d'interprète en 1733 à l'envoyé britannique John Sollicoffe fut exécuté. Sur ordre de Moulay Ismaïl, son conseiller de longue date Yossef Maïmaran, celui-là même que Georges Mouette décrivit en son temps en ces termes : « Ledit Maïmaran, jouit auprès du roi d'un crédit égal à celui de Colbert en France » fut écrasé par un cheval. Aux dires du captif anglais François Brooks, le sultan aurait feint l'affliction et demandé au fils Abraham de remplacer le père Yossef. Un second, Moshé Ben Attar fut condamné au bûcher puis gracié et ruiné. Le sultan Mohamed III fit empoisonner son conseiller Samuel Sumbel et couper en morceaux et brûler son conseiller Itshak Cardozo. De telles condamnations étaient courantes. Les intrigues de cour étaient, il va sans dire, non étrangères à ces rétrogradations. Fait intéressant, au début du XIXe siècle, le rabbin Raphaël Berdugo de Meknès soutenait que les Juifs proches du pouvoir avaient tendance à être moins observants du point de vue religieux

Les sultans ont su jouer la carte de la compétition entre les leaders _juifs désireux d'avoir la charge de Naguid, c'est-à-dire dirigeant de la  communauté. Ainsi, sous Moulay Ismail, lorsque Moses ben Attar offrit de doubler la somme proposée par Maïmaran pour la charge de Naguid, le sultan encaissa les deux sommes et, « pour éviter les rancœurs » ordonna au second d'offrir sa fille en mariage au premier. Lorsqu'un pretendant à la charge de Naguid du nom de Yahia Cohen voulut prendre la place de R. Isaac Serfaty, ce dernier, avec l'appui de la communauté, proposa de conserver la charge pour une somme de 5 000 pièces d'argent. Or, il se trouva qu'un troisième candidat du nom d'Ibn Ramokh surenchérit et R. Isaac Serfaty renonça à la charge. Le sultan relama néanmoins de R. Isaac Serfaty la somme de 5000 pièces d'argent car ce dernier aurait osé refuser la nomination que le souverain se serait apprêté à faire. R. Isaac Serfaty tenta de quitter la ville avec son frère, mais ils furent appréhendés et emprisonnés; leurs biens furent saisis.

Le fait que les caïds avaient également des hommes de confiance juifs merite d'être souligné. Ainsi, jusqu'à l'avènement du Protectorat, les Juifs jouaient un rôle d'intermédiaires de premier plan.

Les Juifs de cour représentèrent une infime minorité

C'est vrai. La quasi totalité de la communauté juive vivait dans des conditions misérables. Les Juifs de cour, privilégiés, furent recrutés au sein d'un nombre de familles triées sur le volet. Dans le contexte du XIXe siecle, les Négociants du roi bénéficiaient de la confiance pleine et entière du souverain. Dans l'ouvrage collectif sous la responsabilité d'Ezra Mendelsohn, ]ews and the state, Daniel Schroeter fait état du message envoyé par le sultan Moulay Slimane au gouverneur de Mogador à propos du négociant Meir Macnin dont le titre officiel était Consul et ambassadeur du sultan auprès des puissances chrétiennes : « Tu veilleras a ce que le marchand fils de Macnin jouisse de sa position de traitement preferentiel sur tous les dhimmis, de façon à ce qu'il puisse accomplir sa mission au service chérifien. Accorde-lui tout ce qui lui est nécessaire et ne laisse personne l'humilier.» Le sultan Abderrahmane proclama un edit soulignant la contribution de Jacob et Abraham Corcos au trésor marocain. Toutefois, souligne Daniel Schroeter, l'amitié des souverains envers les négociants juifs n'était pas fondée sur leur rentabilité au trésor marocain. Les descendants de Macnin perçurent une pension royale en souvenir de leur ancêtre. Tout au long du XIXe siècle et au début du XXe, les souverains entretinrent avec les Corcos des relations d'amitié. Ces derniers agirent souvent comme confidents et conseillers. Il semble bien  que cette confiance ait été également partagée avec de nombreux autres notables dont les Toujar Al-Soultane, les Négociants du roi de Mogador. Ces derniers étaient en charge du commerce portuaire par lequel transitaient les marchandises du Sud Marocain et de l'Afrique noire avec l'Europe et principalement l'Angleterre. Ces négociants du roi constituaient une minorité anglicisée.

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