LES FETES-LA CUISINE JUIVE BECHARIENNE

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D'inspiration essentiellement tafilalienne, elle fut, sans aucun doute, influencée par l'his­toire et la géographie : n'étaient utilisés que les légumes, céréales et fruits produits dans le sud-marocain, et chaque maîtresse de maison s'ingéniait à confectionner tout ce dont elle pouvait avoir besoin et qu'elle ne pouvait se procurer sur le marché local. Sans entrer dans le détail des recettes, ni en donner un catalogue complet, je voudrais pré­senter certaines spécialités de la cuisine juive bécharienne, qui faisait en quelque sorte la synthèse des héritages tafilalien, marocain, algérien… :

 Quelques plats spécifiques et traditionnels :

La salade de poivrons ou salade juive,

(ailleurs appelée «tchoukchouka».) : Poivrons grillés, pelés et égouttés puis mis à mijoter dans une sauce d'huile d'olive, de tomates fraîches, d'ail, de piment, d'aromates et épices…

Se consomme chaude ou froide.

La Tafina

C'est le plat du shabbat, préparé la veille et qui cuit à feu doux ou au four jusqu'au same­di midi.

Il se compose de blé dur, pommes de terre et œufs entiers, pied de veau et viande de bœuf, pois chiches, haricots blancs secs, dans une sauce composée d'huile, d'eau, ail, épices, piment doux, safran.

Le couscous

Le couscous traditionnel avait une variante, originale, préparée sans légumes ni viande, mais avec du beurre, du sucre en poudre, des raisins secs. Il se consomme accompagné de lait fermenté.

Les boulettes de viande

Viande de bœuf hachée à laquelle sont incorporés divers ingrédients : poivre rouge, sel, oignons, grains de riz.

Cuisson au four, à petit feu, avec une sauce et accompagnée de petits pois.

L'omelette (Megguina) :

Omelette normale à laquelle sont incorporés champignons, pomme de terre, persil… Cuisson au four, dans un moule.

Bien évidemment, la règle de la cachrout s'imposait à tous et la communauté se char­geait d'organiser l'abattage rituel des animaux et la cachérisation de la viande. Rabbi Messaoud Assouline, qui faisait fonction de hazzane-sacrificateur, était principalement chargé de procéder à l'abattage des animaux destinés à la communauté, qui avait un droit de contrôle aux abattoirs et ses propres boucheries servant exclusivement de la viande cachère.

D'autres préparations mériteraient de figurer dans un ouvrage gastronomique, comme les pâtisseries (cigares au miel, makroud…) ; je me contenterai de citer la crêpe tafilalienne farcie qui avait la particularité d'être, comme une pita, une sorte de poche au diamètre imposant (25 à 30 cm) : remplie de toute sorte de bonnes choses, elle permettait de nour­rir une famille.

LES FETES

Les fêtes étaient l'occasion, pour chaque famille juive, de préparatifs, de travaux divers, d'achats, de réceptions et parfois, de voyages…

Les fêtes de Pessah

Un mois avant Pessah, il était procédé à la désinfection totale des maisons (dont les murs étaient blanchis à la chaux), à un véritable «nettoyage de printemps», afin d'éliminer toute trace de nourriture ordinaire, le «hametz». Dans cette période, nous avions coutu­me de nous réunir pour les repas, dans une partie retirée de la maison. A l'occasion des fêtes proprement dites, les femmes juives de Colomb-Béchar faisaient des efforts d'imagination pour régaler les leurs, en utilisant essentiellement les produits locaux ; l'exemple le plus significatif se rapporte aux fêtes de Pessah, où elles se servaient exclusivement des produits de la terre pour cuisiner, la seule viande étant celle du mou­ton (un animal par famille nombreuse, en général ), dont la graisse remplaçait l'huile. Du temps des privations et de la pénurie, nous avions conservé cette habitude de boire le café, en accompagnant chaque gorgée d'un morceau de datte, pour supprimer l'amertu­me et remplacer le sucre devenu rare et cher.

La confection des MATZOT

 Jusque dans les années 1955-1960, nous ne consommions pas la galette industrielle à l'occasion des fêtes de Pessah, cela pour diverses raisons, dont celles-ci : les matzot de Strasbourg, qui revenaient trop cher, ne paraissaient pas , surtout, répondre aux exigences imposées par la religion. Les Juifs de Colomb-Béchar avaient donc coutume de les confectionner eux-mêmes, selon le procédé suivant :

  • Le blé était acheté plusieurs mois à l'avance et entreposé à l'abri de la lumière et de l'humidité, afin d'éviter une germination précoce. En moyenne, il fallait compter 30 kilos par famille.
  • Un mois avant Pessah, le blé était étalé sur un drap immaculé et nettoyé grain par grain, pour éliminer les inévitables petits cailloux.
  • Le moulin était loué, cachérisé, et, pour plus de sûreté, les premiers kilos moulus devaient demeurer inutilisés. La farine obtenue était ensuite recueillie dans un drap, pour être tamisée.

Les galettes, appelées rghaïf étaient fabriquées collectivement, par groupes de plu­sieurs familles : la pâte, pétrie sans levain permettait de confectionner des galettes nor­males ; toutefois, une partie de la production étant fabriquée avec une pâte enrichie, chaque famille disposait d'une certaine quantité de galettes aux œufs.

La dernière opération consistait à porter les galettes au four, (les fournées se succédant à partir de 5 heures du matin), où elles étaient cuites sur des galets, dont elles épousaient la forme, ce qui était leur caractéristique ; ces galettes, est-il besoin de le préciser, étaient particulièrement délicieuses.

La Mimouna

Apportée d'Espagne (ou héritée des Judéo-berbères?)  la Mimouna terminait la fête de פשח  dans la cordialité et l'allégresse : au huitième jour, un pique-nique avait lieu l'après- midi, dans les jardins, d'où chacun rentrait les bras chargés de palmes et de fleurs destinées à décorer la table. Car, le soir venu, toute la communauté se mettait en mouvement pour aller, par groupes de six, huit… de maison en maison, présenter ses vœux, boire un verre, manger une pâtisserie, et poursuivre ainsi ses visites jusqu'à une heure avancée de la nuit.

Les fêtes du Kippour

En dehors du jeûne, fort éprouvant pour les organismes, lorsqu'il tombait dans les périodes chaudes (faut-il rappeler qu'ayant pris le repas de la veille de kippour vers 17 heures 30 il faut résister sans boire ni manger jusqu 'au lendemain au coucher du soleil ?) Les fêtes du kippour se caractérisaient par une coutume ancestrale : la kappara

La Kappara

L'abattage rituel des poulets, à l'occasion de כּפר (le Kippour) donnait lieu à une cérémonie qui nous amusait beaucoup, lorsque nous étions enfants : selon une coutume, qui devait se rattacher à des croyances liées probablement à des superstitions, et très certainement à des traditions antérieures au monothéisme, il fallait abattre autant de poulets qu'il y avait de personnes dans la famille, chaque volatile étant destiné à porter les fautes et péchés de celui pour lequel il était sacrifié et dont il devait emporter tous les maux. Le hazzane (rabbin-sacrificateur), qui, plus que jamais, méritait son nom, allait de maison en maison pour faire ce travail. Chacun à notre tour, nous nous présentions devant Rabbi Mess'oud Assouline qui prenait alors une volaille (un coq pour un garçon, une poule pour une fille), et récitait une prière en faisant décrire plusieurs tours à l'animal au- dessus de notre tête, puis il tranchait le cou de l'animal et le lançait loin devant lui. Enfants, nous trouvions quelque peu barbare cette coutume fort ancienne qui remontait à l'époque du Temple, dit-on, et nous éprouvions une grande compassion pour ces pauvres poulets. Car, le plus souvent, la pauvre bête se débattait désespérément, et ainsi se vidait de son sang encore plus rapidement. Pourtant il est arrivé, miraculeusement, qu'elle trouvât encore assez de forces pour prendre la fuite, droit devant elle, ce qui faisait passer l'assistance de la tragédie à la franche hilarité.

Hanouka

C'est «la fête des lumières» qui rappelle un épisode miraculeux de l'histoire juive : la pénurie d'huile interdisant d'alimenter la chandelle qui éclairait le Temple, elle aurait dû logiquement s'éteindre ;  or, elle continua de brûler. D'où cette tradition d'utiliser des hanoukiyot (au singulier, hanoukiya), ces chandeliers à huit branches, distincts de la ménorah, et d'allumer une chandelle chaque soir, durant huit jours.

A Colomb-Béchar, la communauté avait conservé sa modestie : point de hanoukiyot en cuivre massif ou en argent. Les ferblantiers locaux nous en confectionnaient de très jolies, quoique simples et ingénieuses.

La fête des cabanes

La fête des cabanes ou des tentes, Soukot, en hébreu (au singulier «souka») était, sans conteste, la plus belle de toutes, puisqu'elle offrait à nos imaginations d'enfants la chan­ce, d'abord d'aller dans les jardins de la palmeraie chercher des palmes, ensuite de par­ticiper à la construction de la cabane de branchages ou de roseaux, dans la cour. Destinée à commémorer la traversée du désert et un épisode de l'histoire où le peuple juif en fuite devait porter les rouleaux et tables de la Loi dans des coffres (les Tabernacles), n'avait ni le temps, ni les moyens de construire des abris solides et durables, la fête des cabanes doit symboliser la précarité de la destinée humaine. Elle nous donnait l'occasion, durant huit jours, de rompre avec le quotidien…

Si les fêtes donnaient lieu à des préparations particulièrement originales, le quotidien avait aussi ses rites, commandés essentiellement par un sens de l'hospitalité très poussé : en milieu de matinée, la pause du thé à la menthe était sacrée pour la famille juive ; de plus, à toute heure du jour, chaque visite offrait un excellent prétexte pour préparer le thé, selon une tradition héritée des voisins arabo-berbères.

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