Le mariage traditionnel chez les Juifs Marocains-Issachar Ben-Ami-Le mariage juif et musulman marocains.

LE MARIAGE JUIF ET MUSULMAN MAROCAINS

Tout au long de notre travail nous nous sommes efforcés de faire remarquer la ressemblance de certains rites de mariage, souvent communs aux Musul­mans et aux Juifs du Maroc. Il est certain que, même dans le mariage musul­man, ces coutumes varient d’une région à l’autre, fait qu’on peut aussi observer chez les Juifs.

Il est difficile de fixer l’origine de ces coutumes ainsi que de pouvoir affirmer lequel des trois groupes ethniques (arabe, berbère et juif) en est le créateur. Le critère suivant pourrait nous rapprocher de la solution de ce problème ardu. Quand il s’agit d’un rite propagé chez les Musulmans et les Juifs marocains et que ce même rite est, d’une part, répandu chez les Musulmans d’autres pays, et de l’autre, rare chez les Juifs, nous pouvons être certains d’être en présence d’une influence musulmane. Inversement, le même critère est valable pour les Juif vis-à-vis des Musulmans marocains. Il n’est pas inutile d’ajouter qu’un même rite peut naître spontanément chez les différents groupes ethniques.

Dans une étude sur l’origine des coutumes du mariage dans le monde musulman, Heffening  relève les influences grecques de certaines coutumes.

Il est quand même difficile de désigner, comme il le fait, une influence hellé­nique sur les coutumes de mariage musulmanes, juives et chrétiennes. Il est insuffisant de relever une coutume grecque qu’on retrouve dans d’autres cultures pour affirmer qu’il y’a là une influence. C’est quand chaque coutume sera étudiée dans une monographie spéciale, comme pour les motifs des contes populaires, que nous pourrons dégager ces influences.

Nous avons signalé la grande similitude des préliminaires du mariage juif  et musulman. La soumission de la fille toujours assurée, est une tradition certifiée dans le Talmud et courante au Moyen Age. La tendance existait donc chez les Juifs. Elle n’a pu que se renforcer au contact des Musulmans. Par contre, en ce qui concerne le faire-part du jeune homme de son désir de se marier, le fait de retrouver chez les Juifs citadins les mêmes nuances que celles des Arabes, et chez les Juifs de l’Atlas, les mêmes tendances observées chez les Berbères, nous permet d’affirmer sans aucun doute la présence d’une influence arabe chez les Juifs citadins et berbères chez les Juifs de l’Atlas. Pour le choix du conjoint et le mariage en famille, nous retrouvons les mêmes penchants connus dans l’Israël ancien et en Arabie. La cousine est souvent préférée. Il est inutile dans ce cas de fixer une influence quelconque. Le mariage entre l’oncle et la nièce des Juifs de l’Atlas n’a pas pourtant son égal chez les Berbères.

L’intervention des intermédiaires est capitale dans les négociations entre­prises entre les deux familles intéressées dans le mariage musulman et juif. Pourtant les quelques témoignages que nous possédons sur le mariage juif au Moyen Age démontrent que les contacts pouvaient se faire directement entre les deux pères, souvent au cours d’un repas, à l’occasion d’une fête. Les nombreux récits de voyage à partir du dix-huitième siècle sont parti­culièrement affirmatifs en ce qui concerne l’utilisation des intermédiaires entre les familles juives. Cela n’exclut pas pourtant que la coutume existait chez les Juifs au Moyen Age. Elle a pu seulement s’affirmer et se propager au contact des Musulmans.

“Usually he [père dans l’ancien Israël] has unlimited power to marry his daughter to whom he will and to choose wives for his son”, E. O. James, Marriage customs through the âges, New York 1965, p. 69.

La khotba, commune à tous, est faite chez les Juifs par les parents en présence des intermédiaires, alors que chez les Arabes et chez les Berbères elle est faite par des amis ou des personnalités et ne nécessite pas toujours la présence des parents du jeune homme.

  1. Salmon, Mariage-Tanger, p. 275, signale la présence de deux femmes, appe­lées “Khattaba”, dont la profession consiste à servir d’intermédiaires entre des personnes qui n’ont ni famille ni relations d’aucune espèce et dont la réputation est compromise. Michaux-Bellaire, op. cit., p. 127: “Des parents du jeune homme vont faire la demande Khitab à la famille de la jeune fille. La démarche n’est jamais faite par le père”. 

 Ce rôle d’intermédiaire est sou­vent joué par les femmes, alors que chez les Juifs ce sont toujours des hommes. Le cadre de ces préliminaires est beaucoup plus net et accentué chez les Juifs que chez les Musulmans. En effet, nous distinguons chez les Israélites le contact des familles par l’entremise des intermédiaires, la khotba et les fiançailles (chez les Juifs citadins). L’emploi du terme “mlak” (fiançailles) chez les Musulmans est loin d’être général.

 Par contre, une cérémonie analogue est intitulée Zgarit ou Asgourt. La plupart du temps seule la récitation de la Fatiha suffit. En pratique, les coutumes communes sont nombreuses: l’usage des intermédiaires, l’autorité parentale, l’emploi des “youyous”, les mêmes raisons pour refuser poliment la demande d’un prétendant, l’envoi des cadeaux, etc .. La mère du jeune homme ou de la jeune fille chez les Musulmans est beaucoup plus active que la mère juive dans ces préliminaires.

Signalons en outre que les termes de parenté  sont en grande partie communs. Les mots ‘“rôs” (marié), ‘“rôsa” (mariée), “isli” (marié en berbère) et “taslit” (mariée en berbère) sont également employés par les Juifs, de même que “mmallek” (fiancé) et “mmollka” (fiancée).

L’idéal de beauté de la femme est commun aux Juifs et aux Arabes. On souhaite avoir une femme plutôt corpulente. Les femmes maigres entassent sur elles le plus d’habits possible afin de paraître plus grosses. Nous remar­quons ici la nette influence arabe sur le goût des Juifs.

La différenciation dans les cérémonies du mariage entre une fille vierge et une veuve ou divorcée, ainsi que pour le montant de la Ketouba et du sdaq, connue chez les Juifs dès l’époque talmudique, s’explique aisément par un sentiment naturel d’appréciation commun à beaucoup de peuples.

Il est remarquable de signaler la grande similitude entre la structure du mariage juif et musulman d’une part et la multitude de coutumes communes de l’autre. Les fêtes de mariage durent sept jours jusqu’à la cérémonie nuptiale et sept jours après, forme qu’on retrouve chez les Arabes et les Berbères, bien que non précise. Le cadre des sept jours après le mariage est connu depuis la période biblique. Samson fête son mariage pendant sept jours. Dans la période talmudique cette durée est de sept jours, si la femme est vierge, trois, si elle est veuve. Le mariage musulman connais­sait, au temps de Mahomet, le cadre des sept jours pour une vierge et de trois pour une déflorée. Le fait est donc ici précis. Les Juifs et les Musulmans pratiquaient cette coutume. Les sept jours avant la cérémonie nuptiale ne sont probablement qu’une contre-balance des sept jours après. Le même cas est valable pour le cadre des quatorze jours avant et quatorze jours après, qu’on retrouve chez les Juifs d’origine espagnole.

Un acte des plus importants dans le mariage juif biblique et talmudique, tout autant que celui de la période antéislamique, est la conduite de la mariée. “Au jour fixé pour le mariage, les parents de la fiancée et ses compagnes  venaient la chercher à la maison de son père pour la conduire à celle de son époux. Escortée de ces dernières, qui agitaient sur sa tête de longues branches de myrte, elle s’avançait au milieu d’elles, les cheveux flottants et le visage caché sous un voile tandis que ses parents la précédaient, distribuant aux enfants des épis grillés, en signe de la future prospérité des époux, et faisaient publiquement éclater leur joie, soit par des danses, soit par d’autres manifestations de gaîté bruyante qui se continuaient toute la journée.. .”. Ainsi, donc, le cadre du mariage (les sept jours de fête) et la procession solennelle de la mariée, communs aux Musulmans et aux Juifs dans la période ancienne, ont pu favoriser davantage une influence mutuelle.

Comparons maintenant quelques rites de mariage musulmans et juifs.

Nettoyage et moulage du blé

C’est la première des cérémonies de mariage chez quelques tribus arabes, chez la plupart des Berbères, ainsi que chez les Juifs de l’Atlas. Chez les trois groupes ethniques, très souvent, le nom de la cérémonie se rattache à celui du jour où elle est faite. Les Juifs du Haut-Atlas occidental nomment ce jour “le jour de la sortie du blé”, appellation qu’on retrouve chez les Arabes. Si chez les Juifs elle a toujours lieu dans la maison de la fiancée, elle se déroule chez les Arabo-berbères dans celle du fiancé. Cette cérémonie est chez les Juifs essentiellement féminine, alors que chez les Musulmans la présence d’hommes n’est pas interdite. Pendant la durée du nettoyage du blé, le l’ab a lieu. Les femmes chantent, dansent et poussent des “youyous”. Cette pratique, commune aux trois groupes, est d’origine berbère. On sait avec quel amour les Berbères s’adonnent aux chants et aux danses. Le l’ab, qui fait partie intégrante des cérémonies, a un caractère obligatoire. La cérémonie du nettoyage du blé est probablement aussi d’origine berbère, car elle est beaucoup plus courante chez eux que chez les Arabes et se retrouve de même chez les Juifs de l’Atlas.

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