Histoire des juifs de Safi-L'origine hébraïque du nom de la ville de Safi
Chapitre I
L'origine hébraïque du nom de la ville de Safi
Tous ceux qui ont parlé de Safi, chroniqueurs et historiens, reconnaissent que les racines de la ville remontent très loin dans les mystères de l'Histoire. Cette situation a suscité de grandes contradictions dans les avis relatifs à la fondation de cette ville et de là, dans la signification et l'origine de son nom : Safi.
Les versions se sont multipliées à ce sujet et les chercheurs ont emprunté différentes voies pour les justifier.
Les récits relatifs à l'appellation de Safi sont nombreux : l'un d'entre eux prétend que Safi est le nom d'une divinité phénicienne appelée « Sofia » ; un autre fait référence au passage des « Égarés » cité par Charif Al Idrissi dans son célèbre ouvrage : « Nuzhat al-Mushtacj fî Ikhirâq al-Âfâq » (« Plaisirs de l'amour à traverser les horizons », éd. complète par A. Bombaci, Naples et Rome, 1970-1984, 9 volumes.
Nous avons relevé entre autres, une anecdote curieuse pour ne pas dire étrange et inconnue de beaucoup, et nous l'avons gardée en attendant l'achèvement de cette étude.
Safi serait dérivé d'un mot hébreu. Armand Antona l'a exposé avec moult détails dans sa célèbre étude des Abda. D'autre part, le professeur Ahmed Bouchareb y a fait allusion dans sa thèse sur la colonisation portugaise aux Doukkala, dans son étendue historique séculaire.
Avant d'exposer les revers de cette appellation hébraïque, je dirai que cette version n'est pas la seule à prendre la voie linguistique pour expliquer le nom de Safi.
Il y en a une autre qui prétend que le nom de Safi est originaire de la langue amazigh. J'estime que cette interprétation est utile pour la méthodologie, parce que l'adopter et la rapprocher de la version amazigh par la comparaison et l'analyse, nous fait toucher du doigt les données historiques et sociales qui ont justifié leur fréquence chez les chroniqueurs.
La version amazigh donne deux explications linguistiques différentes au nom de Safi :
La première prétend que le nom « Safi » est dérivé du mot amazigh « assafou » signifiant lumière, torche, flamme ou fanal.
La seconde relie ce nom à « assif ». En observant ce mot, nous trouvons que « assif » veut dire rivière et que « Asfi » et « Assafi » désignent l’embouchure
Malgré la différence entre les deux mots amazigh et leur sens, on trouve dans l'histoire ancienne de la ville la justification de leur utilisation sous la plume des chercheurs et des historiens :
Relier le nom de la ville au mot « assafou » est dû à une réalité historique incontestée, du fait que celle-ci qui « existe depuis des temps immémoriaux que seul Dieu connaît » (comme le dit Ibn Khaldoun), était un port de commerce important.
De nombreux chercheurs pensent qu'il s'agissait de l'un des cinq ports construits par Hanon le Carthaginois, lors de son voyage le long des côtes atlantiques, au cours de son fameux périple dans le premier quart du cinquième siècle avant J.-C.
Les recherches archéologiques vont dans ce sens pour le démontrer, en raison de la découverte de tessons de poteries puniques (carthaginoises) au Cap Guir et d'un morceau de statue de pierre au Djorf Elyahoudi.
Safi a gardé son importance comme port de commerce durant les siècles suivants. Elle « était le dernier port qui accueillait les bateaux venant de la vier d'Andalousie vers l'est et plus loin, il n'y avait plus de destination possible pour eux ».
Après ce port actif, il n'y avait aucune ville éminente et fortifiée, et plus bas, on trouvait des populations en contact avec l'extrême Souss et jusqu'aux confins de l'Abyssinie (Éthiopie) au-delà du Sahara, ce qui a augmenté cette envergure.
Nul doute que ce port, par sa stature commerciale et par sa situation extrême, a imposé à ses commerçants et sa population de prendre des précautions de vigilance et un mode de gouvernance : entre autres, l'installation de phares et de feux (assafou, en langue berbère des Masmouda).