Il était une fois le Maroc-David Bensoussan-2010 -C'est sous la Troisieme Republique que l'expansion coloniale prit son essor

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C'est sous la Troisieme Republique que l'expansion coloniale prit son essor

Sous la Troisieme Republique, Gambetta crea en 1881 un sous- secretariat aux colonies. Pour lui, l'expansion outre-mer signifiait le rayonnement dans la vie du dehors, car si cette vie s'arretait, c'en serait fait de la France. Pour  le depute Jules Ferry, les races superieures avaient le droit et le devoir de civiliser les races inferieures. Pour lui, le monde etait ouvert a la concurrence coloniale : « Un mouvement irresistible emporte les grandes nations europeennes a la conquete de terres nouvelles. Aujourd'hui, ce sont des continents que l'on annexe. La politique coloniale est une manifestation internationale des lois eternelles de la concurrence.״ A 1'argument economique s'ajoutaient des considerations d'ordre politique : « Rayonner sans agir, sans se meler aux affaires du monde, (…) c'est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c'est descendre du premier rang au troisieme et au quatrieme… » Georges Clemenceau se revolta contre cette vision, soulignant l'hypocrisie visant a justifier la violence au nom de la civilisation et a bafouer le Droit: « Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquete que vous preconisez, c'est l'abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s'approprier 1'homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du pretendu civilisateur. Ce n'est pas le droit, c'en est la negation. Parler a ce propos de civilisation, c'est joindre a la violence l'hypocrisie.״

Le Groupe colonial de la Chambre fut cree en 1892 et, un an plus tard, l'Union coloniale frangaise etat formee, regroupant les maisons frangaises ayant des interets aux colonies. L'Ecole coloniale fut fondee en 1896 pom y former des administrateurs et des magistrats de la France d'outre-mer. On y vantait la grandeur de la France, sa mission humanitaire et les debouches economiques. Seul Clemenceau s'opposa au colonialisme, car dit-il, « Gambetta avait fait… de la colonie pour detourner 1'elite de notre armee sur le Rhin.» Mais il resta minoritaire et l'on vit de plus en plus la possession d'un empire colonial comme un element supplemental de puissance plutot qu'un facteur d'affaiblissement du fait qu'il aurait conduit a negliger l'adversaire principal qu'etait l'Allemagne. Vers la fin du siecle, le Parti colonial previt qu'il fallait se preparer sans delai a profiter de la desagregation du Maroc.

Rene Millet, qui fut Resident general en Tunisie ecrivit en 1913 : « Le Maroc, comme la ville de Tanger, croupit dans l'ordure. Casablanca est une ville infecte et les routes du pays sont insecurisees. De son temps, on se targue de ce que le mouvement civilisateur de la France reforme autour de la Mediterranee, l'anneau brise de l'Empire romain et qu'il est juste que la France ait droit a l'honneur et au profit. S'ils ne sont pas encadres, guides et instruits par les colons, les indigenes retomberont bientot dans l'ancienne barbarie, !'oppression seculaire et systematique en plus d'etre ranges par les plus affreuses maladies, le legs des tares paternelles, les ophtalmies, les petites veroles et le reste, cette absence complete de la plus elementaire des hygienes. Ce pays? Rapine en haut et brigandage en bas ont opere pendant quatorze siecles une destruction methodique de ce qui fut a 1'epoque romaine le plus admirable jardin du monde. Quatorze cents ans de sauvagerie sur un sol jadis ensemence par l'Europe et presque autant d'annees d'un gouvernement qui prenait tout et ne rendait jamais rien, vingt ou trente invasions, des guerres continuelles entre voisins, entre freres et puis, quand la terre fut a peu pres epuisee, le brigandage porte sur la mer et jusque sur les cotes d'Europe.»

Pour l'arabisant Auguste Moulieras, les Arabes etaient inassimilables, mais il desira les faire rentrer dans la sphere d'influence de la France. Il proposa de laisser la population a ses lois, ses coutumes et ses juges, mais d'en faire une armee de 300 000 epees qui feront de la Patrie (La France) la maitresse du monde ! « Et ce, bien que le Marocain oppose a 1'activite febrile de l'Occident et a son ideal moral et social 1'entetement formidable et calcule de son aveuglement religieux, sa volonte bien arretee de ne subir aucune nouvelle evolution, aucune lumiere venue du dehors, continuant son sommeil commence il y a bientot treize cents ans, sommeil qui fut interrompu seulement par la demi-nuit, ou plutot par le clair de lime de la demi-civilisation arabe.» Nous retrouvons le regard denigrant envers les indigenes dans 1'ouvrage de Leon Souguenet Le dernier chameau- Voyage au Sahara edite en 1927: « L'Arabe, comme le Turc, a sterilise la terre partout ou il a passe.»

Dans son livre critique Le Maroc sans masque publie en 1933, Gustave Babin mit a jour un grand nombre d'injustices au sujet desquelles le Protectorat fermait les yeux, et notamment les tres serieux abus du Pacha de Marrakech Thami el Glaoui qui collabora ouvertement avec l'armee franchise.

En 1935, le Marquis de Segonzac decrivit en ces termes le Maroc precolonial: « Le Maghzen, ce sont les vizirs ou ministres, les pachas, gouverneurs des villes, les cai'ds, gouverneurs des tribus, et tout le personnel qui les assiste. Tous ont achete leurs charges, et n'ont d'autre souci que d'en recuperer le prix, d'amasser une fortune et de l'enfuir dans quelque discrete cachette. De temps en temps le peuple exaspere se revolte et massacre ses maitres, D'autres, pis encore, leur succedent… La venalite regne partout. Tous les caids, pachas, cadis qui ont mission de rendre la justice, sont prevaricateurs et concussionnaires. Leur cruaute est feroce; les murs des villes sont pavoises de tetes coupees. On rencontre sur les marches de lamentables theories de mutiles, d'aveugles, de prisonniers charges de lourdes chaines. Toutes ces horreurs constituent, le plus souvent, le procede d'extorsion a l'aide duquel le puissant «tond» le faible.» Pour repondre aux belles ames de la Metropole qui preconisaient de faire elire des representants maghrebins au Parlement (certains allaient jusqu'a dire : « Comment aller vers ces etres sauvages et leur donner notre ame?»), tout retard au traite de Protectorat avec le Maroc ne ferait que donner aux fonctionnaires du Makhzen l'entiere licence de continuer leur brigandage seculaire. Le corps d'occupation protegerait les colons mais aussi les indigenes contre eux-memes. Pour lui, les Nord-Africains n'etaient pas murs pour la democratic, car ils ne respectaient que la main forte. « Ainsi, au moindre signe de faiblesse donne par le gouvemement cherifien, le scenario suivant se constitue : les Berberes tombent sur Fes la capitale et, quand ils ne parviennent pas a s'en emparer, ils l'affament en coupant les routes et en faisant le vide autour d'elle. De plus, les pretendants poussent partout, aussi drus que l'herbe au printemps. De toute fagon, en Perse, en Espagne ou ailleurs, l'lslam n'a donne jadis ses beaux fruits qu'en acceptant la greffe d'une race et d'une civilisation differente.»

Une etude particulierement fouillee du Maroc a 1'ere precoloniale pourra etre trouvee dans les ouvrages Les origines sociales et culturelles du nationalisme marocain, 1830-1912 d'Abdallah Laroui et The Origins of the Morocco Question 1880-1900 de Frederick Parsons.

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